Médias et Climat, Changement, Crise ou Catastrophe ? – Cahier de Tendances #21

Médias et Climat, la dystopie qui devient réalité

Kati Bremme, directrice Innovation & Prospective, Méta-Media, MediaLab de l’Information de France Télévisions

Le dilemme climatique des médias commence par le vocabulaire : changement, crise ou catastrophe climatique, quel mot choisir pour décrire les faits ? Le Guardian a publié son lexique du climat, qui affiche clairement la position du journal britannique : « C’est une crise, pas un changement ». Pour Jean-Marc Jancovici, le créateur du bilan carbone, nous ne sommes pas face à une crise, mais bien à une mutation de la société. Si on ne fait rien, « nous allons rôtir ».

Dan Christian Paduret, Unsplash
Dan Christian Paduret, Unsplash

L’année 2019, avant la pandémie mondiale, fut celle de tous les records en termes de climat. Les médias se sont alors enfin posé la question du traitement du climat face à l’incertitude — devenue certitude–  avec l’été le plus chaud jamais mesuré et la commémoration par l’Islande d’un des plus grands glaciers d’Europe désormais disparu de son territoire. La certitude rencontra alors le devoir d’objectivité, voire même d’impartialité anglo-saxonne. 2019 fut aussi l’année qui a vu Greta Thunberg nommée personnage le plus influent de la planète par Time Magazine. Mais 2022 vient déjà de surpasser 2019 comme année la plus chaude, même si nous avons froid en ce moment. Et c’est bien là un autre problème de vocabulaire : la confusion entre météo et climat, qui perturbe le lien de cause à effet.  

La difficile littératie des rédactions, et des publics 

Comment expliquer le changement climatique si ce n’est à coups de photos de glaciers et boules de glaces fondant(e)s ? Face à la complexité du sujet climatique, les médias tendent parfois à le simplifier jusqu’à le caricaturer. Scientifiques du climat et journalistes n’ont ni la même temporalité ni le même vocabulaire. 

Côté science, la recherche sur le climat ne date pas d’hier. En 1856, Eunice Newton Foote, scientifique amateure et célèbre suffragette (pour nommer une des nombreuses femmes rendues invisibles par les hommes), observe qu’« une atmosphère de ce gaz (…) donnerait à notre Terre une température élevée », et les premières grandes études scientifiques sur le réchauffement climatique datent de plus de quarante ans. 

Couverture du Time Magazine, avril 2006
Couverture du Time Magazine, avril 2006

Aujourd’hui, lorsque les chiffres sortent de l’abstraction et que la réalité climatique devient tangible, le climat cesse d’être question scientifique. La façon dont les médias rendent compte du changement climatique est même devenu un domaine d’étude universitaire très actif et dynamique couvrant la fréquence à laquelle les médias traitent du changement, la façon dont cette couverture est présentée et la façon dont elle varie d’un pays à l’autre. La Plateforme Climate Feedback vérifie même les informations diffusées dans les médias

Dès lors que le climat touche tous les éléments de notre société, il sort des rubriques secondaires, et implique désormais une réorganisation des rédactions bien décrite par Wolfgang Blau, co-fondateur de l’Oxford Climate Journalism Network, comme « la plus grande histoire de reconstruction depuis la Deuxième Guerre mondiale », et qui commence dès la formation des journalistes. Comment donner les moyens aux journalistes, et aux publics, de comprendre ? L’impartialité est-elle possible face aux fake news amplifiées par les réseaux sociaux ? Doit-on donner la parole aux climatosceptiques sur les plateaux télé ?  

Pourquoi sommes-nous vulnérables face à ce sujet ? 

Le climat est peut-être un des sujets qui suscitent le plus de fausses informations sur les réseaux sociaux, niant l’ampleur du réchauffement climatique en cours, ses implications ou son origine humaine. Moins qu’un déni (comme c’est le cas aux États-Unis), les fake news sur le climat en France tendent souvent à relativiser le changement climatique en cours ou à diminuer l’ampleur des changements nécessaires pour traiter la crise climatique.

Le sociologue Gérard Bronner, a décrit la « dérégulation du marché de l’information » qui se caractérise par une multiplication des sources d’information et par conséquent par une diffusion facilitée de fake-news, notamment sur l’état du climat. De nombreuses recherches en psychologie montrent que nous sommes non seulement tous vulnérables face à ces fausses informations mais qu’elles représentent aussi un des freins majeurs à l’engagement dans des actions permettant d’atténuer le changement climatique. Comprendre à quelles fins sont utilisées les fake news autour du climat est alors essentiel. 

S’agit-il tout simplement d’un mécanisme de protection pour éviter l’angoisse de la catastrophe et « l’inconfortable contradiction entre nos comportements et l’urgence climatique », comme le décrit Pierre André, doctorant en philosophie, dans le magazine Le Un consacré au climat, ou s’agit-il d’un agenda politique conscient allant à l’encontre de toute notion de justice climatique ? Pour Nicole de Almeida , « le climatoscepticisme est une prime à l’inertie » et profite à ceux qui ne veulent pas changer. 

Les réseaux sociaux, amplificateurs du bruit… 

Facebook, Twitter et TikTok cultivent – et se nourrissent – d’une défiance nouvelle à l’égard de la communauté scientifique qui s’inscrit dans la crise de confiance envers toutes les institutions. Tout se vaut, tout peut se dire. Grâce aux réseaux sociaux, il y a une « gigantesque conversation qui s’est installée à l’échelle de la planète, où toutes les voix sont enrôlées : la voix des scientifiques, la voix des politiques […] et la voix des jeunes, des femmes. Un effet de boule de neige qui concourt à une cacophonie où tout et son contraire peut se dire », décrit Nicole de Almeida. 

On le sait depuis longtemps : les algorithmes des réseaux sociaux chérissent les informations clivantes, plus encore quand elles sont fausses. Et il est désormais avéré que les réseaux sociaux ne font pas assez pour lutter contre la désinformation sur le climat. Un rapport publié en avril par l’association Avaaz et les branches étatsuniennes des Amis de la Terre et de Greenpeace a analysé les efforts des réseaux sociaux en regardant notamment si les plateformes travaillaient avec des experts pour identifier les fausses informations sur le climat, si elles avaient mis en place une politique claire pour réduire ces contenus, ou encore si elles suspendaient les comptes qui en propagent de manière régulière. Résultat : aucune d’entre elles n’a adopté de politiques suffisamment ambitieuses pour résoudre le problème. Facebook, Pinterest, Twitter, Tiktok et Youtube feraient par ailleurs preuve d’un manque cruel de transparence, et « dissimuleraient » leurs données sur l’ampleur du phénomène.

