South by SouthWest : sans IA, pas d'avenir !

Le boom et surtout les promesses de trois tendances technologiques -- enchevêtrées les unes dans les autres -- ont largement dominé le Festival annuel South by SouthWest à Austin, capitale mondiale d’Internet pendant quelques jours : l'intelligence artificielle (IA) qui s'immisce désormais partout et risque encore de tout changer, les nouvelles interfaces conversationnelles (bots et voix), et bien sûr les réalités altérées (virtuelle et augmentée) qui continuent de progresser.

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1L’intelligence artificielle est désormais quasi partout !

⚡️L'essor de l'intelligence artificielle, nouvellement ubiquitaire, donne le sentiment puissant que les individus, entreprises ou institutions, qui s’en passeront seront vite laissés derrière.

« La prochaine révolution technologique est pilotée par l’IA. Le rythme d’innovations s’annonce massif », a assuré au Texas, la N°2 d’Intel, Diane Bryant. « En matière d'IA, nous sommes arrivés à un point d’inflexion », a confirmé Eric Horvitz, directeur du lab de recherche en IA de Microsoft.

« Et je peux déjà vous le dire, prévient l’investisseur milliardaire Mark Cuban, devant une salle comble : les premiers trillionnaires mondiaux seront issus de ceux qui auront maîtrisé l’IA et ses dérivés et les auront appliqué d’une manière dont nous n’avons pas idée ».

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Dores et déjà l’IA a commencé à assister, renforcer, augmenter les capacités humaines, à accroître nos filets de sécurité, à permettre de déboucher sur une intelligence symbiotique qui associera hommes et machines, forçant les premiers à interagir – pour la première fois de leur histoire millénaire – avec des intelligences extérieures.

Certes, répétons-le, il ne s’agit pour l’instant que d’une intelligence faible, mais qui a commencé à percevoir, raisonner et décider.

Les agents d’IA sont toutefois devenus nettement plus mûrs, plus sophistiqués, en raison :

  • du cloud et de ses capacités bon marché de stockage
  • d’une meilleure connectivité et gestion des données de dizaines de milliards d'objets connectés
  • de la loi de Moore et des progrès informatiques
  • de l’essor des capteurs et des nouvelles architectures logicielles
  • de percées en apprentissage automatique.

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Grosso modo, et en simplifiant, grâce aux progrès des toutes dernières années, l’IA sait désormais faire la différence entre des photos de chats et de chiens, gagner au jeu de Go, comprendre le langage, et conduire une voiture.

Pourtant, « la confiance grandit de voir l’IA parvenir un jour au niveau de l’intelligence humaine. Je pense que nous atteindrons ce stade en 2029 », prédit le célèbre futurologue Ray Kurzweil, directeur de l’ingénierie chez Google. Le consensus des experts ne voit pas un tel basculement (dit de la Singularité) se produire avant 30 ou 40 ans. « Mais, corrige Kurzweil, ils disent cela en s’appuyant sur le rythme actuel du progrès. Or il ne sera pas linéaire. Il est en train d’accélérer ! ».

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L'IA est déjà à l'oeuvre

⚡️D'ores et déjà l’IA (ou la perspective d’IA), transforme produits, services et modèles d’affaires.

La bascule s’est opérée il y a 5 ans, quand les machines ont commencé à augmenter ou remplacer les humains dans certaines tâches : recommandation, personnalisation, classification, prédiction, détection, simulation, perception, explique l’expert canadien Jean-François Gagné.

Puis en expérimentant elles ont appris. Et commencé à s’entraîner elles-mêmes.

« Nous sommes en train d’automatiser l’automatisation. Cela va changer la programmation », indique Steve Wolfram, à l’origine d’un outil de calcul mathématique reposant sur une gigantesque base de données.

Ces agents d’IA sont déjà en train de nous aider dans l’assurance, la finance, les médias, l’hôtellerie, la sécurité. La reconnaissance d’images fait ainsi gagner un temps énorme dans les disparitions d’enfants.

