Internet mobile: le point sur la 4G à deux semaines de Barcelone

Par Bernard Fontaine, France Télévisions Editions Numériques.

La compatibilité 4G des nouvelles gammes de mobiles ou de tablettes sera au centre du Mobile World Congress qui se tiendra du 25 au 29 février à Barcelone. La 4G est enfin annoncée chez nous cette année. Va-t-elle bouleverser le monde de l'internet mobile ?

D'autres nouveautés sont attendues en Espagne: la NFC pour la commande sans contact, la recharge sans fil des nouveaux mobiles, les écrans 5' Full HD. Côté software le tout nouveau système d'exploitation Open Source mobile des géants Intel et Samsung dénommé Tizen, ceux de la fondation Mozilla le Firefox OS et celui d'Ubuntu Mobile, de quoi donner aux visiteurs une vision plus prospective du monde des OS dominé par les américains Apple, Google et Microsoft, dont les parts de marché dominantes seront difficiles à ébranler.

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Dans cette grand-messe des Telecom, tous les professionnels feront leurs emplettes. C'est aussi là que les choix d'équipements et nouveautés destinés à la construction des réseaux de ce secteur stratégique du monde numérique se décide. Cette année pour de nombreux pays, dont la France, les équipementiers sauront à coup sûr vanter leurs produits car ils doivent à tout prix pénétrer ce marché convoité de la 4G qui va s'étaler sur plusieurs années pour couvrir d'ici la fin de la décennie l'ensemble de notre pays.

Un challenge énorme dans un secteur bousculé par la concurrence et surtout le succès du low-cost, qui, assurent les opérateurs historiques ne serait bien sûr pas compatible  pour le moment avec la 4G au vu des investissement consentis… D'abord un ticket d'entrée de 3,5 milliards d'euros versé à l'Etat français pour utiliser les nouvelles fréquences, mais aussi un coût de construction et d'exploitation de ce nouveau réseau qui devra s'amortir dans un modèle économique délicat en période de crise économique. Un autre point de vigilance pour le succès futur de cette 4G sera la qualité de service qui devra faire ses preuves auprès du grand public, qui reste à convaincre de payer enter 5 et 10 € par mois en plus pour bénéficier d'une connectivité mobile très haut débit non assurée partout en France, au moins les premières années.

Malgré un démarrage tardif de la 4G chez nous bien après d'autres pays comme les USA, la Corée, le Japon, et une quinzaine de pays en Europe les habitants des grandes villes françaises vont enfin pouvoir progressivement découvrir une nouvelle façon de se connecter à l'internet mobile, pour cela la concurrence va être farouche entre les acteurs des télécom.

Le guerre commerciale entre les quatre opérateurs ne fait que commencer, chacun des opérateurs historiques espère, par cette nouveauté, reconquérir un public séduit par le tsunami commercial que le français Free à imposé l'an passé. Les services de communication des trois opérateurs historiques s'organisent pour faire la Une de l’actualité spécialisée. Après des débuts en région pour les professionnels, Orange ouvre ces jours-ci à Paris un quartier en 4G toujours dédié aux clés USB des professionnels dans le secteur de l'Opéra,  quelques heures avant l'annonce de SFR qui lui ouvre ses services 4G pour les 250.000 personnes qui travaillent ou habitent dans le quartier des affaires de la Défense, lui sur tous types d'équipements compatibles, sauf l'Iphone5, qui ne fonctionne pas en 4G, sauf ailleurs dans le monde  dans une bande de fréquence très utilisée le 1.800 MHz, bande aujourd'hui qui fait polémique dans notre pays.

Bouygues le troisième opérateur historique a donc revêtu la tenu de combat en décidant d'utiliser très vite cette fréquence et ainsi de bouleverser les règles envisagées et de prendre de vitesse ses concurrents. Didier Casas, secrétaire général de l'opérateur, a été clair fin janvier sur l'antenne de BFM Business, en affirmant que Bruxelles a autorisé le 27 avril 2011 l'utilisation de cette bande fréquence pour la 4G, fréquence utilisée auparavant pour le réseau voix GSM, 15 pays européens ont suivi pourquoi pas la France, dit-il en ajoutant que tous les opérateurs dont eux qui ont répondu à l'appel d'offre des nouvelles fréquences 4G en France connaissaient parfaitement cette décision. D'où cette initiative de Bouygues de tester à Lyon la 4G en 1.800MHz et d'annoncer non sans fracas son intention de la déployer nationalement, ce qui lui donnerai et certainement aussi à Free pour d'autres raisons  un avantage commercial de couverture indéniable.

L'Arcep devra donc arbitrer, et a décidé de recevoir cette semaine les opérateurs français afin de pouvoir trancher sur cette délicate phase de stratégie industrielle  d'ouverture de la 4G en France.

Pourquoi la 4G et ça sert à quoi ?

