Liens vagabonds : Netflix bat des records, l’IA n’a plus besoin de l’homme

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#MIPCom : « from TV to total video »

 

« On est mort ! » avais-je textoté un peu vite à Paris, début 2012, en sortant de la keynote de YouTube, qui annonçait à Las Vegas, son arrivée dans les contenus pros. C’était un peu exagéré …

Mais que dire après la présentation par Facebook mercredi à Cannes de sa nouvelle plateforme Watch qui diffuse désormais émissions et séries ?

Après Netflix, Amazon, YouTube, Apple, maintenant Facebook ! Ça se complique …

Salle comble en tous cas au Palais des Festivals. Réunis au MIPCom, les professionnels des programmes étaient curieux d’en savoir plus sur cette tardive, mais puissante, percée vidéo, lancée il y a juste six semaines aux Etats-Unis.

Ils n’ont pas été déçus !

« Avec 2 milliards de personnes chaque jour sur Facebook, ce serait formidable et possible d’arriver à diffuser une série mondiale », a lancé le jeune directeur des contenus vidéo, Daniel Danker. Depuis début septembre, Facebook Watch a déjà accompagné « près d’un millier de programmes différents pour une durée moyenne de visionnage de 15 minutes », a précisé Ricky Van Veen, patron de la stratégie mondiale de création du réseau social. « La vidéo explose sur Facebook. Elle représente aujourd’hui la moitié du trafic mobile. Dans 5 ans ans, ce sera 75% ».  

Et dire que Facebook n’existait quasiment pas dans la vidéo avant l’Ice Bucket Challenge il y a trois ans !

Skam sur Facebook Watch

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Infos, fictions, séries, action, live, tout est présent sur Watch, ou presque. La fameuse série norvégienne Skam pour jeunes adultes y sera disponible sous peu en anglais, ont-ils annoncé. Des partenariats sont noués, comme avec Comedy Central, qui y propose les coulisses de son fameux Daily Show. Et surtout des outils dédiés y sont disponibles pour créer des groupes, réagir en direct, doper l’engagement de l’audience vidéo et la viralité, graals recherchés par la plateforme.

40% du temps passé sur les vidéos vient des partages, précise Facebook. Et « une vidéo sur cinq de la plateforme est live, là où les commentaires sont 10 fois plus nombreux ».

Les premières recettes du succès sur Watch ? « Savoir activer sa communauté, produire des vidéos plus longues que sur le mur classique, opter pour des formats non traditionnels, et surtout proposer des contenus faits pour Facebook ».

Les dirigeants de la plateforme américaine ont confirmé une extension internationale de Facebook Watch, sans en préciser ni la date ni les marchés. Et ils n’ont pas exclu la possibilité de produire à terme des contenus originaux. « On y réfléchit ». Leur force ? L’argent bien sûr, leur reach, leur connaissance intime des utilisateurs, leur maîtrise de la pub programmatique, et donc leur capacité à adresser directement et avec pertinence les communautés visées. Mieux même que Netflix.

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Avec leur incroyable puissance (quatre plateformes à plus d’un milliard d’utilisateurs) « les dragons technologiques ont bien commencé à reconfigurer le monde des médias (…) ils sont désormais absolument partout sur la chaîne de valeur, et aujourd’hui, ils arrivent dans la télé », a résumé le DG d’Havas et président de Vivendi Content, Dominique Delport. « La bataille pour les contenus originaux ne fait que commencer. (…) L’argent est disponible, mais nous avons besoin d’un nouveau système d’exploitation ! Donc de comprendre la technologie et de mieux former encore les équipes ».

Car « avec des contenus qui sautent de plateformes en plateformes, le niveau de disruption et de complexité est en train de s’accroître », a renchéri la firme américaine Parrot Analytics qui mesure les audiences TV.   

Le mobile, fondamentalement un nouveau média

La veille, le patron des contenus originaux de Snap, Sean Mills, avait déjà secoué les festivaliers en décrivant l’énorme virage mobile pris par l’ensemble des process de création vidéo. Il a confirmé à son tour le succès de l’arrivée ces derniers mois de Snapchat dans le monde des séries et des fictions courtes. « 72% de la consommation vidéo est déjà mobile », rappelle-t-il.

Pour y réussir, a-t-il expliqué, il faut saisir l’audience dans les toutes premières secondes, tourner en mode vertical (portrait), privilégier les éléments très visuels, ne pas hésiter à proposer deux images l’une sur l’autre sur le même écran de smart phone, parler à la première personne.

Snap, qui compte déjà 170 millions d’utilisateurs actifs chaque jour avec une audience surtout composée de 18 à 24 ans (et moins) dont elle sait tout ou presque, en a profité pour annoncer à Cannes une joint venture avec NBC pour monter un studio de production de contenus mobiles pour millenials.

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Certes, la TV traditionnelle domine toujours largement, mais chacun sent bien la progression inexorable de l’OTT internationale et de la consommation à la demande. Les mesures d’audience classiques par panel, sur lesquelles reposent tout le modèle publicitaire, sont de plus en plus remises question de part et d’autre de l’Atlantique.

