2016, l’an 1 du « mobile first » : 3 pistes pour en profiter

Par Alice Pairo, France Télévisions

Il y a aujourd’hui dans le monde plus de mobinautes que d’internautes. La France à elle seule en compte 31 millions, et 4/10 d’entre eux l’utilisent dans la demi-heure qui suit leur réveil. La 4ème édition du Stratégies Summit cette semaine à Paris a permis d’établir un état des lieux des relations entre marques et mobile pour réfléchir au potentiel -- d’un point de vue des usages et des contenus -- pour les années à venir.

Méta-Media a retenu les trois points importants pour aborder au mieux l'année mobile 2016 :

Adapter sa stratégie de contenu

Aujourd’hui, la moitié des mobinautes se connectent tous les jours ou presque. Selon Jamila Yahia-Messaoud directrice des départements télécom, cinéma, comportement média et ad’hoc de Médiamétrie, 70% des internautes considèrent la téléphonie mobile comme indispensable dans la vie quotidienne. Véritable objet personnel et customisé --- grâce aux applis notamment, au nombre de 30 par smartphone en moyenne --  le mobile accompagne l’individu tout au long de sa journée.

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Source : Médiamétrie – Téléphonie et Services mobiles T2 2015

L’enjeu des marques est donc de proposer un contenu qui réponde aux besoins de l’utilisateur, en s’adaptant aux conditions de consommation. Jamila Yahia-Messaoud nous éclaire sur le type de contenu qui satisfait ces besoins. Les contenus doivent apprendre quelque chose à l'utilisateur (47%), être ludiques (41%) et être concis  (38%). Sur la forme, la préférence va aux articles (51%), aux photos (49%), aux vidéos (33%), aux brèves (32%), aux jeux (hors tests et quizz) (29%). Les contenus considérés comme les plus intéressants sont les notifications sur l’actualité (35%) et les plus divertissants les notifications des réseaux sociaux (8%). (chiffres Médiamétrie)

Le mobile est le plus personnel de tous les écrans, il entretient un lien privilégié avec l’utilisateur. Mais il faut garder à l’esprit que ce lien est fragile, il faut donc continuer à travailler sur le contenu tout en tenant compte d’autres critères, comme le lieu et le temps, car la consommation de contenu varie en fonction du contexte et du moment (le pic de la journée ayant lieu entre 12 et 14, Médiamétrie). Tout en étant informatif et ludique et proposer un format concis qui allie son, image et texte.

Adapter son contenu au canal est une problématique à laquelle Le Monde a été confronté il y a peu avec La Matinale (lancée mai 2015). Cette application -- la première du journal entièrement mobile consacrée à l’actualité -- comprend d’ailleurs une rubrique « Les strips de La Matinale » qui présente l’actualité en bande-dessinée. Selon Isabelle André, directrice des activités numériques du Monde, elle fonctionne particulièrement bien, ce qui corrobore l’étude de contenu de Médiamétrie. Pour le journal qui compte d’autres applications, sites et pages sur les réseaux sociaux choisir quel sujet publier et sous quel format en fonction des supports et de l’heure est un véritable enjeu. C’est justement la mission du desk mobile et du monde.fr ainsi que de l’équipe de social media editors qui travaillent au sein de la rédaction. Pour y parvenir avec justesse, une collaboration entre la rédaction et l’équipe de marketing numérique est primordiale a expliqué Isabelle André.

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Imaginer de nouveaux formats publicitaires...

Pour Pierre Chappaz, Executive Chairman et Co-founder de Teads, il est important de garder à l’esprit que « le mobile est l’écran le plus exigent en termes d’expérience utilisateur ». Il est crucial pour lui de « faire le tri dans les formats vidéo hérités du desktop », comme avec le pré-roll par exemple, qui a vu apparaître la montée des adblockers sur laptop et est aussi rejeté sur smartphone grâce/à cause d'Apple.

