Edinburgh TV Festival 2023 : Une ambiance de fin de règne

Une grève des scénaristes qui dépasse largement les 100 jours, rejointe par l'action des acteurs, des carnets de commande qui se réduisent à peau de chagrin, des revenus publicitaires en baisse et un public (même âgé) qui fuit la télévision "traditionnelle" : cette année à Edimbourg, au festival de la télévision, qui a l'habitude de poser les tendances de la saison à venir, l'ambiance n'était pas au beau fixe. 

Par Kati Bremme, Directrice de l’Innovation et Rédactrice en chef de Méta-Media

Face au manque de moyens, comment la télé peut-elle toujours aider à construire un avenir meilleur ? Les impératifs économiques et sociaux ont un impact direct sur la commande, le recrutement et la mise en production des spectacles. Alors que certains secteurs continuent de négocier des pénuries en matière de talents, d'autres sont aujourd'hui confrontés à l'incertitude complète. Avec le ralentissement de la commande et de la production, 65 % des acteurs du secteur déclarent avoir "des difficultés à gérer ou à s'en sortir".

Les effets de vague de la grève 

Si l'action syndicale n'a pas été évoquée dans les tables rondes avec les dirigeants de Netflix et de Disney, Lindsay Salt, directrice drama (qui est passée de Netflix à la BBC), constate de son côté que les "effets d'entraînement" continuent de se faire sentir dans le monde entier. De plus en plus de programmes sont décommandés, comme résultat direct des grèves, provoquant, face à la crise économique, des licenciements. Une pétition lancée à l'occasion du festival demande au gouvernement britannique de créer un "système de remplacement des revenus" pour les personnes ayant perdu leur travail.

Ce ralentissement de la production de contenu renforce une tendance déjà observée dans l'édition 2022 du festival de la télé à Edimbourg : le "reboot". Tout le monde remet au goût du jour de vieilles recettes, un mécanisme qui met (encore un peu plus) à mal les petits producteurs. Dans la table ronde "Ready, Steady, Reboot" (Prêt, Feu, Relance), Faraz Osman a affirmé que les reboots privaient les petites productions indépendantes de la possibilité de rivaliser avec les autres. Kate Phillips, qui a supervisé le "rechauffement" de pas moins de quatre programmes pour la BBC, dont Gladiators, Survivor, The Weakest Link et Blankety Blank, convient qu'une partie de la mission de service public de la BBC consistait à aider les petites entreprises à se développer. Mais selon elle, les reboots ne représentent toujours qu'une très petite partie de sa production globale - environ 1 % . Elle a aussi rappellé que la BBC est le "plus grand investisseur" de contenu original au Royaume-Uni et qu'elle donnera toujours la priorité au contenu original.

Mais même les reboots souffrent des contraintes budgetaires : Channel 4 vient d'annuler un reboot très médiatisé de Four Weddings. Le directeur des contenus, Ian Katz, a d’ailleurs presque un peu regretté la transparence de sa chaîne au sujet des difficultés budgétaires. Pour Katz, le secteur était au bord du gouffre et restait trop fixé sur le public qui regardait les émissions de télévision traditionnelles en direct : "Tout radiodiffuseur obsédé par l'audimat linéaire va suivre le même chemin que Kodak ou Blockbuster". L'audience traditionnelle en direct de Channel 4 a diminué, notamment en raison des habitudes d'un public plus jeune que celui de BBC One et ITV. Son alter ego chez ITV, Kevin Lygo, a, de son côté, refusé toute réduction de budget au dépens des contenus.

La BBC, bien que pas entièrement dépendante des revenus publicitaires, n’est pas à l'abri du ralentissement après deux années de gel de la redevance. Charlotte Moore, directrice des contenus, a soutenu à Edimbourg l'approche de longue date du radiodiffuseur : "Fewer Better Bigger", qui, selon elle, est la bonne stratégie dans le marché actuel. La BBC a réduit son budget d'émissions originales de 100 millions de livres sterling (126 millions de dollars) cette année et supprime 1 000 heures d'émissions par an. Elle a par ailleurs déclaré qu'elle pensait désormais davantage au service de streaming iPlayer qu'à ses chaînes de télévision.

