Netflix annonce une « expansion européenne importante » cette année

Par Barbara Chazelle, France Télévisions, Directions Stratégie et Prospective

Netflix a publié hier ses résultats trimestriels, l’occasion pour l’entreprise de faire un bilan désormais ritualisé avec ses actionnaires et de présenter ses projets et ambitions pour l’avenir. Grâce à des résultats meilleurs qu’espérés, l’action s’est envolée aujourd'hui de près de 15%, avec un titre qui flirte avec les 400 dollars. Il faut dire que les nouveaux abonnés continuent d'affluer: en moyenne au dernier trimestre, chaque jour, y compris les samedi, dimanche et fêtes, Netflix a engrangé quelque 45.000 nouveaux abonnés payants. Le nouveau géant des écrans a gagné 11 millions de clients en un an !   

 4,37 milliards de dollars de chiffre d’affaires en 2013 (+ 22%)

Et un résultat opérationnel de 112 millions de dollars, soit 6,5 fois plus qu’en 2012 ! Aux Etats-Unis, le service de streaming aura apporté à Netflix 2,7 milliards de dollars de revenus (en hausse de 26%) avec une marge de 622 millions de dollars.

Près de 7 millions de clients continuent de recevoir des DVD à domicile, soit pour Netflix plus de $900 millions de dollars de revenus 2013 avec une marge de 438 millions de dollars. Netflix prévoit que le portage de DVD ne rapportera que 98 millions de dollars de marge au premier semestre 2014. Le journal Forbes estime quant à lui que l’activité aura complètement disparue d’ici 4 ans. Et de conclure : « but who cares ? »

chiffres

45.000 nouveaux abonnés par jour au dernier trimestre 2013

 Car fin 2013, Netflix comptait 44 millions d'abonnés (vs. 33 millions en 2012) dont 33,4 millions aux Etats-Unis et près de 11 millions à l’international. La plateforme ambitionne d’atteindre 48 millions d’ici le mois de mars.

C’est en Europe que l’entreprise compte trouver ses nouveaux abonnés. Pour mémoire, le service est déjà disponible en Grande Bretagne, en Irlande, en Suède, au Danemark, en Finlande, en Norvège et aux Pays-Bas.

"Nous prévoyons cette année de nous lancer dans une expansion européenne importante", écrit le PDG Reed Hastings dans sa lettre aux actionnaires.

Netflix est justement en train de constituer une équipe basée à Amsterdam et cherche à y intégrer des personnes parlant le hollandais et les langues nordiques mais aussi l’allemand et le français, si l’on en croit de récentes offres d’emploi. Cela se passe de commentaire quant aux prochains pays visés pour accueillir le service.

L’international reste néanmoins un défi pour Netflix. Malgré plus de 712 millions de chiffre d’affaires, les marchés étrangers font perdre à l’entreprise quelques 274 millions de dollars. C'est toujours 30% de perte de moins qu’en 2012.

378 millions de dollars investis dans la techno

Selon Netflix, 75% des choix effectués par ses utilisateurs viennent de son moteur de recommandation. C’est sans contexte une des clés majeures de la réussite de la plateforme et un élément de différenciation important avec d’autres services aux offres équivalentes. Les 503 millions de dollars de dépenses marketing aident aussi certainement dans l’équation du succès.

Xavier Amatriain, le directeur technique de l’entreprise, a déclaré dans une interview pour Wired : « Pratiquement tout ce que nous faisons, c’est de la recommandation. J’étais chez eBay la semaine dernière et ils m’ont dit que 90% des achats provenait d’une recherche. Nous sommes à l’opposé. La recommandation est énorme et les gens se tournent vers notre barre de recherche lorsque nous ne sommes pas capables de leur indiquer quoi regarder. »

De nouveaux contenus

Dans sa lettre ouverte aux actionnaires, Netflix s’est félicité d’avoir reçu plus de 80 nominations et prix pour ses séries originales dont House of Cards, Orange is the New Black, Arrested Development et Hemlock Grove.

En 2014, la plateforme lancera les saisons inédites de séries cultes, la saison finale de The Killing mais aussi le lancement de leur première série d’animation pour adulte BoJack Horseman, attendue en milieu d'année, avec les voix de Will Arnett et Aaron Paul. La plateforme prévoit aussi des diffusions en avant première d’épisodes inédits de séries telles que Better Call Saul ou Breaking Bad, qui sera désormais disponible dans tous les territoires où est implanté Netflix.

