Le métavers, un nouvel eldorado immersif pour les marques
Pour Kestrel Lee, le métavers existe depuis des milliers d’années. Loin d’être une idée nouvelle, il est en fait préconfiguré dans toutes les religions et mythologies d’Orient et d’Occident. Le métavers n’est pas juste un outil de storytelling, mais aussi un moyen de créer des mondes alternatifs. Il appartient aux marques (et aux médias) de se l’approprier en prolongeant leur promesse de marque et leur offre dans un univers immersif.
Entretien avec Kestrel Lee, directeur du Mediabrands Content Studio China (MBCS), mené par Kati Bremme
La version moderne du métavers se manifeste dans trois types de communautés :
- Le dark web avec ses théories conspirationnistes, les mauvaises habitudes du « dark social » se retrouvant désormais officiellement sur les réseaux sociaux grand public.
- Le divertissement, avec l’exemple de The Dark Knight Rises de Christopher Nolan prolongé dans l’Alternate Reality Gaming (ARG), Jeu vidéo à Réalité Intégrée (JRI) en français, qui permet à des producteurs de contenu de cinéma d’investir dans des séries TV bien au-delà d’une saison en donnant le moyen aux fans de vivre leur personnage préféré dans le métavers.
- Technologique à travers Roblox, AR et VR ou la création d’espaces virtuels liés aux jeux, tels que Decentraland, Axie, Sandbox, Enjin, Ecomi et même Second Life, qui ne représentent pas nécessairement une meilleure version de notre monde, mais au moins une version différente.
Ces trois éléments font partie intégrante de l’héritage de toutes les entreprises technologiques chinoises. Cela a commencé avec la messagerie QQ de Tencent, qui combinait la messagerie, les jeux et sa monnaie virtuelle QQ pour encourager les connexions répétées, les dépenses virtuelles et la personnalisation de la messagerie et du jeu de chacun, dans le cadre d’un mode de vie physique-digital, c’est-à-dire « phygital ».

Le métavers de Tencent a reçu une impulsion considérable grâce à son succès en Chine et dans le monde, à travers son application WeChat, qui est devenue le navigateur internet de la plupart des Chinois.
Tout ce qui entoure le métavers est une question de contexte et de croisements. Des sous-cultures qui traversent le courant dominant, des constructions empruntées au jeu coexistant avec des idées issues des religions, tout cela se fond dans une idée que la réalité devient plus stressante et une tendance, même pour les personnes âgées, à une vie plus virtuelle. Par exemple, pendant le lockdown de Singapour en 2020, Sentosa, sa principale destination de villégiature, a proposé des mariages virtuels à ceux qui ont dû reporter leur réception de mariage.
Les gens choisissent de faire partie de ces métavers, qui promettent une plus grande intimité et une gratification instantanée par la conversation. Au milieu de la distanciation sociale, les outils technologiques nous permettent d’être plus proches, comme le récent appel d’Adidas à créer adiverse.
Le conseil pour les marques pour réussir dans le métavers est le même que pour les réseaux sociaux : ne pas aborder ces écosystèmes comme des robots. Les gens ne suivent pas des robots, mais des humains. Avec une petite différence entre les cultures à l’Ouest et en Asie : à l’Ouest, on suit des marques ; en Asie, on suit des gens qui suivent des marques, les fameux KOL (Key Opinion Leaders), la version asiatique des influenceurs, bien plus sophistiquée et basée sur une tradition confucéenne des Shi (les érudits / experts), qui nous guident dans nos décisions.
L’objectif pour les marques est simple : ils ont besoin de gens qui « se décident consciemment » pour la marque (opt-in). L’expérience sociale doit être sécurisée. C’est le cas à travers le RGPD en Europe, et la Chine vient de passer sa législation sur les données privées (PIPL). Les marques de luxe commencent à entrer doucement dans le métavers, qui reste pour beaucoup encore un modèle dystopique. Déjà en 2019, Louis Vuitton créait des skins pour le jeu League of Legends. La tendance des LARP (Life-Action Role-Playing) aux US et du Kosplay, sont des variantes d’escapisme qui évoluent rapidement, et donc autant de nouvelles façons pour les marques d’aborder leurs clients.
Il ne s’agit plus aujourd’hui de pousser à l’acquisition de clients via les médias payants, mais de « lancer une religion ». Dans le métavers, tout se joue autour de l’adhésion à un univers : les gens aiment une histoire et veulent y ajouter leur propre caractère. L’univers de la marque est alors co-construit avec les clients. Des fans adhèrent déjà à la « Phase 5 » des films Marvel avant leur sortie, comme ils sont déjà partie intégrante de cette religion. Des pays peuvent construire leur version digitale dans le métavers, régie par des législations adaptées. Il s’agit de créer des partenariats de long terme, à travers une narration d’engagement.

