Conseil de Google News: repensez votre écriture et apprenez à coder !

Pour assurer « une renaissance des médias et du journalisme » face à une telle révolution dans la manière de distribuer l’information, vous devriez repenser vos formes narratives et apprendre à programmer !

C’est le message direct du nouveau patron de Google News, Richard Gingras, délivré hier à Madrid à une soixantaine de dirigeants de médias traditionnels européens, américains, asiatiques et africains, réunis par le Paley Center for Media.

Repensez vos formes narratives !

Aujourd’hui, au lieu de tout miser sur votre front page ou home page, vous feriez mieux de porter toute votre attention sur l’architecture de vos articles et innover dans la manière de raconter un événement, a-t-il précisé.

Pour Gingras, le trafic sur les sites d’informations se répartit aujourd’hui à 75% sur les pages et les articles, via le « search » et les réseaux sociaux et seulement à 25% sur la Une du site. « Et pourtant les gens continuent à refaire leur Une ! C’est la page de l’article qu’il faut changer ! ».

« Vous devez repenser la manière de produire et de packager l’information, repenser l’architecture d’un article, sa présentation, sa forme narrative et faire du journalisme computationnel. Nous ne sommes pas si loin de formes de journalisme d’investigation, alimentées en permanence à partir d’analyses de flux et de tableaux ».

Apprenez le code aux journalistes !

Car l’autre recommandation de l’ancien patron de Salon.com est d’exhorter les écoles de journalisme à former leurs étudiants à la programmation, c’est-à-dire leur donner les outils et leur apprendre à coder et à traiter des données. « Nous avons besoin d’étudiants formés en sciences de l’informatique ».

Richard Gingras avait développé ces thèmes dans un billet très remarqué du Nieman Journalism Lab : « Les 8 questions qui vont aider à définir l’avenir du journalisme ».

« C’est vrai, a renchéri hier le responsable du Programme Journalisme de Facebook, Vadim Lavrusik, votre manière de collecter et de présenter l’information est trop traditionnelle. Vous devriez plus travailler la manière dont vous présentez l’information afin d’attirer davantage l’attention des gens. Car l’attention va être dans les 10 ans à venir l’une des ressources les plus rares (….) Nous n’avons pas besoin de plus d’articles, mais d’articles plus efficaces».

Le directeur d’El Pais a d’ailleurs reconnu que le seul moyen de transformer la rédaction du 1er quotidien espagnol avait été d’avoir installé, en son cœur, et avec succès, des développeurs et des ingénieurs.

Autres points  à retenir de cette conférence, organisée par le groupe Prisa (El Pais) :

L’humilité nouvelle sur le rôle des médias traditionnels :

« Nous devons admettre que la conversation est aujourd’hui plus importante que la pontification » (Juan Luis Cebrian, PDG Prisa)

« Il faudrait d’ailleurs arrêter de parler d’audience ! Il s’agit d’une vaste conversation et nous n’en sommes qu’une partie». (Javier Moreno, directeur d’El Pais)

« Nous avons appris à ne plus nous prendre pour la voix de Dieu (…) Nous ne dominons plus la conversation » (John Paton, CEO Digital First, 80 journaux US)

« Le principal problème des journaux est leur manque de pertinence et de différentiation. S’ils continuent à ne pas résoudre cela, ils sont foutus ! » (Andrew Rhasbass, PDG The Economist)

Le nouveau partage des rôles dans le journalisme :

« Nous traitons sur un pied d’égalité les apports d’informations venus des journalistes et du public » (John Paton, CEO Digital First)

La veille, le groupe de journaux locaux britannique Johnston Press avait chahuté lui aussi le secteur à Londres, en affirmant prévoir dans son modèle d'affaires à 2020 des contenus produits en quantité égale par les journalistes et le public.

« Il ne faut donc plus donner des informations, mais du contexte », a estimé jeudi à Madrid, Wadah Khanfar, le fondateur d’Al Jazeera.

"La plus grande menace, c'est le journalisme de mauvaise qualité" (John Paton, PDG Digital First Media)

« Trop souvent, les médias disent ce qui se passe, alors qu’ils devraient contextualiser et dire pourquoi cela se passe. (…) Les gens veulent des filtres et de la contextualisation. Et ils utilisent leurs amis pour filtrer l’information. (…) Mais nous avons aussi besoin de nouveaux outils pour trier et contextualiser les informations» (Vadim Lavrusik, responsable du Programme Journalisme de Facebook)

« Les journalistes étaient jusqu’ici ceux qui racontaient aux gens ce qui leur arrivait. Aujourd’hui, le public n’a plus besoin d’intermédiaires pour cela » (Juan Luis Cebrian, CEO Prisa)

« Vous devez reconstruire la confiance des gens (…) Ce n’est pas parce que vous dites que c’est vrai, que c’est vrai. Il faut le prouver » (Richard Gingras, patron de Google News)

« Rendez vos infos sociales. Regardez comment Yahoo News distribue l’information en intégrant le graphe social de Facebook (…) C’est un bon moyen de toucher les jeunes lecteurs (…). Le Guardian a gagné ainsi 8 millions de lecteurs » (Vadim Lavrusik, responsable du Programme Journalisme de Facebook)

« Le public nous supplie pour moins d’infos, pas plus ! » (Neil McIntosh, éditeur adjoint du Wall Street Journal Europe)

Et l’éternelle impasse du modèle d’affaires :

« Qui va payer pour ce nouveau journalisme ? L’Etat, les ONG, les fondations ? Nous ne voyons pas comment financer ce nouvel environnement. Avec l’imprimé, nous avions des marges de 30% qui nous permettaient d’investir. (…) Mais les petites annonces ont disparu et la publicité est aujourd’hui moitié moindre qu’il y a deux ou trois ans.  (…) Dans le numérique, les marges sont au mieux de 2 à 3%. Il n’y pas assez d’argent pour financer du journalisme de qualité ! » (Juan Luis Cebrian, CEO Prisa)

« C’est bien beau le social, mais cela n’apporte pas d’argent aux éditeurs » (Rob Grimshaw, patron du FT.com)

« Plusieurs de nos pages Facebook avec des dizaines de milliers de fans ont été fermées sans avis, ni explication. Il faut faire très attention avant d’investir dans des plateformes qui ne nous appartiennent pas ». (Eugen Russ, DG groupe de presse autrichien Medienhaus)

« Vous devriez repensez le modèle +tout pour tout le monde+ » (Richard Gingras, patron de Google News)

« Je me méfie du journalisme d’une multitudes de niches. Je crois à l’importance d’ensemble d’une rédaction pour la démocratie (…) mais je reconnais que la seule question est de savoir comment financer le journalisme. » (Helen Boaden, directrice de BBC News)

« J’ai bien peur que la publicité numérique se banalise à son tour, et surtout ne diminue dans la politique marketing des marques (…) En tous cas, nous allons bientôt faire payer la même chose pour l’imprimé et pour le numérique (...). Et à terme, et même si aujourd’hui nous avons une diffusion papier record, et même si ce n'est politiquement pas correct, tout notre contenu deviendra numérique. Comme tout le monde ! » (Andrew Rhasbass, PDG The Economist)