Liens vagabonds : Netflix, 1ère Internet TV mondiale

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Et si nos élites étaient incapables de nous préparer au monde qui vient ?

La transformation systémique que nous vivons a mis le web au centre de nos vies. Mais cette nouvelle organisation sociale est pilotée par les GAFA, désormais trop en avance sur nos élites politiques, dépassées, et tentées de sous-traiter certaines missions à la Silicon Valley qui entend remplacer l’Etat-providence.

L’emprise algorithmique, l’hégémonie des grandes plateformes, le mythe du big data comme remplacement de la connaissance, contribuent à faire disparaître la puissance publique. Seule l’Europe pourrait changer le web. En a-t-elle la volonté ?

Tel est l’un des inquiétants avertissements adressés, juste avant les fêtes, par les Entretiens du nouveau monde industriel qui se sont tenus à Beaubourg.

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Extraits :

La maladie est aggravée par le remède

=> Bernard Stiegler (Philosophe, Directeur de l’Institut de Recherche et d’Innovation) : 

Nous sommes dans une transformation systémique (…) La société industrielle ne va pas bien, mais le numérique – puissance destructrice– qui devait soigner le malade, est en train d’aggraver la maladie. Le numérique provoque le contraire de ce que nous souhaitions : il accentue l’entropie. Notamment par la fin de la redistribution par l’emploi. Or nous risquons de faire face à la disparition de 50% des emplois.

Aujourd’hui nous n’avons pas de régime de vérité du numérique, car ça suppose un état de droit (…) La disruption, c’est le Far West ! C’est l’exploitation des vides juridiques. Ca ne peut pas durer. Car cela risque de se terminer dans des règlements de comptes à grande échelle.

(…) Aujourd’hui, nous avons une massification de comportements mimétiques pilotés par des puissances exclusivement privées et par le marché. C’est catastrophique. (…) Le marché abandonné à lui-même devient fou.

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Le smart power a été concédé aux Etats-Unis par défaut d’une politique européenne, alors que le web avait été inventé en Europe. Il faut réinventer le web. C’est un enjeu planétaire. Ca passe par une nouvelle politique de recherche. Car dans le smart power, le savoir est fondamental. Mais l’action politique arrive toujours trop tard.

L’Europe a une responsabilité fondamentale et les moyens de déplacer la donne pour renforcer les potentialités de justice.

Certes, l’immense marché ne va pas se désinstaller : mais comment y faire croître des alternatives ? C’est impossible sans la puissance publique. Créer de nouvelles possibilités macro-économiques et ne plus être sous la domination de la micro-économie.

Les modèles du web sont extrêmement entropiques (…) L’économie contributive à la Google repose sur le travail gratuit, qui crée de l’insolvabilité dans le système. Il faut une économie de contribution qui soit solvable.

Nous sommes devenus des fourmis numériques. Nous sommes tous calculés. Ne nous laissons pas leurrer par le storytelling libertarien. 

L’emprise algorithmique et l’hégémonie des grandes plateformes

=> Dominique Cardon, sociologue au Laboratoire des usages d’Orange Labs :

Nous sommes dans une alliance entre libéralisme et individualisme, une complicité entre l’idéologie libérale de la Silicon Valley, qui offre de nouvelles capacités d’action et de liberté aux citoyens, et une forme de transformation sociale qui vise l’individualisation. Et on oublie la justice et l’égalité.

(…) L’échelle européenne est vitale. La diversité du web est menacée. La gouvernalité est devenue marchande. On a besoin de l’Etat pour lutter contre la gouvernalité du web par les grandes sociétés américaines. On a besoin des chercheurs et de la puissance publique

Le travail numérique, c’est +vous croyez faire X et en fait vous travaillez pour Y+ ! Et ça ne vous décourage pas !

Les algorithmes ne sont pas loyaux. Il y a beaucoup de manipulation. On a besoin d’un audit de la manière dont on est calculé. Il faut repenser le contrat social entre les internautes et les calculateurs d’algorithmes. On poursuit les géants du web avec des copies d’écrans : c’est risible. Il faut des machines et des chercheurs. Et imaginer aussi d’autres manières de classer. 

La Silicon Valley veut remplacer l’Etat-providence !

=> Evgeny Morozov, écrivain, journaliste, critique du solutionisme technologique : 

 

Je suis extrêmement déprimé. Le numérique est en train d’être transformé par une vaste prise de contrôle de nos vies par les grandes et très rentables compagnies américaines qui coopèrent avec la NSA. On a très peu de contrôle sur cela. Via nos données, nos vies sont désormais reliées au marketing mondial. Au motif qu’on nous propose des choses moins chères et plus sociales.

L’ironie c’est que tout cela est très clair et se passe sous nos yeux mais que les citoyens ou les Etats ne veulent pas le voir.

(…) Aujourd’hui les intérêts sociaux et politiques des gens sont promus et défendus par la Silicon Valley. Tous les domaines sont désormais touchés : l’éducation, la santé, les transports, et bien sûr les communications. Et ces firmes ne souffrent pas de la mauvaise image de leurs ainées comme les Exxon ou Goldman Sachs.

Mais c’est un piège. La Silicon Valley est le principal véhicule de célébration de la puissance du marché aujourd’hui. Elle joue le rôle des grands mouvements de privatisation des années 80. Nous vivons dans le nouveau +consensus de la Silicon Valley+ (après celui de Washington qui a dominé les 30 dernières années). La réthorique est la même.

Il n’y pas de système alternatif.

(…) Les gouvernements européens ont passé un compromis très néfaste avec ces firmes, malgré les pressions de certains secteurs locaux, comme en Allemagne.

Google et les autres semblent devenir les fournisseurs par défaut de l’émancipation, de la mobilité et du temps libre des citoyens. Vous êtes obligés de plonger sinon vous devez accepter une taxe sur votre temps libre. Avec Google Now, assistant personnel optimisé par les données de l’utilisateur, qui libère les citadins débordés de tâches basiques, vous échangez une surveillance ubiquitaire 24/7 contre une heure de temps libre ! 

Bientôt, c’est Google qui vous dira si vous consommez trop d’énergie ou si vous mangez trop ! 

Il n’y pas d’effort en Europe pour penser cela. Pendant ce temps, les gouvernements redéfinissent leur rôle : ils dérégulent les marchés et re-régulent les citoyens !

Quand la gauche abandonne la technologie, elle abandonne les jeunes

=> Julian Assange, informaticien et cybermilitant australien, fondateur de WikiLeaks / par liaison type Skype : 

D’un point de vue politique, la technologie pilote l’orientation actuelle du monde. Les jeunes comprennent aujourd’hui des choses que les plus âgés ne sont pas en mesure de comprendre. C’est leur avantage compétitif. Donc, quand la gauche abandonne la technologie, elle abandonne aussi les jeunes. 

(…) La Silicon Valley pense que les machines vont être si puissantes qu’elles vont créer un paradis et une autre forme de réalité. C’est une philosophie religieuse qui unit une grosse partie de la Silicon Valley. C’est extrêmement dangereux.