La crise en chiffres

La crise économique et donc la crise de la commande ont produit quelques chiffres effarants : l'organisme Film & TV Charity a révélé lundi une statistique selon laquelle les demandes d'aide financière ont augmenté de 800 % en juillet 2023 par rapport à la même période de l'année dernière. Une enquête de la BAFTA auprès de mille membres démontre qu'un tiers d'entre-eux quitteraient l'industrie de la télévision ! Quelque 63 % des membres de la BAFTA ont déclaré avoir moins de travail qu'avant la pandémie, tandis que 20 % ont déclaré avoir été sans emploi pendant plus de trois mois.

Les membres interrogés ont indiqué qu'ils comblaient leur manque de moyens financiers en s'appuyant sur leurs économies (63 %), en acceptant des rôles moins importants (13 %), en se tournant vers des prêts de la famille et des amis (12,5 %), en trouvant du travail en dehors de la télévision (12 %) et en demandant des allocations (6 %). Quelque 70 % des personnes interrogées craignent que le ralentissement économique n'entraîne une perte de talents dans le secteur et le même pourcentage s'inquiète de l'impact sur la santé mentale.

Les radiodiffuseurs publics connaissent actuellement la plus forte baisse d'audience de la télévision depuis que l'on tient des registres, les téléspectateurs plus âgés (et pas seulement les plus jeunes) se tournant massivement vers les players. Une récente étude de l’OFCOM a montré qu'un Britannique sur cinq ne regarde plus d'émissions télévisées traditionnelles. Même si le iPlayer et ses rivaux ont continué à atteindre des chiffres records (des "milliards" ont été mentionnés cette année sur scène à Edimbourg), pourront-ils vraiment compenser le déclin de la télévision traditionnelle ?

Ne pas abandonner les contenus locaux aux plateformes de streaming

Dans ce contexte économique tendu, la télévision publique est plus que jamais menacée. Hannah Stjärne, PDG du radiodiffuseur public suédois SVT, a défendu, en parlant pour l’ensemble de l’EBU, le rôle des médias de service public dans la création de contenus locaux. Selon elle, "les téléspectateurs ne peuvent pas compter sur les diffuseurs mondiaux pour fournir régulièrement des séries originales, car ils sont vulnérables aux réorientations stratégiques générales, alors que les organismes de médias de service public locaux peuvent fournir des garanties quant à leurs stratégies de contenu."

Pourtant, Netflix a investi 6 milliards sur ces 10 dernières années de sa présence au Royaume-Uni, et Disney+ se rapproche de l'objectif de 50 films originaux non américains fixé pour 2024. Cette liste de 50 titres comprend des séries déjà diffusées comme Extraordinary, la comédie britannique sur le "travail des super-héros", qui traite d'un monde où les gens normaux ont des pouvoirs. Liam Keelan (directeur adjoint des productions originales, passé de la BBC à Disney+) a reconnu que les difficultés de l'économie des médias avaient eu un impact sur les budgets, mais il a précisé que cela n'avait pas eu d'incidence sur sa stratégie de mise en service. Mais en cas de crise, les grandes plateformes de streaming placent naturellement leurs économies sur les contenus qui s’adressent à des segments moins importants : ce fut le cas avec HBO Max, qui a rétropédalé sur ses productions européennes en réaction à la stratégie de réduction de contenus originaux de Warner Bros Discovery. Le diffuseur suédois Viaplay a aussi réduit son ambitieux plan d'œuvres originales locales.


Table ronde « Les médias européens de service public : Demandés mais menacés » avec Jean Philip de Tender, directeur général adjoint de l'UER, Monika Garbačiauskaitė-Budrienė du radiodiffuseur lituanien LRT, Hannah Stjärne, PDG du radiodiffuseur public suédois SVT et Kevin Bakhurst de RTE

En évoquant la relation entre médias de service public et les "global streamers", Jean Philip de Tender, directeur général adjoint de l'UER a souligné qu'il ne s'agit pas d'une question d'ami ou d'ennemi : "Soyons réalistes. Les streamers sont là et dominent largement en Europe. Mais le fait est qu'il ne s'agit pas d'un contenu majoritairement européen. Il s'agit de contenus produits principalement aux États-Unis et le rôle des médias de service public est de les compléter." Il a également profité de cette prise de parole pour rappeller un rôle (toujours sollicité) qui est au coeur des télévisions membres de l'UER, et qui a fait ses preuves pendant la pandémie mondiale et la guerre en Ukraine : la notion de service et d'utilité.