Illustration KB
Illustration KB

…Mais aussi outil pour se faire entendre 

Selon une étude du Pew Research Center, les utilisateurs de médias sociaux de la Gen Z et les millenials s’intéressent davantage au contenu relatif au changement climatique et y réagissent plus vivement. Parmi les utilisateurs américains de médias sociaux, 45 % des adultes de la génération Z et 40 % des Millennials ont interagi avec du contenu sur les plateformes sociales qui mettait l’accent sur la nécessité d’agir contre le changement climatique en suivant un compte, en aimant ou en commentant une publication, ou en publiant ou en partageant du contenu sur la nécessité d’agir contre le changement climatique. 

Une proportion beaucoup plus faible d’utilisateurs de médias sociaux de la génération X (27 %) et des baby-boomers et plus âgés (21 %) ont interagi avec du contenu sur le changement climatique de l’une de ces manières. TikTok a bien compris que le climat génère de l’engagement auprès de ses utilisateurs et met en avant ses activités green à l’occasion de la COP27. 

Capture d'écran du site de TikTok
Capture d’écran du site de TikTok

Un nouveau Green Deal pour les médias 

Des dizaines de grandes entreprises mondiales — des banques aux poids lourds de l’industrie — ont fait des déclarations audacieuses sur le climat, justifiées par des compensations bon marché en matière d’énergies renouvelables qui ne contrecarrent pas le réchauffement de la planète. Pour les médias audiovisuels, en pleine transformation numérique accélérée entre TV, replay, SVoD, TVoD, BVoD, AVoD, FVoD, HVoD, FAST, VoL, Social Video, Web0, Web1, Web2 et Web3, se pose désormais la question de leur impact écologique. Il y a onze ans, un ingénieur de la BBC a eu l’idée d’enregistrer leur empreinte carbone, et il a conçu la version originale du calculateur de carbone que le label gratuit Albert propose aujourd’hui. 

La prise de conscience climatique des médias ne se transcrit pas seulement dans les contenus, mais aussi dans le contenant, y compris chez les acteurs historiques de l’audiovisuel. Radio France vient d’annoncer son tournant environnemental, et France Télévisions et son partenaire allemand WDR ont lancé en 2021, NOWU, une nouvelle offre digitale interactive pour permettre aux jeunes Européens de devenir acteurs face au défi majeur de demain. Mais à l’opposé de ces initiatives, on trouve aussi de plus en plus de manœuvres de greenwashing autour de l’objectif zéro carbone. « Le blanchiment écologique est le nouveau déni du climat », a déclaré Laurence Tubiana, directrice du groupe philanthropique European Climate Foundation.

Logo de NOWU
Logo de NOWU

La transformation numérique responsable, le dilemme du prisonnier 

Décélération, décroissance, déconnexion – faut-il enlever les smartphones aux jeunes ? Le chercheur Jean-Paul Maréchal a décrit le « dilemme du prisonnier planétaire » : Face à la menace qui se précise et aux signes annonciateurs qui se multiplient, une conclusion s’impose : nous avons tous, collectivement, intérêt à endiguer le dérèglement climatique en cours. Mais une autre évidence s’impose également avec pas moins de force : nous avons tous aussi intérêt, en vue de maximiser notre bien-être à court terme, à perpétuer des habitudes de consommation avides d’énergies fossiles. « Et c’est ainsi que chacun – États et particuliers, riches et pauvres – finit, avec ses excellentes raisons d’homo œconomicus, par être déraisonnable… au plus profond du rationnel »

L’innovation, peut-elle sauver le monde ou est-elle en train de précipiter son déclin ? Même si le réseau cellulaire 5G est vingt fois plus écologique que son prédécesseur – a-t-on pour autant besoin de l’ultra-HD qui nécessite dix fois plus de données que la qualité HD, à savoir 7 000 mégaoctets contre 700 mégaoctets par heure, pour une différence difficilement perceptible à l’œil nu ? 

Le Métavers peut-il être méta-vert ? 

Le Métavers, ou l’avènement d’un Internet 3D temps réel immersif permanent pose plus que jamais la question de l’impact du numérique. Deux rapports du Shift Project et du collectif Green IT estiment que le numérique représentait en 2019 environ 4 % des émissions mondiales de Gaz à Effet de Serre (GES) avec une croissance de presque 6 % par an. À ce niveau d’impact, effacer nos courriels et couper le WiFi ne paraît plus suffisant face aux enjeux, en l’occurrence une baisse de 5 % par an des émissions d’ici 2050. Surtout si l’on ajoute aux émissions (qui constituent 11 % de l’empreinte du numérique en France) l’impact sur les ressources abiotiques (52 % de l’empreinte du numérique en France).

D’un autre côté, la substitution, les jumeaux numériques et les expériences immersives du Métavers pourraient apporter des avantages en termes de durabilité. Si la durabilité environnementale est d’une importance capitale, la durabilité sociale l’est tout autant. En pleine anticipation d’une vague de solastalgie, le Métavers peut-il sauver le monde, à l’instar de l’île de Tuvalu qui vient de se transposer dans sa version virtuelle pour alerter sur la montée du niveau des océans ? Remplacer les biens physiques et les expériences du monde réel, qui consomment beaucoup de ressources, par des alternatives numériques et virtuelles dans le métavers serait-il la solution ? 

Image générée par DALL-E
Image générée par DALL-E

Dans une récente conférence, Le Hub France IA a, de son côté, abordé plusieurs pistes pour une Intelligence Artificielle responsable autour des idées de réduction de taille des données, d’amélioration de la qualité, et surtout de mutualisation et de libre accès pour raisonner leur exploitation. IQM, leader européen de l’informatique quantique, vient aussi de lever 128 millions d’euros pour contribuer à la lutte contre la crise climatique. 

Mais face aux crises qui bouleversent le monde et nos sociétés, la sobriété s’impose : l’eurodéputée et économiste française Aurore Lalucq vient de déclarer qu’en « temps de guerre, l’énergie ne doit pas être gaspillée par les cryptoactifs. Elle doit servir à se chauffer, s’alimenter correctement et maintenir notre tissu productif européen. Après avoir dressé ces priorités, la question du minage est encore très loin sur la liste ». Pour L’écrivain et journaliste Robert Solé, la sobriété relève d’une échelle de 1 à 7 : « mesure, modération, tempérance, frugalité, austérité, abstinence, ascétisme ». Loin d’être une progression dans la souffrance, la sobriété devra plutôt aider à contenir notre écoanxiété pour la remplacer par des solutions. 

Les journalistes peuvent-ils sauver le monde ? Il ne s’agit plus d’ajourner l’incertitude, le changement climatique étant désormais une certitude. Plus personne ne peut en ignorer les conséquences graves et concrètes sur l’environnement, l’économie et la vie humaine. Face aux fake news climatiques sur les réseaux sociaux, chacun doit devenir un peu journaliste et faire son travail d’investigation : recoupement des sources, recherche d’une pluralité des sources. La compréhension que les gens ont du changement climatique étant davantage façonnée par les médias et leur « cacophonie de voix » que par les enquêtes et les efforts systématiques des climatologues, l’action des médias est déterminante. 

