Google Glass : c'est pas encore ça !

Par Barbara Chazelle, directions stratégie et prospective, France Télévisions

A l’occasion de la première édition française de Meet Glass, Chara Kelley, une Google Glass Explorer américaine a partagé son expérience avec nous. Mieux encore, elle nous a permis de les tester. On ne va pas vous mentir : l’expérience est déceptive et bien moins fluide que nous laissaient à rêver certains films prospectifs.

Encore loin de la réalité augmentée !

La navigation. Les Glass s’activent et se commandent via 3 moyens : le trackpad (interface tactile) sur la branche droite, de petits mouvements de tête ou encore la voix. Un « Ok, Glass ! » bien distinct vous donne accès à une courte liste d’(inter)actions possibles. Le choix « Google » vous permet de poser une question ouverte sur la météo, l’heure, la taille de la Tour Eiffel… Le petit groupe que nous étions n’a pas obtenu de très bons résultats à ce type de questions ; la faute à l’environnement sonore, nous a-t-on dit. 

Le trackpad quant à lui ouvre la voie à un dictionnaire gestuel, pour le moment, le tapotement à deux doigts et le slide horizontal ou de haut en bas.

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L'image. La distance à laquelle l'image est projetée est confortable, mais sa qualité est encore médiocre, surtout en extérieur si la luminosité est forte. Aucun dispositif n’est aujourd’hui disponible pour corriger manuellement la qualité de l’image. Pas de zoom ni de filtre pour les photos. En revanche, des verres solaires sont clipables à la monture et Google devrait sortir une version avec verres correcteurs.

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image du site Google Glass

L'autonomie. On peut compter sur 5h d'autonomie. Il est possible de laisser brancher ses Glass à un chargeur mobile pendant l'utilisation mais on perd un peu la promesse "main libre".

La mémoire. La capacité de stockage est de 16GB dont 9GB sont utilisés par le système, selon Chara Kelley. Concrètement, cela réduit la timeline à une centaine de « cartes ». Quant aux contacts, seuls 10 personnes issues de votre répertoire Gmail et/ou Google+ pourront être destinataires de vos appels, sms, photos…
La réponse est à ce problème est probablement dans le cloud ; en effet, les Glass devraient pouvoir se synchroniser avec Google Drive.

La robustesse. Le talon d’Achille des Glass est son écran qui est sensible à la météo, plus exactement à l'humidité ou à de fortes températures. Chara Kelley en a fait les frais lors de son séjour à Paris durant lequel il a plu ; ses lunettes seront remplacées à son retour aux US, comme cela a été le cas pour un certain nombre de testeurs.
Par ailleurs, les lunettes ont tendance à monter elles-mêmes en température, comme chaufferait un ordinateur que l’on laisserait sur ses genoux, et approche la limite maximum légale pour un matériel électronique. Un problème qui devrait être vite résolu si Google ne veut pas être poursuivit par des utilisateurs brulés !

Le style. Les lunettes sont légères et confortables. Ce n'est pas le summum de l'élégance, mais ce n'est pas moins beau que les montres connectées qui alourdissent le poignet... Il m'a semblé néanmoins que les Glass faisaient un peu loucher ; le regard se promenant dans le vide et la gestuelle inhabituelle sont surprenants pour l'observateur. Chara nous racontait même qu'en Espagne, on lui avait demandé plusieurs fois si elle était aveugle.

Le smartphone reste la porte d'entrée. Si les Google Glass sont souvent présentées comme l'avenir du smartphone, elles ont aujourd'hui grandement besoin de lui pour compléter l'expérience. Les Glass restent néanmoins fonctionnelles avec une connexion wifi.
Le système est relativement fermé. Chara Kelley, anciennement adepte de Apple, a dû revoir son équipement numérique : « Les Google Glass fonctionnent avec un iPhone, mais l’expérience est réduite au minimum ».

Le prix. 1.500 $. On envie les heureux Explorers et autres bêta testeurs qui ont été gracieusement équipés !

Malgré les nombreuses approximations du prototype actuel, les Google Glass restent une prouesse technologique par le potentiel qui existe dans si peu de centimètres carrés.

Ce qui frappe le plus, c'est la dynamique d'immédiateté et la facilité avec laquelle on peut partager publiquement ce dont on est témoin. Les fonctions « prendre une photo » et « enregistrer une vidéo » (de 10 secondes maximum) fonctionnent très bien. On comprend pourquoi certains journalistes de pointe les ont déjà adoptées et ne jurent plus que par elles !
Sachez néanmoins que ces images appartiennent à Google et qu'il n'est possible que de les récupérer via les réseaux sociaux sur lesquels elles auront été partagées.

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Appel aux développeurs : c’est à vous de transformer l’essai !

Google doit améliorer des fonctionnalités de base mais il est fort à parier que le relais va être passé à des développeurs passionnés. Certains se sont d’ores et déjà saisi du sujet, à l’instar de Kevin Alan Tussy qui a développé une batterie externe baptisée PWRGlass qui triplerait les capacités d’autonomie des Google Glass.

Avec une trentaine d’applications actuellement disponible, la voie est large pour qui veut l’emprunter. D’après Chara Kelley, "Google est très généreux envers les développeurs" et leur met de nombreux outils (API, serveurs) à disposition. Il est naturellement dans l'intérêt de Google de proposer un univers et un store un peu plus étoffé lors de la sortie de ses lunettes en 2015.

Le problème c'est que Google ne laisse pas pour l'instant les développeurs européens jouer avec ! 

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Et de nombreuses questions sans réponse...

Comment seront traitées nos données personnelles ?

Nul n'oublie que Google tire ses revenus de la vente de nos informations personnelles. Le projet des Google Glass suscitent de nombreuses questions actuellement sans réponse. Pour forcer Google à sortir du bois, l'Autorité de protection de données canadienne a lancé une initiative mondiale de coopération à laquelle se sont joints le G29 et des autorités membres de l'APEC, dont la première action a été d'envoyer un courrier à Larry Page, CEO de Google. Les régulateurs ont particulièrement dans leur viseur la reconnaissance faciale et ses dérives envisageables ; si une telle fonctionnalité n'est pas encore intégrée, Google ne paraît pas rejeter complètement l'option.

Faudra-t-il limiter l'usage des Google Glass?

Chara Kelley nous a confié qu’elle conduisait avec ses Google Glass et s’en servait comme GPS. Les notifications régulières étaient pour elle sans danger. Ce n'est pas l'avis d'autres Explorers interrogés sur le sujet...
Quid de l'utilisation des Glass par les plus jeunes ? Rien ne semble prévu pour leur protection.

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Les Google Glass sont-elles cancérigènes ?

Inutile de rappeler que les Google Glass se portent par définition proche de notre cerveau ; le débat sur la nocivité des ondes sur notre organisme ne manquera pas d'être ravivé. On peut aussi se demander si le port régulier voire constant de ces lunettes est sans danger pour notre vue.
La technologie se rapproche inexorablement de notre corps :  quel sera le prix à payer pour la jouissance de ce kit main libre nouvelle génération ?

Une chose est certaine, l'heure est à la découverte et à la création : les nombreuses possibilités et cas d'usages qui s'ouvrent aux particuliers mais aussi aux professionnels restent à inventer... et le cas échéant à ...encadrer.