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Netflix, grande vedette du dernier CES de Las Vegas, a aussi décidé d'investir le champs de la 4K en 2014 : la saison 2 de House of Cards ainsi que les 5 saisons de Breaking Bad seront disponibles en Ultra HD.

Le juste prix 

Netflix a eu l’occasion ces derniers mois de tester différentes offres de prix. Les abonnés peuvent souscrire à une offre SD ($6,99) ou HD ($7,99) mais aussi à des forfaits familiaux permettant d’avoir accès à plusieurs flux simultanés ($7,99 pour 2 streams et $11,99 pour 4).

En 2014, l’entreprise « espère être capable d’offrir à ses nouveaux membres une sélection de trois options simples pour satisfaire le goût de chacun », sans hausse de prix pour les clients actuels. Pour Hastings, « il n’y a pas d’urgence à mettre en œuvre une politique pour les nouveaux membres mais [il est] toujours à la recherche du meilleur moyen de procéder. » Ces options ne devraient pas non plus être basées sur l’étendue de l'offre de contenus : chaque utilisateur aura accès au même catalogue de vidéos.

Sur le sujet de la publicité, Reed Hastings est catégorique : « nous ne prévoyons pas de basculer vers un modèle financé par la publicité » a-t-il déclaré.

Déjà quasiment autant d’abonnés à la SVoD qu’à la TV payante premium aux Etats-Unis

Selon une nouvelle étude publiée cette semaine et qui a fait grand bruit aux USA, du groupe NPD, entreprise internationale d'études de marché, les services de streaming par abonnement seraient en train de tuer les chaines du câble américaines : les chaînes du câbles payantes auraient perdu 6% de leur abonnés au cours des 18 derniers mois, alors que les services de streaming par abonnement en auraient gagné 4%. 

Selon Russ Crupnick, analyste chez NPD « alors que la SVOD s’attache toujours plus à devenir une chaîne à part entière, les téléspectateurs pourraient considérer que c’est une alternative adéquate à d’autre chaînes premium, ou peut-être changent-ils d’offre pour économiser leur temps et l’argent dépensé. »

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Certaines chaînes du câble, qui visiblement réussissent moins bien sur Internet, ont commencé à contester cette étude, chiffres à l’appui. 
D’après un porte parole de HBO, l’étude de NPD « est simplement erronée. Les offres de HBO et de Cinemax ont toutes deux montré une croissance significative de leur nombre d’abonnés nationaux durant les deux dernières années. »

Les estimations d’un autre cabinet d’étude SNL Kagan, qui s’appuient sur des sources industrielles (et non sur un panel de consommateurs à l’instar de l’étude de NPD), ont été ressorties : le nombre d’abonnés aux chaînes de divertissement premium auraient augmenté entre septembre 2012 et septembre 2013. HBO atteindrait 29,2 millions d’abonnés (vs. 28,6 millions), Showtime 22,8 millions (vs. 21,9 millions), Starz 22 millions (vs. 20,8 millions) et Epix 5,7 millions (vs. 5,6 millions)

Néanmoins, selon les analyses du Leichtman Research Group, le pourcentage de foyers américains qui souscrivent au câble, au satellite ou à un service de IPTV est en baisse, passant de 88% en 2010 à 86% en août 2013.

Neutralité du net : la guerre est déclarée

Netflix a profité de cette publication pour réagir à la décision de la Cour d’Appel de Washington de casser les règles relatives à la neutralité du net établies en 2010 par la FCC au profit du fournisseur d'accès à internet Verizon.

L’entreprise déplore qu’un « fournisseur d’accès à internet national puisse légalement ralentir les flux videos des abonnés de Netflix, dégradant l’expérience que [la plateforme] leur fournit. » et « encourage ses membres à exiger l’internet ouvert qu’ils paient à leur fournisseur d’accès. » Selon Netflix, moins les fournisseurs d’accès joueront le jeu de la neutralité, plus il faudra de régulation.

Netflix qui consomme chaque soir aux Etats-Unis un tiers de la bande passante, pourrait être en tête de liste des services à qui les FAI pourraient demander de payer pour garantir la qualité de service de leur plateforme. Le combat pour la neutralité du net est sans nul doute le plus important que l'entreprise devra mener ces prochains mois, aux Etats-Unis, mais aussi en Europe où un projet de réglementation est en cours de discussion à Bruxelles.

Mais crânement, elle rappelle aussi aux FAI que "les consommateurs achètent des forfaits Internet haut débit essentiellement pour une raison : pouvoir consommer de la vidéo en streaming de bonne qualité ".