TV : « gap générationnel » probablement irrécupérable, selon le régulateur britannique

Par Barbara Chazelle, France Télévisions, Directions Stratégie et Prospective

Dans son rapport publié ce lundi, le régulateur britannique de l'audiovisuel pointe un "gap générationnel" au sein du public et s'alarme de la désertion des jeunes qui tournent le dos à la TV et à la radio au profit de services en ligne comme Facebook.

L'Ofcom prône des réformes pour assurer la bonne santé du service public, dont il salue toutefois la qualité du travail, malgré la baisse des audiences et des investissements dans les programmes.

Audience : la cible jeune sera difficile à reconquérir

Le temps passé à regarder la télévision est tombé à 3h52 min / jour en 2013, soit 9 minutes de moins qu’en 2012. Chez les 16-24 ans, la baisse est plus importante encore : -17 minutes depuis 2010 pour atteindre 2h28 en moyenne l’année dernière.

En cause, l’arrivé de nouveaux services et plateformes nationales et internationales qui offrent aux téléspectateurs une plus grande souplesse dans leur consommation, répondant à de nouveaux usages et envies.

« Le gap générationnel entre les audiences jeune et plus âgée devient de plus en plus important, avec des différences significatives d’opinions, d’attitudes et d’usages envers le service public et la TV de manière générale. (…) Bien que les jeunes aient toujours regardé moins la télévision que leurs aînés, nos recherches montre que la génération connectée regarde de moins en moins la TV, et qu’elle pourrait garder cette habitude en prenant de l’âge. »

Moins de la moitié des « tech natives » (16-30 ans) considèrent désormais la TV comme le source la plus importante de détente ou de divertissement, précise le rapport.

Household take-up of digital com

Obligation pour le service public de se distinguer par des « contenus orignaux, innovants et provocants »

En Grande Bretagne, 78% du public se dit satisfait de l’offre du service public (vs 69% en 2008). Néanmoins, elle apparaît moins distinctive que par le passé. Ce sentiment est particulièrement aigu chez les plus jeunes qui ne feraient plus la différence entre du contenu de service public et l’offre d’autres chaînes.

« Ils pensent qu’un grand nombre d’organisations produisent des contenus ayant les mêmes objets et caractéristiques que ceux du service public », déclare Ofcom.

Certains spectateurs dénoncent même une tendance à « dupliquer des idées de programmes ou de formats qui ont bien marché, éventuellement même au prix de programmes plus orignaux, innovants et provocants. »

Selon Ofcom, le service public a pourtant une carte à jouer, celle de sa capacité à innover et à proposer des contenus créatifs, sans être immédiatement pied et poing lié par une obligation de résultats en terme de recettes publicitaires. De même, d’autres arguments jouent déjà en sa faveur : « images HD, la possibilité donner aux téléspectateurs d’enregistrer facilement les programmes ou de les regarder en différé, la mise à disposition de services de vidéo à la demande sur de nombreux écrans qui permettent au public de profiter d’une télévision de haute qualité d’une manière de plus en plus facile et confortable. » 

Assurer la bonne santé du service public passe certainement par des réformes

Le régulateur britannique s'inquiète par ailleurs de la répercussion qu'a (et qu'aura) la multiplication des canaux de distribution sur les investissements dans les programmes.

« Si le Parlement souhaite toujours voir les contenus de service public atteindre un reach universel et avoir un impact sur l’environnement connecté, il serait sans doute nécessaire de reformer les régulations actuelles et de définir ce que veut signifier l’ "universalité " dans un environnement connecté complexe. »

Ofcom suggère ainsi de donner au service public « davantage de flexibilité dans la possibilité de rendre disponible ses contenus au public, y compris la distribution en ligne, à la demande ou mobile. »

De même, il conseille de rééquilibrer les relations entre le service public et les producteurs et recommande de réfléchir à de nouvelles sources de revenus, comme la mise en place de "fees" de retransmission des chaînes publiques par le câble et le satellite ou d'assouplir les règles qui régissent la pub TV.