Bagage numérique de base ? Vie des données et analyse critique des médias dès le primaire, pour Mounir Mahjoubi

Quel est le bagage numérique de base à acquérir dès l'école ? En marge de Slush, l’énorme conférence tech qui se tenait en fin de semaine à Helsinki, où il a plaidé pour faire de l'Europe un leader en intelligence artificielle, Mounir Mahjoubi, le secrétaire d'Etat français chargé du Numérique, a donné à Méta-media sa version du "bagage des humanités numériques ".

Pour lui, dès l’enseignement primaire, l'école devrait donner aux jeunes élèves un minimum de bases numériques afin d’être mieux armés pour appréhender les nouveaux enjeux de la société, notamment en les familiarisant à la vie des données et à l’analyse critique des médias.

Dans le secondaire, le ministre souhaite non seulement que soit définies les bases des compétences numériques universelles, mais aussi que les élèves, qui le souhaitent, puissent vraiment aller beaucoup plus loin dans leur apprentissage numérique.

Même schéma pour les profs : tous les amener à un bagage minimum, mais aussi trouver des profs experts, ajoute Mounir Mahjoubi qui dit s’entretenir de ces sujets quasi tous les jours avec le ministre de l’Education Nationale.

France Télévisions organise à partir de lundi une semaine de l’Education au siège du groupe audiovisuel public, rassemblant jeune public, médiateurs éducatifs et professionnels de la télévision. L’éducation aux médias, dans un contexte de fake news, hélas en plein essor, sera au centre des débats.

Interview :

Que faire dès l’école primaire ?  

« A la fin de l’école primaire, c’est une nouvelle exigence que la société va imposer au fur et à mesure des mois et des années qui viennent.

Je pense qu’il y a maintenant un minimum de bases numériques à acquérir, qui est de plus en plus élevé, qui est plus élevé qu’avant.

Je pense qu’on a un sujet sur les primo-compétences technologiques de base qui ont l’air techniques à l’origine, mais qui en fait sont la capacité à pouvoir analyser plus globalement l’environnement informationnel et numérique.

Par exemple, quand on fait 10 heures de code – 10 heures ce n’est pas beaucoup – on ne devient ni un codeur ni un ingénieur, sauf qu’on a appris à enregistrer une donnée, à la transmettre, à la modifier, à la faire passer par un réseau ; à comprendre qu’elle a un cycle et qu’elle a une vie.

Le cycle de la donnée c’est un élément très important à maîtriser avant la fin du primaire.

Deuxième élément, c’est l’analyse critique des médias. Aujourd’hui notamment avec les phénomènes de fake news, avec ce qui se passe sur les réseaux sociaux, il n’a jamais été aussi important que les enfants, très tôt, comprennent ce qu’est une source, comprennent ce qu’est un auteur, un journaliste, un critique. Et que tout ça participe à la constitution d’un esprit libre.

Ce sera notre meilleure arme contre les fake news et contre les tentatives de manipulation de l’opinion : c’est d’avoir des citoyens informés et qui maîtrisent ces nouveaux outils."

Faut-il apprendre le code dans le secondaire ?

"Dans le secondaire, moi je suis très ouvert. Je veux que ceux qui ont très envie puissent le faire. C’est pour cela que je l’ai dit au ministre de l’Education nationale : il faut qu’on puisse apprendre plus de numérique. Même aller très loin dans le numérique pour ceux qui en ont envie.

Et après la seule question qui est ouverte et qui est le début d’une discussion tous ensemble aujourd’hui c’est : « pour tous qu’est-ce qu’on veut ? ». C’est quoi le bagage de base des humanités numériques ?

Est-ce que c’est devenir un codeur ? Je ne suis pas sûr. Tout le monde n’a pas besoin de devenir un codeur. Par contre tout le monde doit vraiment maîtriser ce que ça veut dire, ce qu’il s’y passe. Est-ce que tout le monde doit devenir un web designer ? Non ! Par contre il faut que les gens comprennent qu’on peut manipuler des images. Est-ce que tout le monde doit devenir un ingénieur électronicien ? Non. Mais il faut comprendre le robot, il faut comprendre la machine.

Il y a donc le sujet de compétences de bases universelles, et le sujet comment ceux qui en ont envie, on puisse leur donner plus la capacité de devenir plutôt des gens qui vont avoir une expertise".

Et les profs ?

"Pour les profs, c’est de la même manière. Il va falloir que pour tous les profs, on soit capable de former et d’accompagner à ce bagage universel. C’est tout un enjeu de formation des prochaines années. Et en même temps, il faut aussi qu’on ait des profs experts.

Donc la grande question qui se pose et qui est ouverte, c’est qui sont les profs experts du numérique ?

Est-ce que c’est le prof de techno, le prof de math, un nouveau prof de numérique ? Tout ça sont des sujets qui sont très intéressants et qui sont aujourd’hui des sujets qui sont pris par l’éducation nationale pour essayer de tracer les prochaines années".

Que demandez-vous à votre collègue de l’Education Nationale ?

"Avec le ministre de l’Education Nationale, on se parle quasiment tous les jours. On a plein de sujets en commun.

On travaille sur le développement de l'« EdTech », comment on fait pour qu’il y ait un vrai secteur en France qui développe des nouvelles solutions pour l’éducation, on travaille sur la formation des professeurs, sur le bagage de base. On travaille beaucoup sur le « moins 3, plus 3 » : comment on forme les gens depuis le lycée jusqu’au début du supérieur aux nouveaux métiers du numérique, aux nouvelles compétences numériques. Tout ça ce sont des sujets qu’on discute tous les jours."

ES