Et si les médias redevenaient intelligents ?

Après « digital », « mobile » et « social first », voici venu le temps d’une nouvelle injonction, d’un nouveau choc, pour un secteur en pleine transformation : « IA first » !

L’idée ? En profiter vite !

En gros, injecter dans des médias, souvent en déclin, une bonne dose de la nouvelle révolution industrielle qui est en train de définir le siècle : l’intelligence artificielle, cette évolution radicale du logiciel qui s’immisce actuellement partout.

Dans notre sphère privée, comme professionnelle.

Et donc dans les médias.

Autant s’en servir le plus vite possible.

Le pari ? Des médias augmentés !

Comment ? En allant chercher à la demande, sur l’étagère, les capacités de cette techno ubiquitaire pour doper les médias, pour les « augmenter ». Voir à terme l’intelligence artificielle (IA) comme un OS, le traitement des données comme un service.

Car désormais, les machines apprennent, résolvent des problèmes, comprennent le langage, perçoivent l’environnement. Elles voient, lisent, entendent, reconnaissent.

Il n’a fallu que très peu de temps à l’IA pour basculer, récemment, de la science-fiction à la réalité. Les robots, physiques ou virtuels, agissent comme dans les films, imitent l’activité humaine et interagissent avec nous de manière familière.

D’ores et déjà, l’IA a commencé à assister, renforcer les capacités humaines, et a permis de déboucher sur une intelligence symbiotique qui associe hommes et machines, forçant les premiers à apprendre à vivre – pour la première fois de leur histoire millénaire – avec des intelligences extérieures.

Certes, il ne s’agit pour l’instant que d’une intelligence faible, mais qui devient plus mûre et plus sophistiquée, en raison de la loi de Moore et des progrès informatiques qui ont vu l’émergence :

  • du smartphone qui a permis de miniaturiser et réduire les coûts des capteurs et des objets connectés,
  • d’une meilleure connectivité permettant de collecter les données de dizaines de milliards d'objets connectés,
  • du cloud qui permet de stocker et traiter ces quantités exponentielles de données dont la valeur ne fait qu'augmenter,
  • et enfin des nouvelles architectures logicielles et des percées dans les systèmes auto-apprenants qui permettent de donner du sens à ces données.

Dans les médias, les machines ont commencé à augmenter, voire à remplacer les humains dans certaines tâches : détection, classification, recommandation, personnalisation, prédiction, simulation, perception.

1C13

La numérisation croissante de nos activités fait doubler, tous les ans, la quantité de données que nous produisons. Bientôt, ce sera toutes les 12 heures. Une montagne « Big Data » impossible donc à collecter, trier, traiter, hiérarchiser, synthétiser et utiliser, sans IA. A grande vitesse et à vaste échelle, celle-ci automatise l’analyse de ces données pour rendre un service, fournir une piste, donner une réponse.

D’ailleurs nous nous servons déjà chaque jour, notamment sur nos mobiles, de cette nouvelle informatique cognitive qui fonctionne en arrière-plan : l’IA indexe nos photos, pilote notre trajet sur une Google map, arrange le newsfeed de Facebook, filtre les spams de notre boîte mail, nous recommande des morceaux sur Spotify, des livres sur Amazon, des vacances sur Booking ou AirBnB, des rencontres sur Tinder, cible nos pubs, etc... Dans un avion, on remet sa vie depuis des années aux mains du pilote automatique. Et cela fait aussi longtemps que les jeux vidéo sont dopés à l’IA. Plus discrètement, elle améliore déjà les diagnostics médicaux, les services bancaires et d’assurance, ou l’efficacité énergétique dans de nombreux pays.

En symbiose permanente avec nos smart phones, nos ordis et nos applis, nous sommes déjà, depuis 20 ans, devenus des créatures différentes, voire même déjà des cyborgs, comme le décrit Elon Musk.

Probablement plus disruptive encore que l’Internet mobile, les réseaux sociaux ou le cloud, le logiciel dopé à l’IA est un peu comme l’électricité qu’on ajoutait partout il y a un siècle. Industrie, transports, éducation, santé, gouvernement, défense… : tous les secteurs vont être transformés, réinventés.

Les médias, l’information, le divertissement, la culture aussi.

Donc notre rapport au monde. Et partant, notre créativité.

En l’augmentant. Et, espérons, en la libérant.

1-4qcqwbsWjvWh-BWPnAsp6g

Basculement de loisirs diffusés vers des loisirs algorithmiques

Qu’on le veuille ou non, les algorithmes sont déjà nos collaborateurs silencieux.

Ils changent la manière dont nous nous informons, nous débattons, nous choisissons… Nous enfermant dans notre bulle cognitive ou au contraire nous éveillant au monde.

En apprenant, ces machines deviennent de plus en plus intelligentes. Elles peuvent nous reconnaître, parler avec nous, et comprendre beaucoup du monde qui nous environne.

Pilotés par des logiciels toujours plus complexes, Twitter et Facebook sont les nouvelles places du village, Google la bibliothèque et le journal des journaux. Chaque fois que vous effleurez votre smart phone vous alimentez la gloutonnerie des machines d’apprentissage automatiques d’Apple ou de Google.