Demain, évidemment, nous voyagerons en transport autonome, dont la généralisation est attendue pour 2025, avec à la clé une forte réduction des accidents, de la pollution et des embouteillages. Compter aussi avec l'essor crucial de la médecine prédictive : déjà les interprétations de clichés de détection de tumeurs par IA seraient plus fiables que celles des radiologues. Aujourd’hui, des tétraplégiques se voient parfois mettre une interface dans le cerveau pour pouvoir bouger un curseur sur un écran.

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Demain, on peut imaginer ainsi faire progresser notre mémoire et sans doute nos capacités d’apprentissage.

Réduire le nombre de nos décisions

⚡️ L’idée est aussi de s’en servir pour réduire l’abondance de choix qui nous submergent, et donc le nombre sidérant de décisions que nous devons prendre chaque minute.

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Dans le secteur des médias, elle aide déjà aux recommandations personnalisées, à l’optimisation de l’encodage et de la compression vidéo, parfois même en fonction du contenu, à la facilitation de la distribution vidéo en temps réel (CDN « élastique »), et bien sûr depuis quelques années dans la publicité dite programmatique.

« Chaque fois que nous avons l’opportunité de mettre un programme dans un algorithme, nous sommes gagnants. Car nous gagnons de l’audience », résume Bonnie Pan, présidente d’Endemol USA. Et ce, même si « l’algorithme est devenu mon propre dictateur », s'empresse d'ajouter Thomas Hughes, responsable numérique du studio de production indépendant Lionsgate.

Une intelligence incapable de généraliser

⚡️ Mais cette IA manque encore de perspective, d’émotion, d’empathie. Et surtout, très spécialisée, fonctionnant en silos, elle est est incapable de généraliser. Même comme un enfant de 2 ans.

L’IA dite générale est donc encore loin. Celle-là sera capable d’être consciente d’elle-même, d’inventer son propre langage.

Mais l’IA peut déjà avoir un visage. Regardez ces images stupéfiantes de Soul Machines, équipe néo-zélandaise, qui a donné figure humaine et émotionnelle à son IA : (et non, cet homme ne parle pas ici à sa fille !)

Déjà des avatars, animés dans le cloud, avec la voix de l’actrice Cate Blanchett aident les personnes handicapées en Australie pour des tâches administratives.

« L’homme s’est toujours servi d’outils. L’IA est un outil intellectuel. Nous allons fusionner avec, et elle nous rendra plus intelligent », assure Ray Kurzweil. De toute façon, « notre cerveau sera connecté au cloud ».

L’intelligence la plus incroyable ? La biologique 

Au-delà de l’intelligence artificielle, les scientifiques planchent aussi sur une autre intelligence : la biologique. Celle de la vie. En tentant de la programmer. Si le 19ème siècle a été celui de la révolution industrielle, le 20ème celui des bits, le 21ème pourrait marquer un retour aux atomes, soulignent biologistes et neurobiologistes. Nous n’en sommes, là aussi, qu’au début.

2Bots et interfaces vocales

⚡️ Grâce aux progrès de l’IA et du traitement automatique du langage naturel, et après des années de search et de flux sur des interfaces graphiques, arrivent aujourd’hui aussi les nouvelles interfaces conversationnelles qui s’améliorent au fur et à mesure des discussions, et où la voix prend une part de plus en plus importante dans l’accès aux contenus.

De plus en plus nombreux sont ceux qui y voient la prochaine grande plateforme instantanée 24/7.

Tous les grands du web – Amazon, Google, Facebook…  parient en ce moment sur ce type d'interface, et cherchent à voir comment en profiter, notamment pour atteindre encore plus de gens.

⚡️ Nous allons donc devoir encore changer nos propres habitudes comme nous l’avons déjà fait avec les mobiles !

Une techno plus décontractée, plus pratique et plus rapide

«Avant les gens devaient apprendre un langage informatique pour parler aux machines. Aujourd’hui ce sont les ordinateurs qui ont appris le langage humain ! », résume Andrew Yaroshevsky, directeur des opérations de Chatfuel.