Cette relation ne s’arrête pas avec la fin d’un film ou d’une campagne de marketing : elle est traduite dans un univers complet à côté du monde physique, qui permet de faire vivre les caractères d’un film ou d’une série, à l’instar des restaurants Squid Game dans la vraie vie. Dans le métavers, on peut devenir son personnage de manga préféré, et accessoirement, voyager dans le monde entier sans devoir sortir de son salon et sans s’exposer au danger du virus. Il ne s’agit même pas forcément de jouer à un jeu. Certains joueurs se contentent de visiter le monde du jeu, comme la cathédrale Notre-Dame dans Assassin’s Creed, qui a été incendiée dans la réalité. D’autres veulent simplement échapper à la réalité en visitant les mondes de la Xbox.
Selon Kestrel Lee, les paysages virtuels sont l’avenir. D’autant que, dans le métavers, il n’y a pas seulement de limites d’espace, mais aussi de limites de temps. Animal Crossing a créé une expérience de Kyoto, au Japon, il y a 100 ans.
Ces constructions émotionnelles vont certainement impacter la télévision. Il ne s’agira plus de proposer juste des replays, mais de construire tout un univers autour d’un programme ou d’un film, dans un métavers où le public peut être une part active de l’histoire.
Liens vagabonds : Du beau temps pour Amazon, de l’orage pour Meta
À RETENIR CETTE SEMAINE :
Amazon, un média lucratif – Les activités publicitaires d’Amazon deviennent de plus en plus lucratives. L’entreprise a révélé qu’elle avait généré 31,2 milliards de dollars de revenu en 2021 liés à ces dernières, avec une hausse de 32% sur le dernier trimestre. Contrairement à plusieurs géants de la tech tel que Meta, Amazon déclare que les récents changements en termes de protection de données utilisateurs – notamment de la part d’Apple – n’ont pas eu d’effets notables sur leurs revenus publicitaires. D’après Dave Fildes, directeur des relations avec les investisseurs, « les opportunités pour les marques d’engager des clients à travers les propriétés d’Amazon sont largement inchangées”.
La publicité demeure encore une modeste part du modèle économique d’Amazon, représentant 7% de son chiffre d’affaires, toutefois ces résultats, ainsi que la croissance globale de la publicité numérique en 2021 laissent présager une place grandissante de la publicité sur la plateforme.
Les utilisateurs de Facebook en baisse – Mauvaise nouvelle pour Meta : Facebook a enregistré, pour la première fois de son histoire, une baisse de son nombre d’utilisateurs : 1,929 milliard d’utilisateurs quotidiens de la plateforme contre 1,93 milliard le trimestre dernier. Une nouvelle qui n’a pas plu à ses investisseurs, entraînant alors une baisse de 26% de son action en bourse (soit l’équivalent de 220 milliards de dollars). La croissance de Facebook semble donc atteindre un plateau, en partie dû à la baisse d’intérêt des jeunes publics, que l’on retrouve majoritairement sur TikTok.
Bien que Meta ne soit pas en péril, cette nouvelle semble malvenue pour le groupe qui a besoin de la confiance de ses actionnaires ainsi que l’intérêt de ses audiences pour le développement de ses projets de métavers.
Spotify, vecteur de fake news ? – Depuis quelques semaines, un conflit a éclaté sur Spotify. L’artiste Neil Young reproche à Joe Rogan, podcaster phare de la plateforme, de véhiculer de fausses informations en lien avec le Covid-19. Face à l’inaction de la plateforme, Neil Young a donc officiellement demandé le retrait de l’intégralité de son catalogue sur Spotify. En soutien à l’artiste, de nombreux autres musiciens menacent à leur tour de retirer leur discographie si Spotify ne prend pas ses responsabilités et d’après plusieurs rapports, la plateforme croule sous les demandes de désabonnements de la part des utilisateurs.
Face à la pression, le PDG de Spotify, Daniel Ek, indique que la plateforme ne doit pas prendre la position de censeur de contenu. Ce dernier a toutefois annoncé que les podcasts en lien avec le Covid-19 seront accompagnés de liens vers des information scientifiques sourcées. À noter qu’un contrat de 100 millions de dollars lierait Spotify à Joe Rogan pour la production de podcasts.
Cette semaine en France
- Un candidat à la présidentielle pour porter l’inclusion et la médiation numérique?
- Les jeunes Français, victimes insoupçonnées de la précarité numérique
- La France peut-elle retrouver sa souveraineté numérique ?
- Fusion TF1-M6, l’apparition d’un duopole ?
- L’appel de 160 personnalités pour la liberté d’informer
- Les lanceurs d’alerte parviennent-ils vraiment à faire changer les géants de la tech ?
3 CHIFFRES
43,2 milliards d’euros – c’est le budget du digital new deal en Corée du Sud
80% – c’est le pourcentage des NFT de la plateforme OpenSea qui sont des oeuvres plagiées
7 sur 10 – c’est la part du temps sur mobile qui est dédiée aux réseaux sociaux
LE GRAPHIQUE DE LA SEMAINE
Vous trouverez plus d’infographie sur Statista
NOS MEILLEURES LECTURES / DIGNES DE VOTRE TEMPS / LONG READ
- Les enfants sont victimes de la désinformation et des théories du complot. Quelle est la meilleure façon d’y remédier ?
- Comment Facebook devient Meta
- L’étude mondiale sur le harcèlement sexuel dans les salles de presse par WAN-IFRA
- Derrière le départ de Jeff Zucker, PDG de CNN
- Les médias sont-ils condamnés ?
DISRUPTION, DISLOCATION, MONDIALISATION
- Une femme dit avoir été «verbalement et sexuellement harcelée» dans le métavers
- Je suis influenceuse, et je pense que les médias sociaux sont toxiques
- Le fils de John Lennon emmène les Beatles dans le métavers avec les NFTs
GAFA / BATX
- TikTok, la nouvelle horloge du monde
- Malgré une croissance de 70% en 2021, ByteDance s’essouffle
- Meta abandonne le nom Oculus à ses risques et périls
New Name. Same Mission. pic.twitter.com/USJafAPEdW
— Meta Quest (@MetaQuestVR) January 26, 2022
- Facebook renonce à son projet de monnaie numérique
- Pour Jack Dorsey, Facebook aurait dû utiliser le Bitcoin au lieu de créer sa propre crypto
- Meta empêche les nouveaux utilisateurs de se joindre à l’outil d’analyse CrowdTangle
- Microsoft pense qu’il est nécessaire d’arrêter Apple dès maintenant
DONNÉES, CONFIANCE, LIBERTÉ DE LA PRESSE, DÉSINFORMATION
- Google a un nouveau plan pour tuer les cookies
- Lockbit : quel est ce groupe qui affirme avoir piraté un site du ministère de la justice ?
- Les théoriciens du complot se connectent à leur public grâce aux newsletters et podcasts
- Nouvelles méthodes de traçage en ligne : quelles solutions pour se protéger ?
- La Chine veut nettoyer son web à l’approche des JO de Pékin
- Pourquoi Biden s’est détourné de Facebook en raison de la désinformation sur le COVID
LÉGISLATION, RÉGLEMENTATION
- Le marché du cloud dans le viseur de l’Autorité de la concurrence
- L’Inde propose une taxe de 30% sur les revenus des crypto et NFTs
- Quatre leçons tirées de deux décennies de pratique du droit dans les salles de presse
- Le cadre RGPD imaginé par les géants de la publicité ne respecte pas le RGPD
- Les médias qui tirent parti du suivi utilisateur font pression contre les réglementations
- La réglementation du métavers, voici par où commencer
JOURNALISME
- Les journalistes qui couvrent les Jeux d’hiver de Pékin doivent utiliser des téléphones jetables et éviter de télécharger TikTok
- « Tuer un journaliste au Mexique, c’est comme ne tuer personne » : protestation après trois assassinats dans le pays
- Les pays où les médias publics sont mieux financés ont-ils aussi des démocraties plus saines ? Bien sûr que oui
- Les trois principales prédictions pour l’industrie de la presse en 2022
- Comment puis-je être vérifié en tant que journaliste indépendant sur Twitter ?
- Pourquoi les éditeurs de presse ont-ils du mal à adopter TikTok ?
STORYTELLING, NOUVEAUX FORMATS
- Avec « Speak Up ! », chaque semaine, « Le Monde » porte la voix des jeunes sur Snapchat
- “Gender & Langage”, le format narratif pédagogique de Reuters sur l’écriture inclusive
- Le Monde in English, la nouvelle verticale anglophone du Monde
- The Economist plonge dans les données Spotify de 70 pays
ENVIRONNEMENT
- 5 conseils de storytelling pour raconter le changement climatique
- Le poids écologique de la technologie
- Encastrer l’économie dans l’écologie
RÉSEAUX SOCIAUX / MESSAGERIES
- L’algorithme de Twitter favorise la droite politique
- Pourquoi Telegram est-il autant prisé par les cybercriminels ?
- L’Allemagne en guerre contre Telegram
- Tensions Ukraine-Russie : peut-on prédire la guerre sur TikTok ?
- Nous pouvons tous être célèbres ! La promesse et le péril des tabloïds sur TikTok
- « Quand TikTok devient plus prospère, les TikTokers le sont moins. »
- Grindr aurait disparu des stores d’applications en Chine
- Meta ajoute des avatars 3D à Instagram Stories, avec des mises à jour pour Messenger et Facebook
STREAMING, OTT, SVOD
- Les actions de Netflix et de Spotify augmentent suite aux prédictions “d’amélioration de l’économie d’abonnement »
- Disney+, HBO Max et autres plateformes obtiennent des abonnements grâce à des contenus incontournables, les garder est difficile
- Après six ans, BBC Three est de retour en linéaire
- HBO Max en Europe mais toujours pas en France ?
- Plus d’un milliard de dollars de dépenses mondiales sur Twitch
AUDIO, PODCAST, BORNES
- Amplifier, l’incubateur de podcasts d’Acast
- Une histoire de l’Internet, un podcast original de France Culture
- Pour gagner l’Élysée et les cœurs, Valérie Pécresse se met au podcast
- Comment les éditeurs et les plates-formes de podcasts s’efforcent d’accroître leur audience dans les langues autres que l’anglais.
DATA, AUTOMATISATION, INTELLIGENCE ARTIFICIELLE
- La Chine propose une réglementation accrue des Deepfakes
- La Journée mondiale de la protection des données fait fausse route
- DeepMind affirme que son nouveau moteur de codage IA est aussi bon qu’un programmeur humain
- Comment les jeux vidéo pourraient être utilisés pour générer des données d’entraînement pour l’IA
BLOCKCHAIN, CRYPTO, NFT, MÉTAVERS, WEB3
- Qu’est-ce que qui devrait être considéré comme un crime dans le métavers ?
- Warner va créer un parc d’attractions musical dans le métavers
- La vision du métavers de Microsoft se précise et prend tout son sens
- Les grandes entreprises qui ont investi des milliards dans la crypto-monnaie en subissent maintenant les conséquences
- Les entreprises de la Big Tech doivent arrêter de lutter pour faire vivre leur métavers
- Trois choses que Web3 devrait corriger en 2022
- Le Web3 est l’avenir, ou une escroquerie, ou les deux
Deeply strange pic.twitter.com/ycilbi1iNL
— James Kelleher (@etienneshrdlu) January 25, 2022
IMMERSION, 360, VR, AR
- Les enfants et la réalité virtuelle
- Microsoft aurait mis fin à ses plans pour l’HoloLens 3
- VR, AR, MR, XR : quelle réalité est la meilleure ?
- Mozilla retire sa version VR de Firefox
MONÉTISATION, MODÈLE ÉCONOMIQUE, PUBLICITÉ
- Les recettes publicitaires de Microsoft ont atteint 10 milliards de dollars
- Comment les éditeurs utilisent les stratégies de commerce électronique pour augmenter les revenus des abonnements numériques
- L’IAB Europe ne respecte pas le GDPR et les annonceurs pourraient devoir détruire leurs données
- L’AdTech en plein doute
- La publicité digitale retrouve sa croissance d’avant crise
JEUX VIDÉO, eSPORT
- Pourquoi les NFT sont massivement rejetés par les développeurs de jeux vidéo ?
- Le phénomène Wordle est racheté par le New York Times
- Sony rachète les studios Bungie, créateurs de « Halo » et de « Destiny »
- Epic Games a de nouveaux alliés dans son combat contre Apple
- L’accord entre Microsoft et Activision sera examiné par la FTC aux États-Unis
5G, 8K
- L’Europe prend du retard dans l’adoption de la 5G par rapport aux États-Unis et à la Chine
- La FAA, AT&T et Verizon se rapprochent d’une solution à leur problème de 5G.
- Qu’est-ce que le Wi-Fi 6E et en ai-je besoin ?
TECH, STARTUPS, INNOVATION, TRANSFO NUM
- Les pépites de la French Tech dévoilent le nombre d’embauches qu’elles prévoient
- Les start-up françaises des médias, de la publicité et de la culture ont levé 820,3 millions d’euros en 2021
OUTILS
- Le programme de croissance numérique de l’initiative Google News
- Copernix, l’outil au croisement de Google Map et Wikipedia
- Twitter lance une nouvelle Toolbox : création de threads, modération des tweets, statistiques…
ES avec Kati Bremme & Louise Faudeux
« Notre âge courant s’arrête au métavers, le suivant commencera au début du transhumanisme »
À l’origine, l’ambition d’Unity était de rendre la conception de jeux vidéo accessible à tous. Aujourd’hui, alors que plus de 50 % des jeux sur mobile, consoles, PC et VR ont été réalisés avec ce moteur, la société renouvelle ses ambitions. Unity ne sert plus seulement à la réalisation de jeux, mais plus généralement à la création d’expériences interactives.
Entretien avec Mathieu Muller, product manager chez Unity Technologies, mené par Chrystal Delfosse
Le public est-il prêt à voir émerger cette évolution ?
Ce que l’on voit, c’est que l’adoption de la réalité virtuelle a largement augmenté ces derniers temps. Cela a été une adoption croissante qui n’a jamais diminué depuis son lancement. Jusque-là, la fragmentation du hardware limitait cette croissance, soit on était portable avec une qualité moyenne, soit on était branché à un PC avec de la haute qualité. Le Quest 2 de Facebook a permis, pour la première fois, d’utiliser le même appareil pour avoir du contenu portable ou streamer du contenu depuis un PC en très haute qualité. En plus d’être utilisé pour le jeu vidéo, le Quest 2 est reconnu dans certains pays comme un outil de bien-être pour faire du sport ou se détendre. C’est donc un outil qui se retrouve partout et qui peut être adopté par une population large aussi bien casual que hardcore gamer.
Cela dit, même si grâce à l’Oculus Quest 2, Meta possède la technologie, avec un écosystème et une multitude de services qui fonctionnent très bien ensemble, je ne crois pas qu’il y aura un seul métavers créé par Facebook, tout comme il n’y aura pas un seul appareil. Depuis le store du Quest 2 ou depuis Steam, il est toujours possible de télécharger et d’installer des applications indépendantes. À Unity, nous sommes persuadés qu’il existera plusieurs métavers, c’est même tout l’intérêt.
Quel est le rôle de Unity dans la construction des métavers ?
Au début, notre rôle était de démocratiser la création de jeux vidéo. Aujourd’hui, notre but est de démocratiser la création de contenus interactifs de manière plus large – et donc, par extension, des métavers. Nos outils sont accessibles à n’importe qui. Bien sûr, cela ne veut pas dire qu’il faut appuyer sur trois boutons pour créer un métavers, en tout cas, pas au stade actuel. Mais, globalement, on veut donner la possibilité aux gens de créer ces contenus originaux, ces environnements et ces interactions qui donneront envie aux utilisateurs de se retrouver. Notre pari, et ce qui a fait notre business, c’est de réussir à créer des outils qui sont à la fois professionnels et accessibles à tous, ainsi que de créer un écosystème qui réunit ces deux milieux. Et en pratique, que ce soit dans le jeu vidéo ou dans la VR, il y a de plus en plus de titres comme The Ramp par Paul Schnepf, The Falconeer par Tomas Sala, Vermillion VR par Thomas van den Berge aka Thomas Mountainborn, qui sont réalisés par une seule personne et parfois même assez jeune.
Quels sont les enjeux de la régulation de ces espaces virtuels ?
Je pense que c’est l’opportunité de réguler de manière différente l’Internet. Aujourd’hui, on a associé l’ensemble des contenus avec une individualité physique : je suis connecté avec un compte ou un identifiant qui me représente, mais il n’y a pas d’intermédiaire entre ma personnalité physique et virtuelle. Sauf que cet aspect binaire actuel fonctionne mal : soit on empêche la liberté d’anonymat, soit on met en danger la responsabilité.
C’est pour cela que je trouve la notion d’avatar centrale. En régulant des avatars et en leur donnant une réalité juridique, ils deviendront un intermédiaire à la personne physique, avec une responsabilité, des droits et des devoirs. Je pense que cela pourrait aider à réguler l’Internet et permettrait de conserver un anonymat physique dans un environnement virtuel, tout en ayant des responsabilités. Alors, en cas de conflit ou de délit, on pourrait accuser un avatar, mais sans savoir qui est derrière tant qu’il n’y a pas de procédure juridique.
Finalement, quelle est la différence entre la vie réelle et les métavers ?
Il ne faut pas avoir peur des métavers, ce n’est qu’une façon de faire ce que l’on fait dans le monde physique, mais en ayant un impact écologique plus faible. Parce que nous n’avons plus à voyager au bout du monde pour travailler ensemble, par exemple, et parce que nous ne sommes plus obligés de produire des objets en plastique pour faire des activités. Désormais, cela peut se vivre de manière virtuelle.
C’est ma vision personnelle, et je suis moi même surpris d’en arriver à cette conclusion, mais je pense qu’à un moment, il est possible que l’on se passe d’une grande partie de notre matérialisation actuelle, car presque tout sera disponible en réalité augmentée. Par exemple, un appartement n’aura besoin que des choses essentielles pouvant être manipulées et que le reste sera projeté ou joué de manière virtuelle. Si on en arrive là, utiliser un hardware n’aura plus grand intérêt. Alors, s’implanter une puce qui se branche directement à nos yeux et dont l’énergie est produite par notre corps pourrait avoir du sens. Cela nous permettrait de nous passer de l’équipement plastique.
Cela paraît être de la science-fiction, mais quand on extrapole les tendances, qu’on regarde plus loin après 25 ou 30 ans de métavers, on pourrait imaginer que l’homme en arrive là. Le transhumanisme est une forte notion de science-fiction qui ne s’est jamais réellement produite, et, pour moi, le métavers pourrait être la dernière étape avant d’y arriver. S’il devient essentiel, alors on y arrivera naturellement. C’est ce qui est excitant en ce moment : nous sommes en train de regrouper tout un tas de choses qui n’avaient rien à voir ensemble, et c’est une étape majeure qui est complètement corrélée aux enjeux environnementaux. C’est comme ça que toute l’histoire de l’être humain s’est fabriquée : lorsqu’il est confronté à un problème, l’homme trouve une technologie pour le dépasser et l’âge suivant se base dessus. Alors, je pense que notre âge courant s’arrêtera au métavers et le suivant commencera au début du transhumanisme, comme nous sommes passés de l’Âge du Bronze à l’Âge du Fer.
Photo de Une : NORITSU KOKI sur Unsplash
Liens vagabonds : NFT, abonnements payants – les réseaux sociaux se monétisent
À RETENIR CETTE SEMAINE :
NFT et accès payants – Après Meta et Twitter, YouTube va aussi se lancer dans les NFT. Susan Wojicki, la CEO de YouTube, a déclaré que sa plateforme pourrait également s’intéresser de près aux NFT dans les prochains mois. Ces jetons cryptographiques auxquels est rattaché un certificat de propriété numérique sur une blockchain intéressent de plus en plus les géants de la tech. Reddit aussi teste les NFT en image de profil. Mais l’engouement pour les NFT de Bored Ape ne serait-ce qu’une question d’ego et d’argent, pas d’art ? Picasso est-il soluble dans les NFT ? Ce qui est sûr : les magnats de la tech cherchent un nouveau terrain de jeu, et les réseaux sociaux de nouveaux subterfuges pour retenir leurs utilisateurs. Pour cela, TikTok teste aussi les abonnements payants, à l’instar d’Instagram et Twitter pour soutenir l’économie de créateurs.
Meta et son supercalculateur – Baptisé AI Research SuperCluster, le supercalculateur de Meta (ex Facebook), développé avec Nvidia et dédié à l’intelligence artificielle doit embarquer à terme 16 000 GPU pour une bande passante de 16 To/s. Cet ordinateur le plus rapide du monde, selon Mark Zuckerberg, devrait être opérationnel dans le courant de cette année. Une puissance de calcul bienvenue pour l’Intelligence Artificielle intégrée dans le métavers, qui nécessitera des quintillions d’opérations par seconde si elle veut proposer des expériences pleinement contrôlées, ciblées selon nos émotions, tout en améliorant le suivi VR & AR. En même temps, Facebook veut déjà abandonner son projet de cryptomonnaie Diem … pour mieux se lancer dans une nouvelle monnaie du métavers ? Toujours dans la perspective du métavers, l’Europe vient aussi de valider le rachat de Kustomer, une start-up spécialisée dans la gestion de relation client, par Meta. Meta génère déjà des milliards de dollars grâce à son projet de métavers.
Nouvelle chronologie des médias – Netflix et Canal+ sont les grands gagnants de cet accord signé lundi, avec une division du délai de diffusion par deux. Netflix va pouvoir diffuser des films 15 mois après leur sortie en salle, contre 36 mois jusqu’ici (avec en contrepartie une participation au financement du cinéma français) ; Canal+ n’aura plus que 6 mois à attendre avant de pouvoir les proposer à ses abonnés, Disney+, Amazon Prime Video 17 mois, et les chaînes de télévision encore 22 mois. Ce nouvel accord était en discussion depuis des mois, entre chaînes de télévision, grandes plates-formes de streaming et organisations du cinéma. La densification des fenêtres accroit la concurrence entre les plateformes, mais elle est aussi censée avoir un effet vertueux contre le piratage, et met fin à une situation qui apparait anachronique face aux nouveaux usages de la SVoD. La SACD et Disney se sont prononcés contre le texte, Disney ayant déjà menacé de ne plus diffuser ses films au cinéma pour les proposer directement sur Disney+ sans délai, une tendance accélérée à Hollywood depuis la pandémie.
Cette semaine en France
- Christel Heydemann nommée à la tête d’Orange
- Elyze: quand la technologie croit pouvoir sauver la démocratie
- Enquête ORPEA : “On m’a proposé 15 millions d’euros pour que j’arrête mon enquête sur les Ehpad”
3 CHIFFRES
4,95 milliards d’internautes (+4 %) dans le monde, 62,5 % de la population mondiale utilise Internet
1 Français sur 5 ne répond jamais aux appels téléphoniques
35 milliards de $ – c’est le bénéfice net trimestriel d’Apple
LE GRAPHIQUE DE LA SEMAINE
Vous trouverez plus d’infographie sur Statista
NOS MEILLEURES LECTURES / DIGNES DE VOTRE TEMPS / LONG READ
Most of what we want to do digitally (and financially) is possible today, but it exists within a structure that lets a select few manipulate it for themselves. David Chaum
- David Chaum, pionnier des crypto, affirme que le Web3 est « l’informatique avec une conscience »
- Le web décentralisé tourne autour des hommes
- Un guide simple de la matrice du Web3
- Vers un métavers ouvert ou un métavers fermé ?
- Le Web3 est l’avenir, le présent et le passé du web
- The Atlantic a passé deux ans à étudier les besoins des lecteurs et des auditeurs. Voici ce qu’ils ont découvert
DISRUPTION, DISLOCATION, MONDIALISATION
- Et si l’informatique quantique était un échec ?
- Facebook a promis l’Internet gratuit aux pays pauvres. Les gens ont quand même été facturés
- L’Inde veut remplacer Android par un tout nouvel OS
- Le déboire boursier de Netflix est un avertissement pour Hollywood
- Bourse : les valeurs « stay at home » en souffrance ; La bulle tech a commencé à éclater aux Etats-Unis
- « We Met in Virtual Reality », un premier film sur et entièrement filmé dans le métavers sortira prochainement au cinéma
- Préparez-vous à la semaine de quatre jours
- Seule une 1 personne sur 20 parmi les 18-30 ans a déclaré regarder chaque jour une chaîne de télévision de la BBC en direct
GAFA / BATX
- Poutine accentue sa guerre contre Google
- Les éditeurs allemands s’opposent au projet de Google de supprimer progressivement les cookies tiers
- Google est poursuivi en justice aux États-Unis pour géolocalisation « trompeuse »
- Tim Cook, un orfèvre de la production et habile diplomate derrière le succès d’Apple
- Microsoft mise sur les jeux vidéo et le métavers
- Les Gafam n’ont jamais fait autant d’acquisitions qu’en 2021
DONNÉES, CONFIANCE, LIBERTÉ DE LA PRESSE, DÉSINFORMATION
- L’Unesco lance un partenariat avec TikTok contre le négationnisme
- La Chine publie un projet de loi contre les contrefaçons dans le cyberespace
- Weibo met en garde ses utilisateurs contre la publication de contenus relatifs aux Jeux olympiques d’hiver
- Téléphones et ordinateurs jetables : les journalistes occidentaux se préparent à contourner l’espionnage chinois pendant les JO de Pékin
- Les problèmes de surveillance liés à l’application chinoise pour les Jeux olympiques d’hiver – expliqués
- Le directeur de l’OMS soutient Neil Young dans son conflit avec Spotify sur la désinformation autour de la pandémie
- Loi sur la sécurité nationale : « La liberté de la presse n’est pas absolue », déclare le chef de la police de Hong Kong, Raymond Siu
- Substack, source de désinformation
- L’effort d’Adobe pour lutter contre les deepfakes franchit une étape importante
- NewsGuard, les enfants américains auront accès à un assistant “bibliothécaire Internet”
LÉGISLATION, RÉGLEMENTATION
-
- WhatsApp est sommé de prouver que ses nouvelles conditions d’utilisation sont légales
- Cookies publicitaires: le Conseil d’État rejette l’appel de Google dans son conflit avec la Cnil
- Les États-Unis retirent l’accès à une autre entreprise de télécommunications chinoise
- Le Parlement européen vote le DSA redouté par les géants du numérique, qui approuve notamment l’interdiction de certaines pubs ciblées
- Un nouveau projet de loi américain vise à supprimer la publicité ciblée : le secteur réagit
- Pourquoi l’Arcom risque d’échouer, comme la Hadopi
- Le régulateur financier européen recommande d’interdire le minage du bitcoin
- La CE a présenté mercredi sa déclaration sur les droits et principes numériques au bénéfice de tous
It’s time to put some order in the digital “Wild West”.
A new sheriff is in town — and it goes by the name #DSA. pic.twitter.com/7YByqyTdX1
— Thierry Breton (@ThierryBreton) January 19, 2022
JOURNALISME
- Une organisation d’adolescents promeut l’éducation médias parmi les jeunes générations
- L’étude mondiale sur le harcèlement sexuel dans les rédactions publiée par WAN-IFRA Women in News
- Les salles de rédaction doivent se préparer au journalisme en réalité étendue
- L’approche « complète » de l’information par The Grid
STORYTELLING, NOUVEAUX FORMATS
- Comment investir dans un contenu pérenne qui fait sa propre promotion ?
- Votre rédaction pourrait produire la prochaine émission de télévision : Voici pourquoi
- Substack ajoute la vidéo pour attirer de nouveaux créateurs
- Le graphique impressionnant de Reuters, qui compare l’onde de choc des îles Tonga à des territoires continentaux
- Les chaînes innovent dans l’info
On me l’a demandée, voici une version à jour de la carte des personnalités politiques sur Twitter, d’après les analyses de @RedTheBot_ pic.twitter.com/hhAhRapYvJ
— Achille CORREGE (@AchilleCorrege) January 22, 2022
ENVIRONNEMENT
- Des nouvelles technologies «zéro pollution»
- Faire comprendre l’ampleur du changement climatique au niveau mondial, nouvelle série d’articles dédiée au changement climatique sur HyperNews
- La première vidéo de l’ex journaliste de Vox @cleoabram sur sa chaîne YouTube indépendante
RÉSEAUX SOCIAUX / MESSAGERIES
- Instagram : les créateurs peuvent afficher les lives programmés sur leur profil
- TikTok, la nouvelle horloge du monde
- “Link-in-Bio” – Le nouveau site web personnel n’est pas du tout un site web
- LinkedIn permet aux pages d’entreprise de créer des newsletters
- YouTube propose une nouvelle fonction Loop pour les vidéos
- Twitter teste Flock pour partager des tweets à un groupe plus restreint
STREAMING, OTT, SVOD
- YouTube Shorts, c’est 5 000 milliards de vue en moins de deux ans
- Aux USA, le long déclin de la télévision payante, seulement 55% des foyers américains sont abonnés à un bouquet de chaînes
- Les prévisions de croissance modeste de Netflix pèsent sur le marché du streaming
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— Gloria B-CASAREGGIO (@GloriaCasa77) January 25, 2022
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ES avec Kati Bremme & Louise Faudeux
Si Twitter lançait son #Metaverse pic.twitter.com/eOYJljwqAZ
— Mathieu Flaig (@MathieuFlex) January 21, 2022
Le métavers, le journalisme et la réalité de synthèse
Par Olivier Mauco, président de Game in Society, Dr. en sciences politiques, enseignant à Sciences Po Paris
Avec le métavers, le journalisme risque de disparaître s’il n’affronte pas le problème majeur de la création d’une réalité commune. La dimension autonome autoproclamée du métavers laisse présager une nouvelle forme d’anarchisme libertarien en vogue dans la Silicon Valley. En effet, le métavers se caractérise par des dynamiques spécifiques : auto-souveraineté (le Web 3.0), confiance et transparence (la blockchain), auto-organisation (les DAO, Decentralized Autonomous Organization), les mondes d’expérience numérique (en 3D majoritairement), et enfin les interfaces homme-machine.
Cette réorganisation de l’autorité, où le tiers n’est plus nécessaire, change radicalement le rôle de l’auteur. Plus encore, la convergence entre le monde réel et le monde virtuel brouille les frontières, instituant un nouveau régime de réalité, la « réalité de synthèse » entre le monde physique et numérique. Nouvelle autorité et nouveau régime de réalité modifient ainsi le travail journalistique et la fabrique même des informations.
Nouvelles formes d’autorité
La réorganisation de l’autorité par la blockchain est un changement majeur. Dispositif de confiance qui permet de certifier sans la présence d’un tiers, la blockchain concurrence les tiers de confiance qui fonctionnent sur la consignation de registres. Couplée à des univers 3D, déjà bien présents comme ceux des jeux vidéo, elle est au fondement du métavers, introduisant un nouveau rapport à la propriété de la donnée, consignée dans les briques de bases de données décentralisées. L’autorité, au double sens de celui qui écrit et celui qui exerce le pouvoir de sélectionner, se voit remise en cause par l’effacement de toute instance intermédiaire, les institutions publiques et les médias centralisés en tête. Ainsi, les médias et le journalisme comme tiers et autorité, sont directement questionnés dans leur fondement par le métavers.
L’architecture sociale soutenant l’ensemble du métavers permet une nouvelle organisation du pouvoir. Les DAO sont des contrats « intelligents » (smart contracts) qui attribuent des parts à des organisations et automatisent les modes de gouvernances. L’autorité est ici dévolue à l’algorithme, la transparence est la règle, chaque organisation peut ainsi renouer avec un idéal de partage et de redistribution contre l’organisation centralisée et opaque de certaines organisations tutélaires de la représentation. Dès lors, les DAO pourront se constituer pour acheter des choses réelles la tentative d’achat de la Constitution américaine ou d’une équipe de Basket par exemple ou des parcelles dans le métavers ou d’autres choses par ce système de courtage communautaire. Ces nouvelles formes de sociétés correspondent bien à la notion de mise en commun de l’outil.
Le sacre de l’expérience
Le métavers est souvent présenté comme un monde virtuel 3D, persistant et opérant comme un double plus ou moins fictionnel du monde réel. La particularité est de proposer une expérience basée sur de la manipulation de signes visuels, l’objet 3D par exemple. La 3D peut être intégrale comme en réalité virtuelle ou alors elle peut se juxtaposer à l’image vidéo capturée par la caméra du téléphone, en réalité augmentée. Ainsi, tout travail de mise en scène des informations journalistiques répond à des logiques différentes des médias traditionnels. Si l’on complète l’adage : la radio annonce, la télévision montre, la presse explique, le métavers propose l’expérience.
Or, une expérience est avant tout subjective bien que produite. Si l’on regarde du côté des entreprises du divertissement, la règle est d’instaurer des univers de fiction à fréquenter, dans lesquels chacun sera invité à passer le plus de temps possible. Plus prosaïquement, avant de répondre à la question du métavers, il faudrait se demander si un média peut créer un parc d’attractions ou un musée de l’information. Le changement de paradigme est déjà à ce niveau.
Cette grande fluidité se traduit par une portabilité de l’information, quelles que soient ses mises en formes, dont le narrateur-diffuseur ne sera plus le média (support et éditorial) mais l’individu. La narration éclatée du transmedia des années 2010 se trouve accélérée avec un rôle central du « lec-acteur », du « spec-acteur » dans la recomposition de la trame selon les modes et moments de fréquentation de ces espaces. Le métavers consacre ainsi le signe et la non-linéarité de la production et de la circulation de l’information. Plutôt que d’être stockée dans un média, l’information devenue signe distinctif sera littéralement portée par un individu participant à plusieurs communautés. Pour lui, l’information est un asset, un élément parmi d’autres, de mise en scène de soi, une marque dérivée jusqu’à la notion de signe distinctif et d’appartenance pour une expérience optimale.
La grande convergence
Le métavers est l’avènement d’une tendance de fond qui touche de nombreux secteurs des industries du contenu : la domination progressive des techniques du jeu vidéo. L’abaissement des coûts de calcul informatique réel favorise de nouveaux formats comme la réalité augmentée ou la 3D temps réel sur des smartphones, les effets spéciaux ordinaires. Les plateaux télévisés adoptent ainsi ces nouveaux éléments pour la météo, le sport, les lives, les datavisualisation, ou la reconstitution de certains faits divers.
En parallèle, l’abaissement du coût d’entrée facilite la création par les utilisateurs de contenus tout azimut : le user generated content devient alors la pierre angulaire de l’économie du métavers. Le métavers est cette tentative de capter l’ensemble des pratiques en ligne de production et consommation des signes en créant du lien entre le jeu, les vidéos ou les photos, afin de créer une économie de l’image en marge du réel. Il instaure un nouveau régime de la production du contenu : play-to-earn (jouer pour produire des biens numériques) et bientôt le troll-to-earn (troller pour augmenter la valeur de biens numériques).
Toute l’économie de la collaboration, du commentaire, de la constitution de communauté de lecteur risque d’évoluer vers les plateformes capables de monétiser la participation de chacun, changeant les métriques de mesure de fréquentation. Avec le continuum des données informatiques, identifiables et traçables grâce à la blockchain, nous assistons à la réintroduction de la propriété à l’ère de la circulation de masse d’internet. Si les potentiels sont importants, les NFT consacrent le culte de la propriété originelle tout en favorisant la diffusion et reproduction comme base de la valeur d’échange. L’accélération de la circulation infinie des informations que l’on observe déjà sur les réseaux sociaux devient un levier de marchandisation et de diffusion. Le bon mot du troll prendra en valeur dès qu’il se transforme en un mème soutenu par des groupes sociaux structurés. Si chacun monétise son commentaire avec l’espérance du gain comme moteur de production, comment faire pour émerger face au flux de production de signes à l’écran ?
La fin du public et les limites de la vérité
Ces évolutions de la circulation, la production, la valeur et la propriété des mises en scène de l’information transforme alors la manière dont on informe, et donc l’accès même aux informations devient un élément clé. Car si tout circule dans les espaces procéduraux du métavers, c’est la dimension et la finalité même de cet espace, faussement public, qui perturbe le processus journalistique et démocratique.
Le métavers, étymologiquement, n’est pas le meta-univers, l’univers des univers, ce raccourci est un leurre. Le détour par l’étymologie nous amène à meta–vertere. Meta, en grec, signifie succession, changement, transformation, quand en latin verto, vertere traduit l’idée de se diriger, de conversion d’une forme en une autre. L’univers est une transformation en un, l’uni, soit une mise en commun quand le metaverse n’est qu’un processus, la transformation de la transformation, véritable tautologie, mouvement hors sol, flux permanent, cyclique, non linéaire. Cette fin de la mise en commun de l’univers a pour risque majeur le démantèlement de l’espace public pour des espaces communautaires. Ce n’est pas parce que 1000 personnes seront en ligne qu’il y a espace public. Un concert n’est pas un espace public, mais un espace de mise en commun d’une émotion. Appliqué au champ politique et aux médias, le passage du débat vers l’émotion favorise le triomphe des imaginaires dont la guerre entre les majors du contenu divertissant fait rage pour mettre en place des univers de fiction, avec rites et croyances, et sacralisation de l’image par des publics transformés en communautés. Assistera-t-on à un journalisme d’information rendant compte de ces mondes autonomes, dans une rubrique métavers entre France et International ou à l’inverse un journalisme dans ces univers ?
En conséquence, la logique d’hyper-privatisation des espaces, non pas au sens capitaliste, mais bien de l’économie psychique, développe un débordement du for intérieur où la perception et l’émotion président au partage et l’appartenance. L’existence d’un espace réglé par des normes discursives comme le débat rationnel, la parole publique et autre condition de la démocratie contemporaine, semble désuet et inopérant sur le théâtre de la mise en scène de soi. La fabrique de l’information journalistique invite à penser de nouveaux formats, et à consacrer l’esthétique, le beau comme nécessité pour toucher et informer. Car il y a fort à craindre que l’information pure et rationnelle ne suffira plus, et que l’information belle (sensible) ou coproduite (interactive) soient les nouvelles normes du métavers, et dépasse la question de la vérité observée. Ces tendances pour le journalisme mettent en abîme les débats actuels sur la fabrique du faux fake news, deepfake et autres médias de synthèse vers un débat sur les conditions même de survie de la réalité et de la vérité. Si débattre de l’ère post-vérité pose éminemment la place du journalisme comme garant, quelle fonction peut-il exercer quand la notion même de fait se redessine dans ce que nous qualifions de réalité de synthèse ?
La réalité de synthèse
La réalité de synthèse apparaît dès lors que la surcouche informationnelle double le monde réel, que le jumeau numérique et le réel deviennent équivalents pour l’individu du fait d’un processus de convergence du physique et du numérique, des processus réels et des vertus des communautés virtuelles. Avec la pratique quotidienne et la fabrique du goût pour ces médias de synthèses, d’Instagram aux jeux vidéo, la perception même d’un réel synthétique est naturalisée en témoignent les achats de biens virtuels. La réalité de synthèse modifie le régime de vérité et donc l’essence du journalisme : comment traduire des faits qui ne sont pas réels au sens classique. Si l’on regarde les tendances actuelles de fabrication de la vérité dans les communautés complotistes notamment, le fait même de relayer, est un processus de création d’une réalité en saturant les réseaux sociaux d’une image, d’une vidéo et autre fabrication de la preuve. Déployé dans le métavers, le régime dominant de vérité est celui de la diffusion de la circulation de masse, sous des formes les plus virulentes, la fabrication de la preuve ne répondant plus au critère de vérité mais de répétition artificielle.
De plus, comment accepter que des faits dans des univers synthétiques soient communément considérés comme réels, si ce n’est qu’ils sont partagés. La validation des choses par l’intersubjectivité est ici déterminante : comment rendre compte de faits qui n’existent que dans l’échange interpersonnel de biens non physiques dont la valeur est une spéculation sur la future valeur accordée par une communauté d’échange pas encore constituée ? Mêle pour le journalisme économique qui suit la bourse, il fait face à de nombreuses contraintes, la première étant la place de marché. Les métavers se traduisent par un fort soutien de la communauté se regroupant dans des espaces en ligne. De là, peu de différences avec les autres supports, si ce n’est le rôle déterminant des journaux dans la création de communauté, la capacité de faire vivre et mettre en forme le quotidien. Cette fonction essentielle d’aller chercher au final ce qui fait commun et de mettre en forme la communauté attribue de fait une fonction au journalisme sans pour autant lui donner une place statutaire ou un modus operandi qui ne soit pas conforme aux règles de l’univers de fiction dans lequel il se trouve, intégré diégétiquement dans l’espace de la réalité synthétique.
À supposer que ces réalités de synthèse soient des fictions incarnées en 3D, que pour fréquenter ces fictions il soit nécessaire d’adopter les codes, us et coutumes de ces organisations, de se conformer à leurs esthétiques, comment le journaliste peut-il exister sans être en dissonance ? Ce jeu de rôle est à la portée de l’enquêteur, mais l’organisation médiatique peut-elle exister sans se plier aux régimes du métavers où elle entend prendre ambassade ? Ne risque-t-elle pas de perdre une partie de ce qui faisait son identité et devoir se replier ou se repenser sur ce qui la compose, ce qui est donc meta-adaptable ? À l’inverse, la bibliothèque libre de RSF dans Minecraft pour offrir un espace de liberté d’expression aux citoyens et journalistes opprimés soulignent que ce n’est pas tant la technologie que le contenu éditorial et la politique du métavers qui vont être déterminants.
À la croisée des mondes : deux scénarii
Le métavers comme concept n’est pas métavers comme réalité, et que si certaines entreprises souhaitent devenir dominantes, il restera toujours des alternatives possibles. Les deux scénarii exploratoires, volontairement pessimistes et optimistes, ne sont pas exclusifs, et peuvent cohabiter.
Nous reproduisons les mêmes erreurs que pour le web 1 et 2 en laissant passer le coche. Le métavers est déjà là, nous n’avons pas individuellement les armes pour bâtir un monde virtuel, sans l’aide des pouvoirs publics européens : les proto-métavers français ne sont pas soutenus, aucun asset technologique, aucune souveraineté numérique. Il faudra alors composer avec les fictions et esthétiques imposées, les pulsions animées par le capitalisme consumériste ou réglées par quelques communautés extrémistes. Le journalisme sera obligé d’opérer sa mue en gonzo journalisme, sans moyen réel car le média n’aura pu s’acheter un desk dans les métavers commerciaux. Les trolls et fabricants de NFT produiront du contenu, saturant les esprits, et l’information ne sera qu’un souvenir. Tout au plus des simulacres de journaux en ligne, traitant de manière automatisée les derniers hauts faits, comme la chaîne commerciale d’un centre commercial, gérée par des bots et IA.
À l’inverse, la bataille de définition du métavers ne fait que commencer. La 3D, la VR et le multijoueur sont une manifestation parmi d’autres : l’essence du métavers est dans l’authenticité, la circulation et la plasticité de l’information, la fluidité totale. L’occasion est là pour dessiner un nouveau métavers ouvert et pluriel, où la valeur n’est pas dans la marchandisation de l’information mais dans sa capacité à rendre compte à et de la communauté, au-delà des débats sur la nature et la culture, le réel et l’artificiel. Ce n’est pas que la mise en forme, mais la portabilité, la propriété, la mutualisation des ressources et la décentralisation du pouvoir qui pourront accorder une place centrale aux nouvelles entreprises de l’information. Ici, ce sera la qualité des expériences et des contenus qui garderont les publics lassés des centres commerciaux en ligne. Les techniques employées par l’industrie du divertissement pourraient ainsi être mises à disposition dans les groupes médiatiques. Cette stratégie de convergence serait alors la chance pour le journalisme et l’information de faire armes égales avec les géants à venir.
Article originellement paru dans notre Cahier de Tendances sur le(s) Métavers
Illustration ©Artem-Bryzgalov
Baromètre Kantar-La Croix : les médias attendus comme acteurs de la démocratie
Par Kati Bremme, Direction de l’Innovation et de la Prospective
En cette année d’élection présidentielle, la 35ème édition du baromètre Kantar-La Croix de la confiance des Français dans les médias soulève une série de points inquiétants, tout en soulignant le rôle important des médias comme un élément constitutif de la démocratie. Seuls 62% des Français disent s’intéresser à l’actualité, un intérêt qui tombe au plus bas chez les 18-24 ans, où seulement 38% suivent l’information avec un grand intérêt. Cependant, interrogés sur le rapport entre médias et démocratie, neuf sondés sur dix souhaitent avant tout une information fiable, vérifiée et indépendante, les fondements d’un journalisme de qualité.
Comme chaque année, le clivage entre déclaratif et usage réel est important : d’un côté, les Français plébiscitent les médias « historiques » (radio, tv, presse écrite) comme sources d’une information fiable, reléguant les réseaux sociaux en dernière position de l’échelle de confiance ; de l’autre côté, les réseaux sociaux passent en première position comme point d’accès à l’information.
Un niveau de crédibilité qui s’érode
Dans le contexte de la pandémie mondiale, les médias traditionnels tendent à converger dans une légère baisse de confiance (de 44% à 49% de crédibilité, plus aucun média n’obtient une majorité de confiance de la part des Français) tandis que la confiance dans Internet s’effondre sur fond de scandales autour des nos données et tentatives de démantèlement des Gafam. Moins d’un Français sur deux juge que les médias relatent les faits de façon crédible et véridique, quand seulement 24% des sondés du baromètre considèrent désormais Internet comme une source fiable d’information. Pour la première fois Internet ne progresse plus comme moyen d’information privilégié, même s’il reste la première source d’information de 66% des jeunes.
La confiance dans la télévision augmente cette année de deux points, et la télévision reste le média privilégié des Français pour s’informer, avec une préférence pour les chaînes généralistes par rapport aux chaînes d’information en continu. 
Sur Internet, source considérée comme peu fiable, le point d’accès premier à l’information sont les réseaux sociaux. Ce ne sont donc pas les sites et applications des médias historiques qui sont plébiscités comme moyen d’accéder à l’information. Ce phénomène est perçu de façon très différenciée selon l’âge, le niveau social et même la couleur politique de l’utilisateur.
Que les réseaux sociaux, avec des informations potentiellement non vérifiées par des journalistes, soient l’accès primaire à l’actualité, n’inquiète naturellement pas les jeunes générations, premiers utilisateurs de ces derniers. 37% considèrent même cela comme une bonne chose. 52%, majoritairement des CSP+ et des générations plus anciennes, s’inquiètent néanmoins de l’érosion du rôle de gatekeeper des médias traditionnels dans la transmission de l’information.
L’intérêt des jeunes pour l’information au plus bas
Un fait inquiétant en pleine campagne présidentielle : l’intérêt des 18-24 ans pour l’information tombe cette année à son niveau le plus bas jamais vu. L’intérêt des Français pour l’information recule de 5 points à 62% après une année particulièrement riche d’actualité autour du Covid, mais l’intérêt des jeunes s’effondre pour arriver à seulement 38%. La défiance envers les quatre supports d’information (télévision, radio, presse papier, Internet) incite une partie de plus en plus large de la population à « mettre à distance l’actualité », souligne Guillaume Caline, directeur Enjeux publics et opinionKantar.
La désaffectation des plus jeunes est aussi à rapprocher de leur perception négative du traitement médiatique de sujets qu’ils considèrent comme importants. Ils sont ainsi 68% à estimer que le dérèglement climatique a été mal traité. Pour trois-quarts des Français, les médias ont par ailleurs trop parlé du Covid, et de la candidature d’Eric Zemmour à la présidentielle.
Au-delà de la quantité, les Français se montrent aussi très critiques sur la façon dont les médias traitent les sujets qui leur tiennent à coeur et l’information en général. Ils plébiscitent en effet un véritable journalisme de qualité.
Les Français en forte attente des médias dans leur rôle d’acteur de la démocratie
Une information fiable et vérifiée, des médias indépendants, et une pluralité des opinions sont les trois éléments cités comme importants pour accorder une pertinence aux médias comme acteurs de la démocratie. Au sujet du traitement de la campagne présidentielle, les adhérents de LREM considèrent que celle-ci est plutôt bien traitée dans les médias, tandis que les adhérents de RN rejettent majoritairement la façon dont la campagne est reflétée dans les médias. Seulement 47% considèrent que toutes les opinions peuvent s’exprimer dans les médias sur les sujets importants.
Tous ont des attentes très claires comment les médias devraient traiter l’actualité de la présidentielle pour garantir un bon fonctionnement de la démocratie. En premier lieu : donner la place aux candidats pour s’exprimer sur leurs programmes en détail, tout en laissant aux médias le soin de vérifier les faits et de jouer leur rôle de contre-pouvoir. L’importance de garantir un débat apaisé est soulignée par 78% des Français.
Face à un public qui a de plus en plus tendance à chercher dans les médias ce qu’il a envie d’entendre, le rôle des médias pour servir la réalité et les faits est d’autant plus important. Contre la séduction des réseaux sociaux, où le menu est apporté par des algorithmes qui surexposent les articles à forte charge émotionnelle, les médias auront aussi la lourde tâche de garantir que la population s’intéresse davantage à l’actualité. Les attentes des Français aux médias sont plus que légitimes : une information transmise dans un environnement apaisé, fiable, qui récuse toute logique de bulle et tout excès d’hystérie.
Le baromètre 2022 La Croix / Kantar Public / Onepoint de la confiance des Français dans les médias, a été réalisé du 5 au 11 janvier 2022, sur un échantillon national de 1 016 personnes, représentatif de l’ensemble de la population âgée de 18 ans et plus. Les interviews ont été réalisées en face-à-face au domicile des personnes interrogées.
Photo de Une : ROBIN WORRALL sur Unsplash
CES 2022 : La tech se rue sur le métavers
Par Kati Bremme, Direction de l’Innovation et de la Prospective
Au CES 2022, « les métavers métaversent les métavers », a titré TechCrunch pour se moquer de l’un des buzzwords du CES 2022. A côté des thématiques classiques (5G, IA, AR, VR, XR), NEXTGEN TV, maisons et villes intelligentes, sport, santé, robotique, voitures gadget), le CES 2022 a en effet misé sur des tendances du moment et du futur : Food Tech, NFT, cryptomonnaies, Métavers et même Space Tech.
Si beaucoup de grands groupes (dont Google, Intel, Mercedes et Meta) ont déserté les allées de l’événement à la dernière minute, la faute à Omicron, ces derniers ont laissé la place à des entreprises de moindre envergure mais pas moins innovantes. La French Tech y était présente avec 140 start-ups. L’absence des grands groupes a peut-être même créé un salon plus harmonieux, les décideurs politiques partageant les scènes du CES avec des startups et des entrepreneurs, et non pas avec les géants de la tech qu’ils sont en train de démanteler.
Dans une ambiance « The Show Must Go On », après l’échec de la version virtuelle du CES 2021, les technologies présentées étaient plus ou moins utiles. D’un côté, The Loop d’Elon Musk censé désengorger les rues de Las Vegas (et éviter les mille pas aux visiteurs qui vont d’un hôtel à l’autre pour suivre les conférences) a créé des bouchons souterrains, de l’autre côté de véritables améliorations sur des technologies qui seront réellement commercialisées ont été révélées cette fois-ci, ce qui n’est pas toujours le cas au CES.