Ce cahier s’efforce à analyser le rôle des médias dans le récit climatique, en indiquant des formats et outils disponibles pour faire comprendre et en soulevant, entre autres questions, celle de la possibilité d’une virtualisation responsable de notre monde. 

Un grand merci à tous les collaborateurs ! 

Bonne lecture !

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Les collaborateurs de ce numéro #21 : Olivier Aballain, Wolfgang Blau, Gautier Curtil, Carole Davies-Filleur, Pascal Doucet-Bon, Nicolas Dufrêne, Maxime Efoui-Hess, Hannah Fairfield, Louise Faudeux, Yann Ferguson, Marcus Foth, Fatine Gadri, Gabrielle Halpern, Myriam Hammad, Nick Kelly, Diana Liu, Victor Lepoutre, Hemini Mehta, Léa Nogier, Isya Okoué Métogo, Sophie Roland, Saffron O’Neil, Evarestos Pimplis, Arnaud Vincenti, Philippe-Vion Dury, la rédaction de Vivant le Média, Thomas Wagner.

Image de couverture du Cahier : Jean-Christophe Defline

Lectures d’hiver : nos recommandations pour cet hiver

A l’approche des fêtes de fin d’année, et de cette période souvent propice à la réflexion, Méta-Media vous propose une sélection de livres pour comprendre les effets des nouvelles technologies sur le monde qui nous entoure, et les perspectives qu’elles nous réservent. Bonne lecture, et surtout Bonnes Fêtes! 

Power and Prediction: The Disruptive Economics of Artificial Intelligence, Ajay Agrawal, Joshua Gans and Avi Goldfarb 

Après avoir abordé les aspects économiques de l’IA dans “Prediction Machines”, les économistes Ajay Agrawal, Joshua Gans et Avi Goldfarb racontent la manière dont l’intelligence artificielle peut nous assister dans notre prise de décision. Dans ce deuxième ouvrage, les auteurs rappellent que celle-ci repose sur deux paramètres principaux: la prévision et le jugement. Nous les exécutons ensemble dans notre esprit souvent sans nous en rendre compte.  Dans Power and Prediction: The Disruptive Economics of Artificial Intelligence, les auteurs expliquent comment l’essor de l’IA nous permettrait aujourd’hui de ne plus nous soucier de la prédiction en la laissant à la charge de la machine. Un processus qui permettra une prise de décision plus précise et plus rapide. Les auteurs présentent dans cet ouvrage la manière dont les entreprises pourront tirer parti de ces nouvelles opportunités tout en protégeant leurs positions, et en gardant, on l’espère, quelques restes de capacité d’analyse humaine… 

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I, Human: AI, Automation, and the Quest to Reclaim What Makes Us Unique; Tomas Chamorro-Premuzic

Allons-nous utiliser l’intelligence artificielle pour améliorer notre façon de travailler et de vivre, ou allons-nous la laisser nous aliéner? Une question centrale à laquelle tente de répondre Tomas Chamorro-Premuzic dans cet ouvrage. Sélection de partenaires potentiels dans des applis de rencontres, choix de produits par les retailers, désinformation fournie par des bots… Dans I, Human, l’auteur nous emmène dans un voyage passionnant à travers les différentes utilisations que nous avons de l’IA. Il analyse le potentiel de cette dernière à améliorer nos vies ou à renforcer nos défauts. Rempli d’idées éclairantes sur le comportement humain et notre relation compliquée avec la technologie, I, Human nous conseille pour mieux évoluer dans ce monde où de nombreuses décisions sont prises à notre place. 

à paraître le 28 février 2023 

 

The Future of You: Can Your Identity Survive 21st-Century Technology?, Tracey Fellows 

Dans le futur, combien d’identités aurons-nous? Combien d’identités souhaiterons-nous? La technologie numérique et ses différentes facettes qu’elle propose de notre identité complique l’image que nous avons de nous même. Dans The Future of You, Tracey Fellow explore la manière dont les technologies émergentes, telles que l’IA, révolutionnent la manière dont nous interagissons. Elle explique aussi comment, armé des bonnes connaissances nous pouvons garder le contrôle de notre identité, et utiliser ces différentes technologies à notre avantage.

The Future of You: Can Your Identity Survive 21st-Century Technology? (English Edition) eBook : Follows, Tracey: Amazon.fr: Boutique Kindle

The Chaos Machine: The Inside Story of How Social Media Rewired Our Minds and Our World, Max Fisher 

Nous entendons tous que les réseaux sociaux sont mauvais pour nous, nos enfants, et nos démocraties. Mais selon Max Fisher leur impact est encore plus important que l’on ne le croit. Le grand reporter du New York Times s’est rendu aux quatre coins du monde, pour rendre compte de l’omniprésence des discours de haine sur ces réseaux et leur transformations en actes violents. Il observe que ces actes se sont multipliés jusqu’à leur sombre apogée en Amérique pendant la pandémie, l’élection de 2020 et l’insurrection du Capitole. Ils sont, selon lui, le résultat d’un laisser faire de la part des géants du web, refusant d’intervenir au nom de la défense de la liberté d’expression, mais surtout dans le but de faire des profits. Résultat, démontre Max Fisher : nous vivons dans un monde de plus en plus polarisés.  Une tendance qui ne se base pas sur des faits, mais sur la désinformation, l’indignation et la peur. 

 

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The Future of Media, Edited by Joanna Zylinska with Goldsmiths Media

Si lors d’une discussion au coin du feu, vous vous questionnez sur la place des médias dans notre société, et leur rôle dans notre avenir, lisez The Future of Media. L’ouvrage édité par Joanna Zylinka, professeure de philosophie des médias à l’université King’s College de Londres, s’interroge sur des sujets cruciaux comme comment combattre la post-vérité dans l’actualité, la place des influenceurs face aux journalistes, ou encore les effets de l’IA sur les médias. The Future of Media offre une vision radicale, créative et critique des industries des médias – et de l’actualité internationale. 

The Future of Media: Zylinska, Joanna, Goldsmiths Media: 9781913380144: Amazon.com: Books

Liens vagabonds : La liberté de la presse de plus en plus menacée

A RETENIR CETTE SEMAINE : 

533 journalistes emprisonnés dans le monde, un nouveau record – C’est ce que déplore Reporters Sans Frontières (RSF) dans son bilan annuel paru cette semaine. Le nombre de journalistes tués, porté à 54, est également en hausse, notamment à cause de la guerre en Ukraine. L’Organisation Non Gouvernementale rappelle également que 65 journalistes sont, à ce jour, retenus en otage et 49 autres sont portés disparus. Plus de la moitié des journalistes emprisonnés le sont dans cinq pays principaux: la Chine, reste « le plus grand geôlier de journalistes au monde » avec 110 personnes emprisonnées, suivie du Myanmar (62), de l’Iran (47), du Vietnam (39) et de la Biélorussie (31). La répression des manifestations en Iran a joué un rôle important dans l’augmentation du nombre de journalistes emprisonnés, selon les mots de l’organisation, repris par Al-Jazira.  Parmi les 47 journalistes actuellement emprisonnés en Iran, 34 ont été arrêtés depuis les manifestations qui ont éclaté en septembre à la suite de la mort en détention de Mahsa Amini, 22 ans, arrêtée pour avoir enfreint le code vestimentaire strict du pays. Au sein de ce bilan mondial global, RSF relève un nombre inédit de femmes journalistes emprisonnées, peut-on lire dans La Croix: elles sont 78 (contre 60 l’an passé). « Les femmes journalistes représentent désormais près de 15 % des détenus, contre moins de 7 % il y a cinq ans », selon RSF.