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Les milieux politiques US estiment que Google fait partie de la famille. Il n’y pas de vraie séparation entre Google et le gouvernement US. Google agit comme le Département d’Etat en finançant ceux qui les critiquent. Facebook aussi.

Quand vous regardez comment ça marche, vous voyez que les choses sont +mal barrées+. Mais vous n’avez pas le choix. Il faut rester ici ! Nous n’avons pas d’autres endroits où vivre !

Disparition de la puissance publique

=> Christian Fauré, Partner, OCTO Technology : 

 

Nous n’avons encore rien vu avec la Blockchain, peut être la technologie la plus disruptive jamais observée. Elle repose sur une utopie libertarienne et peut constituer un levier de disparition de la puissance publique et des tiers de confiance. En produisant du consensus à la demande, distribué, une infrastructure de certification, elle crée un nouvel espace public.   

Exemple : la vocation du Bitcoin, qui repose sur la Blockchain, est de se passer des institutions financières.

Le mythe du big data comme remplacement de la connaissance.

=> Giuseppe Longo, Directeur de Recherche (DRE) CNRS au centre interdisciplinaire Cavaillès (République des Savoirs, Collège de France et l’Ecole Normale Supérieure, Paris) : 

 

Les grandes bases de données entendent remplacer la construction classique des connaissances scientifiques.

La machine trouve des corrélations, puis des règles, puis des prédictions pour agir. Avec les grands nombres croît le risque de devenir tous gris ! Risque aussi sur la pensée critique et scientifique. Le formatage nous rend tous identiques.

Internet, lieu des biens communs du 21ème siècle.

=> Axelle Lemaire, Secrétaire d’Etat Chargée du numérique : 

On a besoin de perturbation pour critiquer le système établi. Mais je m’en méfie un peu. La disruption sans objectif social, sans politique publique, peut être dangereuse : elle peut écarter des gens, faire sombrer dans la technophilie, faire perdre de vue la politique. Notamment au vu des rapports de force internationaux.

Attention au +si c’est bon pour l’utilisateur au niveau international, même si c’est illégal, alors il faut changer la loi !+

On doit questionner l’idéologie qui est derrière (…) on balaie trop rapidement le pouvoir de décider collectivement. Internet, est le lieu des biens communs du 21ème siècle.

(…) Face à l’exploitation massive des méga-données, du traitement algorithmique et de la robotisation, on attend une loyauté des plateformes. Nous souhaitons le début d’un « principe de loyauté ».

Les socles juridiques sont mis en cause. La justice sociale et des territoires n’est pas naturelle au monde du web.

(…) Nous voulons une gouvernance plus redevable du web, qui aujourd’hui favorise trop les sociétés américaines, et exclut l’intérêt général.

Mais il est dur de mobiliser : l’individualisation des particuliers se retrouve au niveau des Etats.

(Full disclosure : France Télévisions est l’un des partenaires industriels de l’IRI, dirigée par Bernard Stiegler)

Liens vagabonds : le streaming devient un genre à part entière

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ce que les frnaçais attendent de l'innovation

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la conso média des jeunes

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CAMPAGNE ELECTORALE US :

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Cahier de Tendances N°10 : vers un nouveau journalisme

Voici la 10ème édition de notre Cahier semestriel de Tendances sur l’évolution des médias, largement dédiée à celle du journalisme.

Elle trace quelques pistes qui nous semblent aujourd’hui cruciales : celles de journalistes qui doivent devenir davantage des scénaristes de l’information, des designers narratifs de la réalité du monde, des producteurs d’impact, grâce aux nouvelles technologies, au numérique et à Internet, et à condition de travailler beaucoup plus souvent en mode projet, avec d’autres métiers, d’autres expertises.

La traque des nouveaux usages mondiaux dans les manières de s’informer, de se divertir et de se cultiver est, bien sûr, assurée dans cette édition automne-hiver, de même qu’une sélection d’ouvrages recommandés.

Merci à nos nombreux contributeurs.

Bonne lecture et bonne fin d’année !

Les précédentes éditions semestrielles sont toutes disponibles gratuitement en pdf. dans la colonne de droite de ce blog. 

 

Liens vagabonds : la vidéo donne un coup de vieux à la TV

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La facturation basée sur l'usage va tuer Internet

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Uberisation des médias

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Imprimerie journaux personnalisables

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La VR pourrait générer

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Les équipes plateformes, nouvelles stars des rédactions

L’inquiétude grandit chaque jour sur la perte d’indépendance des médias d’informations au profit des grandes plateformes du web qui s’intercalent de plus en plus agressivement entre l’éditeur et son audience. Elle n’empêche pas les grandes rédactions de multiplier les initiatives pour être le plus présent possible sur ces nouveaux canaux de distribution: réseaux sociaux et messageries. Notamment pour ne pas se couper des jeunes dont les usages se sont, à l’évidence, radicalement transformés. Surtout quand plus de 60% du trafic en ligne est désormais mobile.

La grande réintermédiation du web force donc les éditeurs à se doter aujourd’hui de nouveaux talents dans leurs équipes numériques : « les équipes plateformes« , chargées d’optimiser cette nouvelle diffusion. Une tâche d’autant plus complexe que chaque plateforme a bien sûr sa propre syntaxe, ses formats et ses pratiques.  

L’équipe innovation du Washington Post

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« Nous avons fait le choix d’être partout », a résumé il y a quelques jours à Londres Christopher Meighan, directeur du design pour l’info numérique et les nouveaux produits émergents au Washington Post: Kindle Fire, bien sûr, mais aussi Instant Articles de Facebook où quasiment tous les contenus sont proposés, Apple News, Apple Watch, Twitter Moments, Facebook Notify, et bientôt AMP (Accelerated Mobile Pages) de Google, mais aussi les newsletters très visuelles.

Il dirige donc « une équipe de 25 à 30 personnes composée de journalistes, de développeurs, d’ingénieurs et de designers UX » (expérience utilisateur) qui « fonctionne en mode start-up » qui reporte au directeur de l’information et au directeur technique.

Elle produit plus d’une vingtaine de modules ou formats différents chaque jour à partir des contenus du site web du WashPost qu’elle aspire, trie et édite avec son propre CMS.

« Pratiquement en temps réel », précise Meighan. Le 13 novembre, l’équipe a ainsi produit 18 formats différents dans la journée pour des applis mobiles illustrant les attentats de Paris.

Les contenus mobiles sont réactualisés en permanence, ceux pour tablettes deux fois par jour et les titres sont travaillés pour favoriser la conversation et non plaire à tout prix aux moteurs de recherche (SEO).

Même politique au Guardian où le CMS de la rédaction est installé sur la position mobile par défaut ! « Face à l’explosion des plateformes, on essaie tout », explique Subhajit Banerjee, éditeur mobile du quotidien britannique innovant. « Du responsive, aux applis, des wearables à la réalité virtuelle ».

Des formats interactifs pour mobiles sont développés, comme le très beau reportage sur le Mekong.