En pleine pandémie, l’industrie technologique se porte bien, poussée par la forte demande de smartphones, de technologies automobiles, d’appareils de santé et de services de streaming. Selon l’association Consumer Technology Association (CTA), qui organise le salon, le chiffre d’affaires de la branche a augmenté de près de 10% l’année dernière aux Etats-Unis pour atteindre 491 milliards de dollars, et on s’attend pour la première fois à plus de 500 milliards de dollars en 2022. Cette bonne évolution se reflète également à la bourse, Apple a dépassé en plein CES pour la première fois le seuil des 3000 milliards de dollars de capitalisation boursière.
Le salon reste une boule de christal qui sert à regarder l’avenir, un outil pertinent pour détecter des tendances qui n’arriveront peut-être que dans quatre ans (voire jamais) dans les magasins. Voici un résumé des tendances traditionnelles et nouvelles du CES 2022, suivi en ligne par Méta-Media.
La santé d’abord
La pandémie n’a pas seulement eu un impact sur le nombre de participants. Elle a fait des produits liés à la santé et au bien-être une priorité encore plus importante que les années précédentes. Pour la branche bien-être, McKinsey prévoit une valorisation du marché mondial de 1,5 milliard de dollars. La pandémie a accéléré la tendance de l’automédication et la concentration sur le bien-être personnel comme base d’une bonne santé.
La popularité des appareils de fitness à domicile basés sur la technologie a aussi grimpé en flèche. Environ 1,5 million d’appareils d’exercice connectés ont été livrées en 2020. En 2021, ces appareils franchiront le cap des deux millions (soit une hausse de 43 %) et rapporteront 3,9 milliards de dollars (soit une hausse de 40 %), selon le CTA Market Research.
Le succès du vélo connecté de Peloton pendant la pandémie a inspiré la concurrence. Le rameur de Hydrow et son écran de 22 pouces offrent des cours en direct ou enregistrés, et vous transportent sur le lac de Lucerne ou sur l’eau turquoise de Miami. Xsens Technologies, de son côté, utilise sa technologie et ses produits de suivi du mouvement en 3D pour changer la donne dans le sport.
Des entreprises comme Abbott, AT&T Business, Omron Healthcare, Sleep Number et Revival Health ont présenté des outils de diagnostic et surveillance à distance des patients, thérapeutique numérique, santé mentale, wearables et télésanté. Des innovations directement liées à la pandémie étaient aussi sur le devant de la scène.
LOD Protect, une start-up lyonnaise, a montré une lampe destinée à rendre inoffensifs les virus et les bactéries présents dans l’air. Elle aspire l’air, le nettoie de ces particules indésirables dans un “tunnel de désinfection” à l’aide de rayons ultraviolets et les rejette ensuite, à l’instar de la solution de purificateur d’air de Valeo. L’entreprise parle même d’une « vaccination par l’air ». AIRXCÔM, autre start-up lyonnaise, a présenté un masque qui, selon un principe similaire, est censé détruire les virus grâce à un rayonnement UV. Légèrement encombrant et au prix de 400 euros, il semble cependant loin de devenir un outil grand public.
Avec sa balance connectée Body Scan et ses accessoires, les Français de Withings promettent une véritable « station de santé connectée ». Par un lien sécurisé (grand enjeu de la technologie de santé connectée), il sera possible de partager ses données avec son médecin. De son côté, le système de surveillance continue du glucose (CGM) FreeStyle Libre d’Abbott a changé la vie de près de 3,5 millions de personnes dans plus de 50 pays en offrant une technologie révolutionnaire accessible et abordable. Abbott est d’ailleurs la première entreprise de Santé qui a fait l’objet d’une table ronde dédiée au CES 2022, signe de l’importance de la thématique.
Google s’appuie sur l’image de marque et la vaste expertise de Fitbit. Avec ses services d’abonnement Health et Health Plus, Fitbit est en train de passer du statut de fournisseur de matériel à celui de véritable créateur de mode de vie.
Dans une toute autre dimension, Neutonica Band, un masque connecté, a été imaginé par un garçon méxicain de 8 ans qui n’arrivait pas à dormir. Lili for Life, start-up rennaise, présente une lampe qui aide les dysléxiques à la lecture, en émettant des flashs lumineux, quasiment imperceptibles à l’œil nu, qui rendent la perception de l’écrit plus précise. La start-up française MyEli a remporté un Innovation Award pour son bracelet de défense connecté, qui alerte l’entourage de son porteur en cas de harcèlement de rue, violence, chute ou malaise.
Parfois, une technologie utilisée pour une chose se trouve aussi une destination toute différente. C’est le cas des capteurs SoundSee qui combinent l’IA et l’IoT (Internet des Objets). Depuis fin 2019, ils voyagent dans l’espace pour identifier les sons inhabituels sur l’ISS, en utilisant des algorithmes d’IA pour analyser et indiquer quand une maintenance est nécessaire. Aujourd’hui, en collaboration avec la société de soins de santé à but non lucratif Highmark à Pittsburgh (États-Unis), Bosch utilise cette technologie pour étudier comment l’IA audio peut aider la médecine pédiatrique, notamment pour détecter l’asthme. Hypnoledge veut désormais commercialiser son application d’hypnose, d’abord conçue pour l’apprentissage des langues, comme un outil de bien-être mental. De son côté, Dassault Systèmes, reconnu pour sa maîtrise des secteurs de l’automobile et de l’aérospatial, veut modéliser le corps humain, en commençant par le cœur.

