Les algorithmes dévorent la pub vidéo

Par Mathias Virilli, France Télévisions, Direction de la Prospective

Le marché de la pub vidéo continue sa progression avec sa 5ème année de croissance consécutive. Une croissance qui s’appuie désormais sur les algorithmes, avec l’automatisation des inventaires vidéo qui ont envahi le web ces 18 derniers mois. 

Passé le scepticisme initial des éditeurs, l’acceptation croissante des algorithmes -- similaire à l'automatisation des marchés financiers dans les années 80 -- implique aujourd’hui une réallocation budgétaire de la télévision traditionnelle vers la vidéo en ligne, dont l’intérêt va de pair avec de nouvelles technologies "data-driven" qui permettent un ciblage cross-media.

Dépassant le modèle de ventes aux enchères, la data, désormais mise à contribution, amène le marché de la pub vidéo à maturité, même si des progrès technologiques restent à accomplir, notamment en matière de qualité des contenus.

Voici donc les éléments à retenir de l'étude Adap.TV sur l'état de l'industrie vidéo en 2014 :

Les algorithmes prennent leur place dans le marché 

D’abord vu comme un instrument de la marchandisation du contenu, la base de donnée automatisée permet aujourd’hui une approche plus data-driven pour vendre de la vidéo et renforcer sa relation avec des annonceurs qui en sont de plus en plus friands :

  • 2/3 des marques et agences achètent toujours directement à l’éditeur. Ils étaient 86% l’année dernière
  • Aujourd’hui, 30% des éditeurs déclarent que leur contenu est acheté de façon programmée
  • Surtout, 60% des dépenses de pub vidéo des marques sont allouées à des bases de données programmées par algorithme (40% pour les agences) et pourraient être encore plus importantes en 2015.

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A noter que le contenu vidéo premium des éditeurs est désormais majoritairement disponible via des environnements programmés (par algorithme). 60% des acheteurs ont trouvé du contenu premium disponible sur des chaînes programmées, mais n’en achètent pas forcément (seulement 23% du contenu acheté sur des chaînes programmées).

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Les fonds alloués à la publicité vidéo fuient la TV pour la vidéo en ligne

Signe que le marché de la publicité vidéo se porte bien, 47% des annonceurs sont prêts à sacrifier leur budget display pour investir dans la vidéo en ligne. Cette réallocation viendrait amputer sur les budgets TV broadcast (40%) et TV par câble (35%). C’est quatre fois plus que l’année dernière dans le cas de la TV broadcast! 

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La tendance se confirme donc, et se renforce même :

  • Concernant les agences, ces chiffres sont en augmentation de 76% pour la TV broadcast, et de 40% pour la TV par câble par rapport à l’année dernière
  • En 2012 : seulement 19% des marques indiquaient toucher au budget TV ; contre 1/3 aujourd’hui.

L’intérêt croissant des annonceurs pour la vidéo va de pair avec l'attrait pour les nouvelles technologies

43% des marques appliquent déjà des techniques dérivées de la vidéo en ligne pour acheter sur de la TV traditionnelle. Et ceux qui n’appliquent pas encore méthodes data-driven comptent bien s’y mettre (un bond à 60% en à peine deux ans).

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En outre, l’investissement dans la TV data-driven va impacter les dépenses vidéo en général : 88% des agences et 62% des marques prédisent que le budget TV va d’abord financer la TV data-driven plutôt que leur budget numérique.

Les algorithmes intégrés dans une stratégie cross-media

L’approche data intrônisée par l’utilisation d’algorithmes, si elle nécessite un investissement managérial, facilitent ensuite la mise en place de stratégies publicitaires cross-media.

  • 2/3 des agences et 40% des marques utilisent des algorithmes pour une gestion de planning et des achats cross-media
  • Une transition qui appelle une intégration en interne des ressources nécessaires au management de la vidéo programmée (13% des marques l’ont fait, 88% le prévoient)
  • Les agences, qui ont su prendre ce tournant technologique déclarent à 57% qu’elle leur assure plus d’efficacité dans leur planning, achats et reporting.
  • 75% des entreprises (encore peu nombreuses) à avoir incorporé les algorithmes en leur sein disent qu’ils s’intègrent bien avec leur systèmes CRM et marketing. Toutes disent ne pas avoir eu le choix : leur agences n’avaient pas l’expertise pour faire leurs achats algorithmiques pour eux.
  • Les marques incitent les autres acheteurs à utiliser une DMP (data management platform) : 63% des marques en ont, la moitié des restants comptent s’y mettre dans l'année

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Avec de telles ressources, les marques seront beaucoup plus enclines que les agences à appliquer des méthodes data-driven pour leurs transactions TV traditionnelle. Elles sont également plus promptes à utiliser le data targeting sur leurs publicités vidéos.

Autre fait notable de cette tendance cross-media, 3/4 des acheteurs de publicité se consacrent à l’achat de vidéo mobile. Si 43% des marques en achetaient en 2013, elles sont 67% à le faire aujourd’hui.

Encore des progrès à faire sur la qualité vidéo

Malgré ces mutations technologiques, il subsiste quelques points sur lesquels le marché de la pub vidéo en ligne doit travailler. La qualité de la vidéo préoccupe principalement les publicitaires, devant les questions de fraude, de vérification et de placement.

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D’une manière générale, ces problèmes devraient se résorber à mesure des avancées technologiques.

Cependant, les nouvelles technologies soulèvent également un enjeu d’éducation : la plupart des marques n’ont aujourd’hui pas confiance dans les solutions technologiques actuelles pour résoudre les problèmes de fraude.