Les messageries instantanées, type WhatsApp, sont utilisées plutôt pour recueillir des infos du public, photos ou vidéos UGC. Pratique, car la rédaction possède le N° de téléphone du témoin. Même utilisation par le Daily Mirror. D’ailleurs, note la BBC, le nombre de partage sur WhatsApp a déjà dépassé celui sur Twitter.

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Le New York Times a, de son côté, mis en place une équipe dédiée aux seules notifications et Vox Media cherche son responsable des partenariats avec les plateformes.

« Pour chaque plateforme, l’audience est différente. Mais trop souvent, les journalistes ne réalisent pas que leurs histoires peuvent se raconter bien autrement », résume Michael Kowalski, fondateur de l’agence Contentment.

Développeurs et designers, first !

En Suisse, le quotidien Le Temps, racheté récemment par le groupe Ringier, a mis en place une équipe numérique de 12 personnes où les développeurs, sont en haut de la hiérarchie, car « ils amènent plus de valeur ajoutée que le rédacteur en chef », estimait vendredi à Neuchâtel, Jean Abbiateci, redchef adjoint.

Voici donc par ordre d’importance les compétences de son équipe :

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Au Temps on ne demande pas la multi-compétences, mais « on ne veut pas avoir des gens qui ne savent pas gérer des projets ».

Les plateformes exigent de toute façon des compétences différentes. Même au sein d’une même marque. Les « stories » de Snapchat n’exigent pas le même niveau de production léchée que les fiches animées sur Discover, « où le travail est très exigeant », note Mashable qui gère dans son équipe plateformes de New York des talents en animation et d’autres en production vidéo. L’équipe « social » de Mashable à Londres s’occupe des messageries Viber et Line, plateforme très visuelle où elle compte déjà 150.000 utilisateurs.

Les télés aussi !

Car près de 60% de leur trafic en ligne vient désormais des mobiles.

CNN accentue ainsi sa stratégie d’hyper-distribution (sur Facebook Instant Articles, Instagram, Facebook, Twitter, ….). Une équipe d’une trentaine de personnes sera dédiée début 2016 à cette mission vers les nouvelles plateformes. Du contenu original pour certaines sera aussi produit. ESPN a montré la voie cette année. 

La chaîne d’infos en continu multiplie les formats dédiés et élaborés (photos vidéos, animations) « mobile first », comme celui sur l’Etat islamique.

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Des formats qui peuvent faire 7 ou même 17 minutes sont ainsi spécialement conçus. « Plus tard seulement, on regarde ce qu’on peut mettre à l’antenne », indique Inga Thorndar, directeur éditorial de CNN Digital International.

Sur Snapchat Discover, CNN produit chaque soir 5 sujets vers 17h00 en vidéo filmées verticalement pour 700.000 utilisateurs. « Nous touchons ainsi une audience que nous n’atteignions pas avant ».

CNN compte aussi sur sa nouvelle filiale « Great Big Story« , créée il y a 3 semaines, qui produit 3 vidéos magazines par jour sur des sujets contemporains pour concurrencer BuzzFeed et Vice auprès des jeunes.  

Fusion (Univision / Disney) se dote aussi en ce moment d’une équipe d’une douzaine de personnes dédiée aux nouvelles plateformes de distribution.

La partie numérique de la télé publique suisse allemande (SSR) s’est réorganisée récemment en trois sections: un pôle contenus, un pôle UX et un pôle technologie. A la BBC, « les expérimentations se poursuivent. Les fonctions vont mûrir », explique Trushar Barot, éditeur mobile.

« La méga-trend du moment est la personnalisation des contenus », estime CBS : pas l’individualisation, mais la multiplication des versions d’un même programmes ou émissions, selon les audiences et les plateformes.

Nouvelles mesures du succès

« Faire du clic c’est facile ! Tout le monde sait faire », résume Jean Abbiateci. « Nous nous concentrons désormais sur le temps passé et les utilisateurs loyaux qui reviennent ».  Mais tout le monde, au journal Le Temps, a accès aux statistiques d’audience et doit désormais savoir les interpréter.

Pour CNN, « l’important est, via ces plateformes, d’être vu par les jeunes, avec nos contenus de qualité triés et vérifiés ».

Chez BuzzFeed, où 70% du trafic est mobile, l’important est, sur la News Appd’intéresser le lecteur très vite et de lui donner un sentiment fort d’engagement: il ne reste que 30 secondes sur l’appli en moyenne, décrit Brianne Obrien, éditeur mobile à Londres, à la tête d’une équipe de 7 personnes.

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Attention au mode portrait vidéo

Attention toutefois à la généralisation du mode portrait de captation vidéo vertical des mobiles qui « risque de poser un sérieux problème aux TV », s’inquiète la BBC. « Quoi qu’il en soit, de nouvelle formes narratives vont continuer d’émerger sur mobiles ».

« La prochaine bataille sera celle de l’écran verrouillé, qui remplace de plus en plus l’InBox des emails « , prédit le Guardian.

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Pour cela, le quotidien britannique compte beaucoup sur le nouvel outil Notify de… Facebook !

Priorité à l’expérience utilisateur !

« Tout le monde s’informe sur Facebook, il faut donc y être ! Les gens restent sur Facebook et ne reviennent pas car l’expérience y est meilleure », résume Meighan du Washington Post.

Confirmation de Google à Paris : « si votre site mobile est plus rapide il sera prioritaire sur Google News » ! 

Avons-nous donc le choix ?

Liens vagabonds : Snapchat arrive dans les breaking news

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ROBOTS, INTELLIGENCE ARTIFICIELLE, AUTOMATISATION, BIG DATA, MACHINE LEARNING

REALITE VIRTUELLE / REALITE AUGMENTEE

SMART TV / STREAMERS / VIDEO / MULTI-ECRANS :

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JOURNALISME 2.0

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EDUCATION

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Il nous faut des journalistes designers

Dans un monde de plus en plus technologique, complexe, changeant, chaotique, le futur de l’information passe désormais par des collectifs d’experts réunis autour d’événements, par de nouveaux formats narratifs visuels, par le design de services – et pas seulement de contenus– conformes aux besoins d’une société en pleine mutation.

Dans cette transition, les journalistes doivent — s’ils veulent continuer d’avoir un impact sur une société de plus en plus défiante — accepter des modifications profondes de leur manière de raconter, de faire comprendre le monde, afin de mieux éclairer les citoyens, voire de les inspirer.

Ils doivent non seulement utiliser bien plus les outils numériques et les nouvelles technologies, mais aussi accepter de repenser la manière dont ils conçoivent leur rôle, de partager leur mission, de collaborer dans des process qui font leur preuve dans le monde des start-ups.

Pour comprendre le monde qui vient, le nouveau journalisme passe par l’abandon de postures accablées et d’une culture de l’impuissance, pour mieux faire remonter aussi les lieux et les élans de résistance et d’enthousiasme pourtant bien présents, notamment dans la jeunesse, mais trop souvent à l’insu du plus grand nombre.

Aujourd’hui, pour réussir, une rédaction doit mettre au centre les nouvelles technologies et les données, avoir un ADN social, être à l’aise avec le temps réel, les mobiles et les nouvelles plateformes de distribution qui remodèlent le journalisme, ne pas craindre la personnalisation accrue des contenus.