Dassault Systems, Consumer Technology Association
Les écouteurs Apple, Sennheiser (acquis par Sonova) et Bose servent aussi d’appareils auditifs.
Les humains n’ont d’ailleurs pas le monopole de la santé. Le collier Catlog fait office de tracker d’activité pour chat, et iPetWeaR, lauréat de prix de l’innovation du CES 2022, est un dispositif portable qui suit les données de santé des chiens et chats, notamment leur rythme cardiaque, leur respiration et leur activité, et alerte le gardien de l’animal en cas d’anomalie.
Bienvenue dans l’Uncanny Valley
Le CES 2022 a aussi été l’occasion de croiser des robots qui nous transportent directement dans la « vallée de l’étrange » théorisée par le roboticien japonais Masahiro Mori dans les années 1970. Selon Mori, plus un robot androïde est similaire à un être humain, plus ses imperfections nous paraissent monstrueuses. Et c’est bien le cas du robot humanoïde Ameca d’Engineered Arts, combinaison d’AI (Artificial Intelligence) et d’AB (Artificial Body).
Ses créateurs remarquent d’ailleurs que « quand il apparaît moins comme un humain, les gens l’aiment beaucoup plus ». La série Ameca présente des avancées en matière de mouvements et de gestes naturels, d’interaction « intelligente », ainsi qu’un système logiciel à l’épreuve du temps conçu pour exploiter l’intelligence artificielle et la vision par ordinateur avec un apprentissage adaptatif.
Au salon de la tech de Las Vegas, des robots humanoïdes épatants et troublants #AFP #AFPTV pic.twitter.com/T3yZ6HWrmA
— Agence France-Presse (@afpfr) January 6, 2022
La présentatrice de la télé coréenne Arirang, Moon Connyoung, a rencontré pour la première fois son double IA au CES 2022, développé avec DeepBrain AI. On y a aussi croisé des chefs de cuisine robots dextres (Moley Robotics), une poupée robot pour s’entraîner au premier secours (Pedia-Roid), un robot rassurant contre l’anxiété (Amagami Ham Ham) ou encore un chien robot danseur (Spot). LG a présenté le dernier-né de sa série de robots autonomes CLOi, notamment un système de livraison à quatre roues qui utilise l’intelligence artificielle pour manœuvrer sur différents terrains. Les robots Caddie et Retriever, quant à eux, sont au service des personnes à mobilité réduite.
credit: Yukai Robotics
Autres cas d’usage pour l’IA
En combinant les trois disciplines de l’IA, du ML (Machine Learning) et du DL (Deep Learning), les ordinateurs peuvent apprendre efficacement à partir d’exemples et construire des connaissances. Ils peuvent reconnaître des objets, comprendre et répondre à un langage naturel verbal, s’attaquer à des problèmes insolubles et même prendre des décisions que les humains pourraient considérer comme rationnelles et perspicaces.
Erin Kelly, PDG d’ASI, a dévoilé, pour la première fois au CES, un nouveau produit d’IA appelé AskPolly qui rend la modélisation prédictive de la demande des consommateurs aussi facile à utiliser qu’une interface Google. AskPolly utilise la modélisation des conversations pour mieux comprendre le processus décisionnel des consommateurs. Cette IA peut être utilisée par les journalistes, les professionnels des relations publiques et les responsables de la publicité pour tester les messages, suivre les tendances, cartographier les parcours des clients et bien plus encore.
Côté industrie audiovisuelle, DeepBrain AI a présenté sa solution AI Studios Script to Video. AI Studios est un outil de production vidéo qui permet de produire facilement des vidéos sans avoir besoin de filmer ou d’employer les personnes réelles en combinant AI Studios de DeepBrain sous forme de SaaS (logiciel en tant que service) et un ordinateur.
Presque tous les produits technologiques grand public que nous verrons en 2022 seront plus intelligents, plus intuitifs, et peut-être même plus conversationnels. « En ajoutant l’intelligence artificielle et l’apprentissage automatique aux appareils et en attachant des services au matériel dans les maisons, les entreprises étendent les capacités de surveillance aux consommateurs au-delà des points d’accès standard », observe Elizabeth Parks, présidente de Parks Associates.
Les objets intelligents doivent se parler
Matter est un protocole créé par la Connectivity Standards Alliance (CSA), anciennement connue sous le nom de Zigbee Alliance, qui devrait rendre tous les appareils de la maison intelligente interopérables, quel que soit leur écosystème clos. Le concept est presque impossible à envisager : Amazon, Apple, Google et Samsung décidant tous de jouer franc jeu les uns avec les autres.
Kevin Collins, directeur général du secteur des logiciels et des services de plateforme d’Accenture remarque à ce sujet : « […] il est clair que le marché de la maison connectée a désespérément besoin de l’émergence d’une ou deux normes. »
Convertir Amazon, Apple, Google et Samsung à l’interopérabilité est déjà un défi. Mais la CSA doit aussi convaincre les fournisseurs d’appareils et de services tiers, et finalement les consommateurs, que Matter « matters » (est important). Cela prendra encore un peu de temps. A propos de l’IoT, l’intelligence « edge » (au sein du device et non pas dans un cloud) a aussi fait un pas en avant avec les nouveaux processeurs mobiles Intel Core série H de 12e génération, les processeurs mobiles les plus rapides jamais créés.
Google, de son côté, avait annoncé « Better Together », et a montré un intérêt pour Windows et pour les interactions croisées entre le système de Microsoft et Android. L’éditeur travaille sur des technologies pour fluidifier les scénarios d’interconnexions des smartphones et des PC. Vraisemblablement, Google va passer 2022 à essayer d’égaler les intégrations de l’écosystème d’Apple.
Interopérabilité : du gaming au métavers
Pendant des années, le secteur des jeux a été dominé par les ordinateurs. Si l’achat de jeux à l’unité reste un secteur important, on assiste aujourd’hui à une augmentation du nombre de jeux gratuits, d’achats dans l’application et de services d’abonnement. Comment les sociétés de jeux vidéo se disputent-elles l’attention des consommateurs (et leur argent) ?
La convergence des jeux est un concept lucratif et central pour les éditeurs, car elle unifie tous les consommateurs, les rassemblant en un seul endroit. Elle ouvre un nouveau monde d’engagement, les joueurs étant libérés des contraintes de l’appareil. Ils peuvent choisir la plateforme qui leur convient selon la situation. Plus important encore, ils peuvent choisir de jouer « on the go ». Le pouvoir des réseaux entre également en jeu. Les joueurs peuvent se connecter avec des amis qui possèdent peut-être une plateforme concurrente. Par conséquent, les éditeurs ont accès à un public de joueurs plus large, et à leur porte-monnaie.
L’écosystème existe déjà. Des jeux comme Fortnite, Rocket League et Minecraft permettent aux utilisateurs de jouer sur différents appareils, et ces marques commencent à toucher du doigt les éléments constitutifs d’un métavers.
La tech pour le métavers
Après les télés 3D ou la maison connectée, voici donc le métavers. Si au CES 2022, le métavers s’est un peu rapproché de la réalité, à travers la présentation de différents objets physiques qui permettront d’y accéder avec plus ou moins de confort, il y avait aussi beaucoup de buzz pour rien, rassemblé dans ce thread par un des participants :
In this thread I will post every ridiculous usage of metaverse I see at #CES.
— VR Nima (@NimaZeighami) January 5, 2022
« Qu’est-ce que le métavers si on ne peut pas le ressentir ? », s’interroge justement Jose Fuertes, fondateur de la startup espagnole Owo, qui a fabriqué une veste dotée de capteurs pour entrer dans le métavers. Le gilet Owo, actuellement testé avec des jeux vidéo, utilise la technologie haptique pour délivrer des vibrations qui simulent plus de 30 sensations différentes qu’un avatar en ligne peut éprouver.