« Nous sommes dans un vrai nouveau territoire : faire en sorte que la technologie agisse et se comporte comme nous », ajoute Hector Ouilhet, patron du design du search de Google.

Déjà le moteur de recherche Bing note que le search s’y fait de moins en moins par mots-clés et de plus en plus par des phrases ou des questions.

⚡️Nous allons donc parler aux machines et elles vont se parler entre elles. Les marques aussi. Elles auront leur voix. La technologie s’adapte enfin à nous, elle est plus accessible, moins complexe, car la conversation est naturelle. Demain vous direz à votre table au restaurant de payer l’addition !

App fatigue

Télécharger une appli se fait de moins en moins. D’ailleurs ça prend 45 secondes ! Trop long ! « C’est comme se marier ! Alors que parler à un bot, c’est comme sortir ensemble », nous a confié Facebook ! « L’an prochain, 30% de nos interactions se feront par la voix », assure la firme d’innovation Huge.

Mieux : « les compétences passeront d’un objet à l’autre. Vous pourrez demander des infos à votre lampe et laisser votre lave-vaisselle appeler votre mère ou votre télé commander du papier toilette. On se saura plus ce que l’appareil saura faire ou pas », indique Ouilhet.

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Après la génération « touch first », la génération « voice first » : les enfants américains ont vite appris à dire à leur borne Amazon : « Alexa do this ! ». Et comme toujours, les fonctions liées à la musique très présentes sur ces bornes assistants devraient aussi attirer les jeunes.

Pour gagner du temps – chaque seconde compte pour un millennial ! – Messenger ajoute à ses bots des boutons à cliquer, moins chronophages et plus structurés que les conversations qui, trop ouvertes, mènent parfois à une impasse. Il est donc crucial de bien définir les attentes de l’utilisateur dès le début de l’expérience. Après la vidéo, déjà des solutions de paiement s’installent dans les chatbots au service des marques.

Mais le grand public ne sait toujours pas ce qu’est un bot. Peut-être faudra-t-il trouver un autre nom ?

Enfin, Siri (Apple), Assistant (Google), Cortana (Microsoft) et consorts seront aussi les portes d’entrée (front end) des dispositifs de réalité virtuelle, commandés à la voix.

3VR/AR : « la réalité virtuelle c’est le monde qu’on veut »

⚡️En matière de réalités altérées, force est de reconnaître que nous sommes toujours dans une phase de démonstration. Au début de l’apprentissage de la grammaire et du vocabulaire d’un média très nouveau qui engage tout le corps.

« Notre monde numérique était en 2D. Demain, nos sites web ne seront plus plats ! Et nous y serons peut être avec nos amis. Le juré du futur pourra se retrouver au milieu de la scène du crime. », décrit une pionnière de la VR, la journaliste Nonny de La Pena.

La killer-app ne viendra d'ailleurs pas forcément de l’industrie du divertissement. Peut-être du sport : tous les grands parcours de golf US sont désormais scannés en 3D et s’équipent de capteurs pour être « joués » à domicile ou sur practice.

Déjà très utilisée en médecine et thérapie, c’est aussi peut être de l’éducation, du commerce de détail que l’étincelle viendra. Probablement d’Asie, d’ailleurs. Et pourquoi pas après le lancement du prochain iPhone qui devrait être équipé, préviennent certains.

Enfants "VR natifs"

En réalité virtuelle (VR), on peut taper du texte avec ses yeux et mettre le citoyen au milieu de l’info. Avec la réalité augmentée (AR), les titres d’infos flotteront dans l’air autour de nous, vous marcherez dans la rue le long de votre fil Twitter à qui vous commanderez à la voix les RT.

« On pourra capturer n’importe quel objet autour de nous pour le mettre dans l’histoire », assure Robert Scobble, un autre des pionniers des nouvelles réalités numériques. « Dans 4 ans, avec les caméras volumétriques, le match de foot se jouera sur votre table basse ! ».

La VR est un espace crucial pour les jeunes qui s’habituent, notamment via les jeux vidéo, à naviguer dans des environnements 3D. « Les enfants vont être très vite VR natifs ». Demain, ils trouveront tout naturel de jouer avec quelque chose en suspension dans l’air.