C’est aussi son travail de faire en sorte d’avoir plus d’audience, et, si son but est de viser les jeunes – qui se détournent de l’info traditionnelle–, d’employer des … jeunes, y compris aux responsabilités. Au management des médias de porter et de partager également une vraie vision indispensable d’innovation.

Le nouveau journaliste est donc un scénariste de l’information, un designer narratif de la réalité du monde, un producteur d’impact, un chef de projets.

Comment expliquer la crise du journalisme alors qu’il n’y jamais eu autant de demande pour de bons « storytellers » et de quête de sens ? Sommes-nous lâchés par le public, pourtant avide d’informations, ou l’avons-nous abandonné ?

Le nouvel engagement civique du journaliste doit surmonter la trop fréquente culture conservatrice des rédactions qui freine l’émancipation indispensable vers ce nouveau journalisme à 360°.

Pour cela, nous suggérons ici trois pistes, parmi d‘autres :

 

1LE JOURNALISME VISUEL, EXPERIENTIEL, IMMERSIF

 

Si pour le célèbre dictionnaire Oxford, le mot de l’année est un … pictographe, c’est qu’il se passe vraiment quelque chose !

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« L’emoji a été retenu car il représente le mieux l’esprit, l’humeur et les préoccupations de 2015 »

Créés au Japon dans les années 90, les symboles émoticônes, les smileys, sont utilisés dans les messages de communication pour les appuyer et gagner du temps dans un langage quasi universel facilement compréhensible. 

Après la culture de l’écrit, celle de l’écran : « visual first »

Aujourd’hui, l’image est le nouveau le langage des adolescents via les messageries et les applis des smart phones, avec des photos, dessins, emojis, vidéos, gifs et demain réalité virtuelle.

Les images, de fait, sont de plus en plus au centre du travail des rédactions. Jusqu’ici on faisait appel aux départements photo, vidéo ou graphique pour illustrer un article. Aujourd’hui, c’est l’inverse : les histoires se structurent autour de l’image.

Désormais, « il faut penser +visuel+ dès le début du travail », estime Aron Pilhofer, le patron du numérique au Guardian, et ancien du New York Times, où les graphiques animés sous forme de visualisation de données bénéficient des plus fortes audiences web. Avant même les articles.

Sans titre(Moteurs de recherche pour emoji et même claviers gifs)

Réseaux sociaux et applis de news où les images dominent

La plupart des gros investissements récents dans des médias d’informations privilégient toujours ceux qui mettent en avant des contenus visuels : Vice, Business Insider, Vox, BuzzFeed, etc.

Twitter ressemble aujourd’hui de plus en plus à Facebook où les vidéos ont explosé, UpWorthy restructure l’image et la data comme élément dominant du storytelling, Instagram, devenu lingua franca de facto de notre monde numérique, permet de suivre l’actu visuellement, sur Quartz, l’immense photo a pris la place du titre.

Chez NPR, l’accent est mis désormais sur le visuel. Pas banal pour une radio, qui utilise de plus en plus des photos, la vidéo, les diaporamas sonorisés pour raconter le monde. Des applis d’infos, très visuelles, faites pour mobiles, rencontrent le succès : comme Yahoo Digest, Vizo, … mais aussi Twitter Moments, Facebook Instant Articles.

« TL ; DR » : « too long, did’nt read »

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Le temps est compté, l’écran souvent petit, il faut faire court : le fameux « lede » anecdotique, cher aux anglo-saxons, est remplacé par l’image.

Et quand l’information devient abondante, l’attention devient la ressource rare.

Dans le tumulte numérique, dans le nouveau monde mobile, social, connecté 24/7, submergé d’informations, d’emails, les images sont le meilleur moyen d’attirer l’attention.

Cette nouvelle syntaxe correspond à de nouvelles manières de regarder, même si les cartes ont d’ailleurs toujours été des outils puissants de persuasion.

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Les applis visuelles de messageries plus importantes que les réseaux sociaux

Mélange d’écrits et d’images, les messageries sont devenues le principal canal de communication d’une nouvelle génération qui juge la profondeur et la densité des images supérieures aux mots.

Plateformes multimédias très visuelles diffusant emojis, photos, vidéos, jeux…, ces applis deviennent de gros distributeurs de contenus d’informations, plus importants désormais que les réseaux sociaux. Elles permettent d’atteindre les jeunes, mais aussi de collecter des infos via le public. D’où leur importance désormais cruciale pour les rédactions et le journalisme.

CNN, BuzzFeed, Vice sont des fournisseurs d’infos de Snapchat. La BBC, le New York Times, comme d’autres médias traditionnels testent la plupart d’entre elles. Les nouveaux médias, comme BuzzFeed, Vice, Mashable, les utilisent massivement. De nombreux magazines en ligne mettent en avant leurs contenus iconographiques, comme l’américain Vocativ ou le français Ijsberg.

L’info peut passer aussi par la bande dessinée comme la Revue Dessinée, mais aussi des cinémagraphes, ces photos où certaines parties sont animées d’un léger mouvement répétitif, généralement au format GIF, qui peut donner l’impression de regarder une vidéo. A ne pas dédaigner non plus : la « gamification » croissante de l’info, qui va parfois être jouée et non lue. Car dans la bataille pour l’attention, le public visé est souvent plus un public qui joue, qu’un public qui lit de l’info. 

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Les micro-moments nés de la fusion mobile, sociale, vidéo

Chacun le sait désormais : le mobile est devenu le 1er écran. Il y a aujourd’hui plus de smart phones Android et iOS en circulation que de PC. Il y en aura bientôt dix fois plus.

Le mobile combiné avec les réseaux sociaux, les messageries et la vidéo –qui va représenter sous peu 80% du trafic Internet—débouche sur un mélange visuel détonnant : 8 milliards de vidéos sont vues chaque jour sur Facebook, 6 milliards sur Snapchat, 2 milliards de photos sont mises en ligne etc….Instagram, qui remplace de plus en plus les blogs et accueille des formats longs de journalisme, est désormais plus grand que Twitter. 300 heures de vidéos sont postées chaque minute sur YouTube qui connaît un bond de 50% du nombre de vidéos vues en un an. Même tendance sur Tumblr, Pinterest ou Vine.

La génération mobile only joue tout au long de la journée de cette nouvelle expérience intégrée : elle crée, édite, partage, regarde ces images sur ses mobiles, où les captures d’écran sont les nouveaux fichiers !

Pour les jeunes, sur Snapchat, le dessin/customisation des photos et vidéos remixées du bout des doigts, le glissement horizontal/latéral comme nouveau mode de navigation mobile, la fonctionnalité compte à rebours du contenu éphémère, la vidéo verticale plein écran, font le succès de la plateforme d’expression immédiate. Google parle justement de « micro-moments » vidéo. 