Un participant essaye le casque de réalité virtuelle Shiftall Megane X et son microphone pour des expériences métavers
Shiftall, filiale de Panasonic, se targue de fournir des « produits idéaux pour les citoyens du métavers ». La société a présenté à Las Vegas des lunettes VR et un appareil appelé « Mutalk », qui se place sur la bouche. Il peut transmettre des ordres vocaux à un ordinateur via Bluetooth, mais a également pour effet d’atténuer le volume de la voix vers l’extérieur et de la rendre moins gênante pour l’entourage. Le PebbleFeel, un harnais qui se porte sur le dos, permet de ressentir le chaud et le froid. Les sensations haptiques étaient en effet parmi les grandes innovations du CES.
OVR Technology ajoute l’odorat à la réalité virtuelle, avec des cartouches olfactives recréant des dizaines de senteurs, comme du bois qui brûle ou un marshmallow rôti. Les Français d’Actronika vont lancer en mars, via Kickstarter, leur veste haptique Skinetic qui promet de ressentir des sensations, de l’impact d’une balle aux gouttes de pluie.
Face à ces appareillages, on a du mal à s’imaginer l’adoption du futur métavers par le plus grand nombre. Mais Oculus était l’application la plus téléchargée aux États-Unis le jour de Noël selon App Annie, un chiffre qui « s’appuie sur la tendance croissante des métavers et des expériences immersives. » Et les appareils se font de plus en plus petits et sophistiqués. TCL LEINIAO AR a présenté les premières lunettes AR à micro-LED (guide d’ondes optiques holographiques) et Apple (AAPL), a prévu de lancer un casque de réalité augmentée dans le courant de l’année, même s’il n’est pas destiné au métavers.
Microsoft et Qualcomm ont annoncé aux CES des puces de réalité augmentée personnalisées qui seront utilisées dans les futures lunettes AR légères. NVidia a complété sa gamme de processeurs graphiques, mais s’est aussi positionné sur l’écosystème du métavers qui, outre de puissants GPU, aura besoin de créateurs d’univers virtuels. Justement, la société a profité du CES pour annoncer une version gratuite de son Omniverse destinée aux créateurs. La start-up israélienne Wearable Devices de son côté, travaille sur un bracelet qui détecte les signaux électriques envoyés par le cerveau à la main. Le porteur peut contrôler les objets synchronisés d’un simple claquement de doigts – une fonction utile si des personnes utilisent des lunettes de réalité augmentée et doivent sélectionner des éléments affichés sur les verres.
Sony a confirmé le nom de son prochain casque VR : le PlayStation VR2. Samsung s’est allié à la plateforme ZEPETO afin de créer My House, un métavers qui propose la plupart des activités désormais classiques pour ce type d’univers virtuel : le travail collaboratif, les réunions et zones de chat, le jeu vidéo, la décoration/customisation de sa maison virtuelle, etc. Il sera bien-sûr aussi possible de tester des produits Samsung virtualisés.
Paris Hilton ne s’est finalement pas rendue au CES pour la keynote « NFT, WTF ? ! ? ! ». La star, qui se considère comme une « iconic crypto queen », s’était lancée rapidement dans le business juteux des NFT et du métavers, en créant son île virtuelle « Paris World » sur Roblox.
La société Touchcast, de son côté, a présenté MCity, une plateforme de collaboration entre entreprises en réalité virtuelle, avec des adresses « .metaverse » semblables aux adresses web .com. Les domaines seront enregistrés sur une base de données blockchain, et non sur des serveurs.
Travailler dans le métavers
Le métavers trouve aussi ses applications dans le domaine professionnel : Les travailleurs portant les lunettes de sécurité à réalité augmentée Vuzix Shield peuvent recevoir et envoyer des données et des vidéos. L’entreprise de Rochester, dans l’État de New York, a également remporté le CES Innovations Award et a récemment conclu un accord avec Verizon pour fabriquer des lunettes permettant de diffuser le sport et des jeux en réalité augmentée via la 5G. HTC a présenté sa gamme complète de casques de réalité virtuelle, dont beaucoup sont également destinés à des applications industrielles.
Toute une série de startups proposait des plateformes pour des réunions virtuelles, des salons professionnels virtuels et d’autres événements virtuels. MeetKai par exemple travaille sur une plateforme de métavers d’IA conversationnelle – un monde où vous pouvez vous promener sous la forme d’un avatar et mener des conversations significatives avec des personnes fictives.

Emma Chiu, Global Director à Wunderman Thompson Intelligence, et Georgina Wellman Stevenson, VP Business Development à Sine Wave Entertainment, se sont interrrogées sur le futur du travail dans le métavers à l’occasion d’une table ronde. Faut-il apprendre de nouvelles compétences juste au moment où l’on a à peine compris comment partager un écran sur Zoom ? Même si elles n’attendent un « pic du métavers » que dans 30 ans, le terrain semble fertile pour une adaptation plus large de la sociabilité virtuelle professionnelle.
L’étude de marché du CTA montre que les envois de lunettes XR (réalité augmentée (AR) et réalité virtuelle (VR) combinées) aux États-Unis vont plus que quadrupler entre 2021 et 2025. Le CTA prévoit également que les dépenses des consommateurs en logiciels de jeux passeront de 47,6 milliards de dollars en 2021 à 59 milliards de dollars en 2025.
Source : IDC
Enfin, Samsung a même annoncé des téléviseurs capables d’afficher des NFT. Quel meilleur endroit que le métavers pour voir des NFT selon Emma Chiu ? Étant donné que de nombreux promoteurs de métavers vantent la dimension cryptographique/Web3 de leur projet de construction du monde, tout ce qui rend les objets virtuels plus visibles en de multiples endroits pourrait accélérer leur adoption.
Reste à Meta (Facebook), Apple, Google et Microsoft et tous les autres à proposer des expériences sécurisées dans ce métavers : le harcèlement et les agressions sexuelles n’ont pas attendu pour conquérir cette nouvelle réalité.
Pour le meilleur des mondes et au-delà
Et si un jour, nous en avons assez du métavers et des NFT (dont l’impact écologique aura peut-être fini par détruire définitivement la terre), le CES a également une solution sous la forme de la Space Tech. L’économie spatiale devrait atteindre près de 1 000 milliards de dollars au cours des prochaines décennies, contre 340 milliards en 2019, selon le UBS Chief Investment Office. Alors que l’excitation se concentre sur les voyages dans l’espace, il existe d’autres opportunités en plus du tourisme, notamment le déploiement de réseaux de satellites nécessaires pour satisfaire la demande de bande passante des voitures autonomes et d’autres objets connectés à Internet, l’exploitation des matières premières des astéroïdes et les usines dans l’espace.
We continue to get closer to modernized space travel. At #CES2022, you can see in-person @SierraNevCorp’s Dream Chaser spacecraft, a next generation, high tech and runway landing vehicle for low-Earth orbit destinations. Register today: https://t.co/QuFqR5r1ER pic.twitter.com/tj3QrD7Wdi
— CES (@CES) November 17, 2021
Le tourisme spatial n’est plus une dystopie. Lessives pour astronautes ou médicaments issus d’une imprimante 3D – on a trouvé de nouvelles solutions pour vivre dans l’espace au CES de Las Vegas. La société spatiale Sierra Space promeut même un modèle d’affaires « l’espace en tant que service » qui s’appuiera sur des technologies de pointe, comme les mini-navettes spatiales Dream Chaser® et les habitats extensibles LIFE.
Les participants au CES pouvaient se promener autour du Dream Chaser de 30 pieds de long (malheureusement pas à l’intérieur) et de sa « remorque », le Shooting Star. Ensemble, les deux engins peuvent transporter des charges utiles de plus de six tonnes vers la station spatiale internationale ou vers le module Life Habitat, également exposé. Les habitants de LIFE seront apparemment très productifs, avec de la place pour faire de l’exercice sur des équipements, fabriquer des robots, cultiver leurs propres produits et compacter leurs déchets en briques pour les utiliser comme protection contre les radiations.
En attendant le voyage vers d’autres galaxies, l’entreprise Zero G offre une expérience d’apesanteur semblable à celle de l’espace, sans la vue planétaire. Son Boeing 727 G-Force One modifié effectue des paraboles pour créer 15 périodes distinctes de 20 à 30 secondes d’apesanteur. Les vols commerciaux zéro G coûtent 7 500 $ chacun, et des charters de groupe sont également disponibles. L’entreprise française Air Zéro-G propose la même chose au départ de Bordeaux, cette fois-ci dans un Airbus A 310 modifié.
Le futur de la mobilité électrique intelligente
Il y a deux ans, le groupe japonais Sony créait la surprise à Las Vegas avec la voiture électrique « Vision-S ». A l’époque, Sony n’avait pas précisé si ce véhicule était destiné à être testé pour la vente de la technologie Sony ou s’il s’agissait d’un premier pas vers la production automobile. Lors du CES 2022, Sony en a dit un peu plus : « Nous explorons un lancement commercial des voitures électriques de Sony », a déclaré son président Kenichiro Yoshida à la fin de sa présentation. « En tant qu’entreprise de divertissement créative, Sony est bien placée pour redéfinir la mobilité ». Dès le printemps, l’entreprise qui a grandi avec les radios à transistors et les téléviseurs couleur, puis avec le Walkman et la Playstation, veut créer la filiale Sony Mobility. La chasse à Tesla est ouverte.
Du côté des constructeurs automobiles « historiques », Mercedes-Benz a dévoilé sa Vision EQXX, une voiture électrique alimentée par l’énergie solaire qui, selon le constructeur allemand, peut parcourir plus de 1000 kilomètres en une seule charge. Chez BMW, la voiture concept iX peut changer de couleur pour une personnalisation poussée à l’extrême, selon l’humeur du jour, et accessoirement une meilleure gestion de l’énergie. Toyota a annoncé que sa marque Lexus serait tout électrique d’ici 2035, Chrysler prévoit de faire ses adieux au moteur à combustion en 2028, et General Motors a présente une camionnette électrique.
Les voitures 100 % autonomes se font encore attendre, mais la course à la voiture intelligente fait déjà les affaires du fabricant de puces Nvidia, qui a signé des partenariats avec Mercedes, Volvo, Audi et Hyundai. John Deere commercialisera fin 2022 un tracteur 100 % autonome, capable de labourer et moissonner, une nouvelle révolution agricole, 12 000 ans après celle du Néolithique.
Here’s a close up look at John Deere’s first self-driving tractor 🚜
🎥 @JohnDeere#engineering #CES2022 pic.twitter.com/dN5oyFGKFh
— Interesting Engineering (@IntEngineering) January 7, 2022
2022 est aussi l’année des LIDARS (Laser Imaging Detection And Ranging) – composant essentiel des voitures autonomes. Le français Valeo a présenté deux lidars de nouvelle génération à Las Vegas cette année (de longue et courte portées), face à une multitude d’autres producteurs, comme le chinois Robosense, qui équipe des marques chinoises dont le géant du web Alibaba.
En ce qui concerne les véhicules électriques à décollage et atterrissage vertical ou eVTOL (Electric Vertical Takeoff and Landing aircraft), nous sommes loin de l’adoption générale : Uber, en quête de rentabilité, a depuis longtemps vendu sa division de taxis volants Uber Elevate à Joby Aviation, même si la société ne met pas complètement de côté le dossier des véhicules volants, et nous sommes sans nouvelles des taxis volants pour les JO de Paris.
La 5G au service de la réalité augmentée
Le nombre de téléphones 5G vendus ainsi que les réseaux 5G disponibles devraient dépasser 50 % en 2022, ce qui justifiera le développement et l’adoption d’autres applications et appareils 5G. « Les réseaux 5G devraient profiter aux industries des villes intelligentes, des infrastructures, de l’éducation et de la santé numérique », note Rick Kowalski, directeur de l’analyse et de la veille économique du CTA.
De la télémédecine à la télé-éducation, en passant par le divertissement, la 5G accélère l’innovation. Le plus grand changement que la 5G pourrait apporter concerne les réalités augmentée et virtuelle. Alors que les téléphones se transforment en appareils destinés à être utilisés avec des lunettes AR, la très faible latence et les vitesses élevées de la 5G permettront de créer un monde augmenté avec une abondance d’informations provenant d’Internet. Les aspects « petites cellules » de la 5G peuvent contribuer à la couverture des bâtiments, les routeurs domestiques devenant également des sites cellulaires.
Les réseaux 5G fourniront la connectivité robuste nécessaire pour répondre aux besoins massifs en MIMO (entrées multiples, sorties multiples) du métavers. Les environnements d’informatique en cloud sont un élément central de l’exploitation du métavers, de même que les dispositifs de calcul de périphérie, y compris le matériel AR/VR, les vêtements haptiques, les caméras, et une foule d’autres capteurs et dispositifs d’entrée. La vidéo volumétrique sera une construction clé dans le métavers. La réalisation de films volumétriques combine l’art du cinéma avec le jeu vidéo en utilisant des algorithmes avancés pour rendre des images interactives en trois dimensions.
Nouveaux écrans pour le télétravail
A côté des formats multiples d’écrans de plus en plus grands dans les voitures connectées et autonomes – BMW a même inventé le « cinéma dans la voiture » avec l’écran 8K « Theater Screen » (pour les passagers arrière) – les écrans à la maison se diversifient.
Alors que l’industrie attendait la sortie du premier téléviseur QD-Oled de Samsung, c’est finalement Sony qui commercialisera le premier modèle de ce type, pourtant équipé d’une dalle Samsung Display. En attendant la même technologie sur les écrans de Samsung, les derniers téléviseurs Frame du chaebol coréen sont dotés d’un écran mat qui ressemble encore plus à de l’art véritable. LG, de son côté, annonce ses téléviseurs OLED les plus grands et les plus petits de tous les temps dans le cadre de sa gamme 2022.
Les écrans deviennent aussi de véritables entreprises de divertissement, des nouveaux téléviseurs de Samsung, qui proposent Nvidia GeForce Now et le jeu Google Stadia, aux (déjà évoqués plus haut) écrans Samsung qui intègrent des NFT. Les téléviseurs Lifestyle de LG peuvent aider à transformer une maison en bureau, salle de sport, galerie, atelier ou centre de divertissement (avec une fonction « watch-together »), tout en rehaussant le décor et en rendant la vie quotidienne plus agréable, et le Samsung Odyssey Ark est un écran incurvé que vous pouvez faire pivoter de 90 degrés pour qu’il passe au-dessus de votre tête pour une immersion complète.
Le petit vidéoprojecteur FreeStyle présenté par le Samsung Future Generation Lab, une entité de Samsung qui se concentre sur les usages des jeunes générations, a déclenché des réactions positives. Le Freestyle semble en effet être le compagnon idéal des vidéos TikTok, (mais peut-être moins de votre collection de Blu-ray).
Côté industrie des smartphones (qui attend plutôt le Mobile World Congress à Barcelone pour les grandes annonces), on a quand même vu quelques nouveautés au CES, comme les smartphones coulants et pliants de Samsung. Pour rester dans l’origami, Asus lancera cette année un ordinateur portable OLED pliable de 17 pouces.
Un total de 500 millions de souscripteurs de vidéo à la demande par abonnement (SVoD) ont été ajoutés depuis la fin de l’année 2019, ce qui met en évidence la façon dont le comportement de streaming premium s’est accéléré ou a été réintroduit aux quatre coins du globe. Les portefeuilles de services de streaming vidéo des consommateurs côtoient une nouvelle vague de services AVoD tels que Pluto TV, notamment aux États-Unis, ainsi que les services de VoD des diffuseurs (BVoD) comme le BBC iPlayer en Europe. Avec le lancement de nouveaux services de vidéo en continu, le paysage va continuer à se fragmenter de plus en plus en 2022, tout comme la consommation vidéo des ménages. Afin d’offrir des expériences de visionnage sans faille sur ces nouveaux écrans, le sujet des super agrégateurs dans tous les modèles économiques différents devient plus important que jamais. Avec les plus grandes entreprises de médias et de technologie qui prétendent toutes être le super agrégateur ultime.
Une tech responsable
Les gouvernements et les entreprises répondent à la demande des consommateurs, qui souhaitent une plus grande responsabilité environnementale, notamment dans la manière dont les appareils sont fabriqués, les matériaux utilisés et même la façon dont ils sont emballés. « Les consommateurs sont de plus en plus conscients de la nécessité de soutenir les entreprises durables, surtout chez les millennials / Génération Z et les personnes aisées », affirme Ross Rubin, analyste principal chez Reticle Research.
Les « viandes » à base de plantes, les expériences d’épicerie alimentées par l’IA, les aliments imprimés en 3D, les fermes verticales, les cuisines fantômes et les applications de livraison plus intelligentes sont tous en train de remodeler l’industrie alimentaire. Impossible Foods, qui a changé la donne dans la catégorie des viandes à base de plantes grâce à son Impossible Burger, accélère le développement de ses produits de nouvelle génération, notamment des substituts à base de plantes pour le steak, les fruits de mer, le poulet, le lait et les œufs. L’entreprise est désormais évalué à plus de 4 milliards de dollars, et ses substituts de viande sans animaux sont disponibles dans les grandes chaînes, notamment Burger King et Starbucks.

