Edinburgh TV Festival 2021 : les plateformes de streaming gagneront-elles la course à la diversité grâce aux contenus locaux ?

Par Kati Bremme, Direction de l’Innovation et de la Prospective, France Télévisions 

Longtemps considérés comme l’un des derniers bastions des télévisions de service public, les contenus « locaux » fabriqués et diffusés localement, revendiquant leur « britishness », attirent désormais les géants du streaming. A l’occasion de l’édition 2021 du festival de TV d’Edimbourg, Amazon, Netflix, YouTube ou encore ViacomCBS ont tous manifesté un intérêt grandissant pour les talents locaux indépendants dans la perspective d'enrichir leur catalogue de contenus, en y voyant aussi le moyen approprié pour répondre à un besoin de diversité et d’inclusivité de tout genre. Si ces formats locaux fabriqués dans un marché européen de plus en plus encombré peuvent s'exporter à l'international, c'est bien-sûr encore mieux. 

Alors que l'année 2020 nous avait apporté la révolution Zoom, l'Edinburgh TV Festival 2021 de la « renaissance créative » fut marqué par un mélange de panels en ligne et de sessions en studio, avec un public 100% en ligne, un programme allégé par rapport aux précédentes éditions, une résonance étonnamment faible sur les réseaux sociaux et des invités quelque peu frustrés d’un manque d’interaction, d’inspiration et d’illumination. Comme chaque année, c’est la MacTaggart Lecture, le coup de projecteur qui donne le ton du festival. Cette année, après #MeToo et #BlackLivesMatter, un autre groupe sous-représenté devant et derrière les écrans était à l’honneur : les personnes handicapées, magnifiquement mises en valeur par le scénariste Jack Thorne dans un discours captivant, cathartique et sismique, qui examine les changements nécessaires dans le secteur audiovisuel pour garantir l'accessibilité et l'équité pour tous.

Pandémie mondiale oblige, le festival s'est aussi penché sur les conditions de travail dans ce "New Normal". La table ronde "One Leaves Every Minute" met en avant le manque d'équilibre entre vie professionnelle et vie privée et, plus particulièrement, sur les obstacles qui empêchent tant de mères de retourner au travail après avoir eu des enfants. Amazon, BBC, Sky, Channel 4, BFI ont signé une charte historique pour améliorer la vie professionnelle des indépendants de la télévision au Royaume-Uni.

Inclusivité, bataille autour des talents locaux, écoresponsabilité, modèles économiques et meilleures conditions de travail pour les créateurs indépendants, voici un résumé de 4 jours de festival finalement "pas très télé" : 

Global goes local goes global

52 % des ménages britanniques sont abonnés à Netflix et 29 des 30 émissions les plus regardées par les services d'abonnement au premier trimestre 2021 étaient diffusées par le géant du streaming. Pour la première fois, la clientèle de Netflix dépasse celle des fournisseurs de télévision payante du Royaume-Uni. Media Nations 2021, l'étude annuelle des habitudes télévisuelles des Britanniques réalisée par le régulateur des médias Ofcom, révèle que les quatre programmes les plus populaires dans le pays ont été produits au Royaume-Uni - "Bridgerton", "The Dig", "Behind her Eyes" et "Fate : The Wynx Saga". "Bridgerton", en particulier, a connu un succès retentissant, avec 8,2 millions de foyers qui l'ont regardé à la fin du mois de mars 2021, ce qui en fait le titre de Netflix ayant atteint le plus haut niveau d'audience au cours de ce trimestre

La pression s’est d’abord ressentie sur la fiction, avec des plateformes globales aux budgets astronomiques qui attirent les talents des blockbusters. Elle est passée par les documentaires nature avec l’icône de la BBC, David Attenborough, qui s'affiche dans "Our Planet" sur Netflix. La concurrence arrive aujourd’hui dans un autre domaine pour lequel la BBC réclamait le monopole : la capacité à réunir la nation, notamment autour des événement sportifs majeurs, comme les JO désormais partagés avec Discovery.

Netflix a d'ailleurs parlé de son approche "U.K. out" de la programmation locale, qui consiste à servir d'abord les abonnés britanniques, mais avec une perspective mondiale. Entre-temps, Netflix a triplé sa production au Royaume-Uni, comme l'a révélé Anne Mensah,VP Original Series, tandis que Fiona Lamptey, director of U.K. features, a déclaré que le streamer ne fait pas de "coup d'éclat" sur les meilleurs talents.