La découvrabilité, nouvelle clé de succès

Dans ce nouveau paysage, les télévisions historiques mettent l’accent sur le tri, le choix, la curation des contenus et des oeuvres face aux algorithmes et aux données des plateformes.

« On veut que les meilleurs artistes accrochent leurs œuvres dans notre galerie et on veut que la queue à l’entrée soit plus longue qu’avant » a joliment résumé le pdg de HBO, Richard Plepler qui annonce aussi … une généralisation de son offre OTT en 2018.

Mais cela ne suffira pas. Elles savent que leur avenir passera par les données (qui permettent de diminuer le risque du doigt mouillé) et la personnalisation de la distribution, a indiqué une directrice de la RAI italienne.

Car « une série à succès, c’est autant aujourd’hui de l’art que de la science », a expliqué la plateforme néozélandaise de SVoD Lightbox, pour qui les clés du succès passent désormais par la variété, la fraîcheur et la facilité d’accès, qualités premières d’un contenu de qualité, associées à la capacité à être partagé (bouche à oreille), la réputation de la marque et la qualité de l’expérience.   

On le voit: le foisonnement exponentiel de contenus vidéo, de plus en plus fragmentés, entraîne bruit et confusion pour séparer le bon grain de l’ivraie, et donc des problèmes de plus en plus complexes de distribution et d’accès.

« Les contenus doivent trouver leur audience et non l’inverse. Ceux qui gagneront seront ceux qui proposeront la meilleure découvrabilité », prévient la plateforme américaine Roku qui diffuse déjà … 5.000 chaînes différentes.

Bouquets légers

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Les chaînes d’Amazon (USA, UK, Allemagne et bientôt Japon) font en tous cas peur à tout le monde. Cannes a ainsi sonné le glas des gros bouquets TV coûteux. Place donc aux bouquets allégés de chaînes, souvent inconnues et qui ne survivront pas toutes, opérés par des agrégateurs virtuels. Le numérique le permet.

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Le patron de l’entertainment et des contenus d’Orange l’a clairement dit à Cannes : nous redoutons l’hégémonie future possible de Netflix et d’Amazon. « Il leur faut un concurrent. Nous souhaitons que se réalise le projet d’un Netflix européen (…) Pourquoi ne pas déjà créer un lieu de dépôt commun pour les œuvres européennes et les rendre disponibles en VoD », a proposé Christophe Bombrun.

« Les usages ont évolué (…) Nous sommes bien passés de la TV à la vidéo totale », avait prévenu, le premier jour du MIPCom, Eurodata TV.

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TV : a-t-on besoin de la 16K ?

« Non, assurent les ingénieurs de la NHK. La 8K est la TV ultime ! Elle est bien suffisante ». 

La télévision publique japonaise est venue en force à Cannes présenter ses premières productions en définition 8K. La diffusion commencera dans un an.

« Le 1er décembre 2018, nous diffuserons 12 heures par jour en 8K et 18 heures en 4K », a précisé la NHK au MIPCom qui prépare activement les JO de 2020 qui seront organisés à Tokyo.

Tokyo, justement. Regardez donc cet extrait d’un film de 30 minutes tourné la nuit l’hiver dernier dans la capitale nipponne en 8K à 60 images par seconde :

 

La NHK, qui se félicite de voir Sharp lancer des téléviseurs 8K au printemps prochain et Sony proposer enfin des caméras adaptées, pense que les genres les mieux servis par cette ultime définition de l’image sont le sport, les documentaires animaliers, les spectacles vivants, l’art, la musique, les voyages. Elle se fera la main durant les prochains JO d’hiver en Corée du Sud qui serviront d’expérimentation.

D’ici là la 4K s’impose sur les marchés mondiaux, tirée par la demande de la Chine où plus de la moitié des téléviseurs vendus sont déjà en U-HD. L’an prochain, prédit l’institut IHS, les constructeurs ne vendront plus de grands téléviseurs qui ne seront pas 4K. En 2021, un tiers des postes européens seront adaptés pour la 4K, contre 10% aujourd’hui, ajoute IHS.

Aujourd’hui Hollywood et les plateformes de streaming et de SVoD dominent le marché des contenus de l’ultra-HD, face à des chaînes de TV qui ont souvent déjà du mal à passer à la HD. Les plateformes ont aussi l’avantage de savoir quel terminal est utilisé et donc adaptent leurs flux.

Et la 8K ?

« Il faudra des écrans vraiment très grands pour en profiter. Au delà de 65 pouces. Donc prudence pour l’instant, avec même le risque que la 8K donne un coup de vieux prématuré à la 4K qui émerge à peine « , dit IHS.

