« Newlywood » : panique totale dans les studios !

 

« A l‘intérieur des studios, c’est la panique totale, car personne ne sait quoi faire », ainsi débute Newlywood, documentaire édifiant de Didier Allouch, sur l’ombre noire qui arrive sur le cinéma américain. Diffusé sur Canal+ en fin de soirée mi-février, il a été hélas, au vu des échanges que j’ai eu depuis avec la profession, bien peu regardé en France. Comme si, là encore, on ne voulait pas regarder la nouvelle donne. Et pourtant....

  Pour Allouch, il s’agit bien d’ « une des pires crises de l’histoire » d’Hollywood, entamée depuis 10 ans avec le recul du box office.

   Car, a-t-il expliqué, « tout est en train de changer, au niveau de la production, au niveau de la distribution et au niveau de la diffusion des films ». Dans les studios « on ne sait pas adapter le modèle à ce qu’on veut aujourd’hui en Amérique ».

   Dans son 52 mn, Allouch décrit aux Etats-Unis, « la lente désaffection des salles, des spectateurs de plus en plus vieux. Le cinéma n’est plus la distraction N°1 des ados aux USA ».

   Mais aussi la crise économique avec « l’effondrement des marchés secondaires » du film (location vidéo, chute libre des DVD, recul des achats de films par les TV). « Les revenus supplémentaires qui permettaient aux studios de risquer une sortie en salle n’existent quasiment plus ».

  • Conséquence N°1 : le nombre de films tournés recule fortement (-18% entre 2010 et 2011).    
  • Conséquence N°2 : de moins en moins d’espace pour les films de milieu de gamme, les « dramas » que nous aimons, entre les films low cost à micro-budget (moins de 5 millions $) et les blockbusters (150 à 200M $).   

Un nouveau cinéma « low cost » en phase avec son temps !

« Hollywood se transforme pour survivre », prévient Allouch.  Il s’oriente vers de nouveaux modèles de productions, inédits et performants, qui vont intégrer les nouvelles technologies. Il va aussi chercher à s’exporter davantage en Asie, notamment en Chine. 

Le seul modèle de production qui semble continuer à marcher à Hollywood est celui initié par des nouveaux producteurs, comme Jason Blum (déjà 29 films en production), qui combine « liberté artistique totale et rendement, grâce au micro-budget ». Jamais plus de 5 millions $ !

Tout a bien sûr débuté avec « Paranormal Activity ». Film d’horreur tourné en mode « found footage », c’est-à-dire, caméra à l’épaule, images d’amateurs semblant venir de caméras de surveillance ou de caméras cachées, souvent téléguidées à distance et où la technique est de moins en moins présente sur les plateaux.

« Avec de nouveaux codes de la grammaire cinématographiques : caméra tremblante, lumière naturelle, son en prise direct » qui font partie du récit, de la narration.

Cette « autre façon de raconter une histoire » se déroule parallèlement  « à un nouveau rôle du public, qui passe de spectateur à témoin de l’histoire ».

Tiens, revoilà les caractéristiques disruptives de la culture Internet et numérique que nous voyons partout ailleurs à l’œuvre !  

Allouch enfonce le clou : « ce cinéma low cost ressemble à ce que les ados ont l’habitude de voir sur leur portables, sur YouTube ou sur Facebook ». « C’est le style de cinéma le plus en phase avec son temps ». 

Newlywood

Une révolution culturelle

« Les gens veulent des médias différents. Des médias qui font partie de leur vie. S’ils ne l’ont pas filmé avec leur iPhone, cela ne fait pas partie de leur vie », commente le réalisateur David Ayer, interrogé dans le documentaire.

Ces nouveaux films coûtent 100 fois moins que les gros, mais se font distribuer désormais par les grands studios, gages de leur avenir.  C’est la clé de leur réussite.

« Blum a brisé un tabou sur le petit budget », commente Sébastien Lemercier, producteur français. « C’est une révolution culturelle. Il a réussi à dissocier le devis de la qualité du film. Après c’est juste une histoire d’idées »

Ces films se tournent vite, en quelques jours, souvent dans un lieu unique, avec des économies à tout va sur les plateaux, où on attend jamais la lumière, et qui sont tournés à 90% avec des caméras numériques.

Le pouvoir du réalisateur en sort renforcé car la créativité y est plus importante que le savoir faire.  Les technologies numériques sont plus accessibles. Et « les acteurs ont l’impression de jouer ! ». 

Nouvelles manières de regarder !

La sortie en salles devient un luxe ! La VOD a totalement modifié les habitudes de consommation. HBO aussi. Ajoutons aujourd’hui Netflix qui a aussi tout changé.

« Les consommateurs se sont affranchis de l’obligation du cinéma (…) Ils ne veulent plus faire cela et ne le feront plus ».

« Le problème c’est que les gens veulent aujourd’hui des contenus que les studios ne veulent pas produire », résume Allouch. «Avec Netflix, les studios ont perdu le contrôle sur la distribution des films ».  

« Le paradoxe, c’est que la législation floue américaine sur la chronologie des médias est en train de transformer la VOD en sauveur d’un certain cinéma ». 

Des producteurs se mettent même à opter pour ce qu’on appelle l’ultra-VOD : les films y sont disponibles – plus chers- mais avant la sortie en salles ! Comme le film « Bachelorette » qui a été un énorme succès. 

« Aucun producteur ne fait un film pour la VOD, mais elle va devenir prédominante ! ». 

Beaucoup de faillites dans les films du milieu, les « dramas »

 « Les films de 20 à 60 millions de dollars n ‘ont plus de sens », estime Blum. Beaucoup de producteurs de films du milieu font faillite en ce moment. Il faut donc s’adapter ou mourir.

De même les films entre 10 et 15 millions $ sont trop chers pour la VOD et ne sont pas sûrs de sortir en salles.

« D’où l’obligation de continuer à réduire les coûts des films, c’est-à-dire faire des films du milieu avec des budgets d’en bas ! ».   

Brad Pitt, Ben Affleck et George Clooney prennent le pouvoir !

« Certaines stars d’Hollywood sont en train de prendre le pouvoir  sur les films du milieu ».  Avec passion, tous deviennent réalisateurs et/ou producteurs. « Ce sont les nouveaux boss d’Hollywood ! », observe Allouch.   

Les couches d’intermédiaires (agents, managers…) et les multiples filtres installés par Hollywood autour des scénarios sont en train de fondre. Des séances de speed dating sont organisées entre scénaristes et producteurs !  10 mn chrono !

Un nouvel Hollywood est peut être en train d’être inventé. « En 1950, les séries B l’ont bien déjà sauvé ! », rappelle Allouch !

Et, avec Argo, Ben Affleck a triomphé aux Oscars 2013 !