Même si Channel 5 (ViacomCBS) déclare qu'il ne fera plus d'émissions sur le Yorkshire, le contenu "british" attire l'ensemble des grandes plateformes de streaming. Luke Hyams, Head of Originals chez YouTube EMEA a constaté que la pandémie a incité la plateforme à se concentrer sur les contenus et les voix britanniques. Soucieux de s’éloigner de la simple "street culture", YouTube se concentre désormais sur les contenus "intelligents et ambitieux capables de générer un impact" et de traiter des problématiques d’injustice raciale et de la crise de la santé mentale, tout en "faisant les gens se sentir bien".

Ben Frow, responsable du contenu de ViacomCBS Networks UK, s'est engagé à commander du contenu local pour le prochain service SVOD de la société, Paramount+, qui devrait être lancé au Royaume-Uni en 2022. L'offre de contenu comprendra aussi des fictions et des documentaires originaux haut de gamme locaux en "faisant appel au secteur indépendant en plein essor du Royaume-Uni pour qu'il présente des séries ayant une résonance britannique et un attrait mondial", confirmant que l'entreprise disposait d'un budget dédié pour investir dans du contenu local de qualité.

Disney+, de son côté, affiche une position résolument globale : "Nous sommes un service mondial, nous voulons des droits mondiaux". La majorité des bureaux locaux ne souhaite pas commander des versions locales de contenus existants sur leur plateforme ou que les téléspectateurs auront vus sur d'autres chaînes.

Jennifer Salke, Head of Amazon Studios (qui a exprimé son regret de ne pas avoir pu négocier l'acquisition de "Mare of Easttown"), a détaillé sa stratégie internationale basée sur les artistes locaux et des équipes décentralisées : "Ce que nous avons décidé de faire, c'est de donner vraiment du pouvoir à ces équipes locales", a-t-elle déclaré. "Nous le faisons depuis le début. La pire chose que nous puissions faire est de tout faire passer par la même recette. Nous devons compter sur nos équipes sur le terrain, qui perpétuent la culture d'Amazon Studios et sont le foyer des talents."

Georgia Brown, directrice des programmes originaux européens d'Amazon et présidente consultative du festival pour 2021, parle de son intention de renforcer sa gamme de films et d'investir dans des talents locaux et diversifiés. Elle cite notamment l'investissement dans des titres en langue locale, comme "Le Bal Des Folles", le prochain film de Mélanie Laurent, comme un exemple de l'effort d'Amazon en matière de contenu local. Ce projet de roman policier est le premier film original français de la plateforme.

L'équipe autour de Dan Grabiner, directeur de UK Originals chez Amazon Studios depuis juin dernier, s'est réunie pour la première fois en physique sur le plateau d'Edimbourg. Pour sa première sortie publique depuis qu'il a été nommé, Grabiner détaille sa stratégie en 3 volets : 1 - des contenus fabriqués au UK pour des audiences en Grande-Bretagne, 2 - la qualité avant la quantité (une dizaine de contenus), 3 - une certaine folie, de la surprise. Avec un succès mesuré par le nombre d'abonnements, le buzz, le visionnage complet et le recommandation.

La recette du succès pour Grabiner est simple : "le plus nous sommes 'british" le plus nous avons un succès global". "Britishness is part of the global appeal".

La Grande-Bretagne, ce n'est pas que Londres

L'équipe de "Good Omens", Neil Gaiman et Douglas Mackinnon, parle du boom de la production en Ecosse devant des producteurs étonnés à Los Angeles face à ce nouveau territoire. "Ils sont partis ensuite en essayant de comprendre où se trouvait l'Écosse", commente Mackinnon. Finalement, c'est en Ecosse que sera potentiellement tournée la série Amazon "Lord of the Rings".

De la BBC à Amazon, tous soulignent l'importance de sortir du "M25" (l'autoroute qui entoure le Grand Londres). Georgina Brown affirme que "nous avons beaucoup parlé d'investir très fortement au Royaume-Uni et nous allons continuer à le faire". "C'est un endroit qui, je pense, abrite certains des talents les plus remarquables et je suis tout simplement ravie que la production vienne ici."