Mais les box arrivent sur le marché, à l’image de celle de Deutsche Telekom lancée il y a 10 jours avec trois offres (Hockey en direct, Sky Sports et Insight.tv)

Quant à la 16K …

 

 

 

Liens vagabonds : Facebook veut vous embarquer dans la VR sans fil, pour oublier les fake news

A RETENIR CETTE SEMAINE

Toujours enlisé dans le feuilleton de désinformation russe, Facebook multiplie les initiatives postives : Sheryl Sandberg est en opération de charme à Washington, et ré-affirme que Facebook n’est pas un médiaCrowdTangle est désormais disponible dans une version locale et l’onglet « Découvrir » des bots sur Messenger arrive en France. A l’occasion d’Oculus Connect, Mark Zuckerberg annonce le nouveau casque VR sans fil, qui devra permettre à la compagnie d’embarquer « 1 milliard d’utilisateurs dans la réalité virtuelle ». Pour l’instant, les éditeurs ne sont pas près d’abandonner Facebook

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Après le pivot vers la vidéo, le pivot vers les programmes TV continue : Apple plonge dans les contenus TV et signe avec Steven SpielbergHulu arrive dans l’e-sport pour 4 séries avec la plus grande Ligue de sport électronique du monde. Tout comme BuzzFeed et Vice, Gizmodo Media Group (ex Gawker) proposera des programmes TV issus de ses marques numériques. 

Déçus par les capacités limitées de Facebook Live, les éditeurs s’intéressent à nouveau à la vidéo sur Twitter, notamment pour ses possibilités d’édition et la souplesse de ses business modèles. Twitter présente aussi « Happening Now », une nouvelle fonctionnalité qui permet de regrouper des tweets par événements.  

3 CHIFFRES 

1/3 – des consommateurs utilisera la VR d’ici 2020

3 jours – c’est le temps moyen pour qu’une fausse info soit labellisée sur Facebook

12 heures par jour – le temps que passent les Américains en moyenne avec des médias


TOUTE L’ACTUALITE DE CETTE SEMAINE : 

FAKE NEWS / POST TRUTH

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Scénario catastrophe pour les médias d’information : la faute à leurs dirigeants

Je n’ai jamais raté la keynote annuelle d’Amy Webb, feu d’artifice des dernières tendances technos médias et vrais coups d’avance offerts aux journalistes dans leur mutation numérique. Mais la 10ème édition, présentée ce week-end à Washington par la prof/futuriste, a littéralement glacé l’énorme salle bondée de la conférence de l’Online News Association.

« Je suis très inquiète. Plus encore sur l’avenir du journalisme que sur l’arsenal nucléaire nord-coréen ! Car nous sommes entrés cette année dans une nouvelle ère technologique, celle de l’intelligence artificielle, qui va fondamentalement transformer le journalisme et donner tout le contrôle de la distribution de l’information à une poignée* de géants du web américains et chinois. »

« Or les responsables des rédactions et des médias, ajoute-t-elle, ne voient pas plus loin que le bout de leur nez et sont en train rater les grands enjeux qui surgissent. Ils parlent de l’avenir, mais ne font rien. Ils sont scotchés au présent. Et pourtant ce sont ceux qui sont en charge du futur du journalisme ».

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Alors que le cycle de l’info n’a jamais été aussi rapide et la défiance envers la presse jamais aussi grande, 69% des rédactions ne surveillent pas la manière dont les tendances émergentes impacteront l’info d’ici 5 à 10 ans, selon un sondage réalisé cet été par Ipsos, présentée par Amy Webb.

« Les fake news vous inquiètent ? Vous n’avez encore rien vu ! »

2018, assure-t-elle, marquera le début de la fin de la domination des smart phones qui nous amènera d’ici 10 ans à une informatique ambiante où les décisions des machines seront beaucoup plus rapides que celles des humains, où les interfaces seront vocales, où les contenus seront décentralisés, avec beaucoup de réalité hybride, de nouveaux types de search et de terminaux.

« Les journalistes doivent comprendre ce qu’est l’intelligence artificielle et son impact potentiel pour l’avenir de l’info. Et il est vital que les dirigeants s’y mettent ».

L’experte du Future Today Institute entrevoit une dizaine de tendances qui se partagent dans 3 grands groupes de technologies. Elle y ajoute des scénarios pour 2027. Souvent très inquiétants.

1L’INFORMATIQUE VISUELLE

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« Pourquoi les journalistes doivent ils s’interroger sur ce point ?» interroge la jeune femme. Et de répondre en explorant nombre de situations déjà contemporaines dont nous n’avons peut-être pas encore mesuré les conséquences.

Le constat est connu. Le processus de l’intelligence artificielle consiste à sans cesse apprendre aux machines. C’est comme cela pour la reconnaissance des personnes, des objets, des lieux, et dans toutes les situations possibles. Exemple : l’analyse spectroscopique de notre nourriture, via notre portable, qui n’est plus un fantasme de savant fou. Cette fois, bien plus haut que le contenu de nos assiettes, dans les 10 ans à venir, des satellites cubes (CubeSats) seront lancés par milliers. Moins chers que les engins spatiaux actuels, ils seront capables de photographier chaque centimètre de notre planète en temps réel. Autrement dit, sur terre come au ciel, des instruments très puissants pourront être utilisés par les journalistes dans la prochaine décennie. Aux mains des pros de l’info certes. Mais aussi capables de se mettre à la disposition des puissants.