De plus en plus de partenariats se mettent en place pour pousser la RSE. Samsung ne plante pas que des arbres dans le métavers, l’entreprise a également planté des arbres dans le monde réel. Elle s’est récemment associée à Veritree, une plateforme de restauration du climat basée sur la blockchain Cardano, pour gérer la plantation de deux millions d’arbres à Madagascar d’ici le premier trimestre de cette année. Acer s’associe à National Geographic pour proposer des ordinateurs écoresponsables.
Après deux ans de pandémie mondiale, les tendances phares du CES se concentrent essentiellement autour des technologies Santé et Bien-Être, et même les autres technologies sont axées autour de la notion de « confort ». Le tout avec une conscience de plus en plus grande de l’impact sur l’environnement de toutes ces technologies plus ou moins utiles pour le futur de l’humanité.
Corée du Sud : le métavers pour tous ?
Par Mathilde Caubel, Master CELSA, Direction de l’Innovation et de la Prospective
Meta, Roblox, Fortnite, … On ne compte plus les entreprises s’étant donné pour mission de créer leur propre métavers. Mais qu’en est-il des initiatives publiques ? Comment s’assurer que le métavers soit bien accessible à tous et ne génère pas un nouveau monopole de marché ? La Corée du Sud s’est posé cette question et souhaite combiner les efforts du privé et du public pour en faire le premier pays du Métavers.
Sur la ligne de départ, la Corée du Sud dispose de nombreux avantages compétitifs qui pourraient représenter une sérieuse concurrence pour Meta. Les ingrédients du succès semblent déjà être là : une jeunesse hyper connectée, une culture de la VR et des jeux vidéos bien implantée dans les pratiques, un solide écosystème de start-ups et de grandes entreprises technologiques, l’exportation de la Hallyu au quatre coins du monde. Des éléments que le gouvernement coréen compte bien mettre à profit.
Un plan national pour le métavers
Sur le plan de la recherche liées aux technologies du Métavers, la Corée du Sud bénéficie d’un soutien inégalé de la part du gouvernement de Moon Jae Jin. Le ministère des sciences et des technologies de l’information et de la communication a annoncé en mai dernier une alliance de divers grands noms de la Tech coréenne pour le développement d’un métavers “made in Korea”. Parmi les 17 entreprises membres de ce programme on peut notamment noter la participation de SK Telecom (géant quasi monopolistique des télécoms) et du groupe Hyundai Motors. Ces entreprises doivent ainsi mettre en commun leurs technologies et leurs recherches, mais aussi jouer un rôle de consultants que le gouvernement pourra faire intervenir sur des questions éthiques et culturelles liées au Métavers.
Cette alliance entre le public et le privé est motivée par un objectif : créer une plateforme de métavers ouverte qui puisse être un nouvel outil pour les autorités et pour le développement des entreprises coréennes. Une stratégie qui semble logique, compte tenu de la persévérance de la pandémie et de la course aux investissements dans les actifs virtuels comme les NFT et les cryptomonnaies. Cet effort fait en effet partie du New Deal Digital 2.0, planifié par le gouvernement de Moon Jae Jin, qui a promis 30 milliards de wons (soit 26 millions de dollars) de subvention pour les entreprises concernées. La Corée du Sud fait ainsi figure de pionnière, puisque aucun gouvernement n’a pour le moment engagé des moyens comparables ou énoncé la possibilité d’une présence des gouvernances nationales dans le métavers.
[Eng] KAIST-SM Entertainment. https://t.co/WiVaa6JBhS
KAIST, South Korea’s top science university, is teaming up with K-pop powerhouse SM Ent. to conduct joint research on digital avatars for virtual concerts in an effort to boost development in metaverse technology. pic.twitter.com/v1SyqOWczX
— 오락-님 (@im_jammed) June 24, 2021
Néanmoins, quoique saluée, des experts du secteur appellent à la prudence face à l’implication du gouvernement dans le métavers. Hyun Dae Won, directeur de la chaire universitaire consacrée au métaverse à l’université de Sogang, a communiqué sa crainte dans une interview pour Aju Business Daily : « L’essence du metaverse réside dans une nouvelle culture. Il est nécessaire de réfléchir à la manière d’utiliser l’énergie positive du metaverse et de la blockchain comme moteur de la relance économique. Dans le cas contraire, les réglementations risquent d’aboutir à l’arrêt d’importants moteurs de croissance pour les industries futures. » Il a ainsi souligné le risque de voir des régulations inadaptées ou des barrières culturelles freiner la créativité des talents destinés à émerger du métavers.
Dans ce contexte, il est bon de rappeler que la Corée du Sud était un des premiers pays à s’inquiéter de la spéculation sur les actifs virtuels et à proposer une taxation sur les crypto-monnaies de certains NFT. Une proposition de loi prévoit actuellement une taxation de 20% sur les actifs virtuels pour 2022, mais l’inclusion des NFT est encore discutée. Cette décision est considérée comme contradictoire par les spécialistes de la blockchain car elle pourrait freiner le développement d’une économie dans le métavers.
Un terrain fertile : l’industrie du divertissement
Rares sont ceux qui ignorent le succès mondial des produits de l’industrie culturelle coréenne, notamment dans le domaine des jeux vidéo et de la musique populaire (K-Pop). Début 2021, on avait pu percevoir dans de grands évènements Tech, comme le CES de Las Vegas, que ces secteurs seraient stratégiques dans le développement du Metavers. Ainsi, la Corée du Sud part avec un avantage comparatif certain.
Nexon, champion coréen de l’édition de jeu vidéo, compte bien étendre l’univers de jeux déjà existants et populaires, comme MapleStory, dans un monde virtuel de sa création. L’entreprise souhaite créer de nouveaux projets liés au métavers pour lesquels elle a déjà commencé à recruter de jeunes talents.
Du côté des labels musicaux, pas une semaine ne se passe sans qu’une des grandes agences de talents coréennes n’annonce un nouveau partenariat avec des start-ups du monde de la blockchain ou du metaverse. L’industrie de la K-Pop a fait face à un ralentissement d’activité causé par la pandémie et qui a stoppé les concerts, tournages et manifestations publiques ; tout en freinant l’exportation des CD et autres goodies à l’international. Le concept d’idoles virtuelles en est donc devenu extrêmement attractif, offrant des idoles encore plus facile à créer et marketer que les artistes faits de chair et d’os.
L’agence SM Entertainment, qui a créé les premiers groupes de K-Pop dans les années 1990 était la première sur le front en créant des avatars virtuels à son dernier groupe féminin Aespa. Ce nom donne directement le ton : c’est un diminutif de “Avatar X Experience” et d’“aspect”. Le groupe est composé de quatre jeunes femmes bien réelles, qui sont rejointes dans leur clips par leurs alter ego virtuelles animées par l’intelligence artificielle. Tout le concept du groupe, de leur musique et de leurs clips est tourné vers le mélange de la réalité et du virtuel. Cette esthétique et ce concept de groupe métavers connaît un succès tonitruant chez le jeune public coréen.

Plus récemment la branche divertissement du groupe Kakao a annoncé investir près de 10 millions de dollars dans Metaverse Entertainment, la filiale spécialisée créée par Netmarble F&C à la fin de l’été. Cette filiale a l’intention de créer le premier groupe de K-Pop entièrement virtuel avant fin 2022. Mais de nombreux autres projets devraient voir le jour en lien avec le large catalogue de Webtoons et Web Novels détenu par Kakao Entertainment. On peut donc facilement imaginer que les groupes d’idoles virtuelles pourraient devenir une norme si le métavers venait à s’implanter durablement dans les pratiques. Cependant, cette mode représente pour beaucoup un danger pour les conditions de travail des idoles, qui sont déjà fortement critiquées.

Par ailleurs, beaucoup de labels se préparent au tournant virtuel de l’industrie en proposant aux fans d’acquérir des NFTs. Ces goodies d’un nouveau genre ont notamment été choisies JYP, YG et HYBE (respectivement labels de TWICE, BLACK PINK et BTS). L’agence de BTS s’est en effet associée au plus gros opérateur de crypto-monnaies coréen, Dunamu, pour assurer une place à ses artistes dans les collections virtuelles des fans.
Des plateformes au succès déjà avéré
Dans la course au métavers, la Corée du Sud a aussi l’avantage d’être à l’origine de plateformes innovantes, qui ont déjà trouvé leur public et qui attirent des investissements massifs venant d’autre pays. Même si ces plateformes ne représentent pas encore de “parfaits” Métavers, elles sont une base solide pour de futures innovations.
Zepeto, application créée par Naver en 2018, est un réseau social reposant sur la création et la customisation d’avatars. L’application permet ainsi aux utilisateurs de se rencontrer dans des lieux virtuels comme des parcs d’attraction ou les appartements virtuels que chaque utilisateur peut customiser. Les avatars peuvent aussi s’affronter dans des mini-jeux ou visiter des espaces sponsorisés par des marques comme Samsung Galaxy ou bien des artistes coréens comme Black Pink.

Cette application a dès ses débuts connu un grand succès chez un public assez jeune, dont une grande partie était des fans de culture coréenne, notamment aux États-Unis. La plateforme est devenue l’un des leaders de l’univers virtuel avec plus de 200 millions d’utilisateurs, dont 80% sont des adolescents et 90% se connectent hors de Corée. Ce succès international intéresse à présent les plus grandes marques de mode comme Nike, Gucci et Ralph Lauren, ou bien encore Zara, qui a lancé la ligne de mode AZ pour Zepeto avec Ader Error. L’application permet aussi aux particuliers de commercialiser leurs propres créations grâce à son programme “Studio Zepeto”, qui rassemble aujourd’hui 1,5 millions de créateurs. L’entreprise Naver a aussi annoncé la possibilité prochaine pour les créateurs de créer des jeux vidéo internes à l’application, générant ainsi une nouvelle concurrence pour la plateforme américaine Roblox, aussi très populaire chez les plus jeunes.

Le succès de la plateforme est tel que les investisseurs se bousculent pour contribuer à son expansion ou donner de la visibilité à leur entreprise auprès des jeunes utilisateurs. C’est notamment le cas, ici encore, du label des BTS, HYBE (et nombre de ses concurrents) ou encore du conglomérat japonais SoftBank, qui font partie des entreprises qui ont investi 150 millions de dollars dans la nouvelle licorne coréenne.
Les concurrents de Naver ont réagi, peut-être déjà trop tard, face au succès de Zepeto en créant des plateformes sociales du même type. SK Telecom a lancé SK Jump VR en 2019 qui a tout de même été rapidement adoptée dans le contexte de la pandémie mondiale. En effet, les universités se sont rapidement servies de cet outil pour tenir les cérémonies d’accueil virtuelle pour les nouveaux étudiants. SK Telecom a musclé son jeu en 2021 en dévoilant la plateforme Ifland, plus aboutie esthétiquement et offrant une plus grande variété d’activités que VR Jump… mais elles restent beaucoup moins sollicitées à l’international que Zepeto. Pour preuve : la plupart des communications au sujet de cette nouvelle application sont exclusivement en coréen et l’appli n’est téléchargeable que dans quelques pays hors de la Corée du Sud.