Vers la réalité mixte

Chacun a le sentiment que la ligne de mire du secteur pointe vers la réalité mixte (évolution de la réalité augmentée) visible grâce à des lunettes légères ou des implants. Mais il faudra aussi que l’expérience devienne naturelle et ne requière ni conseils ni menu !

« Lire et écrire prend bien 7 ans. Avec les interfaces d’aujourd’hui, il est devenu naturel d’effleurer un écran, de le pincer pour zoomer. Demain nous devrons apprendre le vocabulaire de la VR et de l'AR. Déjà s’y impose le +pointer et cliquer+ », explique Timoni West, qui dirige le lab d’Unity.

« Arrêtez de vous inquiéter des limites actuelles et de vous dire : on s’y mettra vraiment quand elle sera plus au point », nous disent les pionniers de la VR (déjà 40 ans). Ce sera vite plus léger, plus rapide, et avec une meilleure image ».

L’engagement de l’utilisateur va y être crucial et les réalisateurs/producteurs commencent à se mettre aux nouveaux outils pour des storyboards sphériques.

La qualité de la VR mobile devrait rapidement rejoindre celle liée à un desktop et aujourd’hui, le principal obstacle à son essor ne réside ni dans le hardware, ni dans le software, mais dans l’insuffisance de contenus.

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IA : grosse pression sur l’homme pour se différencier et… superviser !

⚡️Aujourd’hui, et pour conclure, nous n’en sommes à l’équivalent du début de l’aviation pour ces trois tendances qui n'ont pas encore atteint le grand public. A quelques mètres au dessus du sol. Mais parfois, les accélérations sont foudroyantes.

L’IA va ainsi mettre une pression croissante sur l’homme pour qu’il s’en différencie ! « Après le droit au mariage pour tous, le droit à l’avortement, nous aurons le droit à l’évolution : le choix d’opter ou non pour une technologie à même de nous augmenter », assure Bryan Johnson, fondateur de la firme Kernel, qui entend faire progresser notre intelligence naturelle.

Kurzweil pense lui que dans quelques années, quand la VR sera plus ubiquitaire et plus réaliste, nous pourrons être quelqu’un d’autre. « Notre identité sera plus malléable. Nous en aurons même plusieurs. Les gens seront plus ouverts à accepter ces changements d’identité ». « Nous serons aussi en mesure de recréer en avatar nos disparus, même s’ils ne sont pas complètement réalistes ».

Comme tous les outils, l’IA va accroître les capacités humaines. Mais ce n’est pas non plus un outil comme les autres. 

« Et s’il est probable que les Chinois l’adoptent sans vergogne, il n’est pas sûr que l’OS idéologique judéo-chrétien soit prêt aujourd’hui », ajoute Johnson.

? Il y a donc déjà nécessité de supervision humaine de l’IA, avertit le cabinet Booz Allen. Les armements autonomes font ainsi l’objet d’une convention internationale depuis 2012. Mais certains agents d’IA sont capables d’en entraîner d’autres dans des directions non souhaitées. Ou, par manipulation, de viser nos comportements en agissant sur notre manière de voter, ou en provoquant sciemment des actions quasi automatiques de notre part (exemple : impossible de ne pas cliquer sur lien !).

Attention aussi à la réduction des choix consécutive à ces technos censées aider la "découvrabilité" des contenus. Attention au contrôle accru par les géants du web de toutes nos expériences, vraie menace pour le web ouvert ! Facebook, Google et Amazon sont des agents d’intelligence artificielle et nous les entraînons toute la journée !! Et nous sommes nombreux : plusieurs milliards !

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Que va-t-il se passer aussi quand nous serons dépendants tout au long de la vie de nos assistants virtuels, qui nous connaîtront intimement, nos atouts comme nos insuffisances ? Enfin quid du partage de la richesse, si comme l'affirme Microsoft, l’essor de l’intelligence artificielle va aussi provoquer une très probable explosion de richesse se mesurant en trillions de dollars ?

A suivre...

ES

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