Ainsi la start up chinoise Megvil Inc, et son logiciel Face++. Elle en est au premier anniversaire de son existence. Ce très redoutable instrument parvient à détailler les silhouettes, les visages. Détecter un facies dans un paysage, l’attribuer à une personne, Face++ sait également faire. Il est déployé en Chine, et 800 millions de citoyens l’emploient à travers des centaines de milliers d’applications. Là encore ce n’est pas un fantasme de science-fiction, mais bien une réalité. Gare au piéton chinois désobéissant qui traverse quand cela est interdit. L’app Jaywalker, le repère, et publie le visage du contrevenant à la une du site spécialisé dans la mise au ban des pékinois récalcitrants. La honte version numérique en somme.

Amy Webb veut nous alerter en donnant d’autres exemples de cette utilisation de l’IA. Grâce à la technologie nouvelle, la sexualité de chacun se portera en quelque sorte au milieu du visage. Là encore, le logiciel VGG-Face de l’université de Stanford – nourri par quelques 70 000 photos – se prétend capable de définir ce que sont nos inclinations sexuelles.

Autre domaine mis en exergue par la jeune femme au discours, décidément sombre : la réalité augmentée. « Elle est maintenant partout, dit elle. Les médias devraient lui accorder toute leur attention, sans plus attendre ». Lunettes caméras hyper miniaturisées, commande de tous types de communications son ou images au bout des doigts, tous ces dispositifs de réalité augmentée sont sur le point de débouler dans nos vies quotidiennes.

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D’ailleurs cette informatique visuelle ne va pas cesser de se perfectionner. Elle apprend comme nous de ses erreurs. Comment par exemple distinguer un panda d’un gibbon, quand des pixels malvenus viennent polluer l’image? La question se pose, insiste Amy Webb, car « des acteurs mal intentionnés peuvent toujours introduire des informations contraires pour créer la confusion ».

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Nous voilà donc mis en garde. Un appel à la prise de conscience d’autant plus important que trois scénarios pour 2027 se présentent, affirme Amy Webb, renvoyant aux journalistes la maîtrise de leur avenir.

=> Quel scénario trouve grâce aux yeux d’Amy Webb ? Devinez. 0 % pour l’optimiste. 70% pour le pragmatique. Et 30% pour le catastrophique.

2LA VOIX

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 Là aussi pourquoi les journalistes devraient-ils s’y intéresser ?

En raison des énormes progrès récents en reconnaissance du langage par les machines qui va pousser chacun de nous à parler prochainement à nos terminaux.  
Avec tout de suite déjà des risques importants puisque des machines sont déjà capables d’imiter la voix (Lyrebird). Souci pour les rédactions…

Surtout si vous combinez cela aux risques de la reconnaissance visuelle qui permet déjà de générer des objets, voire de courtes vidéos à partir d’images fixes. Ou pire de mettre dans la bouche de quelqu’un filmé des propos qu’il n’a jamais tenu.

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=> Les probabilités d’Amy Webb : 0% pour le scénario optimiste, 80% pour le pragmatique et 20% pour le catastrophique.

3L’ACCES

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L’avenir de l’accès à de l’information de qualité est évidemment devenu un sujet crucial.

Notamment dans un contexte où la rapidité est de plus en plus incompatible avec la qualité et la fiabilité de l’info.

Au moment où Twitter est devenu l’agence de presse mondiale du 21ème siècle, où Facebook vaut un demi trillion de dollars, on peut s’attendre à voir les gouvernements et les Etats à enfin réguler les géants du web. Avec le risque d’un morcellement d’Internet (Splinternets) par zone géographique, voire par pays, et donc des pratiques journalistiques qui risquent d’être différentes d’une zone à l’autre.

Dans ce contexte morcelé, la sécurisation par la blockchain (qui sert déjà à de nombreuses autres industries) pourrait s’avérer un bon moyen de traçabilité et d’authentification de l’information.

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=> Probabilité pour Amy Webb : scénario optimiste 0% de chances. Et 50% pour les deux autres !  

Elle est d’ailleurs tellement inquiète qu’elle a décidé de mettre toute sa recherche en open source à la disposition de tous.

Il reste peu de temps pour changer le cours de l’histoire. Mais c’est possible, assure-t-elle. Cela dépend de nous !

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ES avec Hervé Brusini, direction de l’information

Pour voir la keynote :

* Neuf entreprises américaines et chinoises vont dominer l’intelligence artificielle : Tencent, Baidu, Alibaba, Amazon, Google, Apple, Facebook, Microsoft, IBM

 

 

 

Voyage en autobus vers l’alter journalisme

Par Hervé Brusini, Direction de l’information, France Télévisions

Le convoi d’autobus progressait tant bien que mal dans les artères élégantes de Washington. A bord, ils étaient près de 2.000 journalistes venus pour le grand rassemblement de l’ONA, la puissante association des pros de l’info digitale. La caravane quittait l’hôtel Marriott où s’était tenue une conférence très singulière. Salem Khan – l’animateur de cette conférence intitulée « Propagande gouvernementale et manipulation des médias »-  avait prévenu.