Cependant, pour la BBC, cette prétention à la pertinence locale reste du simple affichage. Charlotte Moore, directrice des contenus de la BBC, met en avant que ces contenus sont fabriqués en Grande-Bretagne et se déroulent en Grande-Bretagne, mais ne sont pas "britanniques". Contrairement aux plateformes de streaming globales, le service public anglais cible une audience locale et serait donc le plus approprié en termes d'information et de programmes de proximité. Reste à trouver de nouveaux indicateurs pour mesurer la "britishness" d'un programme. Une argumentation soulignée par Hannes Heyelmann, vice-président de la programmation EMEA de WarnerMedia, qui confirme qu'"il est peu probable que WarnerMedia acquière un titre hyper-local et le diffuse sous licence sur tous les marchés de l'entreprise, car tous les titres ne peuvent pas être un succès mondial".

Et en effet, la première préoccupation des plateformes de streaming reste de pouvoir exporter les contenus locaux à une audience mondiale. Et cela même sur les formats dont on n'aurait jamais cru qu'ils s'adaptent à l'international.

L'humour s'exporte mieux que prévu

Traditionnellement, la comédie ne voyage pas. Mais avec "LOL Last One Laughing", qui rassemble des comédiens régionaux à travers les pays, Amazon a réussi l'exploit d'exporter l'humour allemand en Italie.

Jeudi, Tiktok a d'ailleurs lancé une campagne avec Ant & Dec, "les rois incontestables du divertissement britannique". "Nous sommes fiers de travailler avec eux sur cette campagne", déclare James Rothwell, responsable marketing EMEA de TikTok.

La lente disparition des formats et genres

Dans cette bataille de contenus, les lignes entre les différents formats et genres s'estompent de plus en plus. Les responsables de programmes mettent en avant la recherche de talent plus que la recherche d'un format spécifique. Chez Amazon, il n'y a plus de division de genres. On navigue désormais dans un océan de contenus, "tout nouveau", "pas sûr", "unique", "dirigé par des talents", "histoires personnelles", "raconté différemment", "nouvelle tournure", "no clean fit"où des célébrités deviennent des spécialistes de tout (et n'importe quoi).

Dans le monde des formats, les possibilités sont infinies. Il existe un format pour chaque chose, avec la conviction que ces formats transcendent les frontières et peuvent être localisés avec succès pour un coût inférieur à celui d'un budget de recherche et développement. "I like the way you move" sur BBC3 se veut la rencontre de la réalité et de la danse. Mais cette quête du talent et de l'originalité au-dessus de tout va peut-être trop loin : lorsque l'on fait passer le talent en premier dans un projet pour obtenir le feu vert, on rend probablement beaucoup plus difficile l'exportation du format à l'échelle internationale.

 

View this post on Instagram

 

A post shared by Jamie Laing (@jamielaing)

Des partenariats pour survivre

Seul moyen pour la BBC de survivre dans la bataille contre les géants du streaming: se partager les talents intelligemment dans des co-productions, et même s’afficher unis dans le combat pour plus de diversité. La BBC a en effet annoncé qu'elle s'était associée à Netflix dans le cadre d'une initiative quinquennale visant à développer et à financer de nouvelles fictions mettant en scène des créateurs handicapés, devant et derrière la caméra.

Le service publique britannique et la plateforme mondiale "prendront en considération les projets des producteurs britanniques qui ont été créés ou co-créés par des auteurs qui s'identifient comme sourds, handicapés et/ou neurodivergents". La BBC et Netflix mettront à la disposition des producteurs un webinaire et un briefing créatif pour présenter les grandes lignes du processus. Les deux sociétés évalueront conjointement les propositions, mais la BBC servira de point d'entrée pour les soumissions.

Une industrie toujours handicapée par un manque de diversité

Tan France, de "Queer Eye", a choqué tout le monde en affirmant que "la diversité à la télévision britannique est à des années-lumière de celle de l'industrie américaine". En effet, pour la représentativité des genres et des races, nous sommes aujourd'hui plutôt dans une problématique de "tokenisme". Mais "la télévision a laissé tomber les personnes handicapées, complètement et totalement", déclare Jack Thorne lors de la conférence MacTaggart 2021. Depuis 1976, cette lecture à l'honneur du producteur écossais James Mac Taggart est de plus en plus au cœur du festival.