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Editeur mobile d’infos

Contrairement à la télévision, le mobile est un média personnel, où la vidéo est consommée avec ou sans le son, sous-titrée, de plus en plus en mode vertical dans la paume. L’attention doit être captée dès les premières secondes, le contexte d’utilisation pensé, les vidéos brèves, claires, authentiques, pertinentes, partageables.

D’où la nécessité pour un média d’informations, de devenir aussi un éditeur mobile, un rôle nouveau, indispensable quand près des deux tiers du trafic en ligne vient de terminaux mobiles. C’est-à-dire un éditeur multiplateformes qui doit inventer sans cesse de nouvelles offres et services adaptées au mode narratif et au support. Un journalisme qui crée pour le mobile, mais aussi avec le mobile.

Les journalistes visuels, qui produisent des fiches, cartes, graphiques, vidéos natives pour le web et les mobiles, peuvent être designers, développeurs, photojournalistes, JRI. Le Guardian gère ainsi un desk « Visual » qui s’occupe du traitement des données, des graphiques, de l’interactivité, des photos, du multimédia et du design, sans pour autant sacrifier le fond.

Des outils sont de plus en plus disponibles pour aider les journalistes à renforcer le caractère visuel de leur narration (XMind, VIS, Mattermap…) et aider à mieux comprendre les enjeux de grands événements. Les modèles peuvent être utilisés plusieurs fois.

Des applis mobiles se développent pour aider les journalistes aux formes immersives de narration visuelles, comme Periscope pour le direct ou Steller, en textes, photos et vidéos. Google Photos fabrique lui automatiquement des GIFs à partir de vos images. Les vidéos peuvent prendre de multiples formes : du direct, des fichiers bruts non dé-rushés, des formats courts, des tutoriels, des interviews, des narrations, des magazines…

Sur les terminaux mobiles, deux types principaux de navigation dominent aujourd’hui : le scroll vertical vers le bas et le survol d’une photo ou d’une vidéo qui intéresse. Car sur mobile, l’info est en concurrence pour l’attention avec de très nombreuses applis et jeux. D’où cette exigence de pertinence et d’info visuelle. Yahoo Digest ou La Matinale du Monde permettent à l’utilisateur un contrôle accru sur l’info. Il trie, scanne, regarde, survole, lit, partage. D’autres ajoutent au mix visuel une curation algorithmique, type Juice ou Nuzzel). 

Le Diaporama commenté, les infographies, fixes ou animées se multiplient.

L’intérêt pour la visualisation est énorme : les dataviz de Reddit comptent plusieurs millions d’abonnés. Mais rares sont encore les rédactions en mesure aujourd’hui de proposer des « papiers » aussi bien illustrés que très récemment la fonte du Groenland dans le New York Times. Les classements thématiques illustrés, les fameuses listes (à la BuzzFeed) font aussi partie de ce journalisme visuel en raison de leur approche ergonomique facilitée. Comme les tutoriels vidéo.

Les nouvelles expériences de l’info : immersion et réalité virtuelle. La prochaine vague, après les réseaux sociaux et les messageries, pourrait aussi transformer le journalisme

Alors que les rédactions ont déjà du mal à digérer (et surtout à profiter) des bouleversements créés par la révolution Internet et de ses nouveaux outils web et mobiles, se pointe déjà un média nouveau qui, lui, transporte le public DANS l’événement.

La réalité virtuelle est une nouvelle technologie très immersive pour raconter et comprendre le monde, notamment parce qu’elle passe, là encore, par les smart phones.

Par sa vision globale, périphérique, elle permet de présenter l’événement comme il se produit, dans sa totalité visible ; de se faire sa propre idée d’une situation, et non de dépendre de l’angle en 2D choisi par le photographe ou le vidéaste. De son côté, la réalité augmentée, elle aussi en plein développement, permet de voir des infos qui vont venir en surimpression du monde physique.

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Avec ces technologies disparaît l’écran rectangulaire de la télévision, du cinéma, de l’ordi, et même du smart phone tenu à distance. L’image est tout AUTOUR de vous. Cette vidéo sphérique, diffusée sur un écran infini, sans séquence de plans, qui met le public au centre du sujet, permet de « sauter dans l’histoire », d’être baigné dans l’actualité comme aucun autre média n’est parvenu à le faire, d’interagir avec l’environnement, de naviguer dans les contenus avec des gestes et de ressentir plus d’empathie pour le sujet, de se mettre à la place d’autrui, de percevoir ce qu’il ressent. Grâce à une nouvelle écriture et une nouvelle grammaire pour une nouvelle narration, souvent plus explicative, elle permet aussi de réconcilier les médias traditionnels avec la génération Minecraft, celle des jeux vidéos.

L’expérience est incontestablement beaucoup plus forte que de regarder une vidéo classique : vous avez le sentiment d’être au centre d’une manifestation, d’un camp de réfugiés ou d’une zone de guerre. Avec ce média à la première personne, vous passez de téléspectateur à témoin. L’attention est maximale.

Les journaux (New York Times, Gannett, …) et chaînes de TV américaines (ABC News en Syrie, CNN pour les débats de la présidentielle 2016, ….) se mettent à ce média expérientiel, à ce nouveau journalisme immersif faits de nouvelles écritures interactives. Les nouveaux acteurs aussi (YouTube, Vice News…).

Pour l’instant, les rédactions se posent encore beaucoup de questions : quelle est la pertinence ? Quel avantage pour l’utilisateur ? Quelle plus-value ? Dans quel format ? Qui est journaliste ? Quid des faits dans ce monde virtuel ?

Mais la réalité virtuelle, c’est aussi la fin du journalisme de surplomb au profit de l’engagement littéral du public dans l’événement, prisé par les jeunes générations.

Car c’est bien un média qui coche toutes les cases de l’époque : interactivité, personnalisation, mobilité, immersion. 

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2LE JOURNALISME PROSPECTIF

Le journalisme prospectif doit éclairer et aider à comprendre le monde qui vient, à se préparer aujourd’hui à demain. C’est un journalisme résolument tourné vers l’avenir, au profit d’une société embarquée dans une mutation complexe, voire une métamorphose.

Le journaliste doit bien sûr rester critique et tenter par tous les moyens de montrer les choses que d’autres veulent cacher. Mais il peut aussi se différentier d’un journalisme qui apparaît trop souvent négatif, en restant juste, pertinent, utile, alors que la confiance du public est partie !

Si, comme le dit Carl Bernstein, le fameux reporter du Watergate, « le journalisme est la meilleure version disponible de la vérité », nous devons revoir nos pratiques, car si le public nous tourne le dos c’est qu’il juge que nous ne donnons plus une représentation exacte du monde.

Capture d’écran 2015-11-28 à 19.20.44(The Philosophers’s Mail)

Notre responsabilité, notre valeur ajoutée peuvent être plus ambitieuses que de donner seulement les mauvaises nouvelles.

Certes, pas les trains qui arrivent à l’heure !

Il ne s’agit pas de prôner je ne sais quel journalisme positif, qui donnerait les bonnes nouvelles, les « happy news », les « nice stories », les « feel good stories ».

Non, c’est un complément.