Un Brexit de la redevance

La conférence MacTaggart a mis en avant cette année Louis Theroux, célèbre documentariste et présentateur, annoncé sur scène comme un "homme blanc, profitez-en, vous n’en verrez plus souvent", qui est connu pour ses documentaires immersifs comme Louis Theroux's Weird Weekends, When Louis Met..., Altered States, Forbidden America et le long métrage documentaire My Scientology Movie. Il anime actuellement The Louis Theroux Podcast sur Spotify et Louis Theroux interviews, et reviendra sur BBC2 dans le courant de l'année. Et c'est justement l'attitude de la BBC qui a été remise en question tout au long de son discours, avec l'objectif de sauver la télévision publique d'un "Brexit de la redevance". 

Lors de sa conférence mercredi soir, Louis Theroux a averti que la BBC et d'autres diffuseurs se trouvaient dans une situation "sans issue". En essayant d'anticiper loutes les critiques, lancées par tel ou tel groupe d'intérêt [souvent des anciens de la BBC aujourd'hui passés à la concurrence privé], tout en évitant d'offenser les autres, "la tentation est donc grande de faire profil bas, de jouer la carte de la sécurité, d'éviter les sujets difficiles", a ajouté Louis Theroux. "Mais en évitant ces points de friction, les domaines difficiles de la culture où résident nos angoisses et nos dilemmes douloureux, nous ne faisons pas qu'échouer dans notre travail, nous passons à côté de nos plus grandes opportunités".

Ce "climat d'anxiété" conduirait, selon lui, à un "cinéma moins sûr de lui". Il s'est demandé ensuite si les programmes n'étaient pas plus difficiles à commander aujourd'hui en considérant comment populistes et influenceurs viraux des médias sociaux ont créé un système de contenu à deux vitesses par rapport aux diffuseurs impartiaux comme la BBC, une situation qu'il a comparée à "une compétition olympique où la moitié des athlètes sont autorisés à se doper".

"Nous vivons une époque marquée par deux réalités parallèles", a déclaré Louis Theroux. L'ancien monde, avec ses valeurs chères de "politique éditoriale" et d'équilibre, et la nouvelle frontière numérique, où tout est permis." Il s'est demandé comment les "préceptes de la sensibilité sont entrés en conflit avec les mots inscrits sur les murs de la New Broadcasting House [siège de la BBC]", qui citent George Orwell : "Si la liberté signifie quelque chose, c'est le droit de dire aux gens ce qu'ils ne veulent pas entendre".

Le documentariste et présentateur a terminé sa lecture avec un appel à une télévision plus "confrontante, surprenante et dérangeante".

L’Intelligence Artificielle peut-elle sauver la télé ?

Mercredi, les producteurs ont participé à une session amusante (et alarmante) sur l'impact de l'IA sur l'avenir de la production télévisuelle. Alex Connock, producteur de télévision converti en universitaire, Hannah Fry, professeure de mathématiques et présentatrice, et Muslim Alim, rédacteur en chef de la BBC, sont montés sur scène pour révéler les choses à faire et à ne pas faire dans l'utilisation de l'IA. Alors, l'IA pour la télé : apprentissage profond ou simple battage médiatique superficiel ?

Si l'IA est un formidable accélérateur de la productivité, et accessoirement de la créativité, les cas problématiques de violation de droits d’auteur se multiplient, ces machines créatrices aspirant sans la moindre retenue (avant l’arrivée de robots qui bloquent OpenAI) les contenus protégés par le copyright.


Table ronde AI & TV, avec Hannah Fry, professeure de mathématiques et présentatrice, Alex Connock, producteur TV et universitaire et Muslim Alim, rédacteur en chef à la BBC

Alex Connock a prédit à Edimbourg que la monétisation de l'image des acteurs (une des raisons de la grève des acteurs) deviendrait une pratique courante à l'avenir, à condition qu'elle soit correctement réglementée. Selon Connock, les acteurs ont, en revanche, raison de s'inquiéter de l'utilisation de leur voix dans des bases de données sans autorisation explicite. "Si je représentais les acteurs, la synthèse vocale serait un des points clés sur lesquels je concentrerais les négociations".

