La télévision n’a jamais été aussi bon marché à produire (IBC 2014)

Par Benjamin Thereaux, consultant Social TV chez France Télévisions

L’IBC, le plus grand salon européen dédié au broadcast, est chaque année en septembre le grand rendez-vous de l’industrie à Amsterdam. 

Fait marquant pour cette édition 2014 : jamais la production d'émissions de télévisions n'a été aussi bon marché grâce aux nombreuses nouvelles solutions technologiques qui placent au cœur de la révolution : ordinateur, logiciel et réseau.

 Le studio virtuel

Comparé à l’édition 2013, les solutions de studio virtuel se sont multipliées. Avec un studio fond vert, des caméras, le bon logiciel et un ordinateur puissant, les animateurs peuvent être incrustés en temps réel dans un plateau 3D virtualisé.

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Il est possible aussi de simuler dans le plateau des écrans plats ou des murs d’images pour y diffuser ses médias (magnétos, images de contexte, logos de l’émission, tweets, ...).

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Le plus impressionnant : certaines solutions ne requièrent pas d’opérateurs caméra, mais uniquement quelques caméras fixes : les mouvements d'image sont simulés dans le logiciel (par exemple, un travelling ou un zoom). En filmant en 4K, il est possible de zoomer dans l’image sans dégrader un rendu HD. Pour garder le naturel de l’incrustation des personnes dans le décor, il faut veiller à produire des environnements 3D très bien dessinés et pas trop chargés en textures.

Cas d'école, à éviter donc :

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Au cœur de la nouvelle régie, une formule 1 et le logiciel qui fait tout

Deux sociétés sont à surveiller de près : NewTek et Vidigo. Leur approche ? Une solution clé en main et à bas coût pour produire des émissions de télévision de qualité professionnelle, en misant tout sur leur logiciel à faire tourner sur un ordinateur très puissant.

Le nouveau matériel, utilisé par les opérateurs en régie devenant de simples interfaces homme-ordinateur (une sorte de super clavier qui permet de piloter les fonctions du logiciel) fait radicalement baisser les coûts. On observe la même rupture qui a eu lieu dans la production musicale, entre un synthétiseur analogique (cher, car bourré de composants électroniques) et un clavier MIDI qui pilote un logiciel de synthétiseur.

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Le logiciel intègre une suite d'applications assurant le monitoring vidéo, la réalisation vidéo et audio, le trucage, le synthé (banc titres,...), le lancement des magnétos ou d'autres médias. Un seul ordinateur s’occupe de l’acquisition des sources audio et vidéo, restitue l’image sur des moniteurs, enregistre et diffuse la réalisation. Les différents opérateurs pilotent chacun une partie du logiciel mais travaillent en réalité sur cette unique station de travail.

Comptez 20.000 € pour le logiciel et le matériel.

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Les professionnels du secteur, habitués à des investissements beaucoup plus importants pour leur régie, mettront en évidence une perte de qualité à certains endroits du workflow (comme l'encodage numérique des sources).

Ils concluront peut-être que la solution n'est pas d'une "qualité broadcast". Mais chacun aura son usage et pour un live stream sur internet la qualité sera d’une qualité inégalée. D’ailleurs, Newtek ne s’y trompe pas et a choisi d'inclure dans sa solution Tricaster des fonctions d’envoi simultané du master vers une plateforme de streaming ou encore la découpe temps réel pour partage sur les réseaux sociaux.

Post-production : l’export direct vers Final Cut, Adobe Premiere, Sony Vegas, …

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Fini le temps où il était fastidieux pour un opérateur de post-production TV de synchroniser dans son logiciel d'édition vidéo les pistes capturées en live avec le master du réalisateur. Comme on l'a vu plus haut, la nouvelle régie est un logiciel, le matériel n'est qu'une interface avec la machine permettant de commander un changement de caméra par exemple ou baisser le son d'un micro. Ces commandes (aussi appelées automation) sont donc enregistrées à la volée et il est maintenant possible de retrouver tout le séquençage du réalisateur dans Final Cut, Premiere, Vegas... Pour les connaisseurs du logiciel audio Ableton Live!, le principe est similaire.

Ainsi, si le réalisateur a changé de caméra trop tard capturant une image qu'il ne fallait pas, ce sera corrigé en post-prod en 2 clics de souris.

Vers le tout IP

Encore un domaine où la convergence passe et où les anciennes technologies trépassent. Si le signal SDI est encore le plus utilisé dans les studios TV et en régie, il se fait aujourd’hui sérieusement concurrencé par le tout IP.

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Les caméras de dernière génération encodent à la volée leurs images et envoient sur le réseau. Réseau local si la régie est au niveau du lieu de tournage, mais demain sur le Cloud et la régie n’aura plus besoin d’être sur place. On peut imaginer une même équipe de production (réalisateur, synthé, LSM,...) réalisant différentes émissions les unes après les autres, toutes tournées à l’autre bout du pays. Vidigo travaille aussi sur des interfaces web permettant demain à chaque opérateur de travailler depuis des endroits différents depuis un simple navigateur internet.

Le principal problème rencontré aujourd’hui est le temps de latence entre la capture et la réception en régie, qui peut aller de 2 à 4 secondes. Le réseau devra avoir une bande passante maximale !

Mais nombreux sont les plateaux où l’on tire déjà des câbles Ethernet entre la régie et les caméras. Ils permettront de piloter les caméras si elles sont robotisées, de déclencher la lumière rouge qui signale que la caméra est à l’antenne, etc…

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Combinées au streaming sur internet, les nouvelles technologies en régie, basées sur le logiciel et le réseau IP, ouvrent la voie à une très forte démocratisation de la production tv.

Demain, tous TV ?!