La notion de “liberté d’expression” selon Elon Musk de plus en plus critiquée – Cette semaine fut marquante dans la transformation de Twitter par son nouveau propriétaire. Dès lundi, ce dernier s’est d’abord attelé à dissoudre le Trust and Safety Council du réseau social. Ce groupe composé d’une centaine d’organisation indépendantes, actif depuis 2016, avait pour mission de combattre les discours favorisant, la haine, l’exploitation des enfants, le suicide ou encore l’automutilation, sur la plateforme. Après avoir réactivé plusieurs comptes vus comme extrémistes et bannis de Twitter, Elon Musk s’est chargé en milieu de semaine de supprimer plusieurs profils allant à l’encontre de ses intérêts et bloque aussi des liens vers Mastodon. D’abord celui qui suivait l’emplacement de son jet privé, puis ceux de six journalistes ayant écrit à propos de ce type de compte ou ayant critiqué ses méthodes de management. Les journalistes concernés sont Ryan Mac du New York Times, Donie O’Sullivan de CNN, Drew Harwell du Washington Post, Micha Lee de The Intercept, Matt Binder de Mashable, Aaron Rupar et Tony Webster. Des suspensions « préoccupantes mais pas surprenantes » selon Kristine Coratti Kelly, porte-parole de CNN. « L’instabilité et la volatilité croissantes de Twitter devraient être une source de préoccupation pour tous ceux qui l’utilisent » selon elle. Ces décisions ont eu de fortes répercussions en Europe. L’Allemagne a mis en garde contre les répercussions sur la liberté de la presse. De son côté, Věra Jourová, vice-présidente de la Commission européenne chargée des valeurs et de la transparence de l’UE, a déclaré que Twitter devait se conformer aux règles de l’Union sous peine de sanctions éventuelles. Pour le MIT Technology Review les successions de décisions controversées du nouveau patron de Twitter, et son implications croissantes dans les discussions de la plateforme signent sa mort cérébrale. Une mort dont le réseau social ne ressuscitera jamais! 

Le NiemanLab prédit le futur du journalisme en 2023 – Comme chaque année le prestigieux institut questionne les personnalités incontournables du métier pour avoir leur point de vue sur les tendances qui marqueront les 12 prochains mois. Parmi les tendances les plus marquantes, Johannes Klingebiel, membre du service innovation du quotidien allemand Süddeutsche Zeitung affirme que bon nombre des problèmes rencontrés par les médias ne sont pas résolus par les grandes entreprises de la Silicon Valley. Les médias ont donc, selon lui, tout intérêt à prendre leurs distances avec elles et prendre leurs problèmes à bras le corps. Pour défendre leur métier face au “media bashing” ambiant, les journalistes devront de plus en plus s’occuper de leurs relations publiques affirme Ayala Panievsky, doctorante spécialisée dans le futur des médias à l’université de Cambridge. Il ne s’agit pas pour les journalistes de redorer leur compte Twitter, mais d’expliquer par des faits et des chiffres précis les tenants et aboutissants de leur métier et l’importance qu’il a dans notre société. Enfin, la journaliste freelance Alex Sujong Laughlin invite les médias a davantage créditer ceux qui collaborent avec les journalistes dans la production de leurs articles et contenus audio ou vidéo. Certes, rappelle-t-elle, le fait de signer un article du nom d’une seule personne valorise cette dernière en donnant l’impression qu’elle est seule garante de la qualité du contenu produit. C’est cependant injuste pour les autres collaborateurs, tout aussi méritants que le journaliste crédité. Cela leur enlève toute preuve du travail accompli, ce qui les bloque souvent dans leur évolution professionnelle. 

Cette semaine en France

3 CHIFFRES

175 – c’est le nombre dossiers déposés dans le cadre de l’appel conjoint CNC et Caisse des dépôts

20 millions de dollars – c’est la levée de fonds réalisée par Nillon pour construire une nouvelle infrastructure Web3

63 % des entreprises s’attendent à ce que les investissements dans l’IA continuent d’augmenter lors des 3 prochaines années, selon The state of AI in 2022, publié par McKinsey

LE GRAPHIQUE DE LA SEMAINE

Répartition des revenus des quatre entreprises les plus précieuses du monde #amazon #apple #microsoft #google

NOS MEILLEURES LECTURES / DIGNES DE VOTRE TEMPS / LONG READ

TENDANCES / PRÉDICTIONS 2023

Prédictions pour le journalisme en 2023 par Journalism.co.uk:

DISRUPTION, DISLOCATION, MONDIALISATION

GAFA / BATX

DONNÉES, CONFIANCE, LIBERTÉ DE LA PRESSE, DÉSINFORMATION

STORYTELLING, NOUVEAUX FORMATS

RÉSEAUX SOCIAUX / MESSAGERIES

STREAMING, OTT, SVOD

AUDIO, PODCAST, BORNES

MÉTAVERS, IMMERSION, 360, VR, AR

Web3, BLOCKCHAIN, CRYPTO, NFT

INTELLIGENCE ARTIFICIELLE, DATA, AUTOMATISATION

MONÉTISATION, MODÈLE ÉCONOMIQUE, PUBLICITÉ

OUTILS

ES avec Kati Bremme, Myriam Hammad & Victor Lepoutre 

Sur TikTok, les médias tentent de préserver les jeunes de la désinformation en explorant de nouveaux formats

De plus en plus de jeunes utilisateurs se rendent sur la plateforme pour s’informer. Pour répondre à ce besoin, les journalistes des rédactions du monde entier s’essayent à de nouveaux formats. Leur objectif est notamment de parler à un public plus large et lutter contre la désinformation, rappelle un rapport du Reuters Institute. 

Par Victor Lepoutre, Direction de l’Innovation 

Comment les médias traitent-ils l’actualité sur TikTok? C’est la question à laquelle le Reuters Institute a tenté de répondre dans son Digital News Report 2022, publié le 8 décembre dernier. Aujourd’hui, près de la moitié des médias (49%) publieraient régulièrement sur cette application lancée par l’entreprise chinoise ByteDance en 2018. Une majorité d’entre eux seraient pourtant encore novices, ayant rejoint TikTok dans les 12 derniers mois. De leur côté, les utilisateurs de TikTok sont toujours plus nombreux. Boosté par la crise du Covid et les confinements successifs, la plateforme aurait atteint plus d’un milliard d’utilisateurs actifs mensuels en septembre 2021 selon ses propres chiffres. C’est 45% de plus que l’année précédente.