Un rapport de l'UER avait constaté en juin 2021 les progrès fait en termes d’inclusivité, 53% des médias de service public ont déjà mis en oeuvre au moins une politiques DE&I (Diversity, Equity & Inclusion) au sein de leur organisation ou dans la production de leurs programmes originaux. Ce même rapport a cependant révélé un oublié de la stratégie de représentativité : le handicap. Parmi les membres de l'UER ayant pu partager des statistiques à ce sujet, la part de personnel handicapé va de 1,7% en Bulgarie et République Tchèque à 10% au Royaume-Uni.

Jack Thorne souligne dans sa lecture l'importance de la télévision, cette "empathy box", qui nous aide à trouver notre place dans le monde. Cette année de covid nous aurait rappelé la "forgotten diversity", avec des handicapés qui ont été sacrifiés dans la lutte contre la pandémie (60% des morts en Grande-Bretagne). Rendre plus visibles ces 20% de la population semble un enjeu primordial. "Avec un fonds dédié, nous pouvons rendre chaque espace accessible et créer des règles pour la construction d'autres espaces", déclare Thorne. "Pas seulement à l'intérieur des studios, mais aussi à l'extérieur. Ce fonds nous coûtera relativement peu en tant qu'industrie et fera pourtant une énorme différence pour obtenir ces pourcentages dans les coulisses."

Pour la BBC, l'enjeu de représentativité n'est pas un objectif à court terme. Charlotte Moore affirme que "c'est un jonglage constant, mais c'est la croissance créative que je veux voir parce que nous ne sommes pas motivés par des raisons commerciales, nous sommes en fait motivés par notre publicIl est vraiment important que nous dépensions bien notre argent dans un monde qui change", déclare-t-elle. "Il ne s'agit pas seulement d'une soirée donnée, mais de l'impact sur la durée".

De PSB à PSM - la télé publique en quête du modèle économique gagnant

Le "Public Service Broadcaster" poursuit sa transformation en "Public Service Media" - avec des allers-retours. BBC3 repasse à l'antenne et Channel 4 serait à vendre. La télévision est morte, vive les streamers et les plateformes de médias sociaux - c'est un mantra que l'on répète sans cesse lorsque l'on parle des consommateurs de contenu âgés de 16 à 34 ans. Mais en mars 2021, la BBC a annoncé que BBC Three revient à l'antenne en 2022, plus de cinq ans après avoir été déplacée sur le web. La plateforme à l'origine d'émissions telles que "Fleabag" et "Killing Eve" se voit doubler son budget de programmation au cours des deux prochaines années pour tenter de s'assurer l'audience des jeunes. Charlotte Moore explique cette décision : "Le linéaire est en déclin et la VOD est en croissance, mais les SVOD feraient tout pour avoir l'impact que nous avons et atteindre ces audiences sur une base quotidienne."

Le ministre des médias et des données du gouvernement britannique, John Whittingdale, s'est battu avec les professionnels de la télévision britannique sur l'avenir de Channel 4. Réitérant ses explications précédentes sur la volonté de vendre la chaîne, John Whittingdale a fait référence à l'évolution du marché de la télévision et à la compression des revenus publicitaires, ce qui signifie que Channel 4 ne peut être maintenue dans son modèle économique actuel. Le dramaturge James Graham ("Brexit : An Uncivil War") a rétorqué que la privatisation de Channel 4 diminuerait sa production "idiosyncratique". Pour le patron de Channel 4 Content, Ian Katz, "ce qui est spécial à propos de la chaîne serait détruit".

Coté BBC on ajoute que "la compétition est importante pour la créativité" et que la BBC "ne peut pas tout faire toute seule" (c'est-à-dire soutenir les créatifs indépendants locaux). Le panel conclut sur le constat que" la migration de Channel 4 vers un service de streaming avec un modèle d'abonnement est logique. La BBC suivra probablement la même voie dans 5 à 10 ans".

