[Etude] La stratégie des réseaux sociaux pour combattre les fake news est-elle efficace ?

Par Lorraine Poupon, France Télévisions, MédiaLab

Les réseaux sociaux ont été pointés du doigt comme véhicules de propagation massive de fake news aussi bien pendant les élections que plus récemment lors du passage d’Irma. Ils se devaient donc de réagir. Mais au-delà des communiqués de presse ou des effets d’annonce, leur stratégie de lutte est-elle réellement efficace à l’ère de la post-vérité ? Une étude menée à Yale a cherché à le déterminer.

Pour une entreprise comme Facebook, le défi du retour de la confiance et de la restauration de son image est crucial. Au-delà des supposées ambitions politiques de son fondateur Mark Zuckerberg, le réseau social est fondé sur l’échange et le partage. Une certaine atmosphère doit donc être préservée. Plus encore dans le contexte actuel où passivité est synonyme de complicité. Ne pas réagir aurait été indéfendable.

Plusieurs mesures ont ainsi été prises : changement dans son algorithme pour détecter et isoler les news présumées fausses ou encore sanctions économiques en privant les auteurs de revenus publicitaires.

Dans le cadre de leur étude, les chercheurs de Yale se sont concentrés sur l’impact effectif ou non de deux d’entre elles : la possibilité pour un tiers de dénoncer une news comme étant fausse et l’affichage du logo de l’éditeur de l’article dans le feed pour une supposée meilleure identification de la source.

fake news

"Disputed by 3rd party fact-checkers"

Cette nouvelle fonctionnalité fait apparaître la mention « contestée par un tiers » quand l’article a été remis en cause par une source d’information fiable. Si l’étude révèle que cette mesure a effectivement permis de réduire la propagation des fake une fois dénoncés, les effets restent limités.

La question de l'application à grande échelle de cette méthode se pose. En effet, quels que soient l'énergie ou les moyens mobilisés, les fake news créées ou relayées de manière automatisée par des bots, le tout à bas coût, dépasseront toujours un contrôle humain et manuel.

Et quand bien même ce système deviendrait la référence, cela ne se ferait pas sans poser son lot de difficultés. Un fake qui ne porterait pas la fameuse mention tout simplement parce qu’il n’aurait pas encore été passé en revue semblerait être validé comme étant vrai et vérifié ! Cet outil rencontre sa limite dans l’exigence d’exhaustivité de l’analyse des nouvelles relayées qu’il réclame.

CNN v. Breitbart News ?

Pour ce qui est de la facilitation de l’identification d’un titre à l’aide de son logo, elle répond à une critique récurrente faite à Facebook. En tant que plateforme, elle a peu à peu supplanté les grands médias dans l’esprit de ses utilisateurs comme étant la source de l’info.

Le résultat de cette mesure est positif bien que lui aussi limité. Lorsqu’elles sont identifiées, la confiance dans les informations relayées est plus grande, même si elles s'avèrent être fausses.

Mais la défiance à l’égard des médias traditionnels est telle que l’effet peut aussi être pervers. Certains, à l’image des supporters de Trump, accordent une plus grande confiance aux « infos » partagées par leur famille ou leurs proches qu’à celles par un média national reconnu, identifié et objectivement fiable.

Le constat est plutôt accablant. Les réponses apportées sont loin d’être suffisantes ou même réellement efficaces. Certains vont même jusqu’à se poser la question de l’intérêt réel qu’aurait Facebook a totalement stopper la propagation de fake news.

D’autres solutions doivent être trouvées. Le Newsfeed de Facebook pourrait être une manière de reprendre un certain contrôle dans la sélection éditoriale. Alors, satisfaite la presse ? Rien n’est moins sûr quand on sait à quel point le rapport de force avec les plateformes est déjà déséquilibré.