Les jeunes de la GenZ sont les plus grands adeptes de ce réseau social né dans le but de promouvoir des vidéos divertissantes, créées par ses utilisateurs. Selon le rapport du Reuters Institute, 40% des 18-24 ans utiliseraient l’application de façon régulière… et aujourd’hui 15% d’entre eux se connectent à TikTok dans le but de s’informer. Même tendance chez les 25-34 ans, ils sont 30% à s’y rendre régulièrement et 10% à l’utiliser pour se tenir au courant de l’actualité. 

Quand l’actualité s’invite sur TikTok

Ces dernières années, de grands événements sociétaux et géopolitiques tels que Black Lives Matters, la crise du covid ou plus récemment la guerre en Ukraine ont invité l’actualité sur TikTok. De même, le réseau social a évolué et permet aujourd’hui de diffuser des vidéos plus longues et en direct. Une aubaine pour SkyNews qui a retransmis en direct les funérailles de la reine Elizabeth II en septembre et obtenu 16 millions de vues, propulsant ainsi TikTok au rang des premières plateformes digitales de la chaîne, à égalité avec YouTube. D’autres médias, comme la chaîne publique allemande ARD, ont choisi TikTok pour “transformer leur marque auprès d’un public plus jeune et informer la société dans son ensemble” comme le rappelle Patrick Weinhold, le chargé des réseaux sociaux pour le programme Tagesschau, le journal télévisé de la chaîne. Pour répondre aux codes de la plateforme, Patrick Weinhold à choisi de mêler information et divertissement. Il propose, par exemple, du contenu permettant aux utilisateurs de TikTok de découvrir les coulisses de la rédaction. “Notre image de marque provient d’un cadre télévisuel traditionnel, basé sur un studio. Nous voulions la rendre plus légère, plus interactive et plus personnelle” rappelle-t-il.  

Lutter contre la désinformation

Si les médias sont de plus en plus nombreux à informer sur TikTok, le Reuters Institute rappelle que l’actualité présente sur le réseau social reste largement diffusée par du contenu produit par des influenceurs, des activistes ou d’autres utilisateurs. Un fait qui inquiète sur la qualité de ces informations et la possible présence de désinformation et de fake news. Dans ce cadre, le Washington Post a choisi d’orienter sa stratégie autour du fact-checking. Au début de la guerre en Ukraine, la rédaction a identifié la publication de nombreuses  fausses vidéos. Elle encourage désormais les utilisateurs à tagger le compte quotidien américain afin que l’équipe de fact-checking puisse vérifier l’authenticité des publications. “Nous nous efforçons d’être une figure d’autorité sur la plateforme en aidant les utilisateurs à distinguer le vrai du faux » explique Dave Jorgenson, l’un des premiers journalistes à avoir investi TikTok.

Créatifs, rédacteurs et correspondants: trois approches différentes sur TikTok

Dans leur découverte de TikTok, les médias ont chacun adopté une identité propre dans le contenu qu’ils publient. Le Reuters Institute identifie trois approches principales dans la création de publications TikTok: l’œuvre d’un seul créateur, un effort de groupe au sein de toute une rédaction, et l’existence de comptes propres aux correspondants.

Avoir un seul créateur aux manettes

Donner la responsabilité à un créateur de produire l’ensemble des publications TikTok  permet aux médias de créer un contenu authentique et conforme aux codes de la plateforme. Le défi consiste à trouver un équilibre entre la personnalité du créateur et la marque qu’il tente de représenter. Dans cet exercice, le Washington Post s’illustre à nouveau. Le quotidien avait au départ embauché Dave Jorgenson pour faire des vidéos légères sur Youtube, c’est finalement sur TikTok que celui-ci officie. Grâce à son contenu original, le journaliste a permis au quotidien vieux de 144 ans, d’exister au sein du jeune réseau social. Pour cela, il n’hésite pas à traiter l’information avec humour. A l’occasion d’Halloween, il a par exemple abordé le sujet de la “réduflation”, (tendances qu’ont certaines marques à réduir la taille d’un produit pour minimiser les effets de l’inflation) en questionnant ses conséquences sur la chasse aux bonbons des enfants. Son conseil: “vous devez penser comme quelqu’un qui crée des TikToks, pas comme quelqu’un qui a fait des vidéos pour Facebook ou pour YouTube. Ce réseau social est très spécifique”. 

L’effort de groupe d’une rédaction

Dans certaines rédactions, c’est toute l’équipe qui participe à la production de contenu pour TikTok. La plateforme devient, dans ce cas, un canal de diffusion additionnel. C’est le cas, on l’a vu pour SkyNews qui utilise la plateforme pour diffuser en direct, mais aussi pour Vice World News. Le média, entièrement numérique et présent sur TikTok depuis fin 2021, se concentrait au départ sur la production de vidéos explicatives sur les grands thèmes d’actualité. Mais le début de la guerre en Ukraine a réellement permis au compte de Vice de gagner en visibilité. Dans les premiers jours de l’invasion de l’Ukraine par la Russie, une vidéo d’un correspondant marchant dans les rues de Kiev a récolté 21,6 millions de vues et permis au compte TikTok de Vice World News de décoller. Le reportage sur le terrain a toujours été au centre de l’ADN de Vice, mais la rédaction a su l’adapter au champ d’attention plus court des utilisateurs de TikTok: « Ce à quoi nous pensons la plupart du temps, c’est au plan et à la phrase d’ouverture« , explique Matthew Champion, rédacteur en chef  de Vice en Europe, Afrique et Moyen-Orient. “Nos vidéos explicatives commencent toujours par une question, cela attise la curiosité des gens et ils choisissent de regarder la vidéo”

Les comptes de correspondants 

Si les comptes de journalistes individuels, tels que les correspondants, sont courants sur des plateformes comme Twitter, ils sont relativement rares sur TikTok, rappelle l’étude. Le présentateur de CNN Max Foster a été l’un des premiers journalistes à rejoindre TikTok, dès 2019. Après avoir vu ses enfants s’informer sur la plateforme, le présentateur de la chaîne d’actualité en continu s’est d’abord étonné de trouver autant de jeunes vlogueurs et influenceurs traitant d’actualité. Il s’est aussi alarmé de la mauvaise qualité de l’information qu’ils prodiguaient. Sur TikTok, Max Foster s’est donc donné pour objectif d’informer de manière simple « à la fois sans présumer des connaissances de ses auditeurs, mais aussi en simplifiant sans abrutir explique-t’il. Ainsi, la plupart de ses vidéos sont très courtes et visent souvent à répondre à une question simple. Son dernier succès en date, “que sont devenus les corgis de la reine?” a été visionnée 4,1 millions de fois.  