Déjà en 2019, le festival s'était posé la question si l'IA peut sauver la télé (avec Microsoft d'ailleurs). Aujourd'hui, les sociétés de télévision prennent certainement l'IA au sérieux : cette semaine, Banijay a lancé l'AI Creative Fund, qui permettra aux producteurs et aux labels indépendants de présenter des idées axées sur la technologie et l'innovation. De son côté, Louis Theroux a minimisé la menace de l'IA lors de sa conférence au festival de télévision d'Édimbourg : "Je ne dis pas cela en tant qu'expert de l'IA, mais en tant qu'expert de l'homme. Nous avons tous vu les résultats étonnants que l'IA peut produire. Dans quelques années, elle sera peut-être capable d'écrire une sitcom ou un film d'action passable. Ou une conférence MacTaggart. Peut-être même un excellent film", a-t-il déclaré. "Mais ce qu'elle ne pourra pas faire, c'est prendre des risques. Parce que le risque implique le danger. Et il n'y a pas de danger pour les machines. Le risque implique des sentiments réels, la possibilité d'une humiliation, d'une gêne, d'un échec".

A l'Edinburgh Fringe Festival, le plus grand festival de comédie, qui a lieu juste avant le TV festival, l’IA était en tout cas une des invitées star, entre autres avec le bot Vanessa 5000, une "entité en crise existentielle", "artificiellement intelligente, véritablement stupide", selon sa créatrice Pauroso. Le comedien Pierre Novellie n'est pas convaincu d'être remplacé par une IA de si tôt : "Même les comédiens humains normaux ont du mal à adapter leurs blagues au bon public, au bon moment, à chaque fois."

Une télé plus verte

Comme chaque année, la question de l’impact climatique des productions, en plus de celui sur les portefeuilles, était au programme : le festival était l'occasion de dévoiler le programme "Green Rider", signé par des stars comme Bella Ramsey, Stephen Fry et Natalie Dorme, qui permettra aux artistes d'ajouter à leurs contrats des clauses favorisant un changement de culture en matière d'environnement. Plus de 100 acteurs soutiennent les appels en faveur d'un "Green Rider", un contrat respectueux de l'environnement entre les artistes-interprètes et les sociétés de production cinématographique et télévisuelle.

Meghan Lyvers, responsable des séries télévisées de Sky Studios UK, a déclaré à Edimbourg que l'inclusion des acteurs dans la bataille pour améliorer la durabilité de l'industrie était la meilleure approche. "C'est la pièce manquante d'un puzzle évident et un pas de plus vers la transformation du dialogue", a-t-elle ajouté. Le syndicat Equity a aussi cité une étude d'Albert montrant que la production moyenne d'un film à grand succès produit 2 840 tonnes de CO2, en ajoutant que, par le passé, les producteurs ont été tristement célèbres pour avoir permis aux stars de poser des exigences telles que l'utilisation de jets privés, qui sont souvent "dommageables pour l'environnement". L'objectif principal est d'inclure l'avenant vert, créé collectivement par le réseau de membres de syndicats, Equity for a Green New Deal, dans les conventions collectives qu'Equity a conclues avec les producteurs.

L'appel conclut : "En vous inscrivant pour utiliser l'avenant, vous rejoignez un mouvement de personnes qui jouent leur rôle pour rendre notre industrie plus écologique. Nous ne mesurons plus notre valeur en fonction de la quantité de ressources que nous consommons, mais par une influence positive et un comportement responsable. Comme le prouvent les acteurs et les scénaristes en grève aux États-Unis, nous sommes une force avec laquelle il faut compter lorsque nous nous unissons et exigeons des améliorations".

TikTok, je t’aime, moi non plus

A propos des jeunes audiences, particulièrement sensibles aux enjeux climatiques, TikTok reste une plateforme pour les toucher de façon garantie. Les meilleures audiences de TikTok pour les émissions télévisées se comptent en milliards, les producteurs essaient donc de comprendre comment utiliser les données pour influencer le nouveau contenu et retenir les audiences.

Lors d'une session animée par Jackie Adedeji, diffuseur, écrivain et podcasteur, James Stafford et Stephen Naughton de TikTok ont expliqué comment exploiter la puissance de la plateforme qui a pris la planète d'assaut, tandis que @CocoSarel et @Ayame.p partageront le point de vue d'un créateur.

Face à cette réalité, et malgré le fait d'avoir banni l’application TikTok des smartphones de ces employés, la BBC a annoncé cette semaine le lancement du Creator Lab, "un tout nouveau programme de promotion des talents pour les créateurs de contenu dans les médias sociaux, en collaboration avec TikTok". Le Creator Lab vise à donner à 100 créateurs sociaux et numériques, qui souhaitent poursuivre une carrière à la télévision, l'occasion de participer à un programme de développement dans le cadre duquel la BBC organisera des sessions individuelles et fournira aux participants des outils pour renforcer leur présence sociale et les aider à franchir la prochaine étape de leur carrière dans les médias, avec l'aide d'experts et des insights de TikTok. C'est l'une des plus grandes initiatives en faveur des talents sur laquelle l'application vidéo mobile de courte durée a travaillé au Royaume-Uni à ce jour.

