Clubhouse, le réseau social audio confidentiel comme nouvelle star du confinement en Allemagne
Par Kati Bremme, Direction de l’Innovation et de la Prospective de France Télévisions
Après une première apparition en mai 2020 dans la Silicon Valley, Clubhouse, une appli sociale exclusivement audio, crée en ce moment le buzz en Allemagne et passe même en numéro deux des téléchargements devant Telegram. Un succès largement porté par la promotion de célébrités allemandes de l' »old and new media« , de l’influenceuse Caro Daur à l’animateur historique Thomas Gottschalk. Dans un monde surexposé aux vidéoconférences, l’appli audio Clubhouse devient le nouvel espace de prédilection du monde de l’art, de la tech, des médias et de la politique, en réussissant à donner l’impression d’un espace confidentiel, où l’on peut même se taire complètement dans une des salles de repos.
Une impression d’entre-soi justement à l’origine d’un petit scandal politique autour de Bodo Ramelow, ministre-président de Thuringe, qui avait avoué sur l’appli prétendument confidentielle jouer à Candy Crush pendant ses réunions de crise sanitaire avec la chancelière, et pire, qualifiée cette dernière dans la même déclaration de « Merkelchen » (petite Merkel). Le journal allemand « Welt am Sonntag » fut le premier à citer ces déclarations depuis Clubhouse, et de nombreux médias ont ensuite mis en avant cet « acte d’ignorance [digitale] masculine » de la part du ministre. En effet, sous ses airs d’entretien téléphonique intime, l’application Clubhouse rassemble plusieurs milliers de personnes par « appel ».

Le ministre Bodo Ramelow s’excuse pour son « acte d’ignorance masculine »
Comment cela fonctionne ?
Clubhouse est une appli sociale audio centrée sur la voix. Cette « Drop in Audio App », comme elle est décrite par ses fondateurs Paul Davison et Rohan Seth, savoureux mélange de conférence virtuelle et de podcast interactif, donne aux utilisateurs l’occasion de parler, de raconter des histoires, de développer des idées, d’approfondir des amitiés ou de rencontrer de nouvelles personnes.
L’utilisateur qui a réussi à entrer dans l’appli sur invitation peut suivre différentes thématiques dans les « salons », soit en simple auditeur, soit en s’exprimant. Contrairement à d’autres applications sociales, Clubhouse ne dispose pas de fonctions « Like » ou de commentaires, tout le monde s’exprime de vive voix, modéré par des animateurs. Dans Clubhouse, tout se passe en direct, rien ne peut être enregistré et partagé. Alors qu’Instagram Livestreams ne permet qu’à deux personnes de se parler et que l’application doit rester ouverte, dans Clubhouse, 5.000 personnes peuvent se réunir dans une pièce et l’application peut fonctionner en arrière-plan.
Clé du succès : l’audio confidentielle
Le concept de marketing des fabricants de Clubhouse inclut la « rareté artificielle« . Pour le moment, les utilisateurs d’un smartphone Android sont laissés de côté. Même la plupart des propriétaires d’iPhone qui ont installé Clubhouse doivent encore attendre pour utiliser l’application. Ils ont besoin d’une invitation d’un utilisateur actif pour entrer dans le Clubhouse. L’effet « Fear of Missing Out » (FOMO) qui en résulte crée un énorme battage médiatique.
Le côté sélectif est amplifié par une autre fonction de Clubhouse : toute personne qui veut utiliser l’application doit partager son carnet d’adresses iPhone avec elle (élément douteux en termes de protection des données). Si l’un des contacts du carnet d’adresses est déjà sur la liste d’attente de Clubhouse, l’application donne parfois à l’utilisateur la possibilité d’attribuer un « passe-droit » au contact en dehors de la file d’attente virtuelle et de déverrouiller son accès – sans avoir besoin d’une invitation. Le modèle économique de l’appli reste encore flou, en attendant, des invitations se négocient à des prix allant jusqu’à 250 euros sur Ebay.
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L’appli est arrivée en Allemagne en janvier 2021 par lintermédiare de deux stars du podcast tech germanophone ayant des liens avec la Silicon Valley, Klöckner et Gloeckler du Doppelgänger-Podcast. Clubhouse se vante de sa nature intime, non éditée. En Allemagne, des hommes politiques comme Christian Lindner, chef du Parti démocratique libre (FDP), ont été les premiers à s’y intéresser. Sans la pression de la vidéo, politiciens et influenceurs peuvent inviter les participants dans un club exclusif : ils peuvent parler directement à l’audience sans intermédiaire, dans un sentiment d’intimité. Mais avec un bémol : l’audio donne certes une impression de proximité et d’entre-soi, – bien plus que les vidéoconférences-, sauf que l’on ne se confie pas en off devant un petit groupe de journalistes, mais bien devant des centaines d’auditeurs tout sauf confidents. Se soulève alors la question des règles journalistiques de base : Les hommes politiques sont-ils des citoyens privés ou des représentants élus dans un salon de discussion semi-public à 23h du soir ?
Une plateforme plébiscitée par le monde de l’art
Clubhouse recrée un univers élitiste, un peu comme si l’on se retrouvait à nouveau autour d’un cocktail dans un vernissage ou encore dans une lecture d’un auteur underground. L’appli est d’ailleurs utilisée par nombre d’écrivains pour s’exprimer à distance avec leur public, à l’instar de Peter Wittkamp, célèbre auteur humoriste qui alimente avec ses textes la plupart des « Late Night Shows » allemands.
Mein Vorschlag für eine gerechte Verteilung der Netzwerke
Instagram: Alle unter 40
TikTok: Alle unter 20
Clubhouse: Berlin Mitte
Pinterest: Frauen, die heiraten wollen
Twitter: Linke
Telegram: Rechte und politisch Irre
eBay Kleinanzeigen: alle anderen Irren
Facebook: Der Rest— Peter Wittkamp (@diktator) January 24, 2021
Redistribution de la population sur les réseaux sociaux selon l’humoriste Peter Wittkamp : Instagram pour les moins de 40, TikTok pour les moins de 20, Clubhouse pour l’élite intellectuelle du quartier Berlin Mitte, Pinterest pour les femmes qui souhaitent se marier, Twitter pour la Gauche, Telegram pour la Droite et des fous politiques, eBay pour les autres fous, et Facebook pour le reste…
Le labyrinthe des différents salons rappelle un peu les happenings artistiques improvisés dans des bâtiments abandonnés du Berlin des années 1990. On peut y trouver des Anne Schwanz et Johanna Neuschäffer d’Office Impart en entretien avec Annika von Taube, chroniqueuse de Monopol et stratège numérique, Dirk Boll, directeur de la maison de ventes aux enchères Christie’s, et quelques autres invités débattre de la façon dont les formats numériques sont en train de changer le marché de l’art. Il existe aussi des salons « fermés », encore plus select. On peut échanger sur Clubhouse avec des entrepreneurs de la tech et des fondateurs de startups, avec des stars de TikTok et autres influenceurs, avec des footballeurs et des experts du marché de l’art.
Les critiques : incompatibilité RGPD, manque d’accessibilité et tendance au #FOMO
Le concept douteux de protection des données de Clubhouse, qui viole probablement aussi le Règlement Général européen sur la Protection des Données (RGPD), n’a pas empêché de nombreux influenceurs en Allemagne de prendre rapidement le train en marche depuis mi-janvier et de passer de WhatsApp à Clubhouse sur fond de schizophrénie concernant les règles de « privacy ». Par exemple, plus de 1.000 personnes se sont réunies virtuellement dans une salle de Clubhouse où la ministre du numérique allemande, Dorothee Bär (CSU), a discuté de l' »Année de la Diversité 2021″ avec l’entrepreneur Tijen Onaran, la journaliste Niddal Salah-Eldin et d’autres invités.
La nature radicalement libre des salons, bien qu’apparemment égalitaire, a déjà suscité la controverse. La journaliste du New York Times Taylor Lorenz a écrit sur la façon dont certaines salles de Clubhouse se transforment en bastions de la misogynie, de l’antisémitisme et du racisme. En l’absence d’enregistrement, les observateurs indépendants n’ont guère de moyens d’enquêter sur ces accusations.
Raul Krauthausen, un auteur allemand, connu pour ses actions en faveur des personnes handicapées, critique l’application pour son côté exclusif au lieu d’être inclusive. Dans un post Instagram, il met en avant « ce qui ne manque certainement pas à l’humanité en ce moment :
- une appli qui exclut les personnes sourdes et qui n’est pas accessible
- une appli qui est élitiste et exclusive
- une appli qui promeut le FOMO«
A la place, il prône le « JOMO« , le « Joy of Missing Out« , qui nous permettrait justement de nous libérer de ce perpétuel besoin d’être informé de tout.
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Conclusion
La recette du succès de Clubhouse semble évidente : on se retrouve enfin, sans toutefois se réunir. On ne se voit pas, on s’écoute. Clubhouse c’est un peu une conférence téléphonique sans fin dans le domaine du divertissement, à laquelle chacun participe volontairement, ou encore une balade audio entrecoupée d' »heureux hasards » similaires à ceux qui se produisent lorsque vous vous joignez soudainement à une conversation inspirante lors d’une fête.
Des discussions et des rencontres qui, autrement, auraient lieu dans des galeries et des musées, dans des bars et des restaurants, ont maintenant leur place dans l’espace numérique. En attendant le retour dans la vraie vie, Clubhouse se présente comme une bonne substitution d’un semblant de vie sociale, au moins pour une certaine catégorie de la population, qui, de surcroît, ne se soucie guère de la protection de ses données. Jusqu’à l’arrivée de la prochaine application tendance venue des Etats-Unis…
Germany got Clubhouse a few days ago, and now the German journos I follow on Twitter are reenacting versions of every stupid Clubhouse controversy we had in the States over the past months.
The culture war is coming to Europe. It’ll just arrive with a short delay.
— Yascha Mounk (@Yascha_Mounk) January 24, 2021
Les origines : Clubhouse a été lancée en avril 2020 et a d’abord connu un essor aux États-Unis pendant le premier confinement, rappelant les débuts de WhatsApp ou Snapchat. Andreessen Horowitz, Venture Capitalist qui avait déjà investi dans des stars de la Silicon Valley comme AirBnB, Facebook, Instagram, Lyft et Twitter, a engagé 12 millions de dollars dans Clubhouse en mai 2020. La start-up a été évaluée à 100 millions de dollars (actuellement 82,78 millions d’euros) – à une époque où elle comptait seulement 1500 utilisateurs actifs. Parmi eux, cependant, quelques célébrités comme le rappeur Drake, le comédien Kevin Hart, Oprah Winfrey, Chris Rock ou encore Ashton Kutcher.