On peut aussi noter la résurrection de Cyworld, un réseau social très populaire en Corée du Sud au début des années 2000, mais qui s’était progressivement essoufflé après 2010. Le style est totalement différent des avatars 3D de Zepeto et Ifland. La plateforme a été relancée en Août 2021 sous le nom de Cyworld Z, et rapidement plébiscitée par d’anciens utilisateurs nostalgiques. Ce monde virtuel reprend l’esthétique vintage et pixelisée de l’ancienne plateforme mais vise à devenir un métavers en créant des versions virtuelles de grandes chaînes coréennes.
Séoul, la ville de l’administration virtuelle
Bien au-delà du monde du divertissement et des réseaux sociaux, le concept de métavers inspire beaucoup les pouvoirs publics coréens et le milieu de l’administration. Ainsi, le 3 novembre dernier, la ville de Séoul a annoncé vouloir devenir la première capitale présente dans le métavers. Mais à quoi pourrait bien ressembler une ville virtuelle ?
Dans un premier temps, Seoul compte « virtualiser » plusieurs services administratifs et infrastructures municipales en les rendant accessibles grâce à un casque de Réalité Virtuelle. Cette initiative permettra ainsi aux Séoulites de s’occuper de leurs requêtes administratives dans le “Metaverse 120 Center”, pour ainsi éviter les contacts et désengorger les services les plus sollicités. L’objectif est aussi de dépasser les barrières physiques et linguistiques qui freinent les processus administratifs, notamment pour les personnes en situation de handicap.
Satisfait du rôle du numérique dans la lutte contre le Covid, le métavers serait ainsi chargé de rendre la plupart des communications municipales “sans contact” dès 2022. La mairie de Séoul se donne jusqu’à 2026 pour avoir une plateforme totalement opérationnelle. A ses débuts, elle devrait donner accès aux bureaux municipaux, des espaces pour les entrepreneurs et les entreprises ou encore un incubateur de fintech. La création de ce métavers public fait partie du plan sur dix ans imaginé par le maire de Séoul, Oh Se Hoon, pour faire de la capitale coréenne un hub technologique international. Ce plan comprend aussi une future gratuité de la connexion 5G pour les habitants de la capitale ; une mesure logique si on veut démocratiser l’accès au métavers. La première grande démonstration sera le premier événement virtuel organisé par la ville de Séoul et se tiendra pour le réveillon du Nouvel An, avec une cérémonie traditionnelle du son des cloches du Bosingak.

Les habitants de ‘Métavers Seoul’ vont progressivement pouvoir presque tout faire dans cette ville virtuelle. Le projet prévoit d’aller bien au-delà des lieux administratifs et des hubs de start-up virtuels. Il y sera possible de prendre des bus virtuels, de visiter des reconstitutions de monuments détruits par le temps ou pendant l’occupation Japonaise, et même d’aller déposer une plainte à la police municipale !
Au-delà des infrastructures publiques, des lieux de la vie quotidienne seront aussi transposés dans le Métavers séoulite. La plupart des grandes banques coréennes préparent ainsi des filiales virtuelles accessibles sur différentes plateformes existantes comme Cyworld (Industrial bank of Korea). La Kookmin Bank a prévu de lancer des bureaux virtuels dans le futur métavers coréen et la NH Nonghyup Bank de s’établir dans le “NH Dokdo-verse”, le métaverse de l’île de Dokdo, dont la domination coréenne est encore remise en question par le Japon.
Mais cette décision se tourne aussi vers un public plus international. Le projet inclut une “Virtual Tourism Zone” qui regroupe les festivals culturels de la capitale et qui sera accessible dès 2023. En plus de vouloir proposer des visites virtuelles de ses musées et monuments culturels, la ville de Séoul a créé “Korea World”, une exposition virtuelle consacrée à la Hallyu, autant destinées aux Coréens qu’au reste du monde. Cette exposition virtuelle a été lancée par la KOCIS (Korean Culture And Information Service) le 30 Novembre 2021 et a un objectif très particulier : exposer des créations qui montrent la Hallyu du point de vu des fans étrangers dans un espace où le visiteur peut interagir avec d’autres avatars.

Un pays connecté, mais à quel prix ?
Alors que la ville de Séoul est l’une des plus connectées au monde (plus de 99% des foyers ont une connexion internet) et bénéficie d’une des meilleure couverture 5G au monde, la question du mode d’accès au métavers se pose encore. La connexion ne sera dans un premier temps possible qu’avec un casque VR, mais la mairie de Séoul souhaite que la connexion via smartphone arrive rapidement. Cependant, cette transition est encore incertaine compte tenu du coût de l’optimisation de l’interface pour smartphone associé à celui de développement de la plateforme en elle-même. La digitalisation de nombreux services administratifs et bancaires demandera aussi un fort investissement dans la protection des données et la cybersécurité car une plateforme ouverte de métavers sera certainement une cible privilégiée pour les ransomwares et autres cyber-attaques.
Alors qu’un sondage de novembre 2021 affirmait que 6 travailleurs seoulites sur 10 préféreraient travailler dans un environnement de travail virtuel, on peut tout de même se poser la question de l’avenir des publics moins connectés et des effets sur la santé mentale d’une telle transition. La population coréenne est vieillissante, et les projections prévoient que la moitié de la population sera âgée de plus de 65 ans en 2065. Face à la baisse de la part de la jeunesse dans la démographie, les journalistes et entreprises coréens parlent de plus en plus de génération “MZ”, soit un regroupement des “Millenials” et de la génération Z. Même si cette génération rassemble les Coréens nés de 1980 à 2010, elle ne représente que 35% de la population. Malgré les fortes différences en termes de culture et de pouvoir d’achat entre ces deux groupes, ils sont réunis par les marketeurs à cause de leur hyper activité sur les réseaux sociaux et leur forte consommation de produits numériques ; faisant ainsi d’eux la cible numéro une du métavers.
C’est à la lumière de ces statistiques que l’on peut évoquer les critiques visant l’investissement du gouvernement et de la ville de Séoul dans le métavers. Alors que les médias étrangers voient la Corée du Sud encenser le métaverse coréen, les citoyens craignent l’exclusion des populations les plus âgées ou défavorisées. Alors que la Corée du Sud a le plus haut taux de pauvreté chez les seniors de l’OCDE, on peut imaginer que ces derniers soient encore plus isolés par cette révolution virtuelle.
Quite funny Seoul’s metaverse plan is being hyped up by foreign media while most taxpayers in Seoul are absolutely dreading it
— Hyunsu Yim (@hyunsuinseoul) November 29, 2021
The announcement has drawn mixed reactions from the South Korean public. While some have expressed intrigue, other Seoul residents have raised concerns about its cost and accessibility to older residents. https://t.co/d9mEo2zvkr
— Michelle Ye Hee Lee (@myhlee) November 28, 2021
Enfin, le plus inquiétant est la menace d’une spéculation délétère sur l’immobilier virtuel. Alors que la flambée des prix de l’immobilier séoulite marginalise les plus pauvres dans le monde réel, le même mécanisme semble se préparer dans le métavers. Les jeunes Coréens se ruent pour acheter des parcelles virtuelles (qui sont en réalité des NFT) dans le marketplace The SandBox, qui propose d’acheter 160.000 carrés de terre répartis un peu partout dans le monde. Mais l’histoire semble se répéter : les prix de ces NFT immobilières montent en flèche et les quartiers les plus chers de Séoul sont partis en premiers. Avant même qu’il n’existe, de jeunes et riches investisseurs ont déjà planifié leur empire dans le métavers, et une nouvelle bulle spéculative se dessine.
메타버스 가상부동산 플랫폼(?)이라는 세컨서울 서비스를 재미삼아 들여다 봤는데 사전신청 선호지역이 실제 부동산 시장 선호지역과 일치해서 당연하지만 너무 웃김 ㅋㅋ 검은색은 이미 마감지역 pic.twitter.com/e9gIc6BMSN
— Ryan Song (@Ryan_HS_Song) November 25, 2021
Un jeune cryptofan coréen constate de la rapidité de la vente et de la monté des prix des parcelles correpondant aux quartiers les plus upé de Séoul, “zones préférées” du marché de l’immobilier (en noir sur la carte)
Conclusion
Même si la Corée semble la terre idéale pour lancer un métavers de la culture, du divertissement, des loisirs et de l’administration, il ne faut pas négliger le charactère exclusif de cette technologie loin d’être accessible à tous, et qui demande des investissements lourds. Sous ses airs créatifs et inclusifs, le métavers coréen semble être en train de reproduire les travers et les défaillances de la vie réelle.
Slush 2021, la renaissance entrepreneuriale sur fond de Web 3.0
Par Kati Bremme, Direction de l’Innovation et de la Prospective
L’édition 2021 de Slush, la rencontre de start-ups, talents technologiques européens et asiatiques, influenceurs, investisseurs et médias, était de retour à Helsinki, en physique et masqué, dans un cadre plus intimiste que d’habitude.
Quand les éditions précédentes étaient marquées par un équilibre entre grandes annonces et mise en relation de créateurs avec des investisseurs, cette année, le poids était surtout sur la composante business.
3200 entrepreneurs et 1500 investisseurs se sont retrouvés autour de deux grands thèmes : ce que Miika Huttunen, CEO de Slush, a appelé “la renaissance entrepreneuriale” d’un côté – c’est-à-dire des investissements plus responsables -, et le Web 3.0, le retour au rêve participatif d’un Internet aux mains des utilisateurs de l’autre côté, loin du monopole des géants de la tech.
La renaissance entrepreneuriale
Les pays nordiques sont un terrain fertile de l’entrepreneuriat. Au sein de l’écosystème nordique, on trouve des entreprises mondiales comme H&M, Nokia, Volvo, Maersk et Ericsson, ainsi qu’un écosystème de start-ups dynamique sans équivalent dans d’autres régions du monde. En dehors de la Silicon Valley, les pays nordiques ont généré le plus grand nombre de licornes par habitant au monde, notamment des entreprises comme Spotify, Mojang (créateurs de Minecraft), Oatly et Klarna.
Ce phénomène a ses racines dans plusieurs éléments : le fort soutien à la maîtrise du numérique de la population dès l’école depuis plus de 30 ans, la mise sur le marché de centaines d’ingénieurs après l’effondrement de Nokia, les contraintes du petit marché finlandais qui imposent dès le début aux créateurs d’entreprise de penser au marché mondial et des investissements conséquents par le gouvernement finlandais. Résultat : la Finlande, avec ses seulement 5,5 millions d’habitants, devrait compter 10 licornes d’ici à la fin 2022.
Leitmotiv de cette édition Slush après près de deux ans de pandémie mondiale : un changement de paradigme dans la responsabilité sociétale et environnementale à la fois des créateurs et des investisseurs. Miika Huttunen observe que ces dernières années, « nous investissions beaucoup sans un réel retour sur la société« .

Une donne changée, entre autres avec le Startup Refugees Fund annoncé à Slush 2021, qui soutient les fondateurs réfugiés, demandeurs d’asile et immigrés et leurs entreprises en phase de démarrage, et qui challenge le mythe des « trois gars blancs qui créent une startup dans un garage« . Une façon de mieux investir le milliard de milliard de dollars sur la table de Slush dans des start-ups qui prennent des risques extraordinaires pour résoudre les problèmes d’aujourd’hui, et construire un nouveau monde.
Cette vision plus durable implique aussi un changement du fonctionnement des investissements : Sequoia, la célèbre société de capital-risque avait annoncé en octobre qu’elle rompait avec la tradition, abandonnant la structure de fonds traditionnelle et ses délais artificiels de remboursement du capital. Les futurs investissements de la société passeront bientôt tous par une « structure singulière et permanente » plus souple appelée The Sequoia Fund, un portefeuille liquide à capital variable composé de positions publiques dans une sélection d’entreprises durables. Le Sequoia Fund allouera à son tour des capitaux à une série de sous-fonds fermés pour des investissements en capital-risque à chaque étape, de la création à l’introduction en bourse.

Slush soutient fortement les créateurs de start-ups, en leur donnant l’occasion de rencontrer des investisseurs, en leur partageant des bonnes pratiques dans le Builder’s Studio, ou encore en accordant une heure d’entretien mentoring avec chaque intervenant, dont Tony Fadell, inventeur de l’iPhone, qui partage sa formule très simple pour lancer un produit qui matche le marché : 50% d’émotion + 50% de raison, la compréhension de ce dont les gens ont besoin (ou dont ils auront potentiellement besoin), et qui a profité de l’occasion pour annoncer son livre, Build, An Unorthodox Guide to Making Things Worth Making, qui sortira en mai 2022. Une autre table ronde évoque la FemTech, et sa difficulté de lever des fonds (sous prétexte que les VCs ne comprennent pas le sujet), avec la question sous-jacente : les VCs comprennent-ils mieux le métavers ? Lubomila Jordanova, CEO de la start-up Plan A, a partagé 5 étapes essentielles pour atteindre le niveau carbone « net zéro », et a souligné son inquiétude face à la tendance du « greenwashing » de toutes les industries, à l’instar de cet exemple :
Hello! I’m a #NetZero climate target! pic.twitter.com/Zts4ANZfdb
— Teresa Anderson (@1TeresaAnderson) April 8, 2021
Ime Archibong, responsable de l’expérimentation de nouveaux produits (notamment avec des start-ups) chez Meta (anciennement Facebook), répète un vieil adage en affirmant que la conception de produits réellement innovants dans le secteur des technologies consiste à échouer rapidement, et compare son rôle chez Meta à celui d’un jardinier, qui « crée un terrain fertile pour que les entrepreneurs puissent développer leurs idées et planter leurs graines » au sein de l’entreprise.
Mariage de la science et du business
Face à l’ampleur qu’a pris Slush, on a parfois du mal à se rappeler que Slush est parti d’une initiative d’étudiants. Fondé en 2009, Aaltoes – l’organisme à but non lucratif tenu par des étudiants qui organise Slush -, est devenu synonyme de l’émergence rapide de la culture entrepreneuriale en Finlande dans les années 2008-2011.
Cette année, Slush a de nouveau offert aux innovations scientifiques une plateforme pour s’épanouir. L’université d’Helsinki et les services d’innovation d’Helsinki (HIS, Helsinki Innovation Services) ont présenté cinq spinouts scientifiques et douze innovations à un stade précoce de commercialisation. HIS sert de médiateur entre les chercheurs et le monde des affaires pour promouvoir l’utilisation des innovations universitaires dans la société. L’entreprise évalue l’importance commerciale des idées de recherche et aide les chercheurs dans des domaines tels que la recherche de financements pour la préparation de la commercialisation, l’octroi de licences, le dépôt de brevets et la création de sociétés dérivées.
“Les innovations et les nouveaux départs sont souvent le fruit de connexions et d’intuitions surprenantes. Cependant, les résultats ne sont pas le fruit du hasard ; il faut plutôt que les bonnes personnes se réunissent au bon moment. À Slush, nous avons une occasion unique de réunir les personnes à l’origine des innovations fondées sur la recherche, les investisseurs et d’autres opérateurs publics. Ensemble, nous pouvons faire des idées actuelles le type de réalité que nous souhaitons habiter à l’avenir”, déclare Paula Eerola, vice-rectrice chargée de la recherche et de l’innovation à l’université d’Helsinki. Pendant Slush, Y Science rassemble la communauté des sciences de la vie, pour mettre en relation les chercheurs, les startups, les investisseurs et les étudiants.
Les innovations fondées sur la science ont en effet le potentiel avéré de devenir des entreprises extrêmement prospères qui changent véritablement le monde – ainsi que l’avenir de ceux qui ont investi en elles dès le début.
Un avenir quantique souverain pour l’Europe ?
C’est d’ailleurs à la science que s’est associé IQM, le plus important constructeur d’ordinateurs quantiques en Europe. Issue de l’université d’Aalto et du centre de recherche technique VTT de Finlande, la technologie de base d’IQM s’appuie sur des décennies de recherches menées par le laboratoire d’informatique et de dispositifs quantiques (QCD). La Finlande dispose d’une communauté de recherche active appelée InstituteQ, dont le VTT, l’université d’Aalto et l’université d’Helsinki sont les membres fondateurs, et du réseau BusinessQ, qui aide les entreprises à intégrer la technologie quantique dans leurs activités.