Les initiatives des médias sur TikTok sont donc diverses et variées, et les créateurs sont unanimes: il n’existe pas de recette miracle pour réussir sur la plateforme. Que la production des publications soit l’œuvre d’une personne ou de toute une rédaction, l’important semble de produire un contenu court, accessible et engageant. L’attention de l’utilisateur doit être captée dès les premières secondes. A l’avenir, le rapport souligne s’attendre à ce que les vidéos TikTok soient plus longues que la moyenne actuelle de 30 à 60 secondes. Ainsi les médias pourront produire un contenu plus complet qui répondra aux besoins de plus en plus nombreux d’un public TikTok de moins en moins jeune. Les médias étant de plus en plus présents sur la plateforme, l’attention des utilisateurs sera également de plus en plus difficile à capter. Les journalistes et les rédactions devront donc faire preuve d’une originalité toujours plus grande en continuant de découvrir et d’explorer de nouveaux formats. Une tendance qui pourrait bien s’appliquer au journalisme dans son ensemble bien au-delà de TikTok et ses vidéos divertissantes. 

 

Photo par Árpád Czapp sur Unsplash

Liens vagabonds : La BBC voit son avenir en ligne

A RETENIR CETTE SEMAINE : 

La BBC se projette dans un futur sans télé ni radio – Lors d’un discours face à la Royal Television Society, Tim Davie, le directeur général de l’organisme audiovisuel public britannique à invité le public à imaginer “un monde qui repose uniquement sur internet”. Il affirme que dans les prochaines années, les chaînes de TV et les radios de la BBC ne devraient plus être diffusées en format linéaire et qu’il fallait donc s’y préparer. Selon la vision du directeur général, les chaînes et stations de radios ne devraient plus émettre sous des noms distincts, mais sous une seule entité celle de la BBC. Tim Davie avait déjà annoncé que les chaînes BBC Four et CBBC seraient prochainement diffusées uniquement sur internet. D’autres chaînes devraient suivre. Pour Tim Davie, le défi sera de ne pas exclure les millions de Britanniques – souvent plus âgés, plus pauvres ou vivant dans des zones rurales – qui ne disposent pas d’une connexion Internet haut débit.

ChatGPT, le nouveau chatbot IA, répond précisément à vos questions (et nous remplacera peut-être bientôt) – Dévoilé par OpenAI, l’entreprise de recherche en intelligence artificielle présidée par Elon Musk, le robot conversationnel Chat GPT fait des émules sur le web.  L’outil s’appuie sur une intelligence artificielle GPT3  qui utilise des algorithmes d’apprentissage automatique nourris avec des millions de textes et conversations disponibles sur Internet. Grâce à cela il est capable d’écrire un scénario de film détaillé, les statuts d’une association, de donner des idées d’amélioration pertinentes pour un ingénieur qui travaillerait chez Twitter, avec des exemples de codes, de tweeter, ou encore de rédiger le discours de bonne année d’Emmanuel Macron en plaçant certains mots. Pourra-t-il un jour remplacer les journalistes? Peu de chances répond l’intéressé: “Il est peu probable que ChatGPT ou tout autre modèle de langage puisse remplacer les journalistes. Les modèles de langage sont entraînés pour générer du texte en fonction d’une instruction donnée, mais ils n’ont pas la capacité de recueillir des informations ou de mener des recherches comme les journalistes. De plus, les modèles de langage n’ont pas le même niveau de pensée critique et de prise de décision que les êtres humains, ils ne peuvent donc pas fournir le même niveau d’analyse et de perspective que les journalistes.” 

Google doit effacer les données erronées des citoyens européens. Une décision qui fait suite à une affaire présentée devant la Cour de Justice de l’Union Européenne, jeudi. Deux gestionnaires d’investissement avaient demandé à Google de déréférencer les résultats d’une recherche effectuée sur la base de leur nom, qui fournissait des liens vers certains articles contenant des affirmations inexactes. La CJUE valide donc le ‘droit à l’oubli’ des internautes européens. Pour espérer la suppression d’un résultat de recherche les personnes devront cependant fournir des preuves suffisantes du caractère inexacte de l’information qui les concerne. “Nous nous félicitons de cette décision, et allons maintenant étudier le texte de la décision de la CJUE« , a déclaré un porte-parole de Google à POLITICO. « Les liens et les images en question ne sont plus disponibles via la recherche web et la recherche d’images ; le contenu en question est hors ligne depuis longtemps. » 

Cette semaine en France

3 CHIFFRES

11$ – ce sera le prix mensuel de l’abonnement à Twitter Blue sur IOS, contre 7$/mois si l’abonnement est acheté depuis le web. Une réponse à la commission de 30% qu’Apple perçoit pour les paiements effectués via son système. 

1 100 – c’est le nombre d’employés du New York Times en grève pendant 24h cette semaine, le premier arrêt de travail de cette ampleur depuis 1981.

2,5 millions de dollars – c’est le montant de l’investissement de Meta dans la recherche académique européenne sur le métavers révélé ce 7 décembre. Cet investissement touchera sept pays européens dont la France. 

LE GRAPHIQUE DE LA SEMAINE

Infographic: The Rapid Rise of Lensa AI | Statista

NOS MEILLEURES LECTURES / DIGNES DE VOTRE TEMPS / LONG READ

DISRUPTION, DISLOCATION, MONDIALISATION

GAFA / BATX

DONNÉES, CONFIANCE, LIBERTÉ DE LA PRESSE, DÉSINFORMATION

LÉGISLATION, RÉGLEMENTATION

JOURNALISME

STORYTELLING, NOUVEAUX FORMATS

Palmy, présentateur marionnette du Los Angeles Times

ENVIRONNEMENT

RÉSEAUX SOCIAUX / MESSAGERIES

Compte Openly TikTok

STREAMING, OTT, SVOD

AUDIO, PODCAST, BORNES

MÉTAVERS, IMMERSION, 360, VR, AR

Web3, BLOCKCHAIN, CRYPTO, NFT

INTELLIGENCE ARTIFICIELLE, DATA, AUTOMATISATION

NessLabs

MONÉTISATION, MODÈLE ÉCONOMIQUE, PUBLICITÉ

ES avec Kati Bremme, Myriam Hammad, Victor Lepoutre & Isya Okoué Métogo

 

 

Un pays du Pacifique crée son jumeau dans le métavers. C’est un plan désespéré – avec un message caché

La nation de Tuvalu, dans le Pacifique, prévoit de créer une version d’elle-même dans le métavers, en réponse à la menace existentielle que représente la montée du niveau des mers. Le ministre de la justice, de la communication et des affaires étrangères de Tuvalu, Simon Kofe, a fait cette annonce dans un discours numérique glaçant adressé aux dirigeants de la COP27.

