TV à la demande : « Quand on y a goûté, on ne revient pas en arrière »

Netflix à Amsterdam

Par Mathias Virilli et Etienne Cointe, Direction de la Prospective, France Télévisions

« Le futur de la télévision est sur Internet et à la demande. Quand on y a goûté, on ne revient pas en arrière ». Le message est clair. Son auteur, Joris Evers, VP Communications de Netflix pour l’Europe est venu articuler aujourd’hui à Paris le discours de son boss, Reed Hastings : « la TV traditionnelle linéaire sera remplacée par l’Internet TV d’ici 2030 ».

Pour Netflix, c’est une tendance irréversible, a-t-il expliqué devant la Commission TV Connectée du GESTE. « La TV classique est mûre pour être remplacée. D’ici 2030, elle aura migré sur Internet ou aura disparu si elle oublie d’innover ».

Le chemin reste toutefois long à parcourir : si Netflix représente « aujourd’hui 2 milliards d’heures visionnées par mois », la TV linéaire équivaut à « 1 milliard d’heures par … jour ». Pourtant, Netflix affirme que « les chaînes de TV sous leur forme actuelle seront à la télévision ce que le téléphone fixe est aujourd’hui au téléphone. Présent, mais forcément utilisé ».

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Netflix, c’est un site de rencontres

L’Internet TV ou la fin de la tyrannie de la programmation : les grandes chaînes de la télévision traditionnelle organisent leur grille de programmes autour de rendez-vous à heure fixe (y compris le fameux prime-time) avec des titres susceptibles d’attirer le plus grand nombre. Elles s’engagent dans une course à l’audience dont elles sont en partie dépendantes. Netflix dit ne pas être soumis à ce type de contraintes.

Les Américains peuvent ainsi découvrir une obscure série originale norvégienne, Lilyhammer, ou des documentaires qui n’entreraient pas en temps normal dans la programmation des grandes chaînes télévisées. Le géant de la vidéo à la demande ne cherche pas à attirer une audience massive sur chaque titre, « mais plutôt la bonne audience au bon moment, c’est-à-dire le titre qui convient le mieux au téléspectateur, quand il le préfère ».

« Nous sommes comme un site de rencontre, mais un site de rencontre entre des utilisateurs et des films ».

Cette liberté permet, selon Netflix, de proposer « un meilleur storytelling, avec de nouveaux formats, notamment en termes de durée et de visionnage des programmes ». Comme les chapitres d’un livre ne font pas tous le même nombre de pages, une série peut avoir des épisodes de durées variées.

Des séries comme House of Cards ou Marco Polo, dont tous les épisodes sortent le même jour, s’envisagent plus comme des films courant sur une dizaine d’heures que des épisodes individuels d’une heure, alimentant ainsi le nouveau binge viewing.

La TV traditionnelle n’est qu’une commodité

La TV par Internet ou la consécration de la personnalisation : « la télé classique c’est comme le gaz ou l’électricité, une denrée banale pour tous ». Netflix met l’accent sur le fait qu’il y a autant de chaînes sur sa plateforme qu’il y aura d’utilisateurs.

La TV de demain sera une TV personnalisée à l’image d’un iPad : l’utilisateur y choisira sa programmation comme il sélectionne les applications sur sa tablette. Une tendance qui s’observe d’ores et déjà avec les dégroupages progressives des offres TV : les téléspectateurs ne veulent plus payer pour un contenu qu’ils ne regarderont jamais.

D’où l’importance pour Netflix de cerner au mieux les attentes de ses utilisateurs. Si son algorithme est responsable de plus de 70% des films et séries TV visionnées, Netflix se sert également de la data pour choisir ses prochaines productions originales.

Enfin, la TV par Internet c’est une meilleure qualité d’images : le 12 décembre, sortira mondialement, sa nouvelle série Marco Polo en … 4K ! Une Ultra-HD augmentée de technologies HDR (high dynamic range), HFR (high frame rate) et un travail approfondi sur les couleurs et la profondeur de champs pour immerger davantage les téléspectateurs. On apprenait le même jour que la 3ème saison de House of Cards serait diffusée le 27 février prochain.

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La France, plus engagée !

Pour sa 1ère prise de parole publique à Paris depuis son lancement français le 15 septembre, Netflix dit avoir noté « un engagement supérieur aux précédentes implantations »,  mais se garde bien de donner des chiffres. Les séries les plus populaires dans l’Hexagone sont, pour l’instant, Orange is the New Black, Breaking Bad, Walking Dead, Suits.

Netflix compte désormais aussi beaucoup sur les box des opérateurs (Orange, Bouygues, SFR) pour accélérer son déploiement sur le marché français.

Bataille pour l'UX

L’objectif pour Netflix est clair : accélérer son expansion internationale pour avoir une base d’utilisateurs à 80% hors US, sachant qu’aujourd’hui 37 des 53 millions d’utilisateurs actuels sont américains.

A terme, prédit Netflix, si la télévision par Internet s’imposera, la diffusion linéaire y subsistera en se resserrant probablement autour de grands évènements en direct comme les élections, les compétitions sportives, ou les performances artistiques. Le reste sera surtout une affaire de « bataille pour l’expérience utilisateur » avec les FAI, Google et autre géants et les constructeurs, ajoute Evers.

A suivre !