« Vous ne pouvez plus sortir d’ici avant que notre échange ne soit terminé. Personne ne pourra entrer dans cette salle. De plus je vous demande d’éteindre vos portables. »

Une quasi provocation pour une assemblée de journalistes plus Twitter ou Facebook Live que jamais. L’orateur, qui est aussi le fondateur du site JOVRNALISM demandait alors à une jeune femme de prendre la parole. Jessika Aro s’était levée. A coup de slides, elle expliquait sa mésaventure. En 2014 cette journaliste du service public finlandais a réalisé une enquête approfondie sur la propagande russe. Elle a mis à jour ce qu’elle appelle une troll factory, autrement dit le complexe secret de la contrefaçon de l’info industrialisée par le pouvoir en place. Mal lui en a pris. Depuis, elle ne vit pas un jour sans être menacée, des messages lui sont adressés directement, ils contiennent des détails sur sa vie privée inconnus du public. Bref, le danger est bel et bien réel. La journaliste est désormais aux aguets, sous surveillance constante.

« Certes, il faut débusquer la fausse information où qu’elle se trouve, a-t-elle affirmé. Mais il est essentiel d’éduquer les jeunes aux médias ».

Une heure durant Jessika Aro a fait preuve d’une étonnante détermination. A quelques rares moments, une lassitude perçait sous son engagement. A ses côtés, Ruslan Deynychenko du site stopfakenews, exposait comment l’Ukraine fut le premier terrain d’exercice de la propagande russe. Quant à Steven Luckert, membre du Muséum Mémorial de l’holocauste, il rappelait que tout cela n’était pas sans rappeler des méthodes mises au point par la machine nazie.

Mais avec une différence de taille, le numérique qui permet maintenant d’individualiser la manipulation.

A bord des autobus, la discussion tournait autour de ce combat pour la vérité. On saluait le courage de la consoeur. Au moins, là les choses était claires pour toutes et tous. Une journaliste se levait face à un pouvoir manipulateur. Bref, c’était une sorte de remake d’une période bien connue, la guerre froide, avec en plus l’arme digitale.

Et d’évoquer bien sûr la situation d’un « président fabricant quotidien de contre-vérités » selon l’expression d’une professeur de l’Université de Colombia.  Âgée d’une cinquantaine d’années, elle racontait son passé de reporter. Elle mesurait ce qu’elle appelait une « révolution qui lui échappait ». Un autre journaliste lui confiait son trouble.

La jeune finlandaise faisait face à un pouvoir étranger. « Avec Trump, c’est au sein même du pays que cela se passe. Comment parvenir à convaincre les citoyens adeptes du nouveau président qu’il est une machine à mensonges ? »

La lutte contre les fake news semblait alors aussi dérisoire que fondamentale à la petite assemblée en vadrouille dans la capitale. Chacun avait le sentiment que l’adversaire était autrement plus redoutable à circonvenir. C’était la valeur vérité elle même qui était mise à mal. L’adversaire était là sous leur nez, insaisissable et massif. L’impressionnante colonne de véhicules stoppait alors devant le Newseum.

Un cocktail en forme de visite attendait les participants. De la naissance de la presse à la famille Kennedy, des plus belles photos réalisées par les prix Pulitzer américains, aux voitures criblées de balles des reporters de guerre. Toute l’info sur l’info est là.

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Un ex-hélicoptère de télévision pendu au plafond était parcouru de mille étoiles projetées par une énorme boule à facettes. Cela se voulait festif. Cela sentait la fin d’un monde. Ce voyage en autobus en avait rajouté au malaise ambiant.

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Un autre voyage semblait s’imposer, vers un journalisme redédini, une info plus transparente que jamais dans ses processus de fabrication.

Un alter journalisme ? Les bières succédaient aux bières et aux cocas. Sur une paroi du musée un pan de mur historique avait été reconstitué. On pouvait y lire : « La presse est la pierre angulaire de la démocratie. Quand la presse libre est de qualité, elle révèle la vérité. »   

 

 

Un an de Trump : les journalistes américains comme des lapins dans les phares

Près d’un an après son élection, Donald Trump a réussi un autre tour de force : maintenir la presse américaine dans l’obsession à son égard et à sa tambouille de Washington, tout en continuant à l’éloigner du reste de l’Amérique.  

Non seulement elle ne s’est pas remise d’une élection qu’elle n’a pas vu venir, mais elle reste tétanisée par un président qui l’a, depuis, jetée à la vindicte, en la désignant jour après jour « ennemie du peuple américain ».

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Cette semaine, à Washington, lors de la conférence annuelle de l’Online News Association, les 3.000 journalistes réunis ne parlaient que de ça. Nombreux étaient même ceux qui vous confiaient, sidérés, que Trump, toujours fort d’une base solide et fidèle, serait aujourd’hui encore, réélu, voire même en 2020.