Grossissons le trait : sur papier, depuis 150 ans, les journaux ont donné l’information de la veille, les télévisions en continu donnent depuis 30 ans l’info du jour, Internet donne les infos de l’immédiat. Il est temps de se projeter davantage et d’anticiper sur l’avenir. Le monde de demain est déjà là et notre perception est celle d’aujourd’hui.

Le journalisme prospectif c’est donc :

En somme, un journalisme de questionnement, mais aussi d’inspiration.

Un journalisme qui s’intéresse non plus seulement au « why » des fameux 5 W, mais aussi au « so what » and « now what ».

Elargir le rôle du journalisme : service et impact sont complémentaires

C’est avant tout un journalisme utile, un journalisme placé sous le signe du service pour réinventer, résister, reconstruire, participer, co-créer, etc…

Du service, mais aussi de l’impact. Cet impact, dont tout jeune journaliste rêve de pouvoir créer sur la société.

L’information a trop souvent surfé sur notre mécanisme d’auto-défense qui voit notre cerveau programmé pour réagir davantage à ce qui nous met en danger plutôt qu’à ce qui peut nous réjouir. La sociologie des organisations a toutefois montré que les messages anxiogènes ne font pas bouger les lignes.

Pour s’adapter à une société en pleine mutation, au nouveau monde complexe qui vient, le public a besoin de savoir deux choses : ce qui ne va pas et comment on peut l’améliorer. Les deux faces de la médaille. La vie dans son entièreté.

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Journalisme de scénarios

Au journaliste de couvrir non seulement les risques, mais aussi les opportunités, non seulement les problèmes, mais aussi les solutions ou des éléments de réponse, ceux dont a besoin la société. De guider, d’éclairer, de réduire le brouhaha d’Internet, d’aider à distinguer le signal dans le bruit.

Pas seulement de pointer du doigt des difficultés, qui souvent enferment les gens dans la peur, l’apathie, le désengagement, mais aussi de dénicher des histoires de résilience. Sans embellir, le journaliste peut pousser davantage le questionnement, se tourner vers ce qui marche, traiter des sujets sous l’angle « problème-solution », montrer le monde des possibles et donner l’envie d’agir.

Il peut mettre en valeur « le récit de reconstruction » qui raconte le processus de guérison, de récupération d’individus ou de communautés, après ou au milieu de situation de crise. Au delà du contexte et de l’immédiateté d’une situation difficile, ce journalisme s’intéresse à ses effets à long terme et travaille sur la durée en aidant les personnes concernées mais aussi en montrant un exemple aux autres. Il agit en vrai tiers de confiance pour un public dont le référentiel est de plus en plus divers. Il peut aussi aider à la réconciliation, comme le fait le projet « The Enemy » en réalité virtuelle de France Télévisions.

Journalisme d’inspiration

En France, depuis 10 ans, Reporters d’espoirs défend ce type de journalisme ; depuis 8 ans, le Libé des solutions figure dans le top 3 des ventes de l’année. Le succès du journal des initiatives de France 3 ou des Carnets de campagne de France Inter, ou de Spark News, montre la fatigue du public face à l’impuissance. L’audiovisuel public belge flamand et suédois s’y sont mis aussi. L’hebdo Le 1, d’Eric Fottorino, ancien directeur du Monde, « n’est pas un journal d’information mais d’inspiration ».

Le site américain Ryot entend pousser le public à devenir acteur de l’info en liant chaque article à une action. La radio publique NPR, dont la mission est de faire en sorte que l’audience « se soucie » de l’actualité, systématise aussi les appels à l’action depuis Washington.

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Le journalisme de solutions y a aussi déjà un réseau qui entend couvrir les pistes de solutions aux problèmes de la société.

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Créons donc des rôles d’ « impact producer » dans les rédactions !

Ce n’est pas nécessairement un journalisme de plaidoyer (advocacy journalism), mais un journalisme qui regarde devant de manière critique, qui cherche les idées innovantes, le plus souvent ignorées grâce à une ligne éditoriale moderne faite de nouveaux formats qui contextualisent rapidement.

C’est un journalisme de valeur ajoutée où l’information atomisée peut être réutilisée et les extraits d’articles ré-agrégés comme des briques de Légo pour donner du sens à d’autres histoires.

C’est aussi un journalisme facilitateur, qui organise le débat dans la cité, favorise les conversations, et relie les gens.

La mesure de son succès joue aussi un rôle important : jusqu’ici en ligne, le nombre de visiteurs uniques et de visites ont régné, donc les clics. De plus en plus, compte la manière dont le public s’empare d’une information, y réagit, la partage, compte, tout comme le temps qu’il y passe. En résumé, l’important est la valeur qu’il lui accorde et son engagement.

C’est enfin un journalisme qui rejette le cynisme qui circule trop souvent dans les rédactions et qui tente de donner encore plus de sens à sa mission démocratique. 

3LE JOURNALISME EN MODE PROJET

Garant de la ligne éditoriale, le rédacteur en chef fut longtemps le guide de la rédaction et de ses membres, les journalistes. Le désigner en chef est davantage un chef d’orchestre, chargé de coordonner des métiers différents, désormais obligés de travailler ensemble pour réussir une couverture plus complexe.

Car raconter le monde, informer à l’aide des nouvelles technologies, donner du sens aux événements, se projeter dans l’avenir, fait appel à des formats nouveaux qui s’imposent et nécessitent la collaboration d’expertises diverses, de plus en plus complémentaires.

Pour faire un « bon papier », il faut évidemment un bon sujet, mais aussi une bonne plateforme et une bonne programmation. En résumé, plus un projet qu’une histoire. Plus une équipe qu’un loup solitaire. Finis les solistes, vive les petites formations, les quartet, etc.

Paradoxalement, même si ce qui nécessitait autrefois des dizaines de professionnels peut être réalisé aujourd’hui, grâce au numérique, par un seul journaliste et son ordinateur, il faut plus que jamais travailler en équipe.

Une équipe où les personnes en provenance de l’Internet et du numérique ne sont pas accueillies comme des bêtes curieuses au sein de la rédaction. 

Les nouveaux métiers de la rédaction

Cette orchestration passe par un changement de culture dans les rédactions, en raison notamment de l’influence croissante des grandes plateformes dans l’écosystème de l’info.

L’heure est donc à y intégrer des codeurs, des développeurs, des gens à l’aise avec les APIs, des statisticiens à l’aise avec les données, des experts en interfaces, en UX (ergonomie et simplicité d’utilisation), demain de professionnels jonglant avec la réalité virtuelle.

Les rédactions, qui ont déjà du mal à faire travailler ensemble journalistes-texte, photographes, vidéastes, JRI, journalistes-web, ne sont pas à l’aise aujourd’hui encore avec ce type d’expertises, pourtant indispensables. Même la visualisation de données, de plus en plus importante, n’entre pas dans ses codes naturels.

Pour avoir un impact dans la société en travaillant dans des médias, dont les ressources diminuent et où le temps est de plus en plus compté, pas question de promouvoir le journalisme-shiva, ni même les journalistes programmeurs.

