ChatGPT : le Holy Sh!t Moment

« J’attends le jour où, gagnant un Emmy Awards, ChatGPT se mettra à remercier sa mère et son père ! », a ricané Niclas Molinder, parolier et producteur de musique suédois.

Mais en se retrouvant pour la première fois depuis trois ans, les délégués de DLD -- la meilleure conférence européenne sur l’innovation -- n’ont pas tous ironisé cette semaine à Munich.

Apparues au grand jour ces dernières semaines, ChatGPt, mais aussi You.com, DALL-E 2, Midjourney, Stable Diffusion, les toutes dernières interfaces conversationnelles étaient bien au centre des discussions. Pas moins de 10 panels leurs étaient consacrés.

La « wow attitude », le « Holly Sh!t Moment » restent bien de mise, mais s’accompagnent de nombreuses interrogations sur les capacités réelles de ces bots :

  • Que peut-on faire avec ? Générer du contenu de manière automatisée : écrire, résumer, produire des images, coder à partir de simples descriptions textuelles.
  • A quoi vont-ils me servir ? On ne sait pas encore !
  • Quand les croire ? Qui croire ? Quelles sont leurs sources ? Comment évitent-ils les préjugés ? Même réponse.
  • Comment prendront-ils en compte des cultures et des valeurs différentes ?
  • Vont-ils produire plus d’art ou inonder le monde avec de la m…. ? Les deux !
  • Composer de manière originale ? Pas sûr.
  • Remplaceront-ils les moteurs de recherche ? C’est bien possible.
  • Et surtout, vont-ils me piquer mon job ? « Non ! Mais vous serez remplacés par quelqu’un qui utilise l’intelligence artificielle », assure Mark Rolston d’Argo Design.

"ChatGPT ne va pas remplacer un développeur, mais un développeur qui saura l'utiliser dépassera tous les autres de loin", a expliqué Quirin Görz, patron des robots Kuka. Toutes les entreprises, comme avec Internet depuis 20 ans, devront s’y mettre. Microsoft va-t-il l’intégrer dans sa suite logicielle ? 

 « Ils vont faire aux professionnels de l’information ce que les robots ont fait à l’industrie », prédit Scott Gallaway, professeur à l’université de New York.

Non pas remplacer les gens, mais les « augmenter » avec ces nouveaux outils créatifs, les rendre plus productifs, et permettre des discussions avec nos machines, impensables il y a quelques années. Créatifs, mais toujours pas intelligents.

Attention, avait dit McLuhan il y a plus de 40 ans : "L'augmentation conduit à l'amputation". « Quelles capacités allons-nous encore perdre avec cette technologie ? », s’interroge déjà JP Rangaswanidu du Web Science Trust. Notre sens critique ?

Dores et déjà, les experts s’attendent à voir l’«IA générative ou créative » redéfinir ce que l'ordinateur peut faire. Et déjà avec une seule requête remplacer plusieurs applis. Bientôt probablement écrire un livre. Des modèles de production automatique audio et vidéo sont déjà dans les tuyaux. Tout média numérique sera touché.

Selon un expert, 90 % du contenu en ligne sera "généré par l'IA d'ici 2025".

On le devine : ces bots vont donc désintermédier encore bien davantage notre information. Changer l’éducation. Et entraîner rapidement une course aux armements entre ceux qui voudront influencer nos décisions et ceux qui défendront comme ils le pourront une certaine éthique de l’IA.  

Est-on donc dans un épisode de Black Mirror ?

« Mis entre de mauvaises mains, ChatGPT sera-t-il capable de provoquer des dégâts ? » s’est inquiété la ministre du numérique de Bavière, Judith Gerlach.

Si on ne peut plus croire ni nos yeux, ni nos oreilles, il nous faudra être encore plus éduqués, davantage formés pour mieux résister. Il suffit d’imaginer des milliards de contenus artificiels, très temporaires, peut-être vus une seule fois, créés via ces requêtes individuelles. Et quand ChatGPT compose une chanson, qui a les droits ?

« Avec l’IA nous vivons la 3ème révolution des plateformes, après l’Internet rapide et le cloud », estime Ludwig Ensthaler de la société de capital risque 468 Capital. Mais nombreux sont ceux qui estiment que comme pour les deux autres, « l’Europe est en train de rater le train ». (Tina Kluwer, de l’incubateur berlinois K.I.E.Z)

Dores-et-déja, les illustrateurs sont inquiets. L’IA créative fait souvent mieux, plus vite. Les juristes aussi.

Mais si comme toujours, cette nouvelle technologie est probablement surestimée à court terme mais sous-estimée à long terme, une certitude fut très partagée cette semaine à Munich : « 2023 sera bien l’année de l’intelligence artificielle ».

 

ES