Par Nick Kelly, Queensland University of Technology et Marcus Foth, Queensland University of Technology

Le ministre Simon Kofe a déclaré que le plan, qui prévoit le « pire des scénarios », consiste à créer un jumeau numérique de Tuvalu dans le métavers afin de reproduire ses magnifiques îles et de préserver sa riche culture :

La tragédie de cette issue ne peut être exagérée […] Tuvalu pourrait être le premier pays au monde à exister uniquement dans le cyberespace – mais si le réchauffement climatique se poursuit sans contrôle, il ne sera pas le dernier.

L’idée est que le métavers pourrait permettre à Tuvalu de « fonctionner pleinement comme un État souverain » alors que ses habitants seront contraints de vivre ailleurs.

Il y a deux histoires ici. La première est celle d’une petite nation insulaire du Pacifique confrontée à une menace existentielle et cherchant à préserver son statut de nation grâce à la technologie.

L’autre est que le futur préféré de Tuvalu serait d’éviter les pires effets du changement climatique et de se préserver en tant que nation terrestre. Dans ce cas, cela pourrait être sa façon d’attirer l’attention du monde.

Qu’est-ce qu’une nation métavers ?

Le métavers représente un avenir florissant dans lequel la réalité augmentée et virtuelle fait partie de la vie quotidienne. Il existe de nombreuses visions de ce à quoi pourrait ressembler le métavers, la plus connue étant celle de Mark Zuckerberg, PDG de Meta (anciennement Facebook).

La plupart de ces visions ont en commun l’idée que le métavers est constitué de mondes 3D interopérables et immersifs. Un avatar persistant se déplace d’un monde virtuel à un autre, aussi facilement que de passer d’une pièce à une autre dans le monde physique.

L’objectif est d’obscurcir la capacité humaine à faire la distinction entre le réel et le virtuel, pour le meilleur et pour le pire.

Kofe suggère de recréer trois aspects de la nation de Tuvalu dans le métavers :

  1. le territoire – la reconstitution de la beauté naturelle de Tuvalu, avec laquelle il est possible d’interagir de différentes manières.
  2. la culture – la capacité des Tuvaluans à échanger entre eux de manière à préserver leur langue, leurs normes et leurs coutumes communes, où qu’ils soient.
  3. la souveraineté – s’il devait y avoir une perte de la surface terrestre sur laquelle le gouvernement de Tuvalu a la souveraineté (une tragédie au-delà de l’imagination, mais qu’ils ont commencé à imaginer) alors pourraient-ils avoir la souveraineté sur la surface virtuelle à la place ?

Cela peut-il être réalisé ?

Dans le cas où la proposition de Tuvalu est, en fait, une proposition littérale et pas seulement symbolique des dangers du changement climatique, à quoi cela pourrait-il ressembler ?

Technologiquement, il est déjà assez facile de créer des reconstitutions magnifiques, immersives et richement rendues du territoire de Tuvalu. De plus, des milliers de communautés en ligne différentes et de mondes en 3D (comme Second Life) démontrent qu’il est possible d’avoir des espaces interactifs entièrement virtuels qui peuvent conserver leur propre culture.

L’idée de combiner ces capacités technologiques avec les caractéristiques de la gouvernance pour un « jumeau numérique » de Tuvalu est réalisable.

Il y a eu des expériences antérieures de gouvernements qui ont utilisé des services basés sur leur territoire et qui ont créé des analogues virtuels de ceux-ci. Par exemple, l’e-résidence de l’Estonie est une forme de résidence uniquement en ligne que les non-Estoniens peuvent obtenir pour accéder à des services tels que l’enregistrement de sociétés. Autre exemple : les pays créent des ambassades virtuelles sur la plateforme en ligne Second Life.

Pourtant, rassembler et numériser les éléments qui définissent une nation entière pose d’importants défis technologiques et sociaux.

Tuvalu ne compte qu’environ 12 000 citoyens, mais faire interagir en temps réel un si grand nombre de personnes dans un monde virtuel immersif est un défi technique. Il y a des problèmes de bande passante, de puissance de calcul, et le fait que de nombreux utilisateurs ont une aversion pour les casques ou souffrent de nausées.

Personne n’a encore démontré que les États-nations peuvent être transposés avec succès dans le monde virtuel. Même s’ils le pouvaient, d’autres affirment que le monde numérique rend les États-nations superflus.

La proposition de Tuvalu de créer son jumeau numérique dans le métavers est une bouteille à la mer – une réponse désespérée à une situation tragique. Pourtant, il y a là aussi un message codé, pour d’autres qui pourraient envisager de se retirer dans le virtuel en réponse aux conséquences du changement climatique.

Tuvalu sera l’une des premières nations à être submergée par la montée du niveau des mers et est confronté à une menace existentielle. Mick Tsikas/AAP

Le métavers n’est pas un refuge

Le métavers est construit sur l’infrastructure physique des serveurs, des centres de données, des routeurs de réseau, des appareils et des écrans frontaux. Toute cette technologie a une empreinte carbone invisible et nécessite une maintenance physique et de l’énergie. Une étude publiée dans Nature prévoit qu’internet consommera environ 20 % de l’électricité mondiale d’ici 2025.

L’idée de la nation métavers comme réponse au changement climatique est exactement le genre de réflexion qui nous a amenés ici. Le langage qui est adopté autour des nouvelles technologies – comme le « cloud computing », la « réalité virtuelle » et le « métavers » – se présente comme étant à la fois propre et vert.

Ces termes sont chargés de « solutionnisme technologique » et de « greenwashing« . Ils cachent le fait que les réponses technologiques au changement climatique exacerbent souvent le problème en raison de leur forte consommation d’énergie et de ressources.

Alors, où cela mène-t-il Tuvalu ?

Kofe est bien conscient que le métavers n’est pas une réponse aux problèmes de Tuvalu. Il déclare explicitement que nous devons nous concentrer sur la réduction des impacts du changement climatique à travers des initiatives telles qu’un traité de non-prolifération des combustibles fossiles.

Sa vidéo sur la migration de Tuvalu dans le métavers est un énorme succès en tant que provocation. Elle a fait l’objet d’une couverture médiatique mondiale, tout comme son plaidoyer émouvant lors de la COP26, alors qu’il se tenait debout jusqu’aux genoux dans la marée montante.

Pourtant, Kofe suggère :

Sans une conscience globale et un engagement global pour notre bien-être commun, nous pourrions voir le reste du monde nous rejoindre en ligne tandis que leurs territoires disparaissent.

Il est dangereux de croire, même implicitement, que le passage au métavers est une réponse viable au changement climatique. Le métavers peut certainement aider à maintenir le patrimoine et la culture en vie en tant que musée virtuel et communauté numérique. Mais il semble peu probable qu’il puisse fonctionner comme un substitut d’État-nation.

