Si votre média n'investit pas plus dans le numérique, fuyez !

 

"Si votre média ne réduit pas les coûts des activités du passé et n'augmente pas ses investissements dans le numérique, fuyez ! C'est qu'il est en train de mourir !". 

Comme toujours, John Paton, le patron de Digital First Media, 2ème groupe de presse américain, est direct ! Vendredi à Paris, lors du GEN News Summit, il a insisté : "trop de journalistes nous enferment dans le passé (...) c'est une attraction fatale qui nous met en péril, le passé ne vous aidera pas ! L'avenir ne lui ressemble en rien. "

"Ces journalistes qui résistent au changement sont aidés et soutenus par des PDG et des dirigeants lâches qui refusent de prendre les risques nécessaires pour construire l'avenir de cette industrie. 

Pourquoi?

Parce que le passé est sans danger.
Le passé est connu.

Et même s'il va sûrement tuer notre avenir, pour de nombreux cadres, c'est encore un excellent moyen de gagner sa vie - aussi longtemps que cela dure." 

"Si vous comptez sur le passé pour vos futures projections, la seule chose que vous allez vraiment réussir à déterminer c'est la date et l'heure de votre disparition".

Layout 1

Il demande donc à ses responsables éditoriaux de choisir :

  • "embaucher des développeurs ou des secrétaires de rédaction ? Des journalistes de données ou des reporters ?"
  • "de préserver le passé ou de construire l'avenir?"  

"La technologie n'est plus pour les geeks, elle est partie intégrale de notre vie quotidienne".

Et il exhorte les journalistes à faire leur propre mouvement de protestation à la #occupy ! Et il est prêt à partager avec eux les résultats financiers de ces efforts. 

photo wan-ifra

photo wan-ifra

A la tête d'un groupe de 10.000 employés pour 1,4 milliard $ de revenus, Paton a fait les calculs devant nous : pour lui, aujourd'hui, un dollar de bénéfice équivaudra dans 5 ans, si on ne change rien, à 0,56 $ de pertes.

Il n'y a donc pas une minute à perdre. S'il investit au rythme actuel dans le numérique, il perdra encore de l'argent dans 3 ans. Sa priorité est donc de couper encore dans les coûts liés aux activités traditionnelles de ses journaux pour accroître encore et encore la part du digital où il compte investir 100 millions $ de plus par an d'ici 2015. Dans les produits, les contenus, les ventes et les infrastructures.

A cette date, il espère que le digital (web, video, mobile, SEO) qui représente aujourd'hui 17% de ses revenus publicitaires atteindra 53%. 

Côté éditorial, Paton investit donc dans des équipes qui traitent les données, multiplie les partenariats avec des sociétés technologiques comme OwnLocal (pub locale), Tout (vidéo mobile sociale), Newscred (syndication de contenus). Il va distribuer 1.250 smart phones supplémentaires à ses journalistes à la fin du mois pour leur permettre d'utiliser Tout. Cet argent doit venir de la partie traditionnelle des journaux qu'il faut réduire, précise-t-il.

Paton balaie d'un revers de main les nostalgiques de l'imprimé:

"Permettez-moi d'utiliser ce moment pour mettre à bas une hypothèse idiote j'entends chaque fois de ceux qui ne veulent pas prendre de risque lorsque j'explique ma stratégie "digital first" : c'est l'hypothèse qu'en se concentrant sur ​​le numérique nous accélérons la mort de la publicité imprimée. Plus de la moitié de tous les journaux de la publicité imprimée a disparu depuis 2006 aux États-Unis. La chute de l'imprimé n'a donc pas besoin de mon aide! "

Paton siège au board du Guardian et d'El Pais. Il accueille aussi au board de son groupe Digital First Media, les figures du nouveau journalisme comme Jeff Jarvis, Emily Bell, Jay Rosen et le gourou du numérique Clay Shirky.