Avant que nous soyons demain immergés dans un monde hybride, où disparaîtront progressivement écrans et supports physiques, la technologie va automatiser des tâches cognitives de routine.

L’IA est donc devenue l’oxygène de ces géants qui s’organisent tous, désormais, autour d’elle. Sans elle, ils ne fonctionneraient pas et devraient embaucher des centaines de milliers de « petites mains » pour opérer. Les Américains Amazon, Microsoft, Google, Facebook, Apple, IBM, les Chinois Baidu, Alibaba ou Tencent, sans compter les Russes VKontakte et Yandex ou même les Français comme Criteo, tous luttent en ce moment dans le secteur de l’IA dont dépendent des pans entiers et croissants de leur business. C’est l’IA – et ses machines surentraînées avec des montagnes de données -- qui leur permettra de se différencier et de garder de l’avance dans leur bataille pour prendre notre temps d’attention.

Ces géants ont en effet les ressources en data (souvent deux décennies de profondeur), en puissance informatique, et en ressources humaines : ils emploient des milliers d’ingénieurs et de « data scientists ». Contrairement à leurs habitudes, Amazon, Google, Microsoft et Cie partagent volontairement le code de leurs développements IA pour avancer plus vite grâce aux contributions externes.

Une course aux armements sévit en ce moment dans la Silicon Valley pour lancer des labos d'IA, qui font la chasse aux talents dans les universités du monde entier, y compris en France comme à l’INRIA.

Ces géants sont aujourd’hui les mieux placés aujourd’hui pour extraire, via leurs algorithmes, de la valeur à partir des données de leurs dizaines de millions d’utilisateurs. Et surtout, désormais, d’améliorer automatiquement la qualité de leur expérience.

Automatisation pilotée par IA

Ils utilisent depuis longtemps ces systèmes auto-apprenants pour le « search », pour cibler la publicité, personnaliser leurs services, taguer des images, trier des fils d’infos, faire des recommandations. En ce moment, les progrès sont décisifs en matière de reconnaissance vocale, de reconnaissance et compréhension d’images, de classification de documents, de traitement automatisé du langage, de graphe de connaissance, de traduction instantanée, dans la recherche et la collecte d’informations, dans la production de nouvelles réalités numériques (virtuelle et augmentée).

Mais aussi, en se rapprochant de nos capacités, pour développer des assistants numériques, qui risquent de vite devenir indispensables dans nos vies quotidiennes.

Comme le stockage de données, l’apprentissage des machines (machine learning) commence à se démocratiser pour devenir accessible aux start-ups et aux individus sous forme de plateformes accessibles via le cloud.

Il nous faudra donc – et c’est une première — apprendre à vivre et travailler avec des intelligences extérieures. Sans doute à les aimer aussi.

D’autant qu’elles vont aussi entrer dans l’espace créatif pour créer et produire des textes, des musiques, des images, et d’autres représentations du monde réel, ou pour imaginer un monde entièrement nouveau et virtuel.

La sphère culturelle et médiatique est donc impactée au premier chef.

0-nztrdWTZ3NM9L8eI

IA : 15 CHAMPS D’APPLICATION POUR LES MEDIAS

1Des machines qui dialoguent à la voix

Jusqu’ici, les gens devaient assimiler le langage des machines. Aujourd’hui, ce sont les machines qui apprennent le langage des hommes, sous leur supervision.

Avec la voix qui pilote de plus en plus les terminaux, agents conversationnels et assistants virtuels font disparaître les interfaces classiques, voire même les écrans.

Les progrès en matière de reconnaissance vocale – où le niveau humain est désormais atteint avec le traitement naturel du langage -- sont tels, tels qu’ils sont désormais en passe de devenir omniprésents dans notre quotidien, via smartphones, bornes/speakers, ou de nombreux autres terminaux. Le mouvement « assistant first » est en train de s’accélérer.

Amazon et Google sont les premiers à permettre au public, via ces assistants virtuels intégrés à des objets du quotdien, de rencontrer un contexte d’IA où ils sont en train de remplacer les outils classiques de « search », en réduisant, au passage, les choix. Logiciels et hardware travaillent alors ensemble pour donner des réponses contextualisées, des conseils pertinents, au bon endroit et au bon moment. De même, les messageries instantanées, qui en sont truffées, remplacent de plus en plus les réseaux sociaux dans un internet chaque jour plus conversationnel et… contextuel.

estaticas-tweet-07

Après Alexa et Assistant, qui ajoutent chaque jour des nouvelles compétences, il faut aussi compter avec Siri d’Apple, Cortana de Microsoft ou Bixby de Samsung. Et demain, probablement, avec Facebook et l’essor de M dans Messenger.

Pour l’instant les interactions sont assez simples et prévues à l’avance (dernières infos, météo, trafic routier, commandes de repas, taxis…), les (chat)bots sont peu sophistiqués, mais tous travaillent à des machines qui sauront tenir des conversations avec les humains. Ils vous connaîtront, vous et vos goûts, et seront en interaction avec d’autres bots pour réaliser telle ou telle tâche.