Et, de toute façon, il ne fonctionnera certainement pas sans toutes les terres, les infrastructures et l’énergie qui permettent à l’internet de fonctionner.

Il serait bien mieux pour nous de diriger l’attention internationale vers les autres initiatives de Tuvalu décrites dans le même rapport :

La première initiative du projet promeut une diplomatie basée sur les valeurs tuvaluanes d’olaga fakafenua (systèmes de vie communautaires), de kaitasi (responsabilité partagée) et de fale-pili (être un bon voisin), dans l’espoir que ces valeurs motiveront les autres nations à comprendre leur responsabilité commune pour faire face au changement climatique et à l’élévation du niveau de la mer afin de parvenir à un meilleur équilibre global.

Le message envoyé par Tuvalu ne concerne pas vraiment les possibilités des nations métavers. Le message est clair : il s’agit de soutenir les systèmes de vie communautaires, d’assumer une responsabilité partagée et d’être un bon voisin.

Le premier de ces principes ne peut être transposé dans le monde virtuel. Le second exige que nous consommions moins, et le troisième que nous prenions soin de nous.

 

Cet article est repris de The Conversation sous une licence Creative Commons. Lire l’article original.

Illustration : Scott Van Hoy sur Unsplash

Liens vagabonds : Les internautes chinois contre la censure

A RETENIR CETTE SEMAINE : 

Guerre de l’information contre la censure en Chine – autour des manifestations violentes contre la politique zéro-covid du pouvoir impérial. Le week-end dernier, des vidéos montrant des centaines de personnes dans la rue sont apparues sur WeChat, avant d’être rapidement supprimées par les autorités. Les internautes chinois ont alors multiplié les initiatives pour contrer la censure, à coup de jeux de mots et de VPN, et avoir accès à des réseaux sociaux internationaux comme Instagram, Twitter ou Télégram. D’après le Wall Street Journal, des réseaux d’utilisateurs s’organisent pour envoyer des informations sur les manifestations à des personnes ciblées largement suivies, en charge de diffuser largement des nouvelles des protestations. Twitter et Télégram ont particulièrement gagné en popularité, et sont devenues en quelques jours les applications gratuites les plus populaires en Chine. Devant la fuite d’informations concernant la situation dans le pays, le pouvoir chinois a inondé Twitter de contenu pour adulte en lien avec les noms de villes de son pays, afin de noyer les messages pro-manifestants. Résultat : pendant des heures, toutes les personnes cherchant des informations sur les manifestations étaient noyées de contenu pornographique. Une stratégie qui n’a pas semblé fonctionner, puisque Pékin vient d’annoncer une nouvelle phase amorçant la fin de la politique zéro-covid du pays. 

“Malentendu” entre Twitter et Apple – Dans une série de tweets délivrée pendant plus de 15 minutes, Elon Musk, le nouveau propriétaire de Twitter, a accusé Apple de menacer de retirer Twitter de son App Store. Une décision qui aurait été prise sans raison valable, selon M.Musk et qui empêcherait certains nouveaux utilisateurs de télécharger l’application. Le nouveau patron de Twitter affirmait aussi que la marque à la pomme aurait arrêté toute promotion du réseau social sur l’App Store. Cette passe d’armes fait suite à une pression montante entre les deux entreprises. Musk a, d’une part, émis des critiques concernant les frais de l’App Store d’Apple pour les achats in-app, les qualifiant de « taxe cachée de 30 % » sur Internet. De son côté, Phil Schiller, à la tête de l’App Store, s’était empressé de supprimer son compte Twitter suite au rachat du réseau social par Elon Musk, et peu après que le compte de Donald Trump ait été rétabli. Deux jours après son accusation de boycott, Elon Musk est revenu sur ses déclarations et parlait d’un « malentendu ». Dans un nouveau tweet, le nouveau propriétaire de Twitter, remerciait Tim Cook, le patron d’Apple, de lui avoir fait visiter le “très beau siège” du groupe, situé dans la Silicon Valley.  

Arrivée de Paramount+ France sur un marché du streaming chargé – Lancée en France ce jeudi 1er décembre, la nouvelle plateforme de streaming Paramount+ est sans doute le concurrent le plus sérieux pour Netflix, Amazon Prime et Disney + déjà bien implantés dans l’Hexagone. Et pour cause, Paramount+ propose, elle aussi, des films populaires  (Mission Impossible, Le Parrain, Jack Reacher, Zoolander, Terminator…), des séries (les contenus Showtime, South Park…) mais aussi des vidéos pour enfants grâce à Nickelodeon. Pour Philippe Larribau-Lavigne, le directeur général de Paramount France, il y a cependant de la place pour tout le monde: “Aujourd’hui, lorsqu’on regarde le streaming, en moyenne les Français ont entre 2 et 3 abonnements. Dans d’autres pays, comme aux Etats-Unis, la moyenne est autour de 5 et des études montrent que les utilisateurs pourraient aller jusqu’à 6 abonnements différents. Il y a donc bien du potentiel sur le marché français, loin d’être saturé.” Le directeur général de Paramount France, confirme que la plateforme bénéficie d’un contenu large qui va toucher tous les publics. Pour lui, la différenciation va s‘exercer à plusieurs niveaux : les exclusivités, l’offre jeunesse, les marques et le prix, qu’on estime compétitif.

Paramount +
Paramount +

Cette semaine en France

3 CHIFFRES

7 400 milliards de dollars – c’est ce que le secteur de la tech a perdu en un an

275 millions de dollars – c’est lamende à laquelle est condamnée Meta pour avoir enfreint la loi européenne sur la confidentialité des données

324 milliards de milliards – c’est le nombre de bits qui sera nécessaire en 2028 pour faire fonctionner internet, contre 90 milliards de milliards aujourd’hui, à cause du streaming et de la 5G

LE GRAPHIQUE DE LA SEMAINE

Infographie: La Coupe du monde, l'événement sportif le plus regardé de la planète | Statista

NOS MEILLEURES LECTURES / DIGNES DE VOTRE TEMPS / LONG READ

DISRUPTION, DISLOCATION, MONDIALISATION

GAFA / BATX 

Source: Active Replica

DONNÉES, CONFIANCE, LIBERTÉ DE LA PRESSE, DÉSINFORMATION

LÉGISLATION, RÉGLEMENTATION

JOURNALISME

STORYTELLING, NOUVEAUX FORMATS

ENVIRONNEMENT

RÉSEAUX SOCIAUX / MESSAGERIES

STREAMING, OTT, SVOD

AUDIO, PODCAST, BORNES

MÉTAVERS, IMMERSION, 360, VR, AR

Web3, BLOCKCHAIN, CRYPTO, NFT

INTELLIGENCE ARTIFICIELLE, DATA, AUTOMATISATION

MONÉTISATION, MODÈLE ÉCONOMIQUE, PUBLICITÉ

JEUX VIDÉO, eSPORT

OUTILS

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