La téléphonie mobile a totalement et définitivement muté ces dernières années avec l'arrivée des smartphones et plus récemment des tablettes. Partout où on le souhaite on veut pouvoir téléphoner et accéder à internet avec une qualité de service optimum.

Mais l'adoption massive d'une technologie a souvent un revers, on veut tous la même chose, se connecter et que ça marche, les réseaux sans fils se trouvent vite congestionnés par cet afflux du trafic utilisateurs et le constat est simple, les volumes de données, la vitesse de connexion et l'augmentation des usage de l'internet mobile explosent, il faut donc de nouvelles solution technologiques pour satisfaire cette demande et anticiper ainsi la poursuite de la montée en puissance de l'internet mobile. La 4G est là pour ça.

Selon les derniers chiffres communiqués cette semaine par Cisco dans son étude Visual Networking Index, on a constaté une croissance de 70% en 2012 de l'internet mobile avec une consommation de data tirée par la vidéo de 51% du trafic internet mobile fin 2012.

Toujours selon Cisco, sur le segment des smartphones les vitesses de connexion doublent chaque année, par exemple de 1Mb/s en 2011 à 2 Mb/s en 2012, ces mêmes équipements représenteraient aujourd'hui près de 81 % du trafic de l'internet mondial.

Bien entendu d'autres technologies arrivent à la rescousse comme le WIFI ou le Femtocell domestique relayant 1/3 du trafic, toujours selon Cisco.

La 4G arrive elle à la rescousse puisqu'elle devrait selon le groupe américain représenter 10% des connexions et 45% du trafic mondial en 2017.

Sans  trop détailler les aspects techniques de fonctionnement de cette 4G sachez que c'est un standard international de l'UIT qui permet d'offrir des débits théoriques beaucoup plus élevés qu'en 3G arrivés à bout de leurs performances via la 3G + ou les technologies dites de Dual Carrier, la 3G a atteint son maximum et les réseaux qui la transportent aussi.

La 4G elle autorise des débits théoriques très important comme de 100 Mb/s en download et 50 Mb/s en upload, voire beaucoup plus, les premiers test utilisateurs sur le terrain sont moins catégoriques puisque largement inférieurs à ces promesses, beaucoup de raisons à ça : à la fois la mutualisation du débit possible depuis une cellule d'émissions, mais aussi tout simplement les performances des réseaux auxquels cette cellule est reliée.

Ces débits théoriques en 4G se rapprochent des débits commerciaux de la fibre optique, non mutualisée elle entre la prise et le terminal si ce n'est par les utilisateurs du foyer, ce qui explique en partie la non atteinte en 4G des débits théoriques, exactement comme en 3G. Mais compte-tenu de cette nouvelle norme, les performances sont pour le moment beaucoup plus élevées que ce que nous connaissons aujourd'hui dans l'internet mobile.

Reste que l'usage qui en sera fait par les utilisateurs est à observer dans les mois qui viennent. Souhaiteront-ils payer plus cher pour avoir un confort voisin d'un très bon WIFI domestique ? Accepteront-ils d'attendre plusieurs années une couverture nationale et pas seulement celle de leur localité de résidence ? Le comportement des abonnés est difficile à modéliser. Tout dépendra vraiment des modèles économiques pratiqués. Le succès sera probablement sera au rendez-vous, si on se réfère aux exemples étrangers ou le trafic a fait évoluer les forfaits de data jusqu'à 20 Go par mois. Le ratio observé est simple, les volumes de données de 3Go par mois sont la règle aujourd'hui, le débit environ 5 fois supérieur en moyenne impose une augmentation de ce plafond du même rapport d'où les 15 Go/mois envisagé par nos opérateurs nationaux.

Les usages sont pour le moment voisins de ceux que nous connaissons pour nos loisirs avec accès rapide à tout l'Internet, consultation améliorée de vidéo, téléchargement très rapide de services, du jeu en ligne très performant avec une latence  faible espérée. Mais attention de très nombreux secteurs en développement sont visés, celui de la visioconférence, de la surveillance à domicile d'une population vieillissante, celui de la médecine en général avec déjà des projets de diagnostic à distance via la 4G sont envisagés, de quoi peut-être lutter contre la désertification médicale annoncée. Enfin de très nombreux secteurs industriels, culturels et éducatifs le sont tout autant, il serait trop long de les citer ici.

Selon le cabinet Strategy Analytics, le volume des terminaux 4G est passé en 2012 de 9 millions à 50 millions de modèles vendus sur la planète. Fin 2013, environ 273 millions de ces mêmes terminaux 4G seront en service un peu partout dans le monde.

Un peu de technique.

La 4G permet d'utiliser des solutions technologiques plus performantes offertes par ce standard, mais il faut de nouvelles fréquences, une mise à niveau d'équipements de réseau et le renouvellement des équipements mobiles des utilisateurs.

