Au festival Futur.e.s, les acteurs de la tech misent sur l'innovation durable

Par Laure Delmoly, France Télévisions, MediaLab

Après une course à l’innovation effrénée ces trente dernières années, l’heure est aux premiers bilans. Lors de la restitution de la Cartographie des tendances 2019-2020 réalisée par Cap Digital au festival Futur.e.s qui s’est déroulé du 13 au 14 juin à la Manufacture des Gobelins à Paris, l’enthousiasme est toujours réel mais le discours sur le numérique a évolué. L’objectif : tirer les leçons du passé pour rectifier le tir et innover durablement. 

Un discours nuancé sur l’innovation

Panne de la démocratie, inégalités sociales, fracture territoriale, le numérique n’a pas tenu toutes ses promesses et les limites du monde actuel sont devant nous.

La cohésion de notre société est menacée. La reproduction de cette fragmentation dans l’univers numérique est inquiétante. Si les grandes plateformes sociales ont réussi à mettre en contact leurs utilisateurs, on se rend bien compte que l’intérêt collectif n’est pas la somme des intérêts individuels. Le débat démocratique est impossible sur des plateformes qui n’ont pas été conçues à cet effet. Les outils numériques actuels ne permettent pas une communication ouverte et construite nécessaire à tout débat public.

La transformation du monde du travail a créé des tensions et de la précarité via la fragmentation des tâches et l’automatisation. La révolution numérique dans les entreprises conduit les salariés à questionner leur rapport au travail quand les seniors et les classes populaires souffrent d’illettrisme électronique.

Enfin, la prise de conscience sur l’urgence climatique est réelle. Les ressources du monde actuel sont limitées et les dégradations sont irréversibles. Certains professionnels de l’innovation plaident coupable notamment dans l’industrie de la Foodtech.

Faire preuve d’agilité et réessayer

Que faire face à ce bilan critique ? Continuer à innover tout azimut ou s’arrêter pour diagnostiquer nos erreurs et rectifier le tir ? Les acteurs de la tech gardent l’esprit agile et travaillent le "soft power du changement". Il ne s’agit plus d’innover en se basant sur les valeurs de la société capitaliste ("faire plus") mais de se concentrer sur les usages ("faire mieux").

Paul Le, fondateur de la belle vie, Start-up de la Foodtech, a pris la mesure des ravages causés par les emballages de livraison et travaille déjà sur des processus de stérilisation.  “Pour procéder à ces améliorations, nous avons regardé de près les retours de nos utilisateurs.”

Les professionnels des médias cherchent à regagner la confiance des citoyens via l’éducation aux médias, la lutte contre les fake news et les deep fakes. Les médias vont à la rencontre des jeunes pour co-construire l’information avec eux. L’heure est au dialogue entre le client et ses utilisateurs et entre les différents métiers pour trouver des solutions. Ce n’est qu’à travers l’interdisciplinarité que peut émerger un changement vertueux.

Les Civic Tech travaillent sur des outils numériques adaptés pour faire émerger un “nous collectif” et remettre ainsi le débat au cœur de l’espace public. Ce “nous collectif” se définit par la densité des liens qui le composent. Pour ce, toute initiative en ligne doit être couplée avec des événements réels.

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"Remettre l’humain au cœur de la Tech"

L’innovation passe par l’Humain et le lien social. Le risque des cellules innovation dans les grands groupes serait de fonctionner en vase clos pour avancer vite. Mais il ne suffit pas d’avoir une locomotive hyper innovante. Il faut que le train suive. Les salariés doivent pouvoir s’approprier les outils numériques avec leur intelligence créative pour refaçonner leur travail. Pour cela, il faut les former aux nouveaux outils et aux nouvelles méthodes.

Julie Jouvencel, Chief Customer Success Officer chez Coding days, forme des "compreneurs" afin d'accompagner la transformation numérique des grandes entreprises. "C’est en formant les gens aux nouveaux outils qu’on gagne leur confiance", explique-t-elle. Et Barbara Chazelle de France Télévisions d'appuyer le propos en citant Rachel Botsman : "La confiance est la nouvelle monnaie du XXIe siècle".

Le numériquel n’est plus une fin en soi mais un moyen pour innover durablement. Nous passons d’une économie du bien à un écosystème de l’usage. Aujourd’hui, l’émergence de solutions vertueuses suppose que les usages viennent soutenir des modèles économiques encore fragiles. Mais, bonne nouvelle, les citoyens ont pris conscience de l’impact de leurs choix individuels et n’hésitent pas à le mettre en récit pour le partager en ligne. Ainsi, les choix responsables pourront jouer un rôle de catalyseur de changement collectif. L’innovation numérique a encore de belles années devant elle !