TV : le décrochage des jeunes va continuer en 2018, mais moins vite que prévu

Par Alexandra Yeh, France Télévisions, Direction de l'Innovation

Des jeunes qui continuent à déserter la télé, mais moins vite que prévu : c’est le futur que prédit Deloitte au petit écran dans la dernière édition de son rapport Technology, Media and Telecommunications Predictions, qui porte sur les jeunes de 18 à 34 ans aux Etats-Unis, au Canada et au Royaume-Uni. Un pari pas trop risqué au vu de l’évolution de leurs usages ces dernières années...

Un déclin structurel, mais constant

Selon Deloitte, l’usage de la télévision linéaire chez les 18-24 devrait reculer de 5 à 15% sur ces trois marchés durant les deux années à venir, pour atteindre une consommation quotidienne de 80 à 120 minutes (avec des variations selon la période de l’année). Un déclin de la TV traditionnelle qui se confirme donc, mais qui devrait rester constant dans les mois à venir, sans s’aggraver.

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Car comme l’explique le rapport, « le pire semble être passé » : depuis 2014, année noire pour les scores d’audience des jeunes, le recul du tube cathodique s’est stabilisé. Et attention, prévient Deloitte, le ralentissement du recul de la TV en 2016 ne s’explique pas par un soudain regain d’amour des Millennials pour la télévision, mais plutôt par une conjoncture politique favorable : celle, bien sûr, d’une campagne présidentielle américaine particulièrement mouvementée qui a fait remonter les scores d’audiences des jeunes jusqu’au Royaume-Uni (avec une consommation linéaire deux plus importante qu’en 2012). Des pics d’audience exceptionnels donc, qui rendent la comparaison avec les audiences de 2017 peu flatteuse - mais Deloitte prévoit que le recul de la TV devrait à nouveau se stabiliser en 2018 et 2019.

 Les "nouveaux usages" arrivent eux aussi à saturation

Si la télévision traditionnelle est désertée par les plus jeunes, ce n’est pas (uniquement) à cause de ses programmes vieillissants – c’est surtout une conséquence de la concurrence des multiples autres usages qui se sont démocratisés ces dernières années : vidéo mobile, consommation en streaming ou sur des plateformes SVOD… Mais après les années fastes, ceux que l’on a longtemps appelé les « nouveaux usages » ne sont plus si nouveaux que ça et eux aussi approchent de la saturation, estime Deloitte.

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Côté conso mobile, le smartphone a en effet atteint un taux de pénétration qu’il lui sera difficile de dépasser, étant désormais possédé par 94% des jeunes Américains en 2016 (contre 55% en 2012), 95% au Royaume-Uni et 92% au Canada. Un taux record donc, avec un temps de consommation quotidien qui n’a fait qu’augmenter ces dernières années : de 90 mn en 2015 aux US à... 156 mn en 2017, soit une augmentation de 73%.

Une croissance qui s’explique aussi par l’augmentation substantielle de la taille des écrans depuis quelques années, qui a favorisé la consommation de vidéo sur mobile (passée de 4,6 mn par jour en 2015 à 11,9 mn par jour en 2017). Mais le temps libre des utilisateurs n’étant pas illimité (tout comme la taille de leurs mains et de leurs poches, d’ailleurs), la croissance de la taille des écrans mobiles et du temps passé dessus par les Millennials devrait être appelée à ralentir dans les années à venir, d’après Deloitte.

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Même tendance côté streaming et SVOD, des modes de consommation qui ont vu leurs usages exploser ces dernières années et dont la croissance devrait mécaniquement ralentir. Alors qu’entre 2012 et 2015, la part des 18-34 ans américains abonnés à Netflix a quasiment doublé en passant de 28% à 50%, il semble hautement improbable que ce chiffre double à nouveau d’ici 2020. Même logique sur la vidéo en streaming dont la consommation hebdomadaire a tout simplement triplé en 3 ans (de 1,6 heure en 2016 à 5,7 heures en 2015) : la croissance de ce mode de visionnage devrait continuer mais à un rythme moins soutenu.

On l’aura compris : l’heure n’est plus au décrochage brutal des jeunes mais plutôt à un déclin lent (mais inexorable, il faut bien l’avouer) du petit écran. Pas question toutefois pour Deloitte de signer l’arrêt de mort de la télévision, dont certains programmes comme le sport ou la TV réalité continuent d’être plébiscités en consommation linéaire traditionnelle.

L’urgence, pour l’industrie de l’audiovisuel, est donc surtout d’adapter ses mesures d’audience pour parvenir à observer au plus près l’évolution des usages des publics (et pas seulement les jeunes), dans toutes leurs subtilités.

Le résumé des préditions Deloitte en une infographie :

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