Ce programme de développement de deux jours se déroulera en Angleterre, au Pays de Galles, en Écosse et en Irlande du Nord et permettra aux créateurs de montrer leurs compétences tout en travaillant sur un projet de la BBC. En outre, les participants rencontreront des talents de l'écran et des rédacteurs en chef dans les catégories Daytime, Children's, Sport, Unscripted et Arts. Les candidats retenus apprendront également des bonnes pratiques de storytelling à la fois sur les médias sociaux et la télévision et auront l'occasion de collaborer avec d'autres créateurs sociaux.

Pour Fiona Campbell, responsable du public jeune (BBC iPlayer et BBC Three), "la BBC s'est engagée à développer de nouveaux talents et de nouvelles voix dans tout le Royaume-Uni et le Creator Lab promet d'offrir une occasion unique aux créateurs de contenu d'améliorer leurs compétences tout en ayant potentiellement la possibilité de présenter leur créativité au public de la BBC et du iPlayer."

Enfin, cette édition 2023 du festival de la télé d'Edimbourg a aussi apporté son lot d’annonces de nouvelles productions : Netflix surfe sur le succès d’Oppenheimer avec "Einstein et la bombe" (produit par BBC Studios) et annonce une série de documentaires produite par David Beckham sur David (et Victoria) Beckham. Disney+ prévoit une série documentaire sur Agatha Christie (l'écrivaine de fiction la plus lue au monde, avec au moins 2 milliards d'exemplaires vendus) et ITV a révélé que le reboot de Big Brother tournera au moins encore deux saisons. Assez pour obtenir un peu du temps de cerveau disponible des téléspectateurs ?

Conclusion

Face à l'exode des téléspectateurs, les diffuseurs sont en recherche de solution, désespérément. Cela va de l'idée de l'exemplarité - le comportement des présentateurs hors caméra a été placé sous les feux de la rampe cette année en raison des scandales très médiatisés impliquant Phillip Schofield et Huw Edwards -, à l'idée de plus d'incarnation - Lindsay Salt, directrice de la division fiction de la BBC, a présenté sa vision pour des commandes plus axées sur les personnages. Pour le moment, un grand nombre de chaînes et de diffuseurs proposent une gamme de programmes étonnamment similaires. Les séquelles de la guerre de streaming, avec des rivaux qui investissent à la fois dans les programmes non scénarisés et scénarisés, font que l'on ne sait plus vraiment ce qui différencie une émission sur Amazon d'une émission sur Netflix. Même la BBC se rapproche de ses rivaux commerciaux, en se lançant dans des formats comme Survivor.

Peut-être que la télé est-elle juste trop snob ? Dans le panel "Des plaisirs moins coupables...", les participants sont tous d'accord pour dire que les émissions de téléréalité devraient être davantage récompensées par des prix tels que les BAFTA. Jim Allen, ancien responsable de I'm a Celebrity et patron de RDF, a ajouté que la télévision "sait qu'elle a un problème [de diversité socio-économique] mais n'a pas fait assez pour y remédier ces dernières années". Il critique les émissions d'actualité lourdement récompensées, pour lesquelles "les gens devraient être plus snobs".

La solution est peut-être en effet, comme l'évoque Louis Theroux, plus d'audace. Pour la scénariste Sally Wainwright, "chaque minute de télévision doit être une expérience marquante". Et pour Jesse Armstrong, scénariste de Succession, "faire de la télévision est déjà assez difficile. Il n'est pas nécessaire de jouer au con en plus." Et pour conclure avec Louis Theroux : "Nous servons mieux la justice sociale lorsque nous cherchons à faire une télévision qui touche les gens et les engage. Prenez des risques. Naviguez à contre-courant".

 

 

Image d'illustration : TV Moment of the Year, Doctor Who, BBC 

NB : Exceptionnellement, cette année l’équipe de Méta-Media n’a pas pu se rendre IRL au TV Festival d’Edimbourg. On y retourne en 2024. On vous propose donc ici un retour sur des replays des tables rondes et une revue de presse, pour retenir les points clés, comme chaque année.