Furieux, inquiets, traumatisés, désarmés, et surtout toujours impuissants, ils cherchent désespérément des parades à l’invraisemblable « machine à tweets » qui les réveille chaque matin en s’adressant, au-dessus de leurs têtes, aux Américains et au reste du monde, pour donner le ton et l’agenda du jour.

Ils n’en reviennent toujours pas de voir quotidiennement leurs articles, leurs reportages, leurs JT, qualifiés de « fake news » par un exécutif qui, pour eux, ment en permanence.

Et pire, qui commence à arrêter des confrères.

Le tout sur fond de ressources éditoriales en chute libre, de défiance croissante de la population, notamment des jeunes, et d’un déferlement d’infos bidons et d’opérations de désinformation, parfois alimentées de l’étranger.

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« Il cherche à nous intimider, mais si on ne proteste pas, cela va devenir normal d’arrêter des journalistes », estime Cenk Uygur, journaliste fondateur de la TV internet The Young Turks. « Nous sommes face à un manque de respect croissant du 1er amendement de la constitution » (liberté d’expression).

Mais le problème c’est qu’« aujourd’hui tout le monde fait l’erreur de se reconcentrer sur Washington et oublie de nouveau les territoires et les communautés », estime Asma Khalid, qui a couvert la campagne pour la radio publique NPR. « Les journalistes feraient mieux de revenir interroger ceux qu’ils ont découvert il y a un an ».

 « C’est toujours difficile de sentir la colère du pays depuis les bulles de New York ou de Washington. Trump en profite » ajoute Cenk Uygur, pour qui le nouveau président « a forcé la presse à regarder le côté déplaisant de l’Amérique ».   

« Trump a exposé l’Amérique qui a toujours existé (…) mais nos rédactions ne reflètent pas la diversité de la population du pays. Les journalistes envoyés sur le terrain ne ressemblent pas à ceux qu’ils interrogent », déplore Nikole Hannah-Jones, journaliste au New York Times Magazine.

« N’oubliez pas, dit la jeune reporter de Vice qui a réalisé l’enquête choc sur les suprématistes blancs du Sud, que les vrais gens ne sont pas sur Twitter, là où les journalistes s’admirent ! ».  

 « Trump est en train d’emmener les gens dans sa direction. Or c’est à nous de restaurer la confiance et de voir comment mieux les écouter », estime Michelle Holmes, vice-présidente du groupe de presse Alabama Media.

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Actuellement, la droite dure américaine, soutenue par Trump, s’en prend aux médias mais aussi aux professeurs et aux scientifiques. Et alimentée par les réseaux sociaux, l’opinion privilégie hélas souvent l’émotion sur les faits. Des faits parfois, remis en question, qu’elle ne veut pas connaître ou qu’elle ne différencie plus des commentaires ou des opinions.

« Nous sommes engagés dans une bataille contre l’ignorance », résume Peter Bale, éditeur du futur site WikiTribune, financé par Jimmy Wales. « Notre travail doit être aussi de renforcer considérablement l’esprit critique et le scepticisme de l’audience et de la sortir de sa bulle cognitive en distribuant le plus extensivement possible nos infos », Glenn Kessler, fact-checker en chef au Washington Post.

« Nous devons aussi éduquer aux médias les jeunes, premières cibles des manipulations », martèle le responsable du musée de l’Holocauste de Washington, Steven Luckert.

Face aux fake news, à l’info partiale, « la seule réponse est la transparence et la communication sur notre méthodologie », assure Angie Holan, éditrice de Politifact, spécialisé dans la vérification des infos politiques.

Mais les journalistes reconnaissent aussi manquer d’outils, de temps pour leur reportage, et aimeraient plus de soutien des grandes plateformes comme Google et Facebook.

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Liens vagabonds : Twitter, 280 caractères pour désinformer ?

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« Homo deus – Une brève histoire de l’avenir » : magistrale synthèse du monde qui vient

Epoustouflant ! Vertigineux ! Souvent, durant la lecture, les adjectifs viennent aux lèvres de l’admirateur, avide de prospective, qui souligne et annote furieusement « Homo deus – Une brève histoire de l’avenir ».

Difficile de résumer le second opus du professeur Yuval Noah Harari, après son best-seller « Sapiens ». Visionnaire sans être prophétique, l’historien israélien produit une magistrale synthèse de ce qui est en train de naître sous nos yeux. Celle du monde qui vient, dominé par les pouvoirs inédits de la biotechnologie et des algorithmes informatiques.

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Il nous facilite toutefois la tâche dans les tout derniers paragraphes d’un livre de près de 500 pages :

A quelques mois, conclut-il, nos principaux problèmes concernent « les troubles au Moyen Orient, la crise des réfugiés en Europe et le ralentissement de l’économie chinoise (…) En termes de décennies : le réchauffement climatique, l’inégalité croissante et les problèmes du marché du travail ».