Déjà menaçants pour les intranets d’entreprise dont ils pourraient vite piloter la communication interne, ils peuvent aussi donner les nouvelles, lire des textes, transcrire automatiquement des interviews enregistrées, présenter un JT, etc…

Mais aujourd’hui, la reconnaissance vocale se heurte encore aux univers bruyants. Et comme pour les humains, toutes les machines n’ont pas quelque chose d’intéressant ou d’original à dire ! 

2Des machines qui voient

Déduisant des informations sur le monde à partir d’images, les machines sont devenues très performantes en matière de reconnaissance faciale et de détection d’objets. Elles peuvent même traiter des milliards d’informations beaucoup plus vite, mieux, et plus précisément que nous. Même si elles peuvent encore être facilement trompées.

Certaines lisent sur les lèvres, reconnaissent des éléments dans une photo ou une vidéo, trouvent des photos par similarité.

Pour vous encourager à revenir, les filtres de Facebook ou de Snapchat font des propositions « fun » en analysant le contenu de vos photos ! Des musées travaillent à un Shazam pour œuvres d’art. Ou encore des machines qui copient : Adobe - entre autres - propose une IA expérimentale capable de copier le style d’une photo pour l’appliquer à une autre. Ou de recréer une voix à partir d’un extrait d’une minute.

Ces nouvelles technologies de reconnaissance et de description d’images et de vidéos sont aussi utilisées dans la lutte contre la pédopornographie, le terrorisme, les phénomènes de harcèlement, de commentaires toxiques, de comportements abusifs, de « revenge porn ». Même si Mark Zuckerberg doit se résoudre à embaucher des milliers d’employés pour policer son réseau social.

Et nous ne sommes pas loin de laisser les machines faire le tri toutes seules pour nous aider à lutter contre les « fake news » et la désinformation.

D’ici là, elles peuvent nous aider à mieux indexer les contenus pour les retrouver et les distribuer avec plus de pertinence. Ou même à chercher à l’intérieur de ces objets textes, photos ou vidéos. Après Microsoft et Google, IBM Watson vient ainsi de proposer aux médias un nouveau service pour analyser les métadonnées de leurs vidéos afin d’en mieux cibler des extraits.

3Des machines qui lisent et écrivent

Depuis plusieurs années, les fameux robots-journalistes ont commencé à travailler, notamment pour produire des articles à partir de résultats sportifs, électoraux et financiers, ou donner la météo.

La génération automatique de textes, à partir de jeux de données structurées, peut en effet permettre d’accroître le volume de sujets traités, réduire le nombre d’erreurs, gagner du temps, cibler de multiples niches, mais aussi laisser le travail plus gratifiant aux journalistes, les libérer du quotidien et rendre la rédaction plus efficace. Un journal suédois lui a déjà confié sa Une.

L’IA permet aussi de scruter et donner du sens à de larges échantillons de données et de textes de grande longueur, qui peuvent arriver dans une rédaction.

Facebook et Google l’utilisent également pour détecter des « fake news » et empêcher leur viralisation.

Mais les rédactions ont encore du mal avec le traitement des données et ne savent toujours pas réclamer des comptes aux algorithmes des géants du web ou s’approprier elles-mêmes les algorithmes pour améliorer leurs services numériques.

Pendant ce temps, les marques, qui deviennent des médias, prennent de l’avance en faisant appel à des agences spécialisées.

qEPJIDc0e9afGnJJR4uX51vwupJDTeqh__seAmoLqHk

4Des machines qui traduisent, codent et chiffrent

Les récents progrès en matière de traduction en temps réel sont impressionnants.

Google Translate, intégré dans de nombreux produits du groupe, sert chaque mois 500 millions d’utilisateurs et traduit chaque jour 140 milliards de mots.

Des algorithmes sont déjà capables d’améliorer des programmes informatiques en optimisant des lignes de code sous exploitées par les développeurs, en repérant des bugs cachés dans des montagnes de lignes, ou en anticipant des pannes imminentes de machines.

Déjà, des machines sont capables d’inventer des clés indéchiffrables pour protéger leurs échanges, par d’autres machines et par l’homme.

Demain, les machines pourront peut-être se programmer elles-mêmes et des voix craignent que les algorithmes ne soient déjà en route pour rendre les développeurs eux-mêmes obsolètes.

5Des machines qui recommandent et prédisent

Des programmes d’apprentissage automatique capables de reconnaître des tendances dans de larges échantillons de données ont débouché sur un web prédictif dans lequel Amazon, Spotify ou Netflix sont devenus les champions de la recommandation personnalisée de livres, de musique, de films et de séries, sans intervention humaine.

Les algorithmes des géants du web savent assez bien ce que nous faisons, où nous nous trouvons, ce que nous aimons, ce que nous pensons. Parfois mieux que nos proches. Peut-être mieux que nous-mêmes.

L’idée est aussi de s’en servir pour réduire l’abondance de choix qui nous submergent, et donc le nombre sidérant de décisions que nous devons prendre chaque minute.

« L’essence même de l’intelligence est en quelque sorte de prédire », résume Yann LeCun, patron français de l’IA de Facebook. D’où les travaux pour comprendre et mieux maîtriser l’incertitude.

