Médias US désormais sous domination des géants de l’Internet

« Le secteur de l’information (américaine) n’a pas fait l’an dernier de progrès vers un nouveau modèle d’affaires et a encore perdu du terrain vis-à-vis du secteur technologique, mais l’information est devenue une part encore plus importante de la vie des gens, ce qui peut s’avérer salvateur pour le journalisme », résume ce matin la 9ème édition annuelle de l’Etat des médias américains du Pew Research Center’s Project for Excellence in Journalism pour 2011.

Deux tendances fortes ont dominé l’an dernier dans les médias américains :

  1. l’explosion des plateformes mobiles et des réseaux sociaux qui les ont forcé à s’intégrer dans de nouvelles couches technologiques.
  2. le renforcement du pouvoir sur l’information d’une poignée de géants de la technologie ayant vocation à vouloir « tout faire » dans la vie numérique des Américains : Google, Amazon, Facebook, Apple et quelques autres dont les systèmes d’exploitation, email, réseaux sociaux, plateformes recueillent les données personnelles.

1 - Explosion des usages en mobilité qui pousse à la consommation d’information:

« 2011 a marqué l’arrivée d’une nouvelle ère numérique : celle de la mobilité où les gens sont connectés où qu’ils soient ». Près de la moitié des Américains possèdent ainsi désormais un smartphone, un sur cinq une tablette. Les voitures sont progressivement reliées à l’Internet. « Et cette mobilité accrue renforce l’immersion dans les réseaux sociaux ».

« Les outils de la mobilité poussent à la consommation de plus d’informations, renforce l’attrait des marques des médias traditionnels et encourage des formats longs de journalisme ». Les Américains profitent de l’ubiquité désormais possible de l’info.

2 – Les médias sous contrôle des géants de l’Internet:

« Mais un défi plus fondamental, identifié dès l’an dernier, s’est encore intensifié : la manière dont les intermédiaires technologiques contrôlent désormais l’avenir de l’information ».

« En 2011 déjà, cinq acteurs technologiques ont capté 68% de la pub en ligne, sans compter Amazon et Apple qui tirent leurs revenus de l’e-commerce et des téléchargements. En 2015 Facebook, devrait prendre 20% de toute la pub bannière ».

« La question est maintenant de savoir si ces géants technologiques vont juger de leur intérêt de racheter des grandes marques d’info pour les intégrer dans leurs offres aux consommateurs. Verrons-nous arriver le moment où, pour assurer la survie d’un média beaucoup plus petit, Facebook envisagera de racheter le Washington Post ? »

Des signes apparaissent d’un rapprochement financier entre les acteurs de l’info et les géants de l’Internet :

-       dans son projet de produire des contenus originaux de télévision, un virage clairement pris l’an dernier, YouTube, va financer des émissions d’infos de Reuters

-       Yahoo a signé un contrat avec ABC News qui sera pratiquement son seul fournisseur d’images d’infos

-       AOL a racheté l’Huffington Post

-       Facebook, avec son « social reader » a noué des partenariats avec le Washington Post, le Wall Street Journal, le Guardian et d’autres.

Certes, ajoute le rapport, les médias traditionnels américains ont pris quelques initiatives numériques (murs payants, réseaux de pub en ligne ou applications web hors du système d’Apple), mais dans l’ensemble, ces efforts sont toujours limités et peu ont réalisé de vrais progrès.

Le recours  à la publicité comportementale et ciblée est rarement utilisé et les médias préfèrent utiliser Twitter pour pousser leurs contenus plutôt que de chercher un engagement avec leur audience, solliciter de l’information et partager des infos qu’ils n’ont pas.

"Mais les problèmes des journaux sont devenus encore plus sévères en 2011. Même si leur audience en ligne grandit, leur diffusion imprimée continue de baisser. Et leurs revenus publicitaires encore plus. L’an dernier les pertes de la pub imprimée a dépassé les gains de la pub en ligne dans un ratio de 1 à 10, pire qu’en 2010. En combinant diffusion et pub, le secteur des journaux américains a diminué de 43% depuis 2000 ». Un pour cent des journaux disparaît chaque année.

  • « Et l’impact civique de ce déclin apparaît encore plus clairement. Comme les journaux (imprimés ou en ligne) sont les sources d’informations privilégiées sur les affaires publiques, la question se pose de savoir si la poursuite du tarissement ou de la disparition de ces sources menace ou pas la divulgation de ce type d’information ».

Cinq autres grandes tendances sont à noter :

  1. L'accès en mobilité pourrait déboucher sur une relation plus étroite avec l'information que via les ordinateurs.
  2. Les médias sociaux sont importants mais ne sont pas encore les moteurs principaux de l'info.
  3. L'audience pour l'information télévisuelle grandit, pour la première fois en 10 ans.
  4. Davantage d'unités éditoriales vont migrer vers des formes d'abonnements numériques en 2012 pour assurer leur survie.
  5. Les problèmes liés à la protection des données et de la vie privée pourraient avoir un impact sur les médias si ces dernier tardent à collecter les informations sur leur audience.