« Il devient urgent d’en finir avec ces formats qui ruinent l’expérience utilisateur »

Parmi les formats vidéos en essor : l’ « in-read », un format natif intégré dans un flux éditorial. Pierre Chappaz approuve l'utilisation de ce format, à condition qu’il reste ouvert, à l’inverse de ce que font Facebook et Apple qui tentent de dévier distribution et monétisation des contenus. Et propose des solutions publicitaires dans l’intérêt des trois partis : internautes, annonceurs et médias.

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Benjamin Lequertier, Head of Marketing de Facebook France, affirme lui aussi que la publicité sur mobile est à retravailler. Il la juge bien trop interruptive : « Nous devons inventer de nouveaux modèles, plus respectueux et plus ergonomiques ». Le défi à relever consiste pour lui à conserver l’attention de l’utilisateur qui est de plus en plus difficile à capter dans la masse de contenu de Facebook.

« Aujourd’hui, regarder 30 secondes de vidéo sur mobile, c’est comme demander à un téléspectateur du XXème siècle de rester devant un spot de 30 minutes. Notre nouveau défi tient en trois secondes. Trois secondes de créativité, d’inventivité qui feront que le pouce va s’arrêter et que la personne va décider de regarder le reste de l’histoire »

... et profiter de la croissance du marché de la pub mobile

Grâce à l’explosion de la vidéo, le mobile, longtemps cantonné aux bannières publicitaires est en train de devenir un véritable média de branding. Aujourd’hui, 40% de la consommation de vidéo se fait en situation de mobilité (smartphone, tablette, laptop) selon Pierre Chappaz. Cela représente à la fois une opportunité pour les annonceurs et un challenge pour les éditeurs. Si au Royaume-Uni 70% de l’audience des grands médias est mobile (50% en France), elle est encore très mal monétisée ! Les consommateurs sont massivement présents sur mobile et les agences continuent d’investir majoritairement sur la télévision.

Mais les prédictions d’investissements dans la publicité mobile sont optimistes : pour la première fois cette année, ils vont dépasser ceux du print.

Et pour savoir dans quoi investir, il faut connaître les portes d’accès au web qui mènent au « mobile first ». C’était le propos de l’intervention de Renaud Ménérat, président de la Mobile Marketing Association France pour qui identifier les pratiques majoritaires permettra d’enclencher la transition. Il cite trois pratiques majoritaires :

  1. La rechercheGoogle annonçait en octobre dernier que les requêtes effectuées depuis les terminaux mobiles avaient dépassé celles provenant des PC (« For the first time, we’re getting more searches on mobile devices than on desktop », Amit Singhal, Senior Vice President, 8 octobre 2015).
  2. Les réseaux sociaux : désormais 70 à 80% de leur audience est mobile. Facebook en tête. Alors que début 2012, le nombre de personnes se connectant depuis leur mobile ne cessait d’augmenter, la plateforme ne délivrait de publicités que sur ordinateur. Puis Mark Zuckerberg décide que l’entreprise deviendra « mobile first », faisant passer la part du mobile dans les revenus de 0 à 79% (Benjamin Lequertier). Le réseau social rassemble aujourd’hui 24 millions d’utilisateurs sur mobile par mois, et sur les 30 millions de Français qui se connectent chaque mois, 80% le font depuis leur mobile.
  3. L’e-mailSon taux d’ouverture sur mobile devrait atteindre les 50% à la fin de l’année

Pourtant, là encore on assiste à un décalage entre l’audience et l’investissement publicitaire et à un retard par rapport à nos voisins européens. Selon Renaud Ménérat, l’investissement publicitaire mobile en France n’atteint que 17% des investissements digitaux, contre 40% au Royaume-Uni et 30% en Allemagne.

Les organisations qui repensent leur stratégie digitale ne se mettent pas encore toutes dans une posture « mobile first », percevant le mobile comme un web « moins grand, moins efficace, moins important ». Un a priori que le président de la Mobile Marketing Association France déplore : 

« Il ne s’agit pas de les opposer, mais au contraire de penser ensemble web et mobile dans une vision partant du consommateur qui, désormais et via son smartphone et sa tablette, met le mobile au cœur de son expérience »