Obama : Internet est un service public

Le Président des Etats-Unis a frappé les esprits hier en prenant très fermement position pour défendre à la lettre un Internet libre et ouvert face aux menaces d'un web à deux vitesses réclamé par les fournisseurs d'accès (qui veulent être payés deux fois) mais aussi par une bonne partie du camp républicain. Dans l'un des plus importants débats de notre société connectée qui déterminera l'avenir d'Internet, la bataille ne fait que commencer, et elle s'annonce rude des deux côtés de l'Atlantique ! 

Alors que la FCC, l'autorité américaine de régulation des télécommunications penche d'ici quelques semaines ses conclusions sur le sujet, Barack Obama demande à son administration de tout faire, pour préserver l'acquis historique de la neutralité du Net, jugé équivalent à un service public, comme l'eau, le téléphone ou l'électricité, auquel tout citoyen a droit sans discrimination, et pour empêcher les telcos et les câblo-opérateurs de trier, choisir et privilégier certains contenus par rapport à d'autres.

En d'autres termes de ralentir ou bloquer l'accès à Internet selon leurs critères. Au nom de la protection des consommateurs, il demande aussi que cette liberté soit valable pour les utilisateurs de téléphonie mobile :

La FCC, qui, dans sa consultation publique pour préparer sa décision a reçu près de 4 millions d'avis ces dernières semaines pour défendre un Internet ouvert au sein d'une vaste campagne citoyenne, a pris acte de l'engagement ferme et solennel du Président Obama, et a assuré aussi être opposée une voie rapide sur le web. Mais depuis plusieurs mois elle donne l'impression de flotter en cherchant un compromis impossible autour d'un principe qui doit garantir l’égalité de traitement des données qui circulent sur le réseau.

Aux Etats-Unis, les Américains auront encore moins de possibilité de choisir leur fournisseur d'accès puisque les deux plus gros, Comcast et Time Warner Cable, veulent fusionner ! Et le camp républicain a immédiatement réagi hier en comparant la prise de position de la Maison Blanche à l'Obamacare. Les FAI et câblos US n'ont pas tardé non plus à protester. 

Débat européen aussi ! 

En Europe, après le vote du parlement européen partisan d'un Internet libre et ouvert, le nouveau commissaire chargé du marché unique numérique, Andrus Ansip, a aussi récemment indiqué que "la neutralité du net devait être un droit"

La présidence italienne de l’UE a fait récemment circuler un texte en ce sens et vise à obtenir un consensus général lors de la prochaine réunion des ministres en charge des télécommunications le 27 novembre à Bruxelles pour pouvoir négocier de nouveau avec la nouvelle Commission et le nouveau Parlement.

Au niveau des Etats, les Pays-Bas et la Slovénie sont les plus intransigeants puisque cette position y est déjà inscrite dans la loi. Suivent la Finlande, l’Allemagne et la Belgique. Le Royaume Uni continue de prôner une approche d’auto-régulation et la France semble vouloir inclure, dans une révision du paquet télécom, la neutralité des plateformes et donc l’OTT.

L’Union européenne de Radio-Télévision, soutenant pleinement les positions prises par le Parlement européen, s'est récemment mobilisée : elle vient de co-signer une lettre ouverte avec d’autres organisations, exhortant les pays membres à garantir un Internet ouvert dans leurs prochaines discussions. La lettre ouverte de l’UER prévoit la co-existence d’un Internet ouvert avec des services managés et des services spécialisés à la condition qu’il n’y ait pas de discrimination contre des contenus spécifiques et que cet Internet managé soit strictement contrôlé et transparent.

Un nouveau danger

Mais après la menace du web à deux vitesses, c’est désormais l’apparition d’offres de FAI dites « à tarif zéro » pour certaines applications (type Wikipedia, Spotify ou Facebook) qui inquiète. Certains opérateurs décident ainsi de ne pas facturer pour l’utilisation en mobilité de certains de leurs services ou de ceux de leurs partenaires, discriminant de facto les autres. Tout le monde n’a ainsi plus accès au même Internet !

En France, où règne pour l'instant un silence inquiétant sur le sujet, notamment de la part des médias, le président d'Orange, le plus gros FAI, Stéphane Richard, a jugé il y a quelques jours que la neutralité du net était "un attrape-couillon". Les marges des opérateurs restent toutefois confortables: Orange dégage une marge de 33 % !  Aux Etats-Unis, Verizon engrange 23 milliards $ de bénéfice net , AT&T 28 milliards et Comcast un excédent de trésorerie de 8 milliards $. Ca laisse quand même de quoi investir dans des réseaux performants ! Pourtant, ni la France, ni les USA ne figurent dans la liste des 15 premiers pays pour leur vitesse d'accès à Internet.

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Défenses des libertés publiques

L’avenir d'Internet, système nerveux de notre société contemporaine, se décide en ce moment en Amérique et en Europe, où les lobbys des telcos sont ultra puissants au Congrès US comme à Bruxelles, mais ne redescend hélas pas au niveau des citoyens, faute d’intéresser les médias traditionnels. Il est donc temps d’affirmer haut et fort que la neutralité du net est bien plus qu’un sujet économique ou technique. Elle protège nos libertés publiques : liberté d’expression, d’accès à l’information, aux services et contenus de son choix sans entraves, liberté d’entreprendre, d’innover et de créer de la valeur. Rien que ça ! 

Voici un petit film rappelant les principes d'un Internet ouvert :