Le Congrès Mondial des mobiles 2018 ? Tout le monde a parlé 5G et intelligence artificielle (IA) cette semaine à Barcelone. Mais c’était déjà le cas l’an dernier. Et ces technologies arrivent, ou sont déjà là !
Peu de nouveautés donc (hormis le dernier smart phone de Samsung, proche du précédent, et plus de réalité augmentée), mais beaucoup de discussions, d’interrogations, d’exhortations autour de l’utilisation, d’un partage, voire d’une mise à disposition des montagnes de données que possèdent à la fois les telcos et les géants du web.
Pas d’angélisme ici : les deux secteurs entendent bien connecter les 40% de la population mondiale qui ne le sont pas encore. Mais Etats, gouvernements, organisations internationales savent que ce mouvement ne fera que renforcer leur position dominante dans l’appropriation des données, le nouvel avantage compétitif du siècle, la nouvelle monnaie, le carburant de l’IA.
Si donc étaient publiquement encouragés à Barcelone, des coopérations et des partenariats, voire même des protocoles communs entre administrations et secteurs privés (notamment car personne ne peut seul développer la 5G), la coercition n’était pas non plus exclue en coulisses.
Certains Etats européens, dont la France, qui promeuvent pour eux-mêmes l’open data, examinent la possibilité d’exiger, notamment des GAFA, un accès à des bassins de données jugées d’intérêt général, notamment pour le secteur de la santé, des transports, de l’environnement, …
Des administrations qui commencent aussi à réaliser que seuls les telcos et leurs infrastructures (colonnes vertébrales et voies de l’économie numérique) seront en mesure -- un jour peut-être-- d’être en Europe des contre poids aux géants de la Silicon Valley ou de Chine.
Ils en sont toutefois loin ! Et le pdg du britannique Vodafone, 3ème opérateur mobile mondial, inquiet de la domination des Gafa, paraissait un peu naïf dans sa quête pour une plateforme d’échanges de données entre l’Amérique, l’Europe et l’Asie. A moins qu’il ne soit en avance ! « Les gens ne voient pas assez le bien commun que la société dans son ensemble est en train de produire ».
Make Tech Human Again !
En tous cas, jamais comme cette année n’ont été mis en avant les notions de bien commun, de bien public, d’intérêt général, de réduction des inégalités numériques, de responsabilités sociétales. Jamais les 17 objectifs de développement durables de l’ONU, les fameux « SDG », n’ont été ainsi affichés et surtout revendiqués.
« Nous avons l’opportunité, je dirai même l’obligation, d’utiliser nos réseaux mobiles et nos services pour atteindre les buts des SDG », a assuré Mats Granryd, le directeur général de la GSMA qui fédère les telcos mondiaux.
Le Président de la Banque Mondiale a, pour la première fois, fait le déplacement. Comme la présidente de la Fondation de l’ONU, ou la directrice du Programme Alimentaire Mondial.
Tous ont exhorté les telcos et les GAFA, non pas à la charité, mais à prendre leur responsabilité pour participer au bien commun, à partager leur expertise et à les aider en matière de lobbying pour contribuer aux changements souhaités. Et le cas échéant à rendre accessibles un certain nombre de données.
Dans les cas actuels les plus difficiles (désastres, camps de réfugiés par exemple), à trouver les gens, à amener de la connectivité et à leur donner une voix. Et dans l’avenir, à voir comment trouver ensemble des solutions à l’essor de l’automatisation.
« Plus de 80% des emplois textiles sont menacés par les robots », a averti Jim Yong Kim. « C’est une bombe à retardement social avec des risques de violences, d’extrémismes et de migrations ».
Data for Good
Des initiatives « Big Data for Social Good” et « Big Data for IoT » (extrême pauvreté, santé, environnement, transport, énergie…) ont été amplifiées ou lancées à Barcelone.
Les opérateurs scandinaves ont comme d’habitude pris de l’avance à commencer par le norvégien Telenor qui met en place de vastes programmes d’identité numérique au Pakistan, Bangladesh et Birmanie. L’idée est d’accroître l’inclusion numérique des populations, de favoriser la détection d’épidémies par des données anonymisées et bien sûr à terme d’encourager des systèmes de paiements. « C’est donc aussi un bon business » assure le PDG, Sigve Brekke.
Le suédois Telia rappelle que pour attirer les talents parmi les millenials aujourd’hui il faut donner du sens social la mission de l’entreprise. Au besoin en changeant sa culture. Aujourd’hui, c’est la clé du succès, assure sa DG. Bien au-delà du simple numérique.
Le pdg de Telefonica a donc réclamé « une transformation numérique plus humaine », « des valeurs à écrire autour des données, de la protection de la vie privée, de l’éthique des robots ».
Le japonais NTT DoCoMo a proné une « stratégie de co-création » avec ses partenaires et ses clients et les opérateurs Chinois ont appelé – plus vaguement-- à une conversation mondiale sur ces sujets.
5G et IA, catalyseurs de coopération
La 5G est donc peut être la bonne opportunité de bâtir de nouvelles alliances avec du sens, estiment de nombreux opérateurs. Une 5G avec son potentiel d'hyper-connectivité dopée à l'intelligence artificielle, permettant des prises de décisions plus rapides, la résolution de problèmes inédits et leurs anticipations, des expériences nouvelles contextualisées et personnalisées.
Mais attention, a prévenu Paula Boddington, philosophe du département informatique d’Oxford, 'l'IA est aussi un disrupteur de responsabilité". "Qui sera responsable quand l'ordinateur aura dit non ? "
« Ce ne sont pas les technologies qui changent le monde, ce sont les humains », avait pourtant lancé Samsung à l’ouverture du Congrès.
Nous n'en sommes qu'au début ! A suivre donc. De près !