Barcelone : en attendant la 5G, le mobile se shoote à l’intelligence artificielle

Face aux géants du web, les telcos savent qu’il ne suffit plus de se rapprocher des contenus pour en finir avec leurs “dumb pipes”, ces vieux tuyaux stupides. Il leur faut désormais rendre leurs réseaux plus smart encore, et donc recourir aux tous derniers progrès de l’intelligence artificielle (IA), avec en ligne de mire l’ère de la 5G et son mirifique potentiel de connectivité.

“Le +new new thing+ aujourd’hui c’est l’apprentissage des machines (machine learning) et tout le monde veut s’y mettre”, décrit à Barcelone, Ben Evans, l’analyste vedette des mobiles du capital risqueur US Andreessen Horowitz.

Réunie comme chaque année en Catalogne, l’industrie mondiale des mobiles entend utiliser le traitement intelligent des Big Data, les multiples capteurs des smart phones, leurs potentiels de reconnaissances vocale et des images pour trouver de nouvelles solutions et donc de nouveaux business.

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Appliquée au mobile, l’IA, qui s’infiltre désormais partout, sait qui vous êtes et anticipe vos besoins. Demain, elle prendra des décisions et sera déterminante pour réduire les gros points faibles de l’e-commerce et des médias en ligne : le problème de la "découvrabilité", c'est-à-dire, la découverte et le tri pertinents de contenus, produits et services, surabondants à l'ère numérique.

Comme souvent, Google a dégainé le premier en étendant en début de semaine la disponibilité de son Assistant virtuel aux portables Android de nouvelle génération. Mais pas en français pour l’instant !

Dans le sillage d’Amazon (Echo, Alexa) et de Google (Google Assistant), qui ont une bonne longueur d’avance, de nouveaux assistants virtuels domestiques sont aussi apparus. Notamment depuis l’Asie. Le Chinois Lenovo a décidé d’intégrer Alexa d’Amazon dans tous ses portables. Le Coréen SK Telekom a montré son assistant NUGU, sous la forme d’une borne-speaker.

La messagerie japonaise Line a annoncé la sortie l’été prochain de Clove, un assistant à la Siri et d’une borne bourrés d’IA nommée Wave.

Même Sony a présenté un concept de borne interactive qui vous reconnaît avec une caméra, peut recevoir des appels téléphoniques, et lancer par exemple des programmes TV : 

 Il n’y a pas de temps à perdre ! Après avoir appris à effleurer les terminaux, des millions d’enfants et d’ados s’habituent aujourd’hui à leur parler. Et ils aiment ça !

Le graal de la 5G ultra-rapide, instantanée et massive

Mais évidemment, ce dont tout le monde parlait sans jamais encore en profiter était bien cette semaine la 5G, la 5ème génération de standards pour la téléphonie mobile qui doit permettre de numériser encore bien davantage l’économie mondiale par des débits permanents de plusieurs gigabits par seconde (entre 100 et 1.000 fois plus rapides qu’aujourd’hui) avec une durée de latence quasi instantanée d’une dizaine de millisecondes, afin de répondre à l’appétit insatiable désormais du public comme de l’industrie et des services pour des connectivités performantes.

Rares sont secteurs où la demande croît comme ici de plus de 50% par an ! Où le réseau ne dort jamais. Et où demain, on s’attend à compter un millions d’objets connectés par km2, assure la GMSA. 

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“Nous sommes à la veille d’un grand bond en avant”, prévient le patron de Nokia, Rajeev Suri. “La 5G a le potentiel de transformer la manière dont les gens vivent, travaillent, se déplacent, jouent, communiquent”, renchérit le vice-président de la Commission européenne en charge du numérique, Andrus Ansip. “A condition, ajoute-t-il, que l’Europe soit moins lente que pour la 4G ! D’où la nécessité de trouver rapidement des standards mondiaux, d’allocation des spectres, et d’éviter la fragmentation”.

“C’est 22 millions de nouveaux emplois dans le monde qui peuvent être créés”,  prédit le patron d’Orange, Stéphane Richard, qui n'hésite pas à pronostiquer aussi la fin des accidents de la route comme des feux rouges.

Pour des raisons évidentes de sécurité, les transports autonomes auront besoin en premier de cette très faible latence et de cette connectivité permanente. Mais aussi tout ce qui dépend de l’ubiquité de la connection tout en étant intimement lié à notre vie personnelle: santé, banque, voiture, authentification, sécurité, villes intelligentes, environnement, médias, sécurité, internet des objets... Mais aussi déjà les drones et demain les robots.  

Il faudra pour cela que l’ensemble de l’économie se numérise bien davantage et investisse : la 5G va coûter cher à mettre en place. Pas moins de 275 milliards de dollars rien que pour les Etats-Unis, estime le patron du câblo-opérateur Liberty Global.  

Elle devrait commencer à se déployer en test dès l’an prochain au Japon, en Corée du Sud, puis de manière commerciale en 2019, avant de gagner les USA et la Grande Bretagne. Orange la prédit pour la France vers 2020/2022.

En 2025, c’est plus d’un milliard de connections 5G qui sont prévues dans le monde, alors même que nous sommes déjà tous des junkies : aujourd’hui, assure HP, nous vérifions notre smart phone en moyenne 221 fois par jour !

La 5G aidera aussi la VR et l’AR

Elle assurera un meilleur rendu de l’immersion en réduisant la latence et permettra des jeux plus intelligents en réalité augmentée. Car aujourd’hui la VR continue d’avoir besoin de plus de pixels.

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Mais tout le monde, y compris les annonceurs, investit désormais dans la VR et l’AR, technos surtout liées aux mobiles, sans savoir encore, si c’est le marché des entreprises ou celui des particuliers qui les feront décoller. C’est encore un far west où les leaders changent tous les mois. Chacun sent bien, en revanche, que la VR est l’étape qui prépare l’AR, l’arrivée des réalités hybrides, mixtes, où des lunettes connectées et smart deviendront “l’ultime plateforme informatique”.   

Déjà la vidéo écrase tout et devient un service de base

Le mobile est désormais utilisé plus que le desktop pour regarder la vidéo, ont tous constaté les professionnels à Barcelone. Les jeunes n’hésitent plus à regarder des films de deux heures sur leurs portables. La consommation de VoD est mobile à plus de 50%, dit Turner. Et la vidéo représente déjà plus de 60% du trafic internet, selon AT&T.

“La 4G aujourd’hui est moins un réseau de communication qu’un moyen de distribuer de la vidéo”, note le patron de l’opérateur britannique EE. La vidéo qui représente déjà le quart des revenus des opérateurs, devraient en atteindre la moitié en 2020, selon Huawei.

Là aussi, la 5G devrait ainsi réduire considérablement le buffering, “la roue de la mort”, et améliorer encore résolution et latence.  

Mais Internet ne sera plus un service public aux USA

Enfin, Ajit Prai, le nouveau régulateur américain nommé par Trump, président de la FCC, n’a pas déçu : confirmant un virage ultra-libéral et désormais une main légère en matière de régulation, il a bien indiqué ne plus vouloir, en matière d’Internet, entendre parler de service public.

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Enterrant donc la neutralité du Net, il s’est dit satisfait de voir les opérateurs recommencer à pratiquer des taux zéro pour certains services. Et donc à privilégier certains contenus par rapport à d'autres.

Espérons que l'Europe ne suive pas cet exemple ! A voir !   

ES