[Baromètre Kantar-La Croix] Internet et désinformation : une relation toujours ambivalente des Français envers les médias

Par Lisa Rodrigues, MediaLab de l'Information, France Télévisions

Selon le 34e Baromètre Kantar-La Croix,  67% des Français portent  « un grand intérêt » au suivi de l’actualité, 8 points de plus par rapport à l’année dernière où la confiance envers les médias était au plus bas. Une des raisons à ce regain d’intérêt est très certainement l’épidémie de coronavirus. La pandémie a, en effet, été omniprésente dans l’actualité en 2020, et le besoin de s'informer n'a jamais été aussi fort. 

A retenir aussi, tout d’abord, l’importance d’Internet – et de ses limites – dans les habitudes d’information des Français. Cette tendance se confirme d’année en année. Ensuite, les différences flagrantes entre générations dans leur manière de s’informer. Et enfin, les fake news qui sont toujours autant présentes, mais qui sont aussi de mieux en mieux identifiées par la population.  

Les Français restent méfiants face aux médias

Même si le suivi de l’actualité des Français s’est accentué cette année, ils continuent à avoir une attitude plutôt suspicieuse envers les médias. Ainsi, la crédibilité de la radio, de la presse et de la télévision s’établit respectivement à 52, 48 et 42% des sondés seulement. Près de la moitié de la population doute donc de la véracité des faits présentés par les médias. Autre conséquence de cette méfiance, la perception plutôt négative du travail des journalistes par les personnes interrogées. Elles voient majoritairement le métier comme étant dépendant aux instances politiques et aux pouvoirs financiers. Une perception inchangée depuis 20 ans.

 

La radio, média le plus crédible, mais la télévision reste le format privilégié

La télévision reste le médium privilégié en France pour accéder à l’information. 46% des personnes interrogées suivent l’actualité par son biais. On remarque cependant que moins de la moitié (42%) estiment les faits présentés par la télévision comme étant crédibles. Le média le plus digne de confiance pour les Français reste la radio (52%) alors qu’elle n’est utilisée « que » par 14% de la population pour s’informer. Du côté de la presse écrite papier, seuls 5% l’utilisent pour accéder à l’actualité. Un bien triste écho aux 22% des Français déclarant ne jamais lire la presse dans son ensemble (édition numérique ou papier, magazine).

Internet : je t’aime moi non plus

Un des paradoxes déjà relevé par le baromètre les années précédentes est la perception des Français vis-à-vis d’Internet. Alors que 28% seulement estiment les informations diffusées sur ce canal crédibles, ils sont tout de même 34% à l’utiliser pour suivre l’actualité. En regardant plus précisément les sources d’information en ligne consultées par la population, notons les 29% de Français allant surfer sur les sites et applications de titres de presse écrite – 4 points de plus par rapport à l’année dernière. 20% s’informent via les réseaux sociaux, devant les sites de radio et de télévision ou les médias uniquement en ligne.

Un écart entre les générations

Autre point important, la différence dans la manière de s’informer s’accentue entre les générations. Un premier chiffre retient l’attention : seulement 51% des 18-24 ans suivent avec intérêt l’actualité, proportion identique à l’année dernière. Parmi ces jeunes suivant l’actualité, ils sont une large majorité – 66% des moins de 35 ans – à utiliser Internet comme moyen d’accès privilégié à l’information, le plus souvent via leurs smartphones. Chez les plus de 35 ans ce ne sont que 23% qui utilisent Internet pour s’informer. Ces derniers plébiscitent plutôt la télévision pour suivre l’actualité (53%), alors qu’un peu plus d’un quart des moins de 35 ans « seulement » allume le téléviseur pour s'informer.

La couverture de l’épidémie a (un peu) amélioré l’image des médias

Même si pour 74% des Français, les médias ont trop parlé de l’épidémie de coronavirus – en faisant l’évènement le plus couvert en 2020 –, cela a permis à beaucoup d’entre eux de mieux vivre cette période. Ils sont 64% à déclarer que la couverture médiatique de la pandémie leur a permis de « bien comprendre » la situation. 43% estiment, de leur côté, que le sujet a été mal traité. En lien avec ce dernier chiffre, 73% des sondés pensent que « trop de place » a été laissée aux personnes non spécialistes du sujet. Pour 61% des Français, on a même donné trop de place à des personnes exprimant des positions extrêmes sur la situation.

Certains sujets ont été vus comme mieux couverts que d’autres. Quelques exemples : 90% des sondés déclarent avoir été bien informé sur « l’application des gestes barrières et le port du masque », mais 54% estiment avoir été mal informés sur les débats à propos de la chloroquine. Quand 77% estiment avoir été bien informés sur « les règles touchant au confinement ou au déconfinement », ils sont aussi 57% à déclarer avoir été mal informés sur l’origine du virus. En conclusion, même si le coronavirus a été LE sujet d’actualité en 2020, il n’a pas pour autant permis de renouveler de façon flagrante la confiance des Français envers les médias et leur travail.

La désinformation, encore et toujours présente

Les fake news sont toujours aussi présentes dans le flot d’informations reçu par les Français. Pour rester sur la thématique du Covid, 58% estiment que les médias « ont relayé de fausses informations » sur la pandémie. Autre donnée inquiétante, 44% pensent être confronté au moins une fois par semaine à de la désinformation. Les médias perçus comme les plus gros diffuseurs de fake news sont – encore et toujours –  les réseaux sociaux. La crédibilité des informations circulant sur ces plateformes en pâtit. Ainsi, 66% des Français ne font pas confiance aux informations publiées par un ami, et ils sont également 47% à ne pas avoir confiance en celles publiées par un média.

Pour autant – et c’est une petite consolation –, 64% des personnes interrogées déclarent suivre l’actualité pour, justement, « distinguer le vrai du faux ». Peut-être un prélude à un regain d’intérêt pour l’information lors du prochain baromètre ?

 

 

Illustration : Bernard Hermant sur Unsplash