Mais il est nécessaire d’identifier aussi les nouveaux métiers de la rédaction : éditeurs, producteurs, équipes médias sociaux et plateformes, curateurs, designers, développeurs, équipe data, équipe dédiée aux supports mobiles, équipe vidéo, équipe de l’engagement avec l’audience, graphistes, éditeurs photos, équipe régie vidéo, etc… Et dès lors, d’identifier les talents, les appétits pour ces modes de travail, voire ceux dont c’est déjà l’habitat naturel ! Ils sont pour l’instant rares, même en provenance des écoles de journalisme, dont la mue reste trop lente. Il n’y pas assez de codeurs ou d’experts de la donnée dans les équipes.

Ces équipes interactives ne doivent pas être seulement cantonnées au quartier général du média, mais également être répliquées, dans la mesure du possible, dans les bureaux délocalisés, dans les bureaux mêmes des correspondants. Avec aussi les équipes en marge de la rédaction (partenariats, réseaux sociaux…).

Cette collaboration devrait, par ailleurs, se dérouler davantage avec l’externe, entre médias, locaux, régionaux, nationaux, internationaux, avec les universités, les centres de recherche, les écoles d’ingénieurs et de design, comme c’est le cas à Nantes avec le Ouest Médialab, le 1er cluster et laboratoire numérique des médias en région. La possibilité d’agréger des contenus tiers pertinents est de plus en plus souhaitée.

Les hackathons doivent se multiplier pour trouver des idées, des talents, pour faire travailler les équipes ensemble, avec des rédactions open source qui partagent les lignes de code.

Des rédactions pourraient aussi travailler davantage de manière décentralisée, sur différents fuseaux horaires, entre journalistes qui ne se voient jamais « irl » mais qui collaborent grâce aux outils du web, à la manière des startups. C’est le cas des rédactions de nouveaux médias comme Mashable, TechCrunch, etc.

Des collectifs de freelance peuvent aussi grâce à ces outils s’organiser de plus en plus facilement et créer de nouvelles structures légères avec un minimum d’actifs immobilisés, tout en mutualisant les coûts d’infrastructures.

Group of business people assembling jigsaw puzzle and represent team support and help concept

Le mode projet

On retrouve bien là des « process », des façons de travailler, chers aux équipes agiles du monde numérique et des start-ups. Le fameux mode projet, remis au goût du jour avec des objectifs éditoriaux pour les grands événements, pour organiser, cadrer, planifier, piloter l’équipe et l’action, l’arrêter, la relancer, tester, recommencer.

Le journaliste-entrepreneur ne doit donc pas se priver des principaux marqueurs de la conduite agile de projets : faisabilité, cahier des charges, budget, plan d’action, échéancier, rétro-planning, définition des livrables, mise en œuvre, étapes de validation, circulation de l’information, stratégie de communication, etc…

Ces nouveaux modes de travail, qui s’inscrivent dans des processus quotidiens d’innovation, privilégient toujours les démos des produits, contenus, services aux mémos dépassés qui les décrivent. Souvent d’ailleurs les plus formidables idées viennent des développeurs qui ont envie de travailler avec les journalistes.

Et ça marche !

Au Washington Post, Jeff Bezos a triplé en quelques mois le nombre de développeurs dans la rédaction, où ils sont une cinquantaine, désormais physiquement intégrés avec les journalistes.

Dans ce vieux journal de l’establishment américain, la priorité a donc été donnée à la coopération entre éditeurs et ingénieurs. Résultat : en octobre, pour la première fois, il est passé devant le New York Times en accueillant pas moins de 67 millions de visiteurs uniques sur ses différentes plateformes en ligne, soit un bond de 60 % en moins d’un an. Dans les pages vues, les mobiles ont progressé de 230 %, et les visiteurs uniques mobiles de 112%.

Mieux : dans cette période de crise de la presse, le Washington Post a embauché 100 personnes l’an dernier, essentiellement pour le web.

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Le quotidien est en train de répliquer cette démarche de coopération poussée avec les développeurs dans les équipes de la publicité.

Le fondateur d’Amazon a donc imposé ses méthodes (et mis son argent). Et notamment un contrôle de la qualité des contenus qui se fait chaque mois auprès d’un échantillon de 300 personnes.

Travailler aussi avec l’audience

Il faut donc que le journaliste aiguise son appétit pour les nouvelles technologies. Les plus jeunes d’entre eux devraient désormais avoir des notions basiques des langages informatiques HTML et JavaScript et être en mesure de lire les données de mesures et d’utilisation de leurs contenus.

Avec l’équipe données, ils doivent pouvoir, avec des dispositifs performants, fournir le feedback de la consommation d’infos en ligne en temps réel, mesurer les succès, les échecs, l’engagement, les tendances, la qualité des contenus, les performances techniques des outils et plateformes utilisées et recourir, comme Netflix et tant d’autres aujourd’hui, à l’efficace outil d’A/B testing pour améliorer rapidement le service. Car comme le dit désormais le Financial Times, l’heure n’est plus au « digital first », ni au « mobile first » mais à l’« audience first ».

La rédaction doit aussi pouvoir vite tenir compte des réactions et plaintes éventuelles du public. Mais aussi travailler avec lui. Car travailler avec l’audience, c’est aussi apprendre d’elle pour s’améliorer. Le mode collaboratif doit donc aussi l’inclure avec des procédures rigoureuses de vérification, mais aussi de précaution à l’égard de ces témoins non professionnels. Sur Facebook ou Twitter, nouvelles plateformes d’information, où la recommandation des amis remplace souvent l’autorité d’un média ou d’une marque de presse l’usager est co-producteur.

Nous n’avons encore rien vu !

L’article est déjà du code et de plus en plus des visualisation de données, fixes, animés et interactives, sont créées dans leur quasi totalité par des logiciels et des algorithmes. De même des articles sont déjà produits par des robots, notamment pour la couverture sportive et financière.

Mais peu de journalistes sont en mesure aujourd’hui d’écrire, coder et imaginer un design narratif. Il leur faudra toutefois apprendre à travailler avec les machines, à défier les algorithmes.

Demain le développement des technologies de réalité virtuelle nécessitera une fusion complète des équipes éditoriales et de production, comme la coopération difficile entre d’un côté créateurs, journalistes, cinéastes, et de l’autre geeks, développeurs, concepteurs de jeux vidéo et fabricants. Entre Hollywood, la Silicon Valley, la French Touch et la R&D d’Asie.

Désormais, l’innovation ne peut plus être un moment de la vie de la rédaction mais devenir un processus continu qui favorise la confiance créative du staff, nous enseigne la Design School de Stanford. Et la bonne nouvelle, c’est qu’aujourd’hui les rédactions embauchent ces nouveaux profils diversifiés.

Eric Scherer

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ps : Nous développerons ces sujets dans notre Cahier de Tendances Méta-Media N°10, Automne – Hiver 2015 / 2016

Le cahier sera disponible ici, sur Méta-Media en pdf gratuitement mi-décembre.