Quel avenir pour la presse en 2021 ? Plein d’espoir !
Par Fabienne Billat, conseillère en Communication et Stratégie Digitale
Le numérique a pour le moment plus détruit que créé de la valeur pour la presse. Hégémonie des GAFAs, défiance des lecteurs, appel à la régulation… le secteur subit une révolution digitale – au forceps, accélérée par la pandémie mondiale. Faut-il pour autant abandonner tout espoir d’embellie ?
Certainement pas. La singularité de notre culture et une certaine idée de la presse à la française, ou à l’européenne, pourraient bien ouvrir une nouvelle voie.
Défiance certes, mais record de consommation online
Le baromètre 2020 de confiance dans les médias réalisé par Kantar montre que l’intérêt porté à l’actualité est à son niveau le plus bas depuis 1987.
La crise du Covid-19 accélère inexorablement la fin de la presse papier à travers le monde. Comme le rappelle Cyril Vart, Vice-Président Exécutif de Fabernovel : « Cela ressemble au marché de la presse magazine en 2004. Tout le monde était prévenu qu’il y aurait du changement avec les médias en ligne, mais les médias traditionnels n’ont pas su s’adapter. »
Assez logiquement, les confinements de l’année 2020 ont pulvérisé les records en termes d’abonnements payants pour les médias en ligne. C’est le cas du New York Times, dont les revenus web dépassent désormais ceux du papier : entre les abonnements et les revenus publicitaires, 186 millions de dollars au deuxième trimestre, versus 175 millions pour les ventes et publicités papier.
En France, autres records : un nombre d’abonnés supplémentaires pour les journaux Le Monde, Le Figaro, le site Mediapart …
Qualité des contenus versus gratuité des GAFAs
Dans ce contexte de digitalisation des médias, l’enjeu reste celui de la rémunération des contenus en ligne viralisés sur les plateformes d’agrégation telles Facebook ou Google. Comment réconcilier la qualité des contenus produit avec la gratuité de leur distribution ?
D’un côté, nous voulons une information vérifiée, qualifiée, produite par un journalisme instruit, ce qui représente un coût. De l’autre côté, le lowcost demande des investissements moindres et sa part de marché ne cesse de croître.
En opposition à cet état de fait, en août 2018, une tribune de journalistes parue dans Le Monde estime que l’Europe doit adopter sa réforme du droit d’auteur afin de protéger la presse de « la prédation des géants du Net ». Elle réclame l’attribution des « droits voisins » à la presse en ligne. Retour en arrière…
Octobre 2019 : Google vient de proposer des accords bilatéraux avec certains médias en Australie, au Brésil, en Allemagne et aux Pays-Bas, pour leur acheter des contenus. Alliance à laquelle résistent les éditeurs de presse français. Le bras de fer commence.
Novembre 2019 : c’est au tour des médias français, Le Monde, Le Figaro, Libération, l’Express, l’Obs ou encore Courrier International, de signer des accords individuels.
Voilà une résolution qui équilibre la rétribution de valeur, à la sauce américaine.
« Au lieu de chercher un modèle juste, raisonnable et transparent pour rémunérer les droits voisins, Google essaie d’imposer sa volonté et son modèle aux médias. » lance Daniel Kretinsky, PDG de CMI dans Libération.
Un dossier qui vient de trouver une issue positive, avec la signature d’un accrord entre Google et l’Alliance de la presse d’information générale le 21 janvier 2021.
Un rapport singulier à la presse selon les continents
Certes, les plateformes de diffusion ont modifié nos systèmes, imposant de nouveaux modèles dans le monde.
En France, l’information est un besoin. C’est même un droit traduit par le principe de la liberté de la presse. La presse et les médias ont ce rôle majeur d’équilibre et d’accès à la démocratie. Nous nous battons énergiquement pour cette démocratie, cette liberté.
Curieusement, les Français caracolent en tête de ceux qui lisent le moins la presse quotidienne papier : 8% y sont fidèles contre une moyenne mondiale de 14% !
Rétribuer un média pour garantir une information fiable n’est pas, non plus, l’apanage de notre société : seulement 15% d’entre nous se dit prêt à payer, selon une étude Ipsos menée dans 29 pays. (Ipsos, octobre 2020)
A l’égard du marché asiatique, nous nourrissons une fascination certaine, alimentée par leur phénoménale avance technologique. L’accès à l’information diffère. Chaque citoyen chinois est équipé d’un smartphone : 92,5 % de la population accède à Internet grâce aux applications sélectionnées. Les réseaux sociaux étrangers dont Facebook et Twitter sont bloqués, des millions d’employés contrôlent et censurent ce qui se dit sur Internet.
Autre modèle, de l’autre côté de l’Atlantique, aux USA. Ici, la constitution ne garantit pas le droit général au respect de la vie privée. Les réseaux sociaux sont hégémoniques, portés par le soutien des hubs : universités, gouvernement, entreprises et investisseurs. Ces plateformes ont répondu à nos besoins de communautés, et permis de nourrir nos appétits d’information, gratuitement -en apparence. Elles participent à la diffusion de l’information, créée par les médias, avec la puissance de viralité qui leur appartient.
« Il en résulte une forte dépendance à Google et Facebook. Pour certains médias, cela va jusqu’à 30% ou 40% de leur chiffre d’affaires » constate Sylvain Levy-Valensi fondateur de Webradios Edition.
Un retard de régulation ?
Il est bien trop tard pour nous opposer ou même les concurrencer. Néanmoins, les courbes des cycles sont à l’œuvre. Depuis peu, les rebellions se font jour sur le territoire natif des géants numériques, aux USA. Selon G H. Smith, Président du syndicat des intérêts des radios et des télés, « Ces géants font du tort aux 7 500 chaînes de télévision et radios locales, en siphonnant à hauteur de 70% depuis 20 ans, leurs revenus publicitaires. »
Une revendication attestée : Google et Facebook contrôlent à eux deux 77% des revenus publicitaires sur le plan local.
Sur ce point, il est positif de constater que les différents mouvements politiques s’accordent sur une régulation des revenus de ces monopoles.
A l’origine, était l’atout gagnant : la prééminence du soutien étatique, a permis de mener à l’apogée ces puissances technologiques.
Eric Scherer, Directeur de l’Innovation et des Affaires Internationales de France Télévisions insiste sur cette déficience : « Le manque de soutien politique en Europe pour le développement de structures est patent. Nous sommes en retard, notamment pour collaborer. Il n’y a pas de sphère publique numérique européenne. » L’Etat doit jouer son rôle.
Capter l’attention, ou faire d’autres choix
On pense que Facebook vend nos données. Plus subtilement, Facebook les exploite. Ce réseau social élabore des modèles pour prédire nos actions, et les orienter. Notre psychologie inspire la tech ! C’est l’utilisation de ce que l’on sait de nos comportements cognitifs, qui élabore des technologies.
Ferons-nous ce choix ? Entrerons-nous dans cette compétition de l’attention, cette exploitation de nos données, en échange de nos usages ?
Ou serons-nous capables d’élaborer un autre modèle ?
L’une de nos forces s’opère à travers les régulations, les législations en faveur de nos principes éthiques. Subséquemment, le contrôle pour préserver le droit à la vie privée. « Renforcer nos barrières pour préserver nos valeurs ancrées sur l’humain, notre culture », ainsi que le préconise Sylvain Levy-Valensi.
Cela rejoint notre souhait de souveraineté. « Certes, la frontière est ténue avec le protectionnisme, ajoute Mick Lévy, Directeur de l’Innovation chez Business et Décision. Ce sujet ne concerne pas les USA, car ils ont à la fois un gigantesque marché intérieur dynamique, ils ont toutes les meilleures technologies et les données restent sur leur sol. Ni la Chine, avec de surcroît la protection du « great firewall » qui instaure un Internet verrouillé à l’échelle du pays. »
Quelques pistes à expérimenter
Nous devons nous définir. Identifier nos singularités, les activer, les défendre.
A l’échelle individuelle, par nos usages : l’internaute zappe d’un réseau social à l’autre, rebondit entre les podcasts, les vidéos, les newsletters… C’est la génération snacking. Devant la pléthore d’informations, nous pouvons investiguer une piste proposée par Nesem Ertan, ‘‘le nutritionnisme de contenu’’. Ainsi que nous nourrissons notre corps par des aliments choisis, frais, bios… nous pouvons travailler à éduquer notre consommation digitale.
Pourquoi pas en adoptant les principes numériques de la plateforme ? La presse c’est un nom, un média, tel un lieu où l’on se rend, que l’on consulte. Il faut désormais, envisager le modèle de plateforme. Le media n’a plus une voix unique, il est enrichi par de multiples sources, des interactions, une riche capillarité. La co-construction s’initie alors, vecteur d’ouverture et de développement.
Pour l’illustrer, une consultation citoyenne a été réalisée lors du premier confinement : un dialogue journalistes/citoyens qui a identifié un besoin de coopération pour l’éditorialisation de la presse locale. Cela a débouché sur des collaborations concrètes, entre journalistes et citoyens locaux. De ces échanges fructueux sont nées des publications, des réalisations…Cela permet une proposition d’expérience, impliquante, bien au-delà de l’internaute simplement lecteur.
Pourquoi pas, aussi, utiliser la technologie comme outil de création. Avec la démocratisation de l’intelligence artificielle, les modes conventionnels sont bousculés. Ainsi, cet article entièrement rédigé par une IA, qui arrive en première place sur Hacker News.
Et si nous utilisions ces technologies au service de notre créativité ? Pour inventer des produits et des modèles qui nous sont propres, qui nous ressemblent culturellement. Et s’élever vers d’autres perspectives.
Cette troisième voie, protéiforme, est à construire.
A cet égard, le projet de GaiaX lancé en Juin 2020 est prometteur : 180 entreprises et institutions européennes se sont alliées et initient le socle de notre souveraineté numérique. Une déclinaison d’une partie des services est à l’œuvre pour les secteurs comme la presse. Si cela fonctionne, ce serait la meilleure possibilité de défendre des valeurs européennes de protection de la vie privée et de diversité.
La possibilité, enfin, d’une Europe numérique indépendante, sa déclinaison de services en adhésion avec nos valeurs.
Après l’hégémonie commerciale inquiétante des géants du Net, leur abus de pouvoir patent, c’est de l’équilibre politique mondial dont il s’agit, comme nous l’avons vu avec les récents événements de Washington.
Il nous incombe de préserver cette liberté, à travers l’information aussi.
Tendances et prédictions 2021 pour les médias : de la résilience à une mutation positive des médias
Par Lisa Rodrigues, MediaLab de l’Information, France Télévisions
Le maître-mot pour survivre à ces derniers mois, c’est la résilience. Les médias n’ont pas dérogé à cette règle. Le rapport des tendances et prédictions pour 2021 du Reuters Institute et de l’Université d’Oxford fait bien appel, sans jamais la nommer, à cette attitude indispensable en temps de pandémie. L’accélération de la digitalisation des contenus, un rapprochement avec le public ou encore un recours plus important aux nouvelles technologies ont également été observés en 2020.
Pour autant, 2021 pourrait marquer un changement de cap pour le journalisme. Bien plus que la résilience, il est aujourd’hui temps d’enclencher une véritable mutation positive des médias. D’une certaine manière, le rapport présente le coronavirus comme un coup de fouet salutaire et nécessaire à la profession pour passer à la vitesse supérieure.
1Les enseignements tirés de la pandémie
Communication et interaction
Les derniers mois ont vu les rédactions vidées de leurs occupants. Les journalistes travaillent désormais chez eux et couvrent comme ils le peuvent l’actualité. Tous se sont réorganisés et ont repensé la manière de rapporter l’information. La communication entre les équipes est devenue primordiale, et la protection sanitaire un enjeu prioritaire. Il faut aussi, et surtout, rassurer le public croulant sous un flot d’information – et de désinformation – dans cette situation inédite et terrifiante. Les initiatives pour recueillir leurs interrogations et leur répondre ont fleuri, en particulier via les réseaux sociaux à coup de #hashtags et autres bots.
Digitalisation, abonnements numériques et diversification
La digitalisation des contenus a été logiquement accélérée et la question de leur accès a rapidement été mise sur la table. Les offres d’abonnements numériques se sont multipliées et les souscriptions ont suivi. Reste à voir si ces abonnés ne sont pas seulement les produits d’un « effet coronavirus ». Si la plupart des grands éditeurs de presse avait déjà entamé cette transformation, les plus petites structures ont eu davantage de difficultés. Pour autant, selon le rapport, 51% des sondés – tous travaillant dans le monde des médias – estiment que les revenus des abonnements payants bénéficieront à une large partie des éditeurs, indépendamment de leur taille. Et ce, même si le Digital News Report 2020 souligne la mainmise des grands groupes sur les bénéficies d’entre un tiers et la moitié des abonnements numériques aux Etats-Unis.
Pour maintenir leur santé financière, les rédactions devront également continuer à diversifier leur modèle économique. Certains médias, à l’image de The Independent, le font déjà depuis quelques années en proposant des évènements live – ayant rencontré un beau succès durant la pandémie – ou en développant leur offre de e-commerce. Plus surprenant, nous pourrions même trouver très bientôt à la vente des produits dérivés estampillés de notre média lifestyle préféré.
Les biais de la régulation
Impossible non plus de ne pas parler du rôle régulateur de l’Etat. En temps de pandémie, contrôler le flux d’information et mettre en avant les faits vérifiés a pu relever de la gageure. Les gouvernements ont voulu relever le défi, faisant parfois grincer des dents. En France, l’exécutif a lancé en mai 2020 son site anti-fake news regroupant les informations vérifiées sur le coronavirus. Seulement voilà, on y retrouvait les articles de cinq médias uniquement … Encore plus inquiétant, les mesures législatives pouvant mener à des penchants autoritaires et de restriction de la liberté de la presse, à l’image de la Hongrie où la loi sur la désinformation est utilisée pour faire taire les opposants.
2Un nouveau modèle de journalisme à développer
Tirer des leçons, c’est bien, mais ils s’agit désormais de les utiliser pour avancer. Le Reuters Institute et Oxford entament ainsi une réflexion sur un nouveau modèle de journalisme pour 2021. Et cela commence par le débat autour de l’impartialité et de la neutralité des journalistes. Les avis à ce propos sont mitigés. 88% des sondés affirment que l’impartialité compte, mais ces mêmes personnes reconnaissent également qu’il est quasi impossible moralement d’être neutre sur des sujets comme le racisme ou la démocratie. Des rédactions ont pris les choses en main en développant leur « code de bonne conduite » pour guider les journalistes et imposer des limites. Les réseaux sociaux sont aussi intégrés dans les réflexions des médias à ce propos, à l’image de la BBC souhaitant sensibiliser sa rédaction aux publications sur les plateformes.
Lutter contre la désinformation
La lutte contre la désinformation doit avoir une place prépondérante en 2021. Etre journaliste, c’est désormais écouter, revenir aux faits, faire appel à des spécialistes reconnus et répondre de manière pédagogique et scientifique aux sujets du moment. Cela permettra de (re)gagner la confiance du public, déjà écornée avant la pandémie par les fake news et une méfiance face aux médias comme l’ennemi de la société. Dans cette lutte contre la désinformation, près de 212 millions de dollars ont été versés cette année par Google et Facebook à environ 7 000 rédactions locales américaines selon une étude du Tow Center. Même si les GAFAM restent le médium de diffusion par excellence des fake-news, ils jouent eux-aussi un rôle primordial sur ce dossier.
Un journalisme plus incarné, basé sur les faits, l’explication et la spécialisation
Le nouveau modèle de journalisme doit enfin trouver des formats plus incarnés, plus proches du public. C’est probablement l’une des raisons ayant propulsé les newsletters sur le devant de la scène cette année. Ce n’est pas un format nouveau, certes, mais il attire désormais de grands noms y voyant la possibilité de s’exprimer un peu plus librement qu’au sein de leurs rédactions. Les médias lancent eux-aussi progressivement leurs propres newsletters, voire parrainent celles déjà existantes. Et avec la possibilité de souscrire à un abonnement payant pour recevoir le matin dans sa boîte mail les réflexions d’un « columnist » respecté, les motivations pour se lancer ne manquent pas.
Les podcasts ont aussi le vent en poupe. Des entreprises – Amazon, Spotify, Apple ou Google pour ne citer qu’eux – se sont lancées dans une guerre commerciale pour acquérir les droits de certains programmes. Encore faut-il se démarquer. Le New York Times parie sur des formats longs, Spotify sur des stars à la tête de leurs propres émissions. Quant à Apple, il pense à lancer son service payant quand d’autres réfléchissent à ajouter de la vidéo pour attirer de nouveaux auditeurs.
Un journalisme de co-construction
Les rédactions ont utilisé la crise du Covid-19 pour tester de nouvelles technologies et techniques de collecte de l’information. Ces techniques consistent notamment à « faire progresser les efforts visant à collecter du contenu auprès du public et à explorer les enquêtes axées sur le public« . Des approches similaires ont été expérimentées au Royaume-Uni par le service de reportage de la BBC sur la démocratie locale et par Facebook qui finance des reporters communautaires pour couvrir les zones sous-représentées.
L’innovation issue de la collaboration
La création d’une culture plus innovante reste une préoccupation essentielle pour de nombreux leaders du numérique. Mais il s’avère que les meilleures idées ne viennent pas toujours du haut. Selon l’enquête, la connaissance du public et des données (74 %), les équipes pluridisciplinaires (68 %) et l’apprentissage auprès d’autres rédactions (48 %) sont considérés comme les meilleurs moyens de générer de nouvelles idées, contre seulement 26 % venant du top leadership.
Le rythme de l’innovation restera soutenu cette année, car les entreprises de médias accélèrent leurs projets numériques. Mais avec peu d’argent disponible pour de nouveaux investissements importants, les entreprises vont probablement se concentrer sur l’amélioration des produits et marques existants (70 %) plutôt que de développer des « Moonshots » ou de créer des produits entièrement nouveaux (28 %). Le focus sera sur l’experience utilisateur et une innovation durable, capable de s’adapter à un environnement changeant.
3Et les nouvelles technologies dans tout cela ?
Comment ne pas parler des nouvelles technologies pour renouveler une profession qui en est de plus en dépendante ? L’intelligence artificielle a déjà trouvé plusieurs applications. Elle est capable de choisir les articles à mettre en une, de créer des outils de fact-checking ou de répondre aux questions des lecteurs via les chatbots. Pour autant, des biais existent et les externalités positives de ces technologies ne profitent pas à tous. Pour 65% des sondés, elles vont même profiter davantage aux grands éditeurs – soit ceux ayant le plus de moyens pour investir dans l’IA. Côté public, l’arrivée massive de la 5G et des appareils compatibles va permettre aux médias de proposer des contenus plus riches. Les accessoires et technologies VR en particulier vont devenir plus courants et offrir de nouvelles possibilités d’innovation aux journalistes.
Transparence autour des données
Par contre, qui dit digitalisation dit protection des données. Pour les médias, la question est d’autant plus importante que ces données leur permettent, notamment, de mesurer comprendre leur audience. Problème, ils doivent obtenir ces données auprès des plateformes, plutôt réticentes à partager ces informations précieuses. Un des enjeux de 2021 sera donc de pousser à plus de transparence et de coopération de la part des entreprises de la tech et des réseaux sociaux. Une autre solution avancée dans le rapport est « l’indépendance » numérique des rédactions. Le Washington Post ou l’Ozone Project au Royaume-Uni, notamment, essayent d’améliorer leurs performances digitales ou de créer leurs propres plateformes, mais cela reste encore une initiative peu répandue.
Rémunération pour les contenus
Un autre problème se pose. La visibilité des rédactions dépend largement de leur positionnement dans les résultats de recherche sur les moteurs de recherche. Or, les plateformes ne rémunèrent pas correctement – voire pas du tout – les médias pour leurs contenus mis en avant. Pour remédier à cela, il faut négocier. Dans la pratique, les plus importants éditeurs obtiennent la part du lion et sont les plus à même de faire entendre leurs voix. Faute de régulation globale, des accords sont trouvés au cas par cas, comme entre Google et la presse française. Dans un futur idéal, un front uni des médias sur ce sujet serait appréciable.
En définitive, le journalisme a su – sans surprise – être résilient pendant la pandémie, mais il faut maintenant penser à être davantage dans l’action plutôt que dans l’adaptation. Une réelle mutation des médias doit s’opérer. Et, selon le Reuters Institute et l’Université d’Oxford, cette mutation pourrait bien avoir lieu en 2021, dans un monde où le physique et le virtuel coexisteront de manière nouvelle.
2021 sera certainement l’année où de nouveaux modèles hybrides seront testés et où les médias essaieront de trouver le juste équilibre entre efficacité et créativité. Mais les salles de rédaction devront également innover dans les nouveaux formats numériques si elles veulent réussir à attirer le public. Cette année, les salles de rédaction investiront davantage dans les contenus audio et vidéo en ligne, dans le journalisme de données, ainsi que dans les « histoires » visuelles « snackables » adaptées aux différentes plateformes.
CES 2021 #StayAtHome – la tech célèbre sa résilience
Par Mathilde Caubel, Jean-Paul Chevreux, Vincent Nalpas, Yves-Marie Poirier, Lisa Rodrigues
Du 11 au 14 janvier s’est tenu le CES (Consumer Electronics Show), qui rassemble habituellement des dizaines de milliers de personnes à Las Vegas. Pandémie oblige, cette édition était 100% numérique, avec deux absences remarquées : celle des grands gagnants de notre transformation numérique forcée due au confinement, – Google, Amazon et Facebook, et celle des fabricants de voitures qui étaient devenus les stars des éditions précédentes. On y a retrouvé toutefois quelques innovations notables, parfois bizarres, sous le signe de la résilience face à un monde disrupté, au cours d’un CES plutôt retro- que prospectif. Dans cette édition virtuelle petites marques et jeunes pousses ont cependant davantage de peine à exister.
Pour s’adapter aux nouvelles réalités, nous avons intégré à toute vitesse diverses technologies dans notre vie quotidienne. Nous les avons utilisées pour rester en contact avec les autres et découvrir de nouvelles choses, tout cela dans le confort de notre propre maison. Nous les avons utilisées pour étudier, travailler et même pour célébrer virtuellement les moments importants de la vie – alors que le reste du monde semblait presque immobile. Au CES 2021, Samsung a présenté un « Better Normal », et ce qui importe dans les nouveaux téléviseurs en 2021 fut justement révélé cette année par le biais du streaming vidéo. Juste regarder la télé, c’était hier, le téléviseur devient intelligent et joueur, au coeur d’une nouvelle mobilité presque entièrement digitale.
La pandémie a poussé le CES 2021 à se tenir totalement en ligne. Elle a aussi tourné tout les regards vers les technologies de la Santé. Après une explosion des télé-consultations en 2020, l’enjeu aujourd’hui est de produire des technologies accessibles au plus grand nombre.
La tech au service de la Santé
Les infrastructures ont été mise à mal par le Covid-19. Le monde de la tech en profite pour mettre en avant les avancées que l’Intelligence Artificielle pourrait permettre à un secteur au coeur de la pandémie. Prise de décision rapide, diagnostics, assistance du personnel soignant, assistance robotique pour les interventions, capteurs, purificateurs et autres robots sanitaires… les champs d’application de l’IA dans le domaine de la Santé sont nombreux. Cependant, les professionnels invités s’accordent sur un réel besoin de transparence et de communication autour du fonctionnement des programmes et de leurs limites. Le véritable enjeu pour 2021 est de gagner la confiance des patients et de rendre l’IA plus transparente et inclusive.
La thématique de la pandémie et de la Santé a même inspiré Razer, entreprise bien connue des gamers. Cette dernière a présenté, en plus de sa chaise de gaming immersive, le Project Hazel, un masque FFP2 au look futuriste et équipé de son propre système de ventilation et d’un système de correction et d’amplification de la voix.
ESport, streaming, interactivité et immersion
Privé de son environnement habituel, le CES 2021 a aussi été l’occasion de réfléchir à l’expérience du public dans le nouveau monde de l’évènementiel entièrement virtuel. 2020 fut l’année du streaming, et du streaming de jeux en ligne. L’eSport s’est adapté très vite aux nouvelles conditions sanitaires avec des productions et compétitions à distance, et c’est désormais près de 10% de la population globale qui participe ou regarde de près ou loin à l’eSport selon la CTA : c’est le volet de l’industrie du gaming qui connait la plus forte croissance. Pour continuer d’augmenter les performances et la longévité des carrières des joueurs professionnels, les ligues d’eSport s’appuient sur les meilleures technologies : basse latence, hautes fréquences d’images, machine learning pour traiter les montagnes de données générées par les jeux lors de compétitions e-sportive et trouver de nouvelles stratégies.
Ce succès n’est pas passé inaperçu auprès d’autres industries culturelles comme la musique où le sport. Beaucoup d’organismes sportifs traditionnels comme la WNBA ou la WWE se sont inspirés des codes du streaming de l’eSport pour renouveler l’expérience de leurs fans autours de leurs évènements. Dans un panel sur l’expérience des supporters, la WWE a partagé sa stratégie de contenus reposant sur la multiplicité des plateformes de diffusion, en particulier le service de streaming WWE Network. Des athlètes se sont même mis au streaming et à l’eSport et ont apportés à ce milieu une prise de conscience sur la santé des joueurs professionnels et l’importace de s’entourer de médecins et coachs santé. Une des tendances pour 2021 est l’utilisation des technologies pour protéger les joueurs des problèmes liés au stress, à la posture ou encore à la nutrition.
De l’autre côté l’eSport et le streaming en général ont apporté aux industries culturelles des moyens pour augmenter la proximité entre les équipes ou artistes et leurs publics avec l’utilisation de systèmes d’encouragements à distance, des contenus exclusifs directement disponibles en streaming. L’expérience fan est désormais accompagnée de contenus réseaux sociaux, d’athlètes capturés en vidéo volumétrique que l’on peut afficher en réalité augmentée. Les outils gaming sont utilisés pour créer du contenu, un exemple est la nouvelle expérience de « Réalité immersive » dévoilée par Sony lors de sa conférence avec un concert en direct de la chanteuse Madison Beer, sur une scène virtuelle devant un public virtuel qui devrait être disponible bientôt sur le Playstation VR et Oculus.
Concert VR de Madison Beer
Mais une expérience CES décevante
Des connaissances tech et UX qui n’ont pas du tout été intégrées dans l’expérience utilisateur de ce CES 100% en ligne. Les quelques 1959 exposants (au lieu de 4500 pour les précédentes éditions), d’habitude mis en valeur sur des kilomètres carrés d’espace d’exposition, se retrouvent cette année serrés sur une simple page de liste web avec un système de prise de rendez-vous peu ergonomique, là où l’on aurait pu s’attendre à un espace d’exposition virtuel, comme on l’avait vu sur d’autres grands événements de l’année pandémique. Verdict d’Olivier Ezratty, qui partage comme chaque année son analyse du CES : « C’est très mal foutu d’un point de vue virtuel. Des pages statiques côtoyaient des pdf d’exposants. L’expérience interactive peut être qualifiée de nulle. Cela n’a rien à voir avec l’expérience de discuter avec des exposants sur un stand. »

Vivre et travailler « smart »
Travailler chez soi est devenu la nouvelle norme. Aux Etats-Unis, on est passé de 5 à un peu plus de 40% de la population active en télétravail en 2020. Depuis leurs salons, les intervenants du CES ont souligné la continuité de cette tendance pour 2021. Pour mieux vivre la cohabitation entre vie professionnelle et familiale, la transformation de notre maison-bureau en véritable « smart home » s’est accélérée ces derniers mois.
La connectivité et la technologie y sont omniprésentes. Avec les réunions en visioconférence, le streaming ou la classe digitale des enfants au même moment, il faut plusieurs écrans et un réseau domestique endurant. L’ultra-mobilité de nos appareils – plus performants et plus légers – tout comme les clouds sécurisés pour travailler n’importe où et n’importe quand, ont le vent en poupe. Les multiples services de messageries pour rester en contact avec ses proches sont les nouveaux lieux de socialisation. On suit son cours de sport depuis son salon pour garder la ligne et oublier la « Zoom fatigue ». Prendre rendez-vous chez le médecin se fait en deux clics, et on le voit, lui aussi, au travers d’un écran. Bref, le « smart home », c’est pouvoir travailler sans sortir de chez soi, couplé à une mobilité quasi entièrement digitale.
Le « smart home » ne s’arrête pas là. Une fois la journée terminée, nous pourrons non seulement faire nos courses et se les faire livrer depuis notre canapé, mais nous pourrons également bénéficier de l’assistance de robots intégrant les dernières versions de l’IA dans notre vie quotidienne.

Dans le « smart home » de Samsung la cuisine est encore plus connectée avec de l’électroménager personnalisable et éco-responsable – avec en tête les frigos intelligents, aussi présents chez d’autres fabricants. Pour le ménage, le JetBot 90 AI+ est capable d’identifier les objets et meubles et de décider du moment le plus opportun pour aspirer les bêtises de votre animal de compagnie – ou les vôtres. Quant aux prototypes Samsung présentés lors de ce CES, tenez-vous prêts pour le Bot Care, petit robot prenant soin de votre bien-être tout en vous aidant à organiser vos conf-calls. Egalement en tête d’affiche, son grand frère, le Bot Handy, met et débarrasse la table ou trie votre linge grâce à son bras articulé et à son IA capable de reconnaître les objets et leur composition. Les robots du « smart home » ont un mot d’ordre, nous faciliter la vie.

La confiance dans la maison intelligente
De la simple maison connectée où l’on a découvert la domotique de base avec comme exemple du contrôle de la lumière ou du chauffage à distance, nous arrivons aujourd’hui dans l’ère de la maison intelligente où en plus du contrôle à distance, l’ensemble de notre maison s’adapte à nos habitudes de vie afin de nous simplifier de plus en plus notre quotidien dans les taches les plus élémentaires.
Mais pour s’adapter à notre comportement, ces dispositifs ont besoin de nous connaitre, c’est-à-dire avoir de la data sur nous ! Et qu’en est-il de la sécurité de tous ces dispositifs connectés ? Ces derniers temps de nombreuses polémiques sur la collecte de données à notre insu ont éclaté et pas toujours pour les meilleures raisons, comme ces assistant vocaux qui nous écoutent en permanence ou ces robots aspirateur qui cartographient l’intégralité de notre maison. Quels sont ces données ? Quelle utilisation fait-on de ces données ? Où vont-ils ? Voilà des questions qui reviennent régulièrement et qui ne recoivent que peu de réponses de la part des constructeurs. Cette situation a clairement ébranlé la confiance que l’on peut avoir dans tous ses objets connectés.
Comment instaurer/restaurer cette confiance ?
2 approches :
- La transparence et le consentement – Comme la société Crestron Electronics le fait, l’idée est que chaque entreprise soit totalement transparente vis-à-vis de l’utilisateur et de ses données. Ainsi l’utilisateur doit être mis au courant sur la nature des données collectées, dans quel but sont-elles collectées, comment sont-elles collectées. Le consentement doit être demandé à l’utilisateur et l’entreprise doit certifier son respect des règles de type RGPD propre au pays de l’utilisateur. Enfin certifier que les données soient parfaitement sécurisées et non partagées ou revendues à d’autre sociétés.
- Le hardware – A l’instar de Snips, la société Essence propose que la partie analyse des données soit faite directement dans le device supprimant ainsi l’envoidans le cloud des données personnelles qui ne correspondent pas aux fonctionnalités. De plus il est important de faire en sorte que l’ensemble des technologies utilisées ne soit pas un critère de confusion. En effet avec les différentes technologies de communication sur le marché comme le Zigbee, Zwave, Bluetooth, Wi-fi, l’utilisateur peut être quelque peu perdu quant à la compatibilité des uns avec les autres. Su ce point la société Essence évoque l’ajout d’une couche d’abstraction dans le cloud pour interconnecter tout ces objets afin de rendre le système global agnostique en termes de technologie de communication.
Enfin subsiste la crainte d’un piratage aux conséquences potentiellement désastreuses à l’instar d’un ransomware. En effet, tous ces objets interconnectés dans notre maison, ce sont autant de portes ouvertes vers le réseau domestique ! Il suffirait d’une faille pour potentiellement pirater l’ensemble des appareils sensibles du foyer. Une réponse à cela peut être apportée par l’IoT 5G où chaque device n’est plus connecté au réseau domestique mais directement au réseau 5G dont la sécurité est largement supérieure à notre réseau maison et permettra de se décorréler les points sensibles.
La télé devient intelligente
Ayant vécu son grand retour grâce au confinement, nos écrans d’intérieur se renouvellent sous l’action de l’imagination des fabricants et grâce à des matériaux de plus en plus souples et performants. Ils deviennent aussi de plus en plus intelligents en essayant de s’adapter au mieux à nos habitudes de consommation et au contexte.
Au CES 2021, Sony annonce le lancement à travers sa gamme Bravia XR, des premiers téléviseurs à « intelligence cognitive ». Les nouveaux processeurs XR sont sensés reproduire la façon dont notre cerveau pense et agit en modélisant la vision et l’ouïe afin d’afficher des images toujours plus réalistes et un son encore plus immersif. Sony annonce également le lancement de son propre catalogue « Bravia Core » qui sera proposée avec les téléviseurs Bravia XR. Ce service permettra de visionner en streaming (jusqu’à 80 Mo/s) des films du catalogue Sony Picture en 4K HDR.

Du Mini Led au Micro Led
LG, Samsung, Hisense,TCL – les différents constructeurs proposent cette année une gamme de tv Mini Led, une technologie qui se généralise. Cette technologie basée sur le rétroéclairage des led d’une dalle LCD permet notamment un meilleur contraste, proche de l’Oled, et des noirs plus profonds par rapport au rétroéclairage LED classique, offrant ainsi un meilleur rendu du HDR tout en diminuant l’effet blooming (halo lumineux) perceptible sur les dalles Direct Led des générations précédentes.
Samsung annonce aussi commercialiser deux téléviseurs 99 et 110 pouces embarquant la technologie du Micro Led (utilisée sur the Wall) avec quelques 24 millions de diodes commandées individuellement sensées permettre de sublimer encore plus les couleurs (100% de l’espace de couleur DCIP3 ) et la durabilité des leds. Comptez quand même 1000 € /pouce ! On vous laisse faire le calcul… De plus petits écrans seront lancés d’ici la fin de l’année.
En plus des téléviseurs intelligents, le CES 2021 a vu paraître la Laser TV, une nouvelle technique de diffusion par un vidéoprojecteur à courte focale, peu encombrante, présentée par Hisense. Comme déjà en 2019, les TV continuent à s’enrouler, la Signature OLED R du fabricant coréen LG est enfin disponible à la vente pour… 70.000 euros. Pour se faire encore plus discret, le Coréen LG est même allé jusqu’à installer au pied du lit un prototype d’écran OLED transparent et mobile, le Smart Bed Frame.
Un effort sur l’accessibilité
Le progrès des technologies rend aussi de plus en plus accessibles les contenus à tous. Samsung annonce proposer sur les gammes QLED et Neo QLED 2021 de nouvelles fonctionnalités d’accessibilité à destination des personnes atteintes d’une déficience visuelle ou auditive qui permettent d’améliorer l’accès aux programmes avec, notamment, le déplacement des sous-titres, la possibilité de zoomer la partie en langue des signes, des sorties audio multiple en Bluetooth, la possibilité d’inverser les couleurs affichées à l’écran.
Samsung annonce, par ailleurs, travailler au développement d’un avatar, embarqué dans ses écrans en 2022, qui sera capable d’interpréter en temps réel l’audio d’un programme pour le restituer en langage des signes.
Des téléviseurs adaptés au Gaming – et au Cloud Gaming
Face à un marché qui a remporté 174,9 milliards de dollars de revenus en 2020, les fabricants de télé font un effort particulier pour optimiser l’affichage des jeux sur les téléviseurs à l’instar des écrans de gaming avec le Variable Refresh Rate (adaptation temps réel du nombre d’images/s en fonction de la source), le 120 HTZ et le low input lag (faible retard à l’affichage).
Ainsi, Samsung propose sur ses modèles Néo QLed une game bar qui permet de modifier les différents paramètres de l’écran pour adapter l’image au jeu utilisé. Et de modifier l’écran en 32/9ème ou 21/9ème pour reproduire l’expérience d’un écran wide. Il est également possible, avec la fonction Quad view, d’afficher jusqu’à 4 images 4K soit par jusqu’à 4 consoles différentes en simultané sur le téléviseur ou 4 mobiles iOS ou Android.
Mais les téléviseurs présentés cette année au CES sont aussi adaptés aux consoles de jeu et au cloud gaming, permettant ainsi de jouer sur son téléviseur sans utiliser d’ordinateur ni de console de jeu. C’est le cas des téléviseurs LG qui sont compatibles cloud gaming en permettant d’accéder à Google Stadia et Nvidia GeForce Now directement sur le poste.
Le Gaming, nouvel échapattoire par excellence
Le gaming a connu une véritable montée en puissance en 2020, il a été en effet un divertissement de choix pour échapper à la réalité du contexte actuel. La population n’a jamais autant joué sur les consoles, PC et smartphones, et le CES a été l’occasion pour les constructeurs d’annoncer leur nouveau matériel pour l’année 2021.

Après l’arrivée en fin d’année 2020 des Xbox Series X/S de Microsoft et de la PS5 (une nouvelle fois mise en avant par Sony lors du CES), AMD qui fournit les puces pour les deux machines a annoncé ses nouveaux processeurs Ryzen 5000 plus rapides qui vont équiper les laptops gaming de 2021. Intel a également élargi sa gamme de processeurs « Core » 11ème génération plus puissants pour le gaming portable et desktop, et annonce la prochaine général « Alder Lake » pour la deuxième partie de 2021. Nvidia de son côté a annoncé l’arrivée de leur nouvelle génération de cartes graphiques RTX 30 également dans les laptops gaming et continue d’améliorer ses technologies de raytracing pour une gestion plus réaliste de la lumière mais également du son. Ces composants se retrouveront dans les nouveaux laptops 2021 de Lenovo, Asus, Acer, Dell, Razer, Gigabyte, entre autres.
Le gaming sur PC pourra aussi bientôt bénéficier d’écrans OLED 4K basse latence avec LG qui avance d’un nouveau pas en dévoilant une gamme de dalle OLED descendant jusqu’à 42 pouces. Cette avancée pourra faciliter le travail des développeurs sur ordinateur quand ils intègrent la HDR dans leurs jeux. Pour les joueurs, elle permettra de créer et de vivre des expériences plus immersives et engageantes. La HDR devrait être présente dans de plus en plus de jeux en 2021.

Par ailleurs les smart TVs LG vont bientôt intégrer, en deuxième partie d’année, Stadia, la plateforme de Cloud Gaming de Google, et l’application de streaming Twitch. Peu d’autres annonces concernant le Cloud Gaming, si ce n’est que les intervenants lors des différentes conférences du CES étaient d’accord pour dire que la 5G va grandement améliorer l’expérience des différents services proposés aujourd’hui (Stadia, Xcloud, Nvidia Geforce Now…) lors de leur utilisation en mobilité sur smartphone et pourrait donc démocratiser leur usage.
Vidéoconférence augmentée
A noter finalement aussi la fonctionnalité Vidéo Call proposée sur les TV Samsung, et particulièrement bien adaptée à ces périodes de confinement, qui permet via une caméra USBc, de connecter sur un même écran, 32 personnes en simultané. Au CES 2021, Dolby et Lenovo ont aussi annoncé de vouloir tenter de régler sur des ordinateurs portables l’un des points les plus frustrants de notre société de télétravail : l’audio.
Et on y a vu aussi cet ordinateur avec triple webcam pour des vidéoconférences nouvelle génération…
En attendant de pouvoir se retrouver dans une même pièce, peut-être lors de l’édition 2022 du CES !
Well folks, that’s a wrap on #CES2021. Here’s to the better days ahead pic.twitter.com/TFkm56CdE7
— CES 2021 (@CES) January 14, 2021
Liens vagabonds : liberté d’expression ou obligation de régulation ?
A RETENIR CETTE SEMAINE :
Liberté de l’expression contre régulation – Ce qui a commencé la semaine dernière par un blocage de 12 heures sur Twitter s’est rapidement transformé en une interdiction totale du président Trump sur presque toutes les plateformes de médias sociaux. Cette interdiction s’accompagne d’une forte polarisation des opinions : les partisans de la liberté d’expression (parmi eux la chancelière allemande) qui remettent en question le pouvoir non supervisé des plateformes sur la liberté d’expression et d’autres qui estiment que c’est trop peu, trop tard. Thierry Breton, commissaire européen chargé du marché intérieur, a écrit dans Politico que l’on aurait vécu le « 11 septembre » des médias sociaux.
Amazon a notifié à “Parler”, le réseau social favorisé par les conservateurs et les extrémistes, qu’il allait couper son service d’hébergement cloud Amazon Web Services. En réponse, l’application a décidé de poursuivre Amazon en brandissant des allégations antitrust contre le géant de la tech. Parler pourrait ne jamais être remis en ligne, admet son PDG.
Comment Facebook a incubé l’insurrection. De son côté, le patron de Twitter reconnaît que l’interdiction de Trump reflétait un « échec » dans le contrôle des contenus en ligne. Pendant ce temps, Google admet avoir mené des « expériences » en Australie qui consistent à supprimer certains sites de médias de ses résultats de recherche. Alors que les réseaux sociaux s’efforcent de gérer la désinformation générée dans la pandémie, une grande partie des Américains continue de dépendre de ces mêmes réseaux sociaux pour s’informer. Environ la moitié des adultes américains (53 %) disent qu’ils s’informent par les réseaux sociaux « souvent » ou « parfois », selon un récent sondage du Pew Research Center.
Anti-WhatsApp – Qu’est-ce que Signal, et pourquoi tout le monde le télécharge-t-il en ce moment ?
Cette semaine en France : Souveraineté numérique : OVHcloud a convaincu l’Anssi pour l’une de ses offres
3 CHIFFRES
100 millions de vues pour ThinkerView, la chaîne YouTube qui met en avant des interviews longues
Près de 60% de ses revenus publicitaires – c’est ce que Facebook pourrait perdre suite à l’application de la protection de la vie privée chez Apple
4,74 milliards – c’est le nombre d’heures de visionnage sur Twitch pendant le 3e trimestre 2020
LE GRAPHIQUE DE LA SEMAINE
Vous trouverez plus d’infographie sur Statista
NOS MEILLEURES LECTURES / DIGNES DE VOTRE TEMPS / LONG READ
- Il a créé Internet, maintenant, maintenant il veut relancer le monde numérique – Tim Berners-Lee
- 16 tendances et prédictions pour les médias et le journalisme en 2021 du Reuters Institute
- Elon Musk et la Chine
- “Les données ne sont pas le nouvel or, mais le nouveau pétrole, et elles nuisent à l’environnement social” – du besoin d’un “Social Cooling”
- Quatre grandes tendances qui dessineront notre monde de demain
- A quoi s’attendre en l’An II de la pandémie ?
DISRUPTION, DISLOCATION, MONDIALISATION
- La Chine veut délister en bourse ses propres entreprises ; et peut-être nationaliser Alibaba
- Microsoft, Salesforce et Oracle développent un passeport vaccinal digital pour le Covid
- La Banque agricole de Chine a lancé les premiers distributeurs automatiques de yuans numériques ; L’euro numérique sera disponible d’ici 5 ans d’après la Banque centrale européenne
- Netflix devient le deuxième plus grand groupe de télévision en Europe
Demain Elon #Musk va créer 1 réseau social libre & non centralisé :
1. Il a tout = argent, technologie, publicité mondiale
2. Il finance déjà #Signal
3. Il déteste #Zuckerberg & les gauchistes de la Côte Ouest
4. Il adore #Twitter mais est révolté de la censure contre #Trump pic.twitter.com/bYfAjltKgs— Olivier Marteau (@MarteauOlivier) January 12, 2021
GAFA / BATX
- Apple et Hyundai sur le point de trouver un accord pour un partenariat sur une voiture électrique
- Facebook bloque ses contributions politiques après l’attaque du Capitole
- En finalisant l’acquisition de Fitbit, Google tente de rassurer l’opinion publique
DONNEES, CONFIANCE, LIBERTÉ DE LA PRESSE, DÉSINFORMATION
- WhatsApp assure qu’il ne partagera pas toutes nos données avec Facebook après la hausse du nombre d’utilisateurs de Signal et Telegram
- Google donne 3 millions de dollars aux nouvelles organisations de fact-checking sur les vaccins
- Anne Cordier : « La socialisation a un effet majeur sur les pratiques des jeunes en matière de protection des données
- TousAntiCovid et les QR codes
- « L’agence Chine nouvelle indique que l’on peut acheter en ligne les images d’individus et leur nom pour 0,5 yuan (6 centimes d’euros) par tête »
- Oui, les deepfake peuvent aider à la désinformation – mais pas plus qu’une façon moins sophistiquée de mentir
LEGISLATION, REGLEMENTATION
- La CJE autorise le dépôt de plaintes relatives à la GDPR dans tous les Etats membres
- L’Autorité britannique de la concurrence et des marchés enquête sur la « Privacy Sandbox » de Google
- La Pologne prévoit d’interdire la censure de comptes par les réseaux sociaux
- Facebook nomme un vice-président aux droits civiques
JOURNALISME
- Comment les journalistes peuvent-ils mieux servir les populations immigrées ?
- Limiter les effets pervers de Twitter : la bonne résolution des journalistes
- Les prédictions du Nieman Lab pour 2021
- Avant Substack, il y avait Medium – le boom du « self-publishing »
- Quelques conseils pour les rédactions qui veulent se lancer sur TikTok
STORYTELLING, NOUVEAUX FORMATS
- Au cœur de la stratégie de storytelling innovante de USA Today
- Substack ajoute de nouveaux thèmes pour changer le design de ses newsletters
- Le match Nickelodeon des Bears contre les Saints a été niais – et l’émission de la NFL la plus fun de l’année
- USA TODAY a de grands projets pour la narration immersive
Si 100 personnes vivaient sur terre https://t.co/RpiavhTvXV @AsiaNews_FR #Rediff pic.twitter.com/dghUQSHcGG
— L’important (@Limportant_fr) January 13, 2021
ENVIRONNEMENT
- The Line : la ville du futur selon l’Arabie Saoudite
- Changement climatique : la transition verte africaine ne sera vraisemblablement pas pour cette décennie
- La sobriété numérique en perspective
RÉSEAUX SOCIAUX / MESSAGERIES
- Snapchat améliore sa carte Snap avec StreetCred
- Twitter bloque 70 000 comptes Qanon après l’insurrection du Capitole
- TikTok ajoute le répertoire complet de David Bowie pour l’anniversaire de l’icône de la musique
- WhatsApp contre-attaque face à l’exode de ses usagers sur Signal et Telegram
- Les influenceurs, nouvel outil de communication du gouvernement
- Les grandes tendances sur les réseaux sociaux pour 2021
STREAMING, OTT, SVOD
- Univision entre dans la guerre du streaming avec PrendeTV
- Le premier rapport sur l’inclusion de Netflix fait état de progrès et reconnaît la nécessité d’améliorer le recrutement des hispaniques
- Diffusion du foot en streaming : qu’est-ce que le pay-per-view évoqué par Canal + ?
- Sony lance une plateforme de streaming si qualitative que personne ne pourra l’utiliser
- Roku acquiert les droits de diffusion des contenus Quibi
- YouTube introduit des pages dédiées aux hashtags
- Le paysage média aux US
AUDIO, PODCAST, BORNES
- Les radios musicales n’ont jamais perdu autant d’auditeurs
- Netflix pourrait adopter la spatialisation audio des AirPods Pro et max
- Le podcast d’un prêtre sur la Bible numéro un aux Etats-Unis
- La FIFA présente une stratégie musicale et une série de podcasts
- Apple prévoit un service d’abonnement au podcast
DATA, AUTOMATISATION, INTELLIGENCE ARTIFICIELLE, BLOCKCHAIN
- Dans le cerveau caché de l’intelligence artificielle
- Les applications IA qui vont transformer les médias
- Le National IA Initiative Office est lancé par la Maison Blanche
- Google a développé une IA de langage dotée d’un billion de paramètres
- Un chatbot sud-coréen sexiste, homophobe, anti-handicapés mis hors-ligne après avoir déraillé
- La blockchain, un enjeu stratégique international pour la Chine ; la blockchain est un nouvel internet
- La Maison Blanche lance son National Artificial Intelligence Initiative Office
- « Créativité augmentée » : Comment l’intelligence artificielle peut accélérer l’invention humaine
MONÉTISATION, MODÈLE ÉCONOMIQUE, PUBLICITE
- Un empire média Trump ? Ne pariez pas dessus
- Canal + veut garder le mot “planète” pour lui tout seul
- Amazon et Walmart proposent à leurs clients de ne pas renvoyer les produits non voulus
- Snapchat est prêt à payer des millions pour du contenu
IMMERSION, 360, VR, AR
- Sony dévoile l’expérience de concert en « Immersive Reality » avec la Madison Beer au CES 2021
- Sony : le 360 Reality Audio arrive sur le streaming vidéo
- TikTok met en place son premier effet AR alimenté par LiDAR
JEUX VIDEO, eSPORT
- Comment le Launcher du Washington Post couvre le gaming et le eSport dans une publication mainstream
- Ubisoft va développer un jeu vidéo en monde ouvert dans l’univers de « Star Wars »
- Les jeux vidéo ont remplacé la musique comme l’aspect le plus important de la culture des jeunes
5G, 8K
- CES 2021 : Sony officialise les téléviseurs BRAVIA XR 8K et 4K
- Sites 5G ouverts : Free en avance, Orange leader sur la bande de fréquences reine
- La NFL passe à la 8K avec une image digne d’un jeu vidéo
TECH, STARTUPS, INNOVATION, TRANSFO NUM
- Le QR code revient en force
- Les startups africaines ont levé au moins 1,3 milliards de dollars en 2020
- Jeunes business angels, la nouvelle armée de la French Tech
- Zoom cherche à lever 1,5 milliard de dollars
OUTILS
- Cet outil permet de créer des chatbots sans avoir à coder !
- La BBC lance sa plateforme pour aider les enfants avec l’école à la maison
- Un outil pour générer des personas
- Flourish, un outil de datavisualisation
- 7 outils gratuits à tester en 2021
ES avec Kati Bremme, Mathilde Caubel & Lisa Rodrigues
Samuel Étienne sur Twitch : « ma matinale, un truc de vieux pour les jeunes »
Par Vincent Carlino et Marie Rumignani, chercheurs à l’Académie du journalisme et médias (AJM) de l’Université de Neuchâtel
Article originellement paru sur le site de l’Observatoire Européen du Journalisme (EJO), repris sur Méta-Media dans le cadre d’un partenariat avec l’EJO
Le lancement plus que remarqué de la chaîne Twitch de Samuel Étienne fin décembre 2020 marque un tournant symbolique dans le rapport entre journalistes, publics et plateformes numériques. Issu de la télévision et de la radio, journaliste à France Info et présentateur du populaire jeu télévisé « Questions pour un Champion », Samuel Étienne rassemble quotidiennement plus de 10’000 viewers avec son émission « La matinée est tienne » sur Twitch, plateforme jusqu’ici connue pour la diffusion de jeux vidéo.
Créneau horaire encore peu occupé, les matinales gagnent en popularité sur Twitch et constituent un moment idéal pour rassembler des communautés entre 20 et 35 ans, bien plus en attente d’actualité et exigeantes sur le traitement de l’information qu’on ne le laisse entendre. Samuel Étienne construit sa matinale sur un exercice historique bien connu des rédactions, la revue de presse, à laquelle il donne une seconde vie sur Twitch. Un choix éditorial découlant avant tout d’un profond attachement pour la presse écrite, et d’une envie de la faire vivre.
« Parler de mes intérêts personnels ou faire du jeu vidéo, ce n’est pas intéressant. J’avais envie plutôt de parler de ma passion pour la presse, pleine de diversité mais qui souffre, et de faire ce que je fais tous les jours, la revue de presse. »
Ce succès est loin d’être soudain et résulte d’un long processus de compréhension et d’appropriation de la plateforme devenue le nouveau terrain d’exploration des journalistes en 2021. Nous avons rencontré le journaliste pour l’interroger sur la conception de sa matinale, qui fédère une communauté forte et engagée. L’adoption de la culture gaming non pas comme sujet, mais comme état d’esprit pour concevoir sa chaîne apparaît comme un élément central pour s’approprier la plateforme en tant que journaliste.
Lire la presse comme on streame un jeu vidéo
Lancée en 2011, Twitch s’est construite autour de la diffusion et du commentaire en direct de jeux vidéo. Rachetée en 2014 par Amazon, elle compte parmi les principales plateformes de contenus, avec des lives attirant des milliers de spectateurs. En 2020, la crise du Covid-19 accentue les usages du streaming et accélère l’ascension de Twitch en l’étendant à du contenu hors gaming (culture, divertissement, musique, etc.). Les streamers constatent une hausse de leurs audiences tandis que d’autres lancent leurs chaînes. Parmi eux, on retrouve des créateurs et créatrices de contenus issu.e.s d’autres plateformes, et on peut observer depuis quelques temps l’arrivée de journalistes (entre autres, Ostpolitik qui collabore régulièrement pour Mediapart).
Cette augmentation propulse en juin 2020 la catégorie « Just Chatting » devant le streaming des jeux vidéo populaires tels que League of Legends, Grand Theft Auto V, ou Fortnite. (source : StreamElements). Le hors gaming désigne en principe les discussions en tout genre entre les streamers et leur communauté avant de jouer [1]. Aujourd’hui, le « Just Chatting » s’étend à des émissions entières de talk-show aux sujets aussi divers que variés. Par exemple, la chaîne Accropolis où Jean Massiet commente en direct les débats à l’Assemblée Nationale française. Ou encore la Nuit de la culture du streamer multigaming Étoiles qui regarde et commente en direct les émissions de « Questions pour un champion » (ce dernier a justement accompagné Samuel Étienne comme nous le verrons plus loin).
De la même manière qu’on regarde un streamer évoluer dans un jeu vidéo, les contenus s’imprègnent de la culture vidéoludique où le visionnage fait partie intégrante de l’expérience. Dans le chat, les spectateurs commentent les contenus du streamer et l’accompagnent dans sa progression (conseils sur la qualité sonore et visuelle de la diffusion, participation à des sondages, etc.). Une partie des spectateurs et spectatrices est d’ailleurs attachée au ton et à la personnalité des streameurs et streameuses qui embrassent clairement cette approche.
La matinale de Samuel Étienne s’ancre de facto dans cette logique, où il souhaite avant tout « lire la presse comme on regarde un jeu vidéo ». Le concept est assez simple : on regarde le journaliste lire la presse du jour, et il explique les mécanismes de sélection de ce qui fait l’actualité. Twitch devient alors une opportunité pour le journaliste d’exprimer sa passion pour l’actualité sans mettre en jeu son identité professionnelle ni devoir se plier à un format éditorial prédéterminé (notamment sur la durée). Toutefois, cette liberté s’est obtenue au prix d’un long processus de compréhension et d’appropriation des codes afin de produire un contenu cohérent avec l’esprit et les publics de la plateforme.
Une rencontre spontanée avec le streaming
L’arrivée de Samuel Étienne sur Twitch est moins soudaine qu’on ne pourrait le penser et résulte d’un long travail de préparation et de découverte. Son insertion ne se limite pas à la conception d’un « format », ni à l’adaptation de contenus qu’il produit déjà par ailleurs (une stratégie qu’adoptent des médias traditionnels, et qui perdure parfois). Pour Samuel Étienne, les membres de Twitch constituent non seulement un public exigeant, mais « fier de ce qu’ils ont inventé, un espace à eux ».
L’enjeu était d’en comprendre les codes, mais aussi de convaincre les utilisateurs déjà installés qu’il était en mesure de se les approprier. Sa rencontre avec le streamer Étoiles a été l’occasion de se confronter à la plateforme et d’en comprendre les usages en direct en collaborant avec lui pendant 9 mois.
Au cours de ses « Nuits de la culture » , le streamer se filme en train de jouer en même temps que les candidats de l’émission. Commentant ses parties en direct avec ses viewers, le streamer marque des pauses pour commenter les performances des candidats ou pour creuser certaines réponses en cherchant des informations sur Internet. L’émission connaît un grand succès, si bien que les « Nuits de la culture » accueillent d’autres streamers invités (Antoine Daniel, Ponce, Mister MV, etc.). En mars 2020, l’animateur de « Questions pour un champion » lui-même est convié. Au-delà de l’événement de la rencontre entre l’émission de France 3 et son double sur Twitch, il s’agit pour Samuel Étienne d’une découverte totale de la plateforme.
« Étoiles a été mon traducteur, mon sherpa. Il m’a expliqué des choses, souvent en direct, avec toutes ses qualités de cœur et d’intelligence. Pourquoi les gens disent cela, pourquoi les gens font des « F » partout, quel est ce jeu vidéo dont vous parlez ? »
Salut Samuel est-ce que vous connaissez Twitch ? https://t.co/cmvthe1sZB
— Etoiles (@AREtoiles) March 29, 2020
Avant même d’envisager ce qu’il pourrait y faire, le journaliste a passé du temps à expérimenter la plateforme. Son apprentissage s’est fait par la pratique mais aussi en transparence avec le public, ce qui a permis de valoriser les connaissances et usages propres à la communauté des streamers. Son intégration s’est avérée payante puisque Samuel Étienne a été invité à participer à la dernière édition du Z Event, événement caritatif le plus lucratif du monde sur Twitch, pour notamment y animer une édition spéciale de la « Nuit de la culture » avec Étoiles, intitulée pour l’occasion « Questions pour un streamer ». Au-delà du succès de l’événement, cette participation a une portée symbolique : le journaliste est désormais accueilli parmi les plus gros streamers français.
Son approche est itérative, procède par touches, pour déterminer par exemple le bon dosage d’humour ou de références culturelles, « jamais plus que des clins d’œil discrets pour créer de la complicité et montrer du respect et de la curiosité » aux personnes qui le regardent. Elle se fonde aussi sur une collaboration spontanée avec Étoiles, streamer installé sur Twitch. Celle-ci diffère des collaborations qui se nouent traditionnellement entre médias et plateformes puisque le duo ne s’est pas formé sur la base d’une stratégie de création pour concevoir la matinale du journaliste, mais sur leur passion commune pour la culture. Elle prend appui sur une opportunité, celle de recevoir l’animateur d’une émission très appréciée et streamée par Étoiles.
Ainsi, il s’agit de créer les conditions d’une rencontre entre le journaliste et la plateforme sans déterminer en amont son succès ni la forme qu’elle prendra et comment elle pourra évoluer. Cette approche organique qui laisse vivre et se développer le projet dans de multiples directions est aussi rendue possible parce qu’elle est portée par Samuel Étienne plutôt que par un média. Le journaliste passe alors une partie de son été à préparer le lancement de sa propre chaîne Twitch, toujours accompagné d’Étoiles, son « maître Yoda, qui [lui] dit quel matériel acheter et comment faire [ses] réglages« . Il décide de faire une revue de presse, à la fois en tant que « passionné de presse écrite » et pour la liberté de l’exercice qui permet de « faire entendre une musique » à travers le choix des articles présentés et la manière de les commenter.
Une relation avec le public fondée sur une démarche de sincérité
La question du format et de son public émerge au bout de 9 mois d’expérimentation de la plateforme – Samuel Étienne a participé à dix éditions de la « Nuit de la Culture » avant de se lancer en son nom. Conscient que le public de Twitch est différent de celui de la matinale de France Info, il refuse toutefois de réduire sa matinale à un programme réservé aux jeunes publics.
« Ce n’est pas ce que vous dites aux gens qui intéresse tel public. Il n’y a pas d’âge pour la curiosité, l’envie d’apprendre, ou pour rire. Je leur ai proposé un truc de vieux, sur des trucs de vieux, que sont les journaux papier, que ces jeunes ne lisent pas parce qu’ils ne les connaissent pas. »
En revanche, la variable générationnelle est liée à la forme donnée à la matinale, inspirée des codes et de l’esprit de Twitch dont il s’est longuement imprégné. Des codes qui permettent de faire durer la matinale pendant une heure et demie, de prendre des pauses café devant ses spectateurs, ou d’inclure le magazine « Ronron » dans sa revue de presse. Le résultat, « La matinée est tienne », est à la fois proche des codes du gaming (notamment parce que son présentateur fait preuve d’autodérision et est attentif aux commentaires dans le chat) et s’en éloigne fortement avec la revue de presse, exercice journalistique traditionnel. À noter qu’il refuse les dons financiers (les subs) ou de développer des émoticônes spécifiques à sa chaîne (les emotes), deux éléments pourtant caractéristiques de Twitch.
« Jeune dans la forme et intergénérationnel dans le contenu », la clé du succès de Samuel Étienne sur Twitch ? La réponse est plus complexe pour celui qui reste modeste vis-à-vis des records d’audience qu’il atteint à chaque diffusion (parmi les tops streams en France et dans le monde). Son approche de la plateforme ne vise pas seulement à atteindre les jeunes publics, mais à susciter l’intérêt des gens « avec une promesse toute simple : dire aux gens ce qui fait la une dans leurs journaux ».
Petite « La Matinée Est Tienne » maintenant sur https://t.co/Ii9R8nTIPu
Vous venez lire les journaux et parler de la vie avec moi ? pic.twitter.com/J7dZKZ5AXv— Samuel Etienne (@SamuelEtienne) January 11, 2021
Cette posture fait écho à l’incarnation des formats journalistiques développés sur les plateformes numériques. Au-delà la personnalité qui permet de mettre un visage sur un format, l’incarnation se fait aussi au niveau des valeurs et du discours que portent les journalistes à travers leur format. Twitch amplifie cette incarnation avec des streams particulièrement longs qui instaurent un rapport privilégié avec le streamer. En lançant sa chaîne, Samuel Étienne ne cherche pas à changer sa personnalité, mais au contraire à assumer et diffuser sa passion pour l’actualité et les journaux. Il propose ce qu’il sait faire de mieux et ce qu’il a à offrir, sans chercher à se fondre dans des tendances.
Faire se rapprocher les publics
L’expérience du streaming modifie la posture du journaliste vis-à-vis de ses publics. Au-delà du succès de sa chaîne personnelle, la rencontre avec la plateforme, ses codes et sa communauté enrichit le rapport que le journaliste entretient avec ses publics. L’expérience de La « Nuit de la culture » avec Étoiles y est pour beaucoup l’amène à se définir comme un « passeur intergénérationnel » :
« Je reçois des témoignages assez forts qui m’ont vraiment touché. Je vois un petit fils qui me dit « avec papy on ne se parlait pas trop et puis un jour il s’est rendu compte que je regardais la Nuit de la culture, il m’a demandé de lui expliquer ce que c’était et maintenant on regarde Questions pour un champion ensemble. »
Qu’il les produise pour la télévision ou pour Twitch, ses contenus ne changent pas sur le fond. En revanche, le journaliste cherche à travailler la relation qu’il bâtit avec ses publics en fonction des plateformes qu’il investit. À la télévision, le rapport avec les spectateurs est différent de celui qu’il construit sur Twitch. Pourtant, la matière sur laquelle reposent ses émissions ne change pas, si bien que le journaliste observe :
« au sein d’une même famille, les gens se rendent compte qu’ils avaient l’impression que leurs centres d’intérêts étaient très éloignés, avec le gamin qui passe sa nuit sur Twitch, et en fait ils regardent les mêmes choses, formatées différemment. »
Plus qu’une séparation entre médias dits « traditionnels » et « nouveaux », le succès de la matinale de Samuel Étienne montre comment des ponts peuvent être tendus entre les deux univers. Une circulation entre télévision et internet qui s’effectue au prix d’une démarche singulière de compréhension et d’appropriation de la plateforme, sans connaître ni définir à l’avance ce qu’elle peut apporter, ni sous quelle forme. Pour l’heure, « La matinée est tienne » fait se réunir une communauté de plus de 147’700 followers et participe d’une forme d’éducation aux médias sur Twitch. Pour le journaliste, une certitude demeure : « mon image d’homme de télévision a changé ». Nul doute qu’à France Télévisions les lignes commencent aussi à changer.
[1] Sur Twitch, les catégories occupent une place importante dans l’algorithme de recommandation car elles peuvent attirer des communautés importantes de joueurs d’un jeu vidéo particulier. Les streamers décident eux-mêmes de la catégorie de leur contenu et il est courant de les modifier pendant la diffusion en fonction des jeux joués.
Précieuse précision – la publicité adressée arrive à la télé
Par Kati Bremme, Direction de l’Innovation et de la Prospective
Le nouvel espoir en matière de technologie télévisuelle pour un marché publicitaire malmené par la pandémie est celui des publicités « adressables », c’est-à-dire des publicités télévisuelles qui peuvent être ciblées sur des foyers spécifiques grâce aux données des utilisateurs. Attendue depuis longtemps, la publicité adressée (ou segmentée) est finalement arrivée sur les téléviseurs en France cet été, entre deux vagues de Covid-19, grâce à la modification d’un décret datant de 1992.
C’est un pas important vers la transformation numérique d’un secteur fortement impacté par la pandémie (moins 20 % de chiffre d’affaires pour 2020), et en concurrence directe avec des plateformes numériques qui, elles, diffusent leurs offres de manière personnalisée et « intelligente ». L’IA au service de la publicité sur téléviseur ouvre de nouveaux relais de croissance (+ 200M € en France selon le cabinet Demain) en capitalisant sur l’avantage premium que la télévision a toujours gardé sur les GAFAM : un environnement contextuel sécurisé, adapté à tous les publics, au sein duquel les annonceurs peuvent placer leurs publicités de manière totalement maîtrisée (Brand Safety).
La publicité télé et les « 4 C »
Une maximisation du coût GRP pour les éditeurs, une publicité plus efficace pour les annonceurs, une nouvelle façon d’exploiter les données des opérateurs télécoms, et surtout une expérience moins intrusive et plus pertinente pour le consommateur, l’IA permettra désormais de répondre à l’enjeu des « 4 C » y compris sur le téléviseur : des contenus sur mesure, adaptés à l’écran (contenant) et au contexte de consommation, au service d’une meilleure qualité d’expérience du client.
Il s’agit là d’un des plus grands changements de la façon dont les publicités télévisées ont été achetées, vendues et diffusées depuis des décennies. Tout comme les programmes, la publicité fut distribuée à la manière du « carpet bombing » : le même produit au même moment au même endroit pour tout le monde. En pleine bataille inégale avec le digital, les publicités personnalisées pourront améliorer l’expérience télévisuelle des utilisateurs qui abandonnent la télévision pour des services de streaming sans publicité comme Netflix.
Une nouvelle crise de confiance ?
Qui dit publicité segmentée, dit possibilité d’analyse fine des données notamment personnelles de chaque téléspectateur. Grâce à une meilleure connaissance de l’audience et à un contexte planning intelligent, on peut en effet produire et diffuser plus « smart ». Mais la publicité adressée ne démarre pas sur un terrain conquis : d’après une étude YouGov publiée en mars 2020, 56 % des Français se disent opposés à la publicité ciblée à la télévision.
En revanche, les jeunes sont plus favorables à cette idée que leurs aînés avec 40 % des Millennials versus 18 % des 55 ans et plus. 66 % des sondés ne souhaitent pas que leurs données personnelles soient utilisées et 55 % souhaitent même qu’il n’y ait plus de publicité du tout. Une raison de plus pour soigner l’offre afin de se différencier des abus observés sur les réseaux sociaux (Cambridge Analytica), en allant plus loin que le respect du RGPD et des règles imposées par le cadre législatif qui se limitent au recueil du consentement et au capping.
L’IA à l’écoute – les données personnelles au service de l’expérience utilisateur
A travers une expérience de visionnage sans friction pour le consommateur, la publicité augmentée par l’IA pourra mettre davantage le focus sur la pertinence et l’impact.
France Télévisions Publicité (FTP) a lancé cet été l’offre AKOUO (du grec écouter) pour « accompagner les grands annonceurs dans leur connexion pertinente avec leurs cibles » (Virginie Sappey, Directrice Marketing et Études FTP) en décloisonnant des data. Quatre types de données complémentaires (et anonymisés) sont connectés via des champs sémantiques par NLP et NLU :
– les data conversationnelles issues des données publiques du web,
– les data marques collectées par Yougov
– les data comportementales, provenant de Kantar,
– les data programmes, issues du Quali TV d’Harris Interactive.
FTP propose ainsi à ses annonceurs des recommandations et une vision holistique des publics pour un audience planning contextuel au cœur de l’offre de programmes TV et numérique. Avec un objectif assumé : la préservation des publics et la protection des marques en évitant la surenchère. Plutôt qu’une personnalisation à outrance, la régie publicitaire de France Télévisions offre une segmentation des publics grâce à une connaissance plus fine des imaginaires et comportements sociaux mise en regard de la segmentation de l’offre publicitaire.
Ainsi, « en associant la puissance de la télévision et le ciblage du digital, la publicité segmentée propose le meilleur des deux mondes » annonce Marianne Siproudhis, directrice générale de FTP.
Diffusion ciblée, mesure adaptée
Avec l’arrivée de la TV adressée, les chaînes de télévision, média de masse par excellence, vont diffuser des écrans publicitaires à des publics ciblés. Parallèlement, la télé va aussi vendre ses espaces en programmatique. Comme pour la précédente révolution de la consommation, le multi-écrans, il faudra s’accorder sur les outils de mesure de l’efficacité de ces écrans ciblés capables de faire le lien entre l’univers linéaire de la télévision, celui de la TV adressée et le digital, afin de garantir la confiance indispensable au développement de ce nouveau marché.
Aux Etats-Unis, où la publicité adressée à la télévision a été lancée en janvier 2020, Nielsen commence aujourd’hui a mesurer les premières audiences. Les clients de Nielsen auront accès à des évaluations comprenant le reach, la fréquence et l’analyse des doublons pour mesurer l’impact d’une campagne publicitaire individuelle, y compris sur les médias numériques. Nielsen prévoit d’être pleinement opérationnel au cours du premier semestre 2021.
En Europe, de grands groupes de radiodiffusion tels que Mediaset et RTL en Allemagne et en Italie déploient des offres publicitaires adressables basées sur la norme HbbTV (Hybrid Broadcast Broadband TV), un format qui est en train de vivre sa « renaissance » grâce à l’IA. En France c’est surtout par l’IPTV (télévision via les box), le premier mode de réception de la télévision dans l’héxagone, que sera diffusée la télévision segmentée. L’enjeu pour Médiamétrie est ici de mettre en regard les données des box avec le comportement individuel du téléspectateur, le tout dans « un écosystème de mesure consolidé, neutre et indépendant ».
Innover « inside the box »
Dans son livre Subprime Attention Crisis l’auteur Tim Hwang prévoit pour la publicité numérique – le cœur battant de l’Internet gratuit – une crise semblable à celle des subprimes en 2008. Elle serait surévaluée en raison de l’opacité du marché (Facebook vient justement d’avouer une nouvelle erreur de mesure), mais peu d’acteurs sont prêts à faire remarquer que « l’empereur de la publicité n’a pas de vêtements ». Tout comme lors de la crise des prêts hypothécaires à risque, une fois que les gens auront pris conscience de la valeur réelle des publicités numériques, selon Tim Hwang, le marché pourrait s’effondrer.
Avec ces mêmes technologies intelligentes qui entrent dans la télé – programmatique et automatisation de l’achat sur la base de la performance d’un côté, et segmentation de l’autre – la publicité à la télévision fait enfin sa mue d’une diffusion linéaire à une expérience plus ciblée, et donc potentiellement plus pertinente pour l’audience.
La publicité adressée à la TV peut créer une véritable valeur ajoutée à la fois pour les annonceurs et les cibles à condition d’offrir une expérience sans friction, une transparence vis-à-vis des utilisateurs et une précision maîtrisée de la diffusion qui évite les ciblages basés sur des stéréotypes discriminants. Ainsi, l’IA pourra réellement réformer le marché publicitaire TV, en proposant une fiabilité à l’échelle, un meilleur confort d’utilisation et pourquoi pas aussi de nouveaux formats créatifs.