La force de la personnalisation par IA est surtout de faire des associations entre contenus, libre à chacun de ne pas s'enfermer dans une bulle de filtre fabriquée par l'IA. 

6Des machines qui archivent, trient et font ressortir le bon grain de l’ivraie

Quand l’abondance est plus problématique que la rareté, la perspicacité devient un service.

Dans les médias en ligne, où la profusion domine, surgit désormais le nouveau problème de la "découvrabilité", c'est-à-dire, la délicate découverte et le tri pertinents de contenus, produits et services, surabondants à l'ère numérique.

L’an dernier, 1,2 million d’articles scientifiques ont été ainsi publiés en bio-médecine : comment faire pour rester dans le coup ? Ne pas perdre son temps dans les ajouts mineurs ?  « Si la science est algorithmique, elle peut être automatisée » : l’IA a en effet plus de mémoire et une plus grande capacité de traitement que le cerveau.

Les capacités de mémoire et de stockage de l’IA, bien supérieures à celles de l’homme, associées à une indexation automatique fine, en font un outil crucial d’archivage. L’IA gère donc mieux l’existant qu’avant.

Demain, elle sera capable non seulement d’aller chercher ce que je veux, mais aussi ce dont j’ai besoin, avant même que j’en ressente l’envie.

7Des machines qui distribuent mieux  

Souvent la manière de distribuer le contenu s’avère plus importante que le contenu lui-même.

Netflix a développé des systèmes d’encodage et de diffusion de vidéo contextuels capables de s’adapter, d’alléger, et de faire des choix de compression et de transmission en fonction de l’environnement de l’utilisateur, de son terminal, mais aussi de la nature de chaque plan filmé.

Demain, nous ne chercherons même plus à savoir si nous avons du réseau ou si nous sommes sur Wi-Fi, mobile ou autre. Le mobile se connectera sans friction.

8Des machines qui proposent de nouvelles expériences

Les designers vont avoir un rôle crucial à jouer pour rendre l’IA plus amicale. Car la méfiance reste grande.

Les interactions avec les contenus et les œuvres sont plus riches et désormais contextualisées, donc très liées à l’utilisateur et à son environnement. Quasiment indécelables et presque magiques. Demain, nous n’aurons probablement plus besoin de sortir notre smartphone de notre poche.

Les designers vont devoir intégrer davantage d'éléments propres aux humains (ton, choix de mots…) pour accroître la confiance des utilisateurs. Toute interface est une conversation. Il faudra aussi que l’IA soit capable de filtrer les informations pour éviter de nous noyer sous un déluge de données. 

9Des machines qui transforment les médias en plateformes

Des plateformes où les producteurs de connaissance créent de la valeur dans des lieux collaboratifs qui sont de véritables écosystèmes attirant clients, services, solutions, bots, etc… de manière interconnectée.

Des plateformes qui pourront aussi demain répondre directement et automatiquement aux questions du public. Ou de trouver le bon bot au bon moment.

IBM, Microsoft, Google, Amazon proposent déjà des boites à outils de services cognitifs et leur puissance informatique aux développeurs pour tester des paquets de data, comprendre et synthétiser le langage, et diverses API aux applis, ou tenter de créer des modèles d’apprentissage.

Demain, via des applications ou des services web, nous souscrirons probablement tous un abonnement à l’IA. 

10Des machines qui savent cibler et connaître intimement l’audience

Il y a encore quelques années, seuls le tailleur, le bottier ou le palace assuraient du sur-mesure et un service personnalisé.

Aujourd’hui, avec les « adgorithmes », la publicité contextuelle et programmatique du monde de l’adtech, censée être plus efficace et mieux mesurée qu’à la télévision, est déjà sous entière domination de Google et Facebook.

Pariant sur l’individualisation à grande échelle, l’IA permet aux médias de connaître bien mieux leur audience, d’utiliser des milliers de critères pour créer des modèles, et cibler, si possible en temps réel. Elle est capable d’analyser des sentiments dans des commentaires de clients et de percevoir l’ADN d’un marché.

L’opportunité est aussi dans l’interaction instantanée avec les utilisateurs, où qu’ils soient. Y compris en tenant compte, par ordinateurs, de leurs émotions et donc leurs besoins.

Nous ne sommes pas loin, non plus, de voir se développer du storytelling contextuel.

Contextuel à un lieu, un écran, une heure de la journée, une humeur, le nombre de personnes, leur sexe, etc… Avec les progrès de la reconnaissance visuelle, Google, propose, après Pinterest, des produits proches de vos goûts, via des « images inspirationnelles ». Dans les rues, des panneaux d’affichage changent les publicités à Moscou en fonction des véhicules qui passent devant.

La « botification » de l’info permet aussi de développer des relations individuelles avec le lecteur ou l’utilisateur, en renforçant la relation de proximité.

Mais sur le web, les annonceurs ne sont pas toujours heureux du placement en ligne de leurs marques aux côtés de contenus douteux, voire effrayants. Et les agences sont en train de mettre en avant des technologies qui, au bout du compte, risquent bien de les faire disparaître.

11Des machines qui améliorent l’accessibilité

En ouvrant de nouvelles possibilités.