« Mais si nous prenons encore plus de recul, tous les autres problèmes et évolutions sont éclipsés par trois processus liés les uns aux autres :

    1. La science converge vers un dogme universel, suivant lequel les organismes sont des algorithmes et la vie se réduit au traitement des données.
    2. L’intelligence est dissociée de la conscience.
    3. Des algorithmes non conscients, mais fort intelligents, pourraient bientôt nous connaître mieux que nous-mêmes. »

En d’autres termes :

Vers une dictature numérique

« En politique par exemple, il existe un vrai danger de transfert de l’autorité des électeurs et de la classe politique vers les algorithmes et les Big Data (…) qui pourrait conduire à une dictature numérique », a-t-il expliqué cette semaine à Paris au Collège des Bernardins, après avoir été reçu à l’Elysée par Emmanuel Macron.

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« Les principales décisions économiques, celles des gros investissements de milliards de dollars, rappelle-t-il, sont déjà prises par des algorithmes sur les marchés boursiers. Et les entités qui décident aujourd’hui qui est un terroriste, comme à la NSA ou au Mossad, sont aussi des algorithmes ».  

 « Quand le génie génétique et l’intelligence artificielle révèleront tout leur potentiel, le libéralisme, la démocratie, et le libre marché pourraient bien devenir aussi obsolètes que les silex, les cassettes, l’islam et le communisme », écrit-il.

Pour lui, « le dernier espoir des démocraties libérales, actuellement en crise, réside dans le projet européen. S’il échoue, ce sera comme l’effondrement des systèmes communistes. Et cette fois nous n’en avons pas d’autre en vue. » 

L’explosion inédite des inégalités

« Le 21ème siècle sera dominé par les biotechnologies et les algorithmes qui vont créer la société la plus inégalitaire de l’histoire de l’humanité », prévient Harari. Car « ceux qui les maîtriseront, auront le pouvoir. Un pouvoir bien plus vaste que jadis, car il portera non seulement sur des machines ou des usines, mais aussi sur le corps, le cerveau et l’esprit, les grands produits du 21ème siècle » qui pourront d’ailleurs être augmentés.  

 « La plupart des pays seront largués et n’auront aucune chance de combler leur retard. Le fossé sera plus grand que pendant les époques du colonialisme et de l’impérialisme. »

 « L’économie reposera sur des gens sophistiqués (indispensables et indéchiffrables) et des technologies autonomes.» C’est-à-dire des robots. Et attention, ajoute Harari, à ne pas faire l’erreur de comparer les performances d’un homme à un robot. Car l’homme ne sera pas face à une machine, mais face à un réseau réactualisé en temps réel !

 « Une des plus grandes menaces du 21ème siècle sera la montée d’une classe de gens inutiles. Non pas exploités comme jadis, mais inutiles aux milliardaires de la Silicon Valley (…) Ils ne pourront même pas faire grève. Qu’allons-nous faire d’eux ? (….) Que faire des surnuméraires ? Ce pourrait bien être la question économique la plus importante du 21ème siècle (….) Ce sera encore plus dramatique dans les pays pauvres ».

D’autant que « la médecine ne va se plus consacrer à soigner les malades mais à améliorer les bien portants. » Et à produire des super-humains. Notamment pour rester dans la course face à l’essor rapide de l’intelligence artificielle.

« Les élites vont-elles alors s’intéresser à la santé et au bien-être des masses ? Pas sûr », répond le professeur. « Jusqu’ici, elles y avaient intérêt (guerre, usines, champs) mais demain, avec les robots, « les humains perdront leur valeur économique et les guerres ne se feront plus avec des soldats ».  

Que peut-on alors faire ? Commencer par réguler la propriété des données

Attention, dit-il ! « Nous n’avons que quelques années ou quelques décennies avant que les réseaux et les algorithmes prennent le pouvoir ».  

« Au Moyen Age, le principal actif était la terre, puis ce furent les machines et les usines, aujourd’hui ce sont les données. Donc la question cruciale est la suivante : qui possède les données ? Aujourd’hui, elles sont la propriété d’une petite élite formée d’une poignée de firmes et d’entités gouvernementales. Nous n’avons même pas le contrôle de nos propres données. Nous sommes en train de céder le pouvoir à ces nouveaux possesseurs d’actifs en échange de services de messagerie et de vidéos de chats. Il faut donc en réguler la propriété ». 

Attention, avertit-il encore ! « L’essor de l’intelligence artificielle ne constitue pas un moment critique, ou à l’arrivée d’un nouveau point d’équilibre, mais ressemblera à une cascade de changements incessants ».  « Et dire qu’aujourd’hui, on ne sait même pas quoi enseigner aux enfants en maternelle ! ».     

La fin de l’humanisme

Le plus impressionnant dans son livre, c’est quand Harari entrevoit la fin de l’humanisme, du système démocratique libéral, et, ce qui est le plus choquant, de notre libre arbitre.

