La TV confrontée à la mondialisation des nouvelles plate-formes

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Rareté, temporalité, territorialité : les vieux carcans de la télévision sont en train d'être desserrés les uns après les autres par les nouvelles technologies et leurs usages.

Nous le savons, les récentes exigences du public ("ATAWAD”), permises par le très haut débit Internet fixe et mobile, rendent difficile le maintien des fenêtres actuelles des droits de diffusion des oeuvres. Mais elles rendent surtout de plus en plus désuètes les frontières physiques pour leur consommation, alors que le droit d’auteur demeure, lui, lié, le plus souvent, au territoire national. 

Voici un petit film d’anticipation des usages TV dans 10 ans qui a été projeté cette semaine à l’IBC (International Broadcasting Convention) d’Amsterdam :

“Pas besoin d’attendre 2023 ! Ceci arrivera dès 2014 ou 2015”, a immédiatement commenté Matt Glotzbach, DG de YouTube Europe, Afrique et Moyen Orient.    

Comment vont donc faire les télévisions, habituées depuis toujours à un cadre national face aux nouvelles plate-formes mondiales ? Comment maintenir les barrières géographiques à la diffusion dans ce nouveau monde, notamment en Europe, zone de libre circulation des biens et services? 

C’est “la prochaine grande bataille”, estime l’IBC en organisant ce débat. 

De grosses plateformes OTT mondiales sont effectivement en train d’émerger: YouTube, Netflix, LoveFilm (Amazon), Sky Go, Xbox One, …

YouTube rappelle ainsi toucher aujourd’hui la moitié des internautes mondiaux (avec 6 milliards de vidéos vues chaque jour !), dont le quart en mobilité (souvent plus de la moitié dans certains pays) et avec des contenus très personnalisés.

“Les communautés, qui peuvent se chiffrer en millions d’abonnés et se forment autour des talents, ne connaissent pas les frontières (…) Elles ont accès à des centaines de chaînes qu’elles aiment, quand elles veulent et où elles veulent (…) Et elles ne font pas que commenter, elles passent aussi à l’action !”. 

“Le futur de la télévision passe à la fois par la disparition des barrières à l’entrée et des frontières géographiques et par la montée du nombre de créateurs”, ajoute Glotzbach.

Mais certaines chaînes traditionnelles ont déjà des dimensions mondiales. Comme la BBC. Ou Discovery, 1ère chaîne européenne, “qui diffuse des succès mondiaux avec des marques internationales, dans 244 pays en 45 langues”, indique son DG John Honeycutt.  

“Nos 333 millions d’abonnés payants sont donc à comparer avec les 36 millions de Netflix !”.

“Ce n’est pourtant pas noir et blanc, estime Honeycutt, il n’y a pas un gagnant et un perdant, mais une progression générale de notre secteur dans un cadre qui n’a jamais autant changé”.  

“Mais nous sommes propriétaires de nos contenus et nous pouvons donc jouer avec toutes ces plateformes (…) Attention toutefois aux risques de saturation dans ce nouveau monde”. 

Questions importantes

Cette mondialisation des contenus TV reste surtout soumise à des questions qui n’ont toujours pas de réponse, estime Discovery :

  • Qui au final possèdera les tuyaux de distribution du haut débit ? Quelle part de la valeur prendra le propriétaire des tuyaux? La régulation changera-t-elle la donne?
  • Le paiement du haut débit au compteur deviendra-t-il la norme? Si c’est le cas, comment cela affectera-t-il le comportement des consommateurs et l’évolution du marché ?
  • Les fabricants de téléviseurs réussiront-ils à devenir des agrégateurs de contenus ou resteront-ils des plate-formes pour d’autres services?
  • Les nouveaux acteurs de l’Internet pourront-ils acheter des droits mondiaux pour le sport et les films ? Est-ce que ce sera tenable économiquement?

A sa façon, la chaîne payante BskyB (600 £ / an) apporte quelques réponses:

“Notre savoir-faire est dans l’agrégation et la sélection de contenus. C’est là que nous apportons une valeur ajoutée”, a expliqué son directeur commercial, Rob Webster. Et nous sommes présents sur tous les nouveaux maillons : HD, 3D, à la demande, en différé, en OTT, en mobilité avec un très fort service client (1 million d’appels par semaine, 4 millions de visites d’ingénieurs à domicile par an)“.   

“En résumé : des contenus puissants, beaucoup de technologies, l’attention au client et l’appétit pour le changement ! (…) Nous sommes à la fois un diffuseur broadcast et une plate-forme! “.

OTT : 50 minutes par session à la télé

Mais All3Media, un des plus gros producteurs TV britannique le reconnaît : “l’OTT devient un vrai contributeur pour nos programmes”, notamment en raison de la progression du temps passé sur la vidéo en ligne: de 16 minutes en moyenne par session via l’ordi à 50 mn via le téléviseur (en raison surtout de Netflix et YouTube).  

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La reduction du bruit devient cruciale

Dans ce nouveau paysage, “la question de la qualité de l’expérience et des contenus devient centrale. C’est là qu’une marque de confiance a sa place”, estime Discovery. “Le consommateur veut être aidé dans ce bruit et nous devons travailler dur pour faire notre tri de programmes”.

Pour YouTube, “tout ceci est complémentaire. Il y a plus de place pour plus de marques et de talents”.

Dans la salle de l’IBC, les questions fusent et certains se disent frustrés de voir les acteurs ne pas montrer de volonté réelle de régler ce problème de blocage de l’accès aux contenus TV internationaux pour enfin offrir au public “un vrai choix”.

Réponse de Sky: “Mais si, vous avez le choix! C’est YouTube ou la TV payante ! “.