Un robot décrit les œuvres aux personnes malvoyantes au MoMA en faisant appel à la reconnaissance d’image pour décrire les tableaux. Le sous-titrage automatique existe sur YouTube grâce à la reconnaissance vocale, et bientôt la reconnaissance des images et la compréhension des scènes automatisera l’audiodescription. DeepMind, l’IA de Google peut désormais lire sur les lèvres pour les malentendants.

12Des machines qui scrutent l’opinion et identifient les signaux faibles

Le recours aux Big Data, remplaçant les échantillons des sondages, pour scruter l’opinion, via les traces laissées sur réseaux sociaux, est en train de grandir, grâce aux énormes nouvelles capacités informatiques, aux technologies cognitives, au « data-mining » et aux progrès extraordinaires réalisés en matière de traitement du langage naturel et des images.

Parallèlement, le rôle du modèle statistique, comme représentation simplifiée du monde, diminue.

D’aucuns voient, dans l’opposition nouvelle faits vs. émotion, une menace démocratique. D’autres y voient un moyen de détecter des signaux faibles, impossibles à déceler autrement. Et partant, de réduire la distance entre la bulle médiatique et les « vraies » gens.

Les ordinateurs veillent actuellement sur les réseaux sociaux, et leur énorme quantité de données, à la recherche d’informations ou de liens entre elles, afin de proposer aux rédactions des outils nouveaux pour ne plus rater des mouvements de fond de l’opinion, comme récemment avec le Brexit, Trump, Fillon ou Hamon.

IBM Watson explore ainsi l’alchimie du langage, les traits de personnalité, et permet de les mesurer. Ils peuvent permettre de faire apparaître des thèmes peu traités par les médias dans des lieux qui échappent aux rédactions, et où se développent des idéologies insoupçonnées.

Mais aussi de surveiller l’actualité en temps réel et parfois de la vérifier, probablement bientôt en temps réel.   

13Des machines qui modifient la réalité

Dans une nouvelle représentation du monde, les technologies de réalité virtuelle (VR) et augmentée (AR), boostées à l’IA, sont en train de façonner l’avenir de la création d’œuvres et de contenus immersifs.

Ces derniers s’adaptent aux humains, répondent de manière plus intuitive, réagissent fortement aux émotions tandis que l’IA permet de transformer l’environnement dans de nouvelles réalités numériques ou hybrides.

Trompant le cerveau, la VR propose déjà de suivre des rencontres sportives à 360° au bord du terrain, tandis que l’AR, consciente de votre environnement, va y placer intelligemment des infos ou des objets virtuels, et fusionner monde physique et monde virtuel.

Demain, un match de tennis ou de foot se jouera sur votre table basse, une conférence se donnera sur votre bureau.

Il sera possible de doser la quantité de réel et de virtuel qu’on aura envie d’avoir. Donc aussi d’enlever de la réalité, du bruit et de la pollution visuelle !

14Des machines qui conduisent des lieux de divertissement

Bourrés d’IA, les futurs véhicules autonomes qui seront sur nos routes dans moins de 10 ans permettront d’y consommer des médias sous toutes leurs formes. Les commandes y seront vocales.

Cinéma et vidéo en tout premier !

Mais nos vies seront entre les mains du développeur, de l’ingénieur qualité, de l’administrateur système ou... du cloud.

15Des machines qui créent

Des formes de création nouvelles, permises désormais par la coopération inédite entre artistes et ingénieurs, apparaissent. La technologie devenant une extension de l’histoire à raconter et un outil de coopération pour les créateurs.

Désormais donc, les machines  

  • racontent des histoires : avec l’IA et les mondes virtuels, les personnages peuvent surgir au sein même de l’audience, et non dans un livre ou sur une pellicule de film. Vous, ou votre public, pouvez devenir le héros de la fiction que vous allez créer.
  • dessinent : avec AutoDraw, Google et ses algorithmes de machine learning vous aident à réaliser des dessins presque parfaits.
  • peignent : un Rembrandt a déjà été généré par IA. Une IA qui peut aussi analyser les similitudes entre œuvres et photos d’actu pour comparer les représentations du monde selon le médium utilisé à la Tate à Londres.
  • écrivent : au Japon, un roman écrit par IA a été sélectionné pour un prix littéraire
  • filment : des court-métrages sont déjà réalisés par IA, ou par IA en coopération avec des scénaristes

Et que se passera-t-il quand des algorithmes extérieurs seront capables de « comprendre et manipuler les émotions humaines mieux que Shakespeare ou Picasso, ou Lennon » ?

Axés sur la créativité et la sensibilité, de nouveaux métiers vont en tous cas apparaître : designers de mondes virtuels dans lesquels les gens passeront de plus en plus de temps, par exemple.

AND WHAT’S NEXT ?

Nous sommes encore loin de l’IA « générale », celle qui serait capable, en apprenant toute seule, de faire tout ce qu’un homme sait faire ; mais les progrès attendus d’ici quelques années avec la puissance potentielle de l’IA risquent bien de faire de nos ordinateurs actuels des outils de l’âge de bronze !