Une télé responsable

L'écoresponsabilité est au centre des préoccupations et plusieurs radiodiffuseurs ont contribué à une série de courts métrages, projetés entre les sessions, montrant l'effet positif que la télévision peut avoir en termes de lutte contre la crise climatique. Greta Thunberg, militante du climat de renommée internationale, et Jo Nesbø, écrivain, ont pris la parole dans le cadre de la conférence Worldview. Les deux personnalités ont discuté de la responsabilité du secteur de la création à l'égard de la durabilité et d'un avenir plus vert, de la nécessité de mettre l'accent sur le rôle du conteur pour mettre en lumière la crise climatique et de la manière dont nous pouvons tous contribuer au changement. Greta Thunberg estime qu'il y a un "grand manque de narration lorsqu'il s'agit de la crise climatique" et exhorte les décideurs des industries du cinéma et de la télévision à soutenir les auteurs désireux de s'attaquer à ce problème.

Elle a déclaré que de nombreuses histoires qui ont abordé la situation climatique actuelle ont été largement axées sur des événements se déroulant dans un avenir lointain et dystopique, citant le film "The Day After Tomorrow". "Nous ne pouvons pas nous contenter de raconter ces histoires parce que [le changement climatique] ne se situe pas dans le futur, déclare GretaThunberg avant d'ajouter : "J'ai entendu de nombreux créatifs qui ont plus ou moins peur d'écrire sur la crise climatique, mais je pense que nous devrions simplement dire la vérité telle qu'elle est."

Que veut le public ?

L'humoriste London Hughes a critiqué l'approche "performative" de la télévision britannique en matière de diversité, qui, selon elle, est régie par une éthique à partir de laquelle le public blanc ne "comprendra" pas les émissions dirigées par des Noirs. Lors d'une conversation avec Tan France dans le cadre de la session "Alternative MacTaggart" du Festival d'Edimbourg, London Hughes a déclaré que le Royaume-Uni était "dégoûtamment loin derrière" les Etats-Unis dans son approche de la diversité et a critiqué l'initiative "Black to Front" de Channel 4 comme étant "symbolique". "Channel 4 a le cœur bien placé... mais si vous voulez engager des talents noirs, faites-le, tout simplement", a-t-elle déclaré. "Virez les gens qui pensent qu'ils peuvent s'en tirer en commandant des émissions entièrement blanches. Ne vous contentez pas d'inventer des stratagèmes pour qu'il y ait une journée noire le temps d'une journée et que tout redevienne normal. Les responsables doivent faire plus et je ne pense pas qu'ils le fassent." Hughes, qui joue dans la prochaine saison de HBO de Perfect Strangers, a déclaré que les cadres de la télévision britannique sont tellement ancrés dans l'idée que "les meilleures personnes pour le travail sont les Blancs" qu'ils considèrent les créatifs noirs comme "noirs d'abord et un talent ensuite".

En pleine quête d'inclusivité, une enquête a montré que le secteur de la télévision est beaucoup plus "woke" que son public. Dans un sondage national, réalisé par Ipsos pour le Policy Institute du King's College de Londres, 62 % des personnes interrogées sont d'accord pour dire que "le politiquement correct est allé trop loin", mais seulement 19 % des délégués du festival partagent cette opinion. Inaya Iman, journaliste à GB News, comprend cette affirmation : "Si vous ne regardez qu'à travers le prisme de l'identité, vous allez avoir un spectre étroit d'opinions et d'idéologies. Nous devrions éviter de cocher une case, mais voir les gens dans la plénitude de ce qu'ils sont, et non dans la catégorie qu'ils cochent". 63% des professionnels de l'industrie de la télévision considèrent l'Empire britannique comme quelque chose dont il faut avoir honte, contre seulement 23% du public. Une inversion des valeurs tout à fait consternante entre professionnels de l'industrie et leur public qu'il s'agira d'attenuer à la fois dans les contenus et les équipes.

Tout le monde est d'accord pour dire que l'industrie audiovisuelle doit changer. Mais réfléchissons sur la bonne façon de changer, sans sombrer dans le symbolisme. Whoopi Goldberg, invitée star de la session 2021, résume bien le problème : "Lentement, les choses changent. Elles ne changent jamais assez vite pour les personnes impliquées dans le changement, mais pour les personnes qui viendront après moi, ce sera mieux pour elles." C'est peut être là que le service public peut marquer la différence avec les plateformes de streaming.

 

Illustration : capture de la session “Dominic Cummings in conversation with Boris Johnson: Why is Telly so Sh*t“, ITV