Les nouvelles et très chères fréquences sont désormais distribuées. Une première  série de fréquence vers les 800Mhz, laissée vacante après l'arrêt de la télévision analogique et la seconde dans la bande des 2,6 GHz.  Orange, SFR et Bouygues ont obtenu la très prisée première, et les trois mêmes opérateurs accompagnés de Free pour la seconde. Le trublion de l'internet peut, s’il le souhaite demander à SFR qui ne peut s'y opposer un accord d'itinérance sur son bloc de fréquences à 800Mhz, mais pour le moment il reste muet sur ses intentions. Fera-t-il valoir ce droit ou préférera t-il maintenir ses relations avec Orange ?

Free a tout de même une obligation celle de construire son réseau 3G dans des délais réglementaires imposés par le régulateur. Mais ses ingénieurs bénéficient d'une botte secrète : équiper ce réseau flambant neuf d'équipements de diffusion de dernière génération compatibles 3G et 4G. Reste à savoir si il en fera profiter ses abonnés dans sa politique tarifaire. Et comme évoqué précédemment l'arbitrage concernant la bande des 1.800 MHz apportera lui aussi d'autres atouts au développement de la 4G si celle-ci est définitivement autorisée dans le cadre peut-être de la neutralité technologique prônée par Bruxelles.

Enfin sur les aspects techniques plus prospectifs que la 4G peut apporter (car il n'y a pas d'annonce de lancement chez nous), une technologie montre le bout de son nez...l'eMBMS. Celle-ci pourra aller jouer dans la cour très fermée du broadcast hertzien, si les opérateurs et les fabricants de terminaux et de réseaux le décident.

C'est une solution de diffusion de la télévision linéaire (live) dite multicast permettant aux opérateurs de ne pas voir leurs réseaux s'effondrer face aux afflux de connexions des usagers qui souhaitent tous au même moment regarder le même programme de télévision, un avantage détenu jusqu'à présent par la TNT. Les grands équipementiers de cet univers comme Ericson, Alcatel, ou le chinois Huawei sont sur les rangs, ce dernier a d’ailleurs présenté ces derniers jours à Paris l'eMBMS en espérant convaincre. La partie ne fait donc que commencer, les deux mondes du broadcast et des télécom vont devoir confronter leurs solutions, chacun ayant des arguments à faire entendre.

Avec quel matériel puis-je espérer accéder à la 4G ?

La question la plus simple reste évidement avec quoi. Heureusement le marché des mobiles et tablettes reste un marché dynamique, principalement dominé par les équipements asiatiques des Coréens et désormais Chinois, de plus en plus séduisants quand à leur performances et rapport qualité-prix. Ces produits sont conçus pour un marché international et non Français.

Barcelone le montrera : nous pourrons bénéficier de l'intégration de ce standard au sein de la plupart des milieux et hauts de gamme des fabricants, chez Samsung avec son Samsung Galaxy Express, LG, Motorola (Google), sans oublier l'Iphone 5 (avec peut être un 5S fin 2013 pour le marché français). Le finlandais Nokia entend également rentrer dans ces classements avec ses séries 920 et 820 et très probablement d'autres modèles au MWC de Barcelone. Il se console avec une très belle place de deuxième constructeur mondial d'équipements 4G pour les réseaux des opérateurs au côté de l'allemand Siemens. Les chinois Huawei ou ZTE sont à surveiller de près puisque déjà les bruits circulent sur leurs smartphones 4G d'entrée de gamme sous la barre de 150 € avec pour ZTE  Avid de quoi ravir les moins fortunés.

Où se connecter en 4G ?

Où recevoir la 4 G en France ? C’est évidement la question qu'on se pose tous. La réponse est pour le moment difficile à donner, les opérateurs ont déjà lancé des débuts d'offres ou testé la 4G sur Lyon, Marseille, Lille, Nantes, Paris, Montpellier et d'ici avril d'autres grandes communes sont annoncées, mais la vrai difficulté pour le consommateur sera de savoir si il a des chances que sa ville soit couverte par l'opérateur de son choix.

Là les choses se compliquent, puisque toutes les ouvertures de villes ne sont font pas en parallèle entre opérateurs, mais correspondent à des choix industriels complexes à la fois en terme de marketing, de bassins de population couverte, de facilité de construction de nouvelles antennes  souvent rejetées par les riverains, d'obtention de permis et d'autorisation administrative locales, de l’ingénierie de construction du réseau très contrôlée vu les obligations de niveau d'exposition aux ondes électromagnétiques de la population et donc des couvertures urbaines souvent réduites.

Cependant les opérateurs restent confiants puisque certains disent pouvoir couvrir une grande partie de la population en 5 ans, ce qui, si cela s'avère exact, sera beaucoup plus rapide que l'obligation réglementaire fixant à 12 ans la couverture de 98 % de la population française.