Ballons stratosphériques de Google : info ou intox ?

Ballons Théséo à Kiruna (Suède) en 1999 ; (CNES/P.Le Doaré)

Ballons Théséo à Kiruna (Suède) en 1999 ; (CNES/P.Le Doaré)

Par Bernard Fontaine, France Télévisions Editions Numériques

Le projet de Google de tester la transmission Internet depuis la stratosphère a sidéré une nouvelle fois la planète. Le dessein existe et noble: il se nomme LOON, est sorti tout droit des laboratoires de Google et vise à connecter une partie du monde à internet. Info ou intox? 

L’annonce a été reprise généreusement par bon nombre de sites, Web TV ou autres relais d’informations spécialisés, mais j’ai eu bien du mal à trouver une analyse un peu critique du projet.

Ce projet LOON, qui littéralement traduit signifie en gros « dingo » est-il sérieux, où porte t-il la signature des communicants de Mountain View, trouvant un peu tiède les reprises presse de la dernière GOOGLE I/O où peu d’annonces fracassantes ont été faites? C’est vrai qu’en 2012, les Google Glass avaient fait rêver. Ce projet LOON vise-t-il le même but ?

Rappelons le projet : permettre de couvrir les 2/3 des zones de la planète dépourvues d’internet en utilisant un concept présenté par Google comme très innovant de gros ballons de 15m envoyés dans la stratosphère pour être utilisés en relais telecom afin de connecter à Internet des zones de la planète hélas peu concernées par le sujet, 2/3 du globe selon l’américain avec une qualité de service voisine de la 3G.

Evidement repris comme telle, la dépêche à de quoi séduire ! On lance des ballons en très haute altitude, bien loin du trafic aérien et des vicissitudes de la météo « terrestre » et on ouvre internet au public, arrosé depuis ces hautes altitudes (bien connues du public grâce à l’exploit récent de Felix Baumgartner). Une stratosphère qui devient en quelque sorte le nouveau «Far West des temps modernes », zone que Google souhaite conquérir en y créant un puissant réseau télécom.

Beaumgartner

Alors info où intox ?

Pour le moment difficile de répondre, probablement entre les deux.

Les chercheurs de Google disent vrai : on peut effectivement utiliser des ballons comme relais télécom. J’ai moi-même travaillé sur ces sujets en développant des solutions électroniques embarquées dans des ballons gonflé à l’hélium embarquant des charges utiles émettrices et réceptrices hyperfréquence (sorte de WIFI), il y a une trentaine d’années. J’aurai donc du mal à nier cette hypothèse technique !

Depuis, pour ne parler que de notre continent européen, les scientifiques de l’ESA ou du CNES maîtrisent parfaitement ces technologies. 

Mais tous connaissent la difficulté, non pas d’envoyer un ballon équipé dans la stratosphère, mais d’avoir une fiabilité suffisante pour en espérer des services pérennes. Les variations de température et autres phénomènes physiques sont extrêmes à ces altitudes et rendent la tâche bien délicate. Hélas le seul problème de la stabilisation en altitude en jouant sur les vents « stratosphériques » comme évoqué par la communication de Google, n’est pas le seul problème à résoudre. Et beaucoup d’autres problèmes, autant techniques que réglementaires restent à résoudre pour l’américain pour passer de cette expérimentation en Nouvelle Zélande à une réalité commerciale.

Ce type de projet n’est donc pas nouveau, ni aux USA ou ici en Europe. Cette technologie de transmission ne s’est pour l’instant pas vulgarisée, preuve peut-être que la tâche reste vraiment complexe.

Et Google n’est pas le premier industriel à vouloir s’y frotter, loin de là.

En plus des deux très sérieuses agences européennes pré-citées expertes de ces sujets, des sociétés privées ont elles aussi depuis longtemps décidé de se lancer sur ces marchés, pour en citer 2 une aux USA l’autre en Europe.

Aux USA, celle de l’américain Jerry Knoblach CEO de Space Data Corporation, qui il y a au moins 10 ans a déjà voulu couvrir les zones rurales du continent nord américain par ce procédé. Il commercialise depuis ces solutions mais dans un monde très B2B touchant aussi à la sphère militaire.

Plus près de nous en Suisse, à l’industrie peu réputée comme fantaisiste, StratXX aux côtés de prestigieux partenaires universitaires, travaille sur ces sujets.

Google, pour une fois, n’innove donc pas, si ce n’est de relancer le sujet et de chercher, par sa puissance médiatique et financière, à s’associer comme il le réclame à des partenaires sérieux pour réussir ce projet.

On voit qu’il en existe pour l’accompagner dans ce projet « dingo » --pardon LOON-- , dont l’objectif premier -- couvrir les zones désertées de notre monde numérique – ne peut que nous réjouir.

 

Souhaitons que ce projet ambitieux ne soit pas enterré parmi les dizaines de projets mort-nés de Google ! Mais c’est là tout le talent d’innovateur du géant américain : provoquer, tester, et parfois réussir à révolutionner des pans entiers de nos industries.

A suivre donc de près les résultats en espérant qu’ils seront publiés régulièrement.

Voici donc LOON :