Le consortium Q-Exa d’IQM vient d’être choisi pour intégrer un ordinateur quantique allemand dans un supercalculateur HPC de l’institut Leibniz et vient aussi de vendre un ordinateur quantique au VTT, le CNRS finlandais. Autant de pas dans la construction d’un écosystème quantique de gouvernance européenne face à la concurrence des États-Unis et de la Chine.
Pour IQM, l’avenir du quantique repose dans le cloud, l’objectif n’étant pas d’équiper dans un futur lointain les foyers d’un ordinateur quantique, mais plutôt de donner accès à cette puissance de calcul à tout un chacun par le cloud, un projet dans lequel le gouvernement finlandais vient d’investir 20 millions d’euros.
Beaucoup de Web 3.0, moins de métavers
Chaque année à Slush, Benedict Evans réalise une grande présentation explorant les tendances macro et stratégiques de l’industrie technologique. Cette année, il a présenté « Trois étapes vers l’avenir ». Selon l’analyste, la prochaine décennie sera marquée par le Web 3.0 et le métavers, – et un peu de satellites LEO, edge computing, quantique, impression 3D, robotique, IA, ESG (critères environnementaux, sociaux et de gouvernance), viande fabriquée à base de plantes, drones, voitures autonomes, interfaces neuronales, Chine, biologie par ordinateur et agriculture verticale.
Pour Evans, il s’agirait, pour les deux thématiques principales, essentiellement d’un « rebranding » : les crypto monnaies deviennent NFT, et l’AR/VR devient métavers.
Le métavers n’est pas près de devenir grand public, selon l’analyste, comparant les 300 M d’utilisateurs actifs quotidiens de Snapchat aux 14 M sur Fortnite, tout en rappelant qu’il a fallu 15 ans à l’internet mobile pour s’implanter. Serait-on face à un système de Ponzi ou à une véritable création de valeur où la spéculation égale la validation ?
Le Web 3.0 serait le rêve du prochain internet, où non seulement, les utilisateurs créent le contenu, mais où ils sont également propriétaires de l’infrastructure. Là où avant, on achetait des noms de domaine (comme le faisait Wendy Xiao Schadeck, Partner chez Northzone, comme cadeau pour des amis), on achète aujourd’hui des morceaux d’internet (ce qui amènerait peut être à la fin de l’internet gratuit).
En ce qui concerne les NFT, on constate que l’accessibilité est bien là, mais « l’usabilité » n’est pas au rendez-vous, même si Sorare est devenu un phénomène global. La table ronde « Web3 au-delà de DeFi et NFT » a bien essayé de ramener le débat à un niveau compréhensible par une « grand-mère », mais sans succès. La journaliste Ela Madej était obligée de couper Stani Kulechov, le fondateur et CEO d’Aave, star de Slush arrivée en pantoufles à carreaux, au moins à chaque phrase pour lui faire définir les termes cryptiques du Web 3.0 pourtant entièrement open source. Son idée de lancer une DAO (Decentralized Autonomous Organization) Slush a été largement applaudi par la communauté d’initiés.
En attendant la démocratisation du Web 3.0 on observe dans le gaming la même transformation que les géants de la technologie ont déjà apportée à la musique (Spotify) et aux films (Netflix), remarque Thor Gunnarsson, CEO & Co-fondateur de Mainframe Industries. Grâce au cloud, les jeux sont désormais accessible sur n’importe quel device, une technologie qui transforme l’usage. Le modèle d’engagement avec le jeu change fondamentalement, parce que l’accès au jeu est désormais possible toute la journée. On peut entrer et sortir du monde virtuel, comme on le faisait avec les réseaux sociaux. Sur Twitch, on peut regarder des gamers, interagir par les commentaires. Mais la prochaine étape sera de briser le quatrième mur et d’agir avec le gamer directement dans le jeu.
Conclusion
Le métavers tant remué par les médias en cette rentrée 2021 n’a pas été le grand sujet à Slush. Pour Benedict Evans, il s’agit plutôt d’une bulle créée par la tech qui ne répond pas à un réel besoin, et j’ai même été assise à côté d’un représentant de Bolt qui cherchait sur Google « C’est quoi le métavers » – la preuve que même dans le monde très geek de Slush, la formule magique n’a pas vraiment pris.
En revanche, ses composants, immédiatement transformables en business, ont bien été présents à travers les NFT, les jeux basés sur la blockchain et les débuts du Web 3.0 pour lequel, comme pour les 2 précédents, on annonce une démocratisation par la décentralisation. Face à l’actuel monopole des Gafam, on peut légitimement se poser la question si, dans ce nouveau web ultralibéral, une poignée de personnes ne détiendra pas le pouvoir après avoir acheté les briques du Web 3D.
On a assisté à un Slush plus recentré sur les affaires, même si celles-ci se doivent désormais d’être durables et éco-responsables. Pendant ce temps, l’ancienne économie est confrontée à des vagues de perturbations résultant d’idées « dont nous avons parlé pour la première fois dans les années 1990 », conclut Benedict Evans.
Pour le Web 3.0 et le métavers, nous sommes un peu au même point qu’en 1995 aux début d’internet :
Et toutes les technologies présentées à Slush ne sont pas toujours capables de résister à l’épreuve du Grand Nord.
The morning in the Estonian capital began with a traffic jam of… robot couriers! Because of the snowfall, they stalled and could not move. Innovation doesn’t seem to work in winter… pic.twitter.com/z6KHaWRGSK
— Deleuze (@Kukicat7) December 2, 2021
Quelques start-ups croisées :
Flowrite, un outil d’optimisation d’e-mail basé sur le NLG (Natural Language Generation), où l’utilisateur fournit un ensemble d’instructions sous forme de liste à puces, et l’outil alimenté par l’IA génère un texte complet d’e-mail qui transmet les informations requises, d’une manière « fluide »
Super.AI, un outil de rangement pour les données non structurées grâce à une véritable chaîne de production d’outils IA
Mostly AI, qui génère des jeux de données artificiels pour éviter les biais des bases de données historiques et accélérer l’entraînement des algorithmes
Fit Immersion, dont le casque de réalité virtuelle vous permet de transformer vos séances de sport sur vélo d’appartement en randonnée cycliste sur les routes du Tour de France
Meeco, qui propose une infrastructure pour un écosystème de données personnelles de confiance, qui permet aux clients d’accéder à leurs données personnelles, de les contrôler et de créer mutuellement de la valeur à partir de celles-ci
Authenteq, pour vérifier une identité digitale, en seulement 30 secondes
EditionYou, pour concevoir vos newsletters d’actu personnalisées en sélectionnant les sources, le degré d’information, et avoir accès à une vue d’ensemble des actus sur une appli – vous êtes obligés de liker ou pas un contenu avant de le partager, mais malheureusement pas de le lire…
Holomonsters, qui propose des jeux en hologramme
Atomontage a lancé une première version de sa technologie Microvoxel qui offrirait une nouvelle façon de créer des graphiques pour les jeux vidéo et les simulations informatiques basée sur le cloud, optimisant la compression des données 3D, de sorte qu’il devient beaucoup plus facile de partager des images 3D avec de grandes quantités de détails
Metav.rs qui crée des NFT pour le métavers en 3D pour générer des avantages dans le monde virtuel et dans le monde réel
Naviguant en permanence entre réel et virtuel, les enfants perdent-ils la notion du vrai et du faux ?
Entretien avec Grégoire Borst, professeur de psychologie du développement et de neurosciences cognitives de l’éducation (Université de Paris), directeur du Laboratoire de Psychologie du Développement et de l’éducation de l’enfant (LaPsyDÉ – CNRS), qui travaille notamment sur le développement de l’intelligence chez les enfants*. Entretien mené par Kati Bremme, Direction de l’Innovation et de la Prospective
L’interconnexion de plus en plus grande des mondes réels et virtuels, aurait-elle un impact sur la capacité de distinction entre vrai et faux chez les enfants, entre fiction et réalité ? Sur fond de l’intérêt grandissant pour le métavers et toutes les formes qu’il pourrait prendre, nous avons posé la question à Grégoire Borst, professeur de psychologie du développement et de neurosciences cognitives de l’éducation, membre du Comité d’experts jeune public du CSA.
Bonne nouvelle : seulement une infime partie des enfants auront du mal à distinguer le vrai du faux. Contrairement à certaines croyances, le numérique n’est pas mauvais en soi. Il n’y a pas d’effet massif sur le développement de la capacité de faire la part des choses chez les jeunes générations, à condition de respecter les limites d’âge d’accès aux différentes plateformes. Les jeunes savent très bien (et peut être parfois mieux que nous) distinguer réalité et fiction. Ils sont habitués dès l’enfance à jouer un personnage dans le monde numérique, ce qui n’est finalement pas très différent des jeux plus analogiques de princesse, docteur et autres personnages auxquels s’adonnaient nos générations plus analogiques. Ils auront alors développé une capacité bien supérieure à nous, adultes, de naviguer entre ces deux mondes, numérique et analogique, entre la fiction et la réalité. Mais tout est question d’apprentissage.
« Le jeu serait même un démultiplicateur d’apprentissages »
A travers les jeux de rôles que les enfants pratiquent librement dès leur plus jeune âge ils s’entraînent à acquérir et manipuler un certain vocabulaire et développent des compétences sociales : chacun y tient un rôle qui doit être respecté. Pour eux, la question n’est pas tant de la développer que de construire la faculté de délimiter une frontière entre fiction et réalité. Cette capacité n’apparaît que graduellement – au début, tous les enfants croient au père Noël – et ce processus est clairement favorisé par les jeux de rôle et de simulation.
Le cortex préfrontal, qui élabore des réponses adaptées aux contingences sociales, environnementales et aux besoins internes, mature tout au long de l’enfance et jusqu’à l’adolescence et l’âge adulte, et cette maturation dépend en partie des occasions de faire des allers-retours entre mondes imaginaires et monde réel. Le cortex préfrontal intervient aussi dans une autre fonction cognitive essentielle qu’est le contrôle de soi – indispensable pour respecter une règle du jeu ou pour tolérer que l’autre, dans son rôle, pose des limites.
Tout est donc question du moment où l’enfant accède à ces réseaux sociaux ou métavers qui s’ajoutent en parallèle du monde réel, voire s’y intègrent. Le problème se pose en effet quand l’enfant y accède avant l’âge limite de 13 ans qui n’est en réalité respecté par aucun des réseaux sociaux (dans de récentes négociations avec le CSA, Youtube refuse de migrer des comptes vers YouTube Kids).
« Dans le jeu, on reçoit de façon quasi instantanée un retour sur ses actions, ce qui est un moteur très puissant des apprentissages »
La théorie de l’esprit, ou aptitude à se représenter les états mentaux d’autrui est une des facultés centrales de l’esprit humain, indispensable à la vie en société et à la coopération, et elle repose en grande partie sur l’activité d’une partie de notre cerveau appelée « jonction temporo-pariétale ». En activant de façon répétée cette zone dans leurs jeux, les enfants se préparent à être aptes socialement. Si les jeux vidéo, et donc par extension le métavers, peuvent rendre accros, seulement 1 à 3 % des enfants seraient concernés. Pour la déception de repasser du virtuel au réel, il s’agirait donc plutôt d’épiphénomènes, souvent volontairement amplifiés par les médias.
Et il y a un processus fondamental de secours qui empêche l’enfant de sombrer à 100% dans le numérique : l’école. Il ne peut pas se désocialiser. Même si la pandémie mondiale et son lot de confinements ont quelque peu changé la donne, un phénomène peu étudié sur la question sociale, ou sinon uniquement sous un angle factuel (capacité d’apprentissage, santé mentale). L’année dernière, le temps passé sur l’écran a bien-sûr explosé. Mais s’agit-il encore de savoir sur quoi les enfants ont passé leur temps : certains jeux vidéos développent la capacité attentionnelle, de même que certaines activités aident à mieux jouer, un phénomène bidirectionnel bénéfique. Selon le chercheur, certains environnements immersifs avec casque VR fonctionnent très bien pour l’apprentissage. Ils sont pertinents sur des fonctionnalités, comme l’automatisation du geste moteur pour l’apprentissage de l’écriture. En Asie par exemple, l’apprentissage dans les environnements virtuels est beaucoup plus avancé et plus systématique, augmentée par de l’Intelligence Artificielle qui collecte des données pour s’adapter en temps réel à la courbe d’apprentissage de chaque élève. Mais on ne pourra pas déporter l’ensemble des apprentissages dans le virtuel.
« Nous sommes une espèce sociale, et l’enfant a besoin d’interaction et d’émotions pour apprendre. »
Et ce sont justement les réseaux sociaux ou encore les environnements sociaux virtuels qui restent un point de contact en lien avec la vie réelle : tout comme les adultes, les enfants et adolescents se servent de ces plateformes pour maintenir des liens prolongés dans la vraie vie. Là encore, des phénomènes amplifiés par les médias, comme la chirurgie esthétique « filtre Instagram », n’ont rien de nouveau selon le chercheur : Tout ce que nous percevons comporte des filtres, dans l’agora, nous aspirons tous à présenter le meilleur de nous-mêmes, dans l’audiovisuel les stars sont maquillées depuis le cinéma muet. Le métavers avec ses avatars à profusion aurait même l’avantage de ne plus avoir besoin de chirurgien… Bien-sûr, il y a le danger de ces environnements manipulés par des algorithmes (qui ne sont pas des choses abstraites mais bien des éléments programmés par des humains avec un but précis, dans ce cas, la rétention d’attention).
Mais le problème est que l’on regarde toujours ces phénomènes sous le prisme des enfants qui ont des problèmes. On extrapole à partir de cas particuliers vers une présupposée tendance globale. Pour Grégoire Borst, il ne s’agit pas à proprement parler d’une question de “santé publique”, mais plutôt d’un enjeu d’apprentissage. Le gaming disorder constaté par l’OMS ne concernerait qu’une toute petite partie des enfants. La réaction adaptée doit-elle venir des politiques publiques, qui voudraient interdire les filtres sur Instagram ? Il ne s’agirait pas d’instrumentaliser la science, mais plutôt de trouver la solution adaptée à la situation réelle. Et celle-ci, pour le chercheur, est à la fois simple et compliquée : préférant l’éducation à l’interdiction, Grégoire Borst engage plutôt à prévenir.
Pour revenir à l’école, s’y pose alors en effet une question face à un changement de société profond inauguré par l’arrivée d’Internet : Pourquoi encore apprendre si toute la connaissance du monde est disponible en quelques millisecondes sur le web ? Pour Grégoire Borst, l’école aurait donc un nouveau rôle plus prospectif à jouer dans ce monde de plus en plus « phygital » (physique + digital) : comprendre les compétences nécessaires pour réussir dans ce nouveau monde, développer une pensée critique, une flexibilité, une autonomie, une résistance à des automatismes et construire plutôt un « l’automatisme de penser contre soi-même », bref, apprendre à apprendre, et développer des capacités réellement humaines. Les compétences sociales, cognitives et émotionnelles nécessaires à l’avenir pour s’adapter dans la société ou sur le lieu de travail changeront radicalement et l’éducation doit être complètement réinventée pour aider les enfants à affronter l’avenir.
Qu’il s’agisse des réseaux sociaux ou des futurs métavers, les adolescents y sont davantage exposés. Ils sont beaucoup plus sensibles au contexte social que les adultes et sont notamment plus fortement influencés dans leurs choix, y compris dans leur sélection d’informations par leurs amis. Leur première source d’information est Internet, notamment Snapchat, YouTube ou TikTok. Leur cerveau étant encore en pleine maturation, ils sont plus sensibles aux émotions et donc plus sujets à être influencés par celles-ci pour juger la véracité d’une information. C’est la raison pour laquelle l’éducation aux médias et à la pensée critique est un véritable enjeu pour l’école et pour la société, en plus des univers réservés aux enfants dont nous aurions besoin dans le métavers. Dans un monde où les lignes entre réalité et fiction sont de plus en plus perméables, en plus de l’éducation PAR le numérique, il nous faudrait une éducation AU numérique.
Illustration : Photo by Giu Vicente on Unsplash
* Grégoire Borst, dans ses recherches défend un chemin vers un modèle du développement dynamique et non linéaire du développement cognitif de l’enfant, qui intègre 3 grands systèmes de pensée : 1. Le système 1 « intuitif et heuristiques » : ensemble de stratégies approximatives, intuitives, « heuristiques de pensée » (D. Kahneman), rapides, peu coûteuses pour notre système cognitif, qui nous permettent de trouver la solution la plus adaptée au contexte. On en a besoin mais les automatismes peuvent nous amener à faire des erreurs. 2. Le système 2 : stratégies exactes, pensée délibérative, lente, coûteuse mais qui nous permet d’obtenir la bonne réponse. 3. Le système 3 : ensemble des fonctions de haut niveau dans le cerveau (cortex préfrontal) qui permet de décider quand utiliser le système 1 ou quand il faut y résister (penser contre soi-même) en envoyant des ordres inhibiteurs, pour réengager notre système 2