 L’IA déjà critique de ses propres créations

Beaucoup de travail est accompli en ce moment sur les IA contradictoires qui apprennent entre elles en se critiquant, sur l’essor de l’apprentissage décentralisé, fédéré, notamment via les smart phones en réseau, sur l’assimilation de nouvelles connaissances.

Interfaces cerveau-machines en chantier

Avec des neuroscientifiques, Facebook travaille aussi déjà au partage de nos pensées !

Nous devrions bientôt, selon Mark Zuckerberg, Larry Page ou Elon Musk, être en mesure d’éliminer la distance entre le cerveau et l’ordinateur, de supprimer le clavier ou le micro et de brancher la cervelle directement aux machines sans intermédiaire, sans interface, de taper des textes par la pensée, d’obtenir une réponse à une question sans interface extérieure, de communiquer sans se parler. Netflix teste déjà une interface mentale !

Bref, d’augmenter nos capacités cérébrales et cognitives, mais aussi de fusionner le monde numérique d’Internet avec le monde physique et le cerveau humain. De fusionner avec l’IA pour nous rendre plus intelligent, prédit même Ray Kurzweil, le gourou de la Singularité, ce moment où la machine dépassera l’homme.

Curiosité artificielle 

Les robots seront-ils curieux ? Désireux d’apprendre davantage ? Capables de s’adapter aux changements rapides de la vie ? De tomber amoureux ? De souffrir ? De faire le lien entre des situations qui n’en ont pas à première vue ? Pour l’instant, non.

Seront-ils sensibles ? Quelle sera la nature de leurs jugements de valeur ? Y aura-t-il une IA émotionnelle ? Quelle sera la valeur de l’art créé par ces machines ?

Et comment feront-ils pour nous aider quand nous ne savons pas ce que nous voulons ?

Et le quantique arrive !

Avec l’essor de l’informatique quantique, l’IA va encore profiter d’un coup d’accélérateur. La vitesse d’apprentissage et de reconnaissance va être démultipliée. Avec les mêmes acteurs aux commandes : Google, IBM et consorts.

 

COPRODUCTION HOMME/MACHINE, SYMBIOSE

Dilemmes éthiques, manipulation cognitive, biais cachés, comptes à rendre, confiance à gagner, menaces sur les emplois, apparition d’une société du calcul qui gomme les singularités, perte de contrôle sur nos données… : les dangers de l’IA ne sont pas négligeables.

Et l’IA est aussi déjà meilleure que l’homme pour certaines tâches. Elle lui est supérieure pour la mémoire, le calcul, les maths, les probabilités. Elle peut se révéler créative, en faisant fi de la tradition par exemple lors d’un jeu de Go.

Des formes nouvelles de pensée spécifiques et dédiées à des tâches vont émerger, d’autres vont être le résultat d’une coopération avec l’homme, assure le fondateur de Wired, Kevin Kelly

On parle déjà de « co-bots », de robots compagnons ou robots collaboratifs qui améliorent, assistent, augmentent l’homme, comme les médias, dans les secteurs décrits plus haut. En somme, une IA incorporée à notre travail.

D’ores et déjà, « un service d’IA peut être pensé comme en symbiose constante avec tout le reste, avec les autres informations du web, avec d’autres IA, avec les humains proches de lui, comme avec ceux qui sont loin », décrit Manuela Veloso, chef du département Machine Learning de l’Université Carnegie Mellon.

1-vnVWATTAMCwfnJu_iZn2RQ0-LdJxmWCjSdweUKvb

ENCORE DE GROS FREINS & QUELQUES RISQUES

Aujourd’hui, cette intelligence artificielle faible ne sait pas encore bien se débrouiller toute seule, extrapoler, identifier les relations de cause à effet, « penser » de manière abstraite, et a fortiori faire preuve de bon sens. Elle fait semblant d’être sensible, mais n’est pas dotée, réellement, de sensations. Elle a besoin d’un échantillon suffisamment grand pour produire des résultats concluants.

Pour l’instant, l’apprentissage des machines est aussi très supervisé et évidemment peu intégré dans les process des entreprises, a fortiori des médias. L’humain doit intervenir pour corriger les erreurs et distribuer les bons points.

Ajoutons que l’IA a un problème d’image : le public reste en général réticent et n’a pas encore confiance en elle. 

Des machines qui ne doivent pas échapper à leurs créateurs 

En même temps, les progrès en IA sont tels que nous allons dépendre de plus en plus d’ordinateurs qui sont capables de générer leurs propres modèles, leurs logiques, leurs systèmes de pensée, différents de ceux des humains, voire même, incompréhensibles par eux.

Pour ne pas dépendre de boîtes noires, il est donc crucial, prévient déjà le MIT, que ces machines soient au moins compréhensibles par leurs créateurs et puissent rendre des comptes à leurs utilisateurs ou à des tiers de confiance.

Ces machines doivent ressembler un tout petit peu à l’homme dans ses interactions, sinon nous allons vite prendre peur ! Il faut que nous puissions continuer de travailler avec elles et qu’elles ne prennent pas leur liberté, ni deviennent méta-rationnelles ! Or elles sont devenues si compliquées, qu’elles échappent déjà aux informaticiens. Sont-elles, d’ailleurs 5 fois plus intelligentes que nous pour une tâche donnée ou 50.000 fois ? Qui le sait ?

« Nous dépendons de plus en plus souvent de machines qui n’ont pas du tout pensé comme nous, dont le fonctionnement va au-delà de notre compréhension avec des modèles qui + pensent + le monde différemment de nous », avertit David Weinberger, chercheur à Harvard qui en dénonce les dangers de cette « infusion d’intelligence étrangère » dans notre rapport au monde.

Il semble crucial de penser une supervision de ces machines et d’envisager une reprise rapide du contrôle sur nos données. Sans imaginer le scénario catastrophe d'une invasion de terminators envoyés par Poutine, il s'agit bien de contrôler ces machines dotées d'intelligence artificielle, de réguler, dans une certaine mesure, leur emploi, et d'informer les utilisateurs de leur existence.    

1-oePqWUQzz0irnafAaZAAJQ

Attention ! Culture de la boîte noire et algocratie. Ne laissons pas seuls les ingénieurs !

Nous n’avons pas non plus envie de laisser Amazon, Google, Facebook ou Netflix dicter nos choix pour nos lectures, nos achats, notre information, ou même à les biaiser.

D’autant que, forts de positions quasi monopolistiques sur les stocks et les flux de données, les géants du web ne font rien pour nous laisser entrevoir comment fonctionnent leurs boîtes noires, aujourd’hui à l’origine de tant de décisions.

D’où la nécessité cruciale que l’intelligence artificielle profite à tous, que les citoyens y soient sensibilisés et formés, pour que l’innovation ne reste pas dans les mains d’une algocratie, d’une petite caste d’heureux éclairés. Attention donc aux excès des techno-progressistes, des transhumanistes.

Attention à l’utilisation de l’IA pour manipuler les esprits : des tweets écrits par IA peuvent être tels qu’il est impossible de ne pas cliquer sur le lien proposé.

Attention aux outils qui désinforment à dessein : photos et vidéos truquées, par exemple, ou fausses informations en masse, fabriquées dans des fermes de bots.

D’où la nécessité aussi de faire en sorte que ces machines soient capables de s’expliquer sur leur propre fonctionnement, d’être en mesure de justifier leurs décisions, d’être transparentes et auditables. Nous devons pouvoir leur demander : pourquoi recommandez-vous cela ? Et pouvoir leur dire : je veux contrôler le niveau de recommandation et découvrir des contenus qui ne correspondent pas forcément à mon profil.

Quelles sont aussi les marges d’erreurs que nous sommes prêts à accepter ?

Dans le cas des voitures autonomes, c’est bien sûr zéro.

Pour les « fake news » aussi.

Comme par le passé, l’homme est en train d’être modifié par ses outils. Attention donc aussi aux jeunes qui préfèrent parler à des machines qu’à des vraies gens.

L’intention derrière l’IA est plus importante que jamais. Attention donc aussi à un secteur composé en quasi-totalité de jeunes mâles blancs habitant tous dans une zone géographique de quelques centaines de km2 qui imposent leur vision du monde dans des programmes qui vont forcément manquer de diversité.

Il est vital de ne pas laisser seuls les ingénieurs imaginer notre avenir : il faut de l’interdisciplinarité, qui inclut les humanités, l’art, la culture, la philosophie.

Attention aussi à la surveillance, voire la censure, des Etats.

1-EWAM9JOneobLiExxoZc8hQ

QUELLE ADAPTATION POUR LES MEDIAS ? 

Quelle est leur stratégie IA ?

Ignorer cette question et donc cette nouvelle technologie, ne pas tenter de la comprendre et de s’en servir, c’est prendre le risque de rester derrière. C’est aussi prendre le risque de voir s’éloigner désormais les investisseurs et les nouveaux projets.

Les médias feront-ils alors les mêmes erreurs qu’avec l’arrivée d’Internet ? Pas sûr. Mais leur absence de préparation est inquiétante.

Nos ancêtres n’ont pas fait cette erreur quand l’électricité est apparue.

 Les médias sont-ils en mesure aujourd’hui de produire des données de qualité et d’en traiter les énormes volumes nécessaires pour alimenter ces IA ?

La réponse aujourd’hui est non ! Ils n’ont même pas anticipé le phénomène. Leur IA ne sera utile qu’à hauteur de la qualité de leurs données. Il faut expérimenter, tester, se tromper : plus vous utilisez l’IA, plus elle est performante !

 En matière d’intelligence augmentée ou étendue, nous n’en sommes qu’aux phases expérimentales. Mais ça va tellement vite qu’on ne trouve pas les compétences. Dans les rédactions, des « data scientists » et des "computational journalists" seront toutefois de plus en plus nombreux pour continuer à entraîner l'IA et tirer pleinement parti des potentialités qu'elle nous offre.

Pour que les médias profitent de ces nouvelles technologies dynamiques, il leur faudra se mettre vite à jour, se renforcer et s’adapter pour profiter des gains de productivité permis par ces outils d’IA, intégrer des développeurs directement au sein des rédactions, adapter le niveau des compétences en interne et les besoins de formation, et gérer l’arrivée et la distribution inégale d’IA selon les départements. En d’autres termes aussi, apprendre à mieux gérer l’incertitude. Puis à rapidement aborder les problèmes éthiques liés à ces nouvelles technologies.

Il reste donc encore beaucoup de travail de conviction.

D’autant qu’ils font face à la puissance inégalée et l’avance prise par les GAFA, même par rapport aux Etats et aux gouvernements, dont ils s’accaparent petit à petit les missions, grâce aux données que nous leur livrons. Aujourd’hui personne ne peut prétendre nous rendre tous les services toute au long de la journée, mais les géants Américains ou Chinois, rêvent de prendre le contrôle de toutes nos expériences, de nos vies quotidiennes, au travail, à la maison, dans nos loisirs et nos vies personnelles. Ils rêvent déjà aussi d’apprentissage des machines non supervisé, c’est-à-dire sans aide humaine directe.

screen-shot-2017-03-25-at-12-16-50-pm

CONCLUSION

 Intelligence artificielle, internet des objets, robots, transports autonomes sont bien les grandes technologies qui domineront les prochaines années.

Y compris dans les médias.

Le défi, le changement de paradigme même, sera d’apprendre à vivre et travailler avec eux. Et surtout de démocratiser l’IA, de la mettre entre toutes les mains. Dans une nouvelle autonomie symbiotique, une coévolution ou une hybridation homme/machines, demain inséparables, qui mise sur nos spécificités, une rencontre entre un système technique et les humanités. C’est bien la créativité qui va nous différencier des machines. Mais aussi la force de notre esprit critique et notre conscience. L’homme – et pas seulement les ingénieurs ! - doit piloter ce changement.

 Car il ne va pas s’agir seulement de s’interfacer avec des machines, mais avec un nouveau monde. D’avoir un nouveau rapport avec lui.

Un nouveau monde de médias, en particulier, où la valeur des données sera peut-être plus importante que la valeur des contenus, où la valeur ne sera même plus dans l’algorithme ou le code, mais dans la qualité des données.

 Il faudra voir dans l’IA un partenaire du média, du journalisme, de la culture.

A appréhender avec un esprit ouvert ! Et de nouvelles manières de travailler.

Apprendre donc à apprivoiser l’IA, puis élever des IA ! Nous aurons tous demain des collègues IA ! Nous leur enverrons des données pour les entraîner ; et continuerons d’apprendre à ces machines à apprendre ; et nous d’elles. L'IA apprend, s'améliore et n'oublie rien d’ailleurs.

 L’IA va faire pression sur les médias pour qu’ils se différencient plus entre eux.

On l’a vu : l’IA peut trier et représenter la connaissance disponible dans le monde, communiquer en comprenant le langage écrit et parlé, percevoir et déduire des choses à partir d’images et de sons.

 Il faudra des compétences – encore rares - pour le faire et permettre à cette nouvelle culture de trouver un espace et des débouchés, un environnement qui permette, y compris via le cloud, la formation des hommes et l’entraînement des machines qui auront besoin de beaucoup de données, mais aussi de puissance informatique. Il faudra également une nouvelle forme d’éducation civique virtuelle des citoyens pour leur apprendre à comprendre et critiquer les décisions des machines et éviter une forme de « dictature des algorithmes ».

 La société a-t-elle perçu la vitesse de ces changements ?

Pas sûr !

L’Etat est en retard, l’école aussi.

 Mais, sans fétichiser l’algorithme, sans prôner des médias robotisés, les jeunes, avec leur capital numérique, ont déjà complètement intégré les algorithmes dans leur vie, et sont habitués à interagir avec des machines, souvent situées à des milliers de kilomètres d’eux. Elles sont complémentaires et vont entraîner une transformation du travail, plus que son remplacement.

Notre organisme n’est-il pas aussi un assemblage d’algorithmes organiques façonné par des milliers d’années d’évolution ? « Y aurait-il donc des raisons de penser que des algorithmes non organiques ne soient pas en mesure de réaliser ou de dépasser un jour ce que des algos organiques sont capables de faire ? », s’interroge l’historien Yuval Noah Harari.

 « Si les calculs réalisés sont exacts, quelle importance qu’ils soient obtenus avec du carbone ou du silicium ? »

 En créant des intelligences artificielles, nous sommes en train de produire quelque chose qu’aucun humain ne va être probablement en mesure de comprendre réellement, explique David Weinberger d’Harvard. D’où de sérieuses questions sur la notion même de savoir et de connaissance qui jusqu’ici nous permettaient de simplifier le monde, d’y trouver un sens. Devrons-nous abandonner cette ambition ?

Demain, les machines imagineront-elles l’avenir à notre place ?

 A suivre !

Eric Scherer

why-deep-learning-now

-------------

PS : nous développerons ces sujets dans notre Cahier de Tendances Méta-Media N°13, Printemps Eté 2017, avec de nombreux témoignages d'experts, ainsi qu'un grand chapitre sur l'essor des fake news et de la désinformation.

Le cahier sera disponible ici, sur Méta-Media en PDF gratuitement début juin.

 (Illustration de couverture : Jean-Christophe Defline)