Réalité virtuelle et nouvelles interfaces homme-machine: le futur de l’informatique, selon Google

Par Jérome Derozard, consultant pour France TV Editions Numériques, et Mickaël Morier, architecte (numérique) chez FTVEN 

Pour Google, le futur de l’informatique passe par la réalité virtuelle et les nouvelles interfaces homme-machine qui réduiront la barrière entre l’utilisateur et le monde virtuel, en s’intégrant au plus près du corps de l’utilisateur.

C’est cette vision qui a été martelée cette semaine à San Francisco par le géant américain lors de sa conférence Google I/O pour des milliers de développeurs venus du monde entier.

La nouvelle version de Cardboard, le casque de réalité virtuelle « en carton »  de Google, fut donc l’un des « one more things » présentés dès la keynote d’ouverture.

Rappelez-vous : la version originale du casque a été annoncée il y a juste un an, lors de la précédente édition. Un de ses créateurs, l’ingénieur français David Coz, nous en avait expliqué la genèse à l’automne à Paris : il s’agissait à l’origine d’un projet personnel, développé durant les fameux 20% de temps de travail que chaque ingénieur peut consacrer aux projets de son choix. Présenté au printemps 2014 à Mountain View, il a séduit un « grand ponte », conduisant à sa présentation officielle quelques semaines plus tard. Depuis Cardboard et les produits compatibles fabriqués par d’autres constructeurs ont été vendus à plus d’un million d’exemplaires. France Télévisions a d’ailleurs lancé cette semaine l’appli RG 360° sur iOS pour suivre le tournoi en immersion et en direct depuis chez soi.

David Coz

David Coz, créateur de Cardboard

Le nouveau Cardboard «2015 »

Il nécessite, comme son prédécesseur, un smartphone pour fonctionner, est désormais compatible avec les grands écrans jusqu’à 6 pouces. Le bouton de commande a été revu pour utiliser simplement la pression sur l’écran tactile du smartphone pour transmettre des commandes, ce qui le rend compatible avec tous les modèles du marché. Enfin l’application Cardboard, qui sert d’interface de navigation et permet de télécharger des contenus compatibles, est officiellement disponible sur iOS en plus d’Android, tout comme le SDK associé permettant de développer des applications de réalité virtuelle.

Capture d’écran 2015-05-31 à 00.07.54(le nouveau cardboard)

Même si ce produit est encore à l’état de « hobby » plus que de réel produit, il permet à Google de ne pas laisser le champ de la VR libre à Facebook et son Oculus Rift en encourageant les développeurs à intégrer la compatibilité « Cardboard » à leurs applications mobiles.

Une session complète était d’ailleurs consacrée au design des interfaces de réalité virtuelle, expliquant le B.A. BA de la réalité virtuelle aux développeurs d’applications mobiles.

 Réalité virtuelle à plusieurs

Une application destinée au monde de l’éducation a été présentée lors de la keynote pour démontrer l’intérêt de l’appareil pour le grand public : Expéditions. Elle permet à une classe entière de partir en « voyage scolaire virtuel » dans des lieux remarquables comme la grande barrière de corail. Chaque élève, équipé d’un Cardboard et d’un smartphone, peut naviguer dans une vidéo à 360° tandis que le professeur contrôle le « voyage virtuel » de la classe à l’aide d’une tablette et d’un microphone, pouvant ainsi commenter et guider les élèves dans leur découverte…

Ce service qui sera lancé à l’automne démontre les possibilités offertes par la réalité virtuelle « sociale » où plusieurs utilisateurs partagent la même expérience en simultané. 

 

 (une « classe » en voyage virtuel)

 

Jump, pour les vidéos à 360°

Pour filmer et produire les vidéos à 360° Google a aussi présenté Jump rassemblant une architecture matérielle composée de plusieurs caméras permettant de filmer à 360° et en un logiciel servant à combiner les différents flux en une seule vidéo. Cette architecture est destinée à être adoptée par les fabricants d’équipements, le premier partenaire annoncé étant GoPro. Les vidéos crées par des caméras compatibles Jump pourront ensuite distribuées via l’application Cardboard, via Youtube ou dans Expéditions.

Capture d’écran 2015-05-31 à 00.13.41(cameras GoPro 360°)

Tango, proche de HoloLens (réalité augmentée)

En parallèle l’équipe du Project Tango démontrait sa propre technologie de capteur 3D permettant de numériser un espace intérieur et le reproduire dans un casque de réalité virtuelle, ou d’y ajouter des éléments virtuels dans un casque de réalité augmentée. Ce projet se rapproche sur certains aspects du projet HoloLens de Microsoft.

Capture d’écran 2015-05-31 à 00.15.14(le casque du projet tango)

Google ATAP (« Advanced technologies and projects »), une équipe dédiée aux projets d’innovation disruptifs destinés à être lancés à court terme, présentait différents concepts dans le domaine de la réalité virtuelle et des « wearables ». L’équipe est à l’origine des Google Spotlight Stories, des applications permettant de visionner des animations et vidéos en 360° sur un simple smartphone Android. Ces applications sont le fruit d’une collaboration multi-disciplinaire entre développeurs, animateurs et scénaristes ; outre les apps elle-même l’équipe a développé un SDK complet pour simplifier la création de mini films d’animations à 360°.

L’équipe a récemment collaboré avec Justin Lin pour réaliser un film d’action immersif : Help. A cette fin, de nouvelles techniques d'encodage et de rendu graphique ont dû être inventées afin de pouvoir restituer ces vidéos sur un smartphone.

 (aperçu de Help)

Capture d’écran 2015-05-31 à 00.17.06(camera utilisée pour filmer Help)

Détecter les mouvements à la Leap Motion

Du côté des wearables l’équipe du projet Soli a mis au point un radar miniature permettant de détecter les mouvements d'une main de façon très précise. Il est alors possible de détecter de micro changements des doigts pour en extrapoler des gestes servant à contrôler un périphérique tel qu’un smartphone. Ce concept se rapproche du projet Leap Motion dans les interactions qu’il permet, mais avec une plus grande précision grâce à l’utilisation du radar en lieu et place d’une caméra.

 (Projet Soli)

Jacquard, tissu tactile pour manipuler son smartphone en effleurant son vêtement

Toujours dans le domaine les wearables, le projet Jacquard est un nouveau système technologique permettant de rendre n'importe quel tissu tactile. Reliée à une grille de fils métalliques, une mini puce permet de déterminer les gestes en fonction de la pression des doigts sur la surface textile. On peut ainsi manipuler son smartphone en touchant un vêtement par exemple pour contrôler une application de Musique : un tap pour lire ou mettre en pause, swipe horizontal pour naviguer entre les chansons, swipe vertical pour régler le volume…

Bien que ces différents projets – Cardboard, Jump, Tango, Soli, Jacquard – en soient encore au stade de prototypes ou de hobbies, ils représentent une vision cohérente de l’avenir de l’informatique et des interfaces homme-machine.

Tous visent à réduire la barrière entre l’utilisateur et le monde virtuel, en s’intégrant au plus près du corps de l’utilisateur. Ces innovations, la plupart encore loin de pouvoir être commercialisées, ont bien sûr été développées grâce aux milliards générés par des technologies plus « triviales » comme les liens sponsorisés. Elles montrent, néanmoins, une fois de plus, la capacité de Google à investir pour se projeter dans le futur et assurer son leadership à long terme, au risque parfois d’effrayer même certains amateurs de science-fiction !