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 Il voit trois menaces pour le libéralisme, qui domine le monde depuis trois siècles :

La fin du libre arbitre :

 Pour Harari, « les sciences de la vie sapent le libéralisme en soutenant que l’individu libre n’est qu’une fiction concoctée par un assemblage d’algorithmes biochimiques. (…) Le moi unique et authentique est aussi réel que l’âme éternelle, le Père Noël ou le lapin de Pâques »

 « La technologie du 21ème siècle, peut, elle, permettre à des algorithmes extérieurs de +pirater l’humanité+ et de me connaître bien mieux que je ne me connais. A compter de ce jour, la croyance en l’individualisme s’effondrera et l’autorité sera transférée des individus aux algorithmes en réseau. Les êtres humains cesseront de se voir comme des êtres autonomes qui mènent leur vie à leur guise pour s’habituer à se voir comme un assemblage de mécanisme biochimiques constamment surveillé et guidé par des algorithmes électroniques. Pour que ceci se produise, nul besoin d’un algorithme extérieur qui me connaisse parfaitement et ne fasse jamais d’erreur ; il suffit que l’algorithme me connaisse mieux que je ne me connais et commette moins d’erreurs que moi. Il sera alors sensé de confier toujours plus mes décisions et choix de vie à cet algorithme. »

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« Qu’adviendra-t-il le jour où nous comprendrons que les choix des clients et des électeurs ne sont jamais libres, et où nous disposerons de la technologie pour calculer, concevoir ou déjouer leurs sentiments ? Si l’univers entier est arrimé à l’expérience humaine, qu’adviendra-t-il lorsque l’expérience humaine ne sera qu’un produit modelable de plus, dont l’essence ne suffira plus à le distinguer de n’importe quel article de supermarché ? ».  

Les humains n’étant plus finalement que des algorithmes biochimiques, il deviendra aussi possible de les hacker. Alors, « la plus grande menace viendra des hackers qui hackeront des humains, et non des machines ». 

 Une nouvelle techno-religion : le dataïsme, qui repose sur la liberté de l’information

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L’historien parie sur l’apparition de techno-religions, post-humanistes, croyant en l’immortalité et aux paradis virtuels et qui seront essentiellement de deux ordres : « le techno-humanisme d’une part et la religion des données d’autre part ». La première croyant essentiellement dans un homme augmenté, homme-dieu, qui lancera une nouvelle révolution cognitive « avec le concours du génie génétique, des nanotechnologies et des interfaces cerveau-ordinateur. » 

On l’a vu: Harari décrète la fin de l’humanisme de Hume ou de Voltaire qui défendaient l’idée que « Dieu est un produit de l’imagination humaine ». « Le dataïsme retourne aujourd’hui cette arme contre eux et leur répond : « Oui, Dieu est un produit de l’imagination humaine, mais celle-ci, quant à elle, n’est que le produit d’algorithmes biochimiques ». « Car le dataïsme fait valoir que ce sont exactement les mêmes lois mathématiques qui s’appliquent aux algorithmes biochimiques et électroniques. Ce faisant, il fait tomber la barrière entre animaux et machines (…) ».

Et le plus frappant c’est que, selon Harari, c’est la biologie et non l’informatique qui sera la discipline-clé du dataïsme.

Une des caractéristiques de cette croyance à venir c’est qu’elle « renverse la pyramide traditionnelle du savoir » : « Jusqu’ici les données étaient perçues comme la première étape d’une longue chaîne intellectuelle. Les hommes étaient censés distiller les données en information, les informations en connaissance, et la connaissance en sagesse. » Mais désormais les hommes n’ont plus la capacité suffisante de traitement de flux immenses de données qu’ils doivent sous-traiter aux Big Data et aux algorithmes informatiques.

La beauté et la force des données c’est aussi qu’elles constituent « un langage commun, construisent des ponts par delà les frontières universitaires et permet aux intuitions de passer facilement les frontières des disciplines. Musicologues, économistes et spécialistes de biologie cellulaire peuvent enfin se comprendre ». 

« L’examen critique du dogme dataïste ne sera probablement pas seulement le plus grand défi scientifique du 21ème siècle ; ce sera aussi le projet politique et économique le plus urgent à mener. »

« Ecoutez vos sentiments ! » recommandait l’humanisme.

« Ecoutez les algorithmes », recommande le dataïsme ».

Impossible de freiner !

En débutant son ouvrage, Harari reconnaissait qu’aujourd’hui « personne ne sait où sont les freins ! ».

« Certains experts suivent ce qui se passe dans un domaine comme l’intelligence artificielle, les nanotechnologies et le « Big Data » ou la génétique, mais personne n’est expert en tout. Personne n’est capable de relier tous les points et d’avoir une vue d’ensemble. Les différents domaines s’influencent mutuellement avec une telle complexité que même les meilleurs esprits ne sauraient deviner en quoi les percées de l’intelligence artificielle pourraient avoir un impact sur les nanotechnologies et inversement. Personne ne peut assimiler toutes les découvertes scientifiques les plus récentes, personne ne peut prédire de quoi l’économie sera faite dans 10 ans, et personne n’a la moindre idée de ce vers quoi nous nous dirigeons avec tant de hâte. Personne ne comprenant plus le système, nul ne peut l’arrêter ».

A lire ! Et à suivre !

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