 (Illustration de couverture : Jean-Christophe Defline)

 

Liens vagabonds : Periscope, Twitter, Facebook au service de l’info #ParisAttacks

A RETENIR CETTE SEMAINE :

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ATTENTATS A PARIS

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“MUST READ”

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A VOIR

NEUTRALITE DU NET

SURVEILLANCE vs. CONFIANCE

NOUVEAUX USAGES, COMPORTEMENTS

(Antoine Geiger)
(Antoine Geiger)

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DISRUPTION, REVOLUTION, DISLOCATION

MOBILITES / WEARABLES 

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ROBOTS, INTELLIGENCE ARTIFICIELLE, AUTOMATISATION, BIG DATA, MACHINE LEARNING

NOUVEAUTES

REALITE VIRTUELLE / REALITE AUGMENTEE

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SMART TV / STREAMERS / VIDEO / MULTI-ECRANS :

NETFLIX

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YOUTUBE  

4K / U-HD

PUB

JOURNALISME 2.0

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EDUCATION

 

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Meetup Video City : comment les YouTubeurs sont devenus des SocialTubeurs

 Par Clara Schmelck, journaliste médias à Socialter, billet invité

Ce week-end, à loccasion du festival VideoCity, 25.000 jeunes se sont précipités porte de Versailles à Paris pour rencontrer les quelques 160 stars françaises de YouTube. Un engouement qui prouve que les youtubeurs sont devenus, en quelques années, de véritables talents sociaux.

Des modèles de réussite

Très inspiré du Vidcon américain chaque juillet à Los Angeles et du Summer in the City britannique, le festival parisien VideoCity était organisé pour la première fois ces 7 et 8 novembre par une société d’événementiel, GL Events, ainsi que par Canal+, M6 et Mixicom.

Comment expliquer que les humoristes Norman, Cyprien, ou Natoo, les expertes mode et beauté EnjoyPhoenix ou Emma CakeCup, et une nouvelle génération incarnée par Sulivan, 15 ans, aka «Un Panda moqueur» (800.000 abonnés), soient parvenus à mobiliser, avec très peu de moyens, plus de 25.000 adolescents un samedi ou un dimanche à dix heures du matin ?

Tout simplement parce-que les plus jeunes voient dans ces youTubeurs, non sans naïveté, des modèles de lifestyle et de réussite.

Humour, mode, forme, beauté, fooding : les contenus des vidéos où les vloggers (bloggers video) se mettent eux-mêmes en scène ont tous ceci de commun qu’ils touchent à l’art de vivre.

Et, de l’art de vivre au savoir vivre, il n’y a qu’un pas : les youtubeurs utilisent souvent le ressort du comique de situation lorsqu’ils distillent à leurs jeunes abonnés des conseils pour se débrouiller, opérer les meilleurs choix, et se départir de situations délicates auxquelles sont confrontés quotidiennement les adolescents. Sans complexe par rapport à la notion de contradiction, ils tirent leur popularité auprès de leurs abonnés en jouant sur tous les tableaux, n’hésitant pas, par exemple, à parodier les magazines féminins tout en faisant la promotion d’une marque de maquillage.

Aussi, les ados et pré-ados savent gré aux youtubeurs de prouver qu’il est possible de réussir à gagner sa vie et à se faire plaisir sans portefeuille bien garni, sans nom évocateur et sans études prestigieuses. Il suffit d’avoir une webcam, une « passion » et de la partager.

Youtubeuse à 14 ans, Clara Channel s’épanouissait peu au collège. Elle vient d’être recrutée pour intégrer Rose Carpet, une chaîne YouTube lancée par M6, aux côtés d’autres youtubeuses beauté comme la célèbre Marie Lopez, alias Enjoy Phenix. La youtubeuse Natoo, présente à Video City, était policière municipale dans l’Essonne. A présent, elle offre des moments de rire à 1,7 million d’abonnés, et son livre parodiant les magazines féminins, Icônne, aux éditions Privé, s’est écoulé à 160.000 exemplaires cet été. L’AFP l’a constaté : l’ambiance de Video City était aux antipodes de l’atmosphère du Salon du Livre, où pèse parfois entre les pages un parfum d’arrogance pincée.

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Proximité avec les fans

« Sandrea partage beaucoup de choses avec nous. Elle transmet sa joie de vivre. », expliquait Chloé au Monde lors du festival. « Cest très bizarre de voir plein d’abonnés en vrai. Ils m’envoient beaucoup damour », confiait, de l’autre côté, la youtubeuse Emma « CapeCup » à l’AFP. Il est intéressant de voir comment les Youtubeurs préfèrent activer les ressorts de l’affectif plutôt que de communiquer autour des revenus publicitaires que génèrent leurs abonnés et sur leurs contrats avec les marques dans le cadre d’opérations de placements produits.

La proximité virtuelle avec leurs abonnés, qui s’est traduit ce week-end dans la réalité par une séance géante d’encouragements, de selfies et de câlins, explique pourquoi les Youtubeurs dépassent en popularité toutes les autres personnalités du show business auprès des 13-18 ans.

Les youtubeurs ont su construire de manière intuitive une relation intime avec leurs fans, ce que n’ont pas pris soin de faire des chanteurs au succès soudain (Justin Bieber) ou des candidats de télé-réalité (Nabilla), dont la notoriété est entièrement bâtie sur le « buzz » médiatique et sur les relations.

Deuxième différence d’avec les stars : les youtubeurs incitent leurs fans à lancer une chaîne youtube, endossant plus volontiers le rôle d’aînés que celui d’étoile inaccessible.

Résultat : une étude du magazine américain Variety révèle que les humoristes de Smosh ou Fine Bros, le « gamer » PewDiePie, devancent l’actrice Jennifer Lawrence ou la chanteuse Katy Perry. Et le temps passé sur YouTube en hausse de 60 % en 2014, avec 31 millions de visiteurs uniques, souligne le dossier de presse de Video City.

Talents sociaux

Ni tuteurs, ni communicants, ni artistes scéniques, « les youtubeurs, rompus aux nouvelles technologies de la communication, ont développé des compétences qui nexistaient pas auparavant », observe Marion Rollandin, chercheuse en SIC au CELSA, et qui travaille sur la réflexivité dans les échanges en ligne.

Indépendamment de toute stratégie marketing, les jeunes youtubeurs à succès sont ceux qui savent nativement mobiliser l’éco-système de médias sociaux pour valoriser leurs prestations, dont certaines sont sans panache particulier : « Ce ne sont plus des Youtubers mais des SocialTubeurs, Des talents sociaux. Ils postent des mini-vidéos sur Instagram ou Vine, des stories sur Snapchat, ils discutent et annoncent leurs événements sur Twitter, qui est leur courrier des lecteurs. Ils font de Facebook le siège social de leur mini-entreprise », décrit Alexandre Malsch, le patron de Meltygroup.

« Les ados devraient être à la bibliothèque, au conservatoire ! », soupire une dame en commentant l’événement « Video City » sur Facebook, sans imaginer que des petits rats de l’opéra puissent à leur tour projeter de lancer une chaîne youtube où ils pourront transmettre leur passion pour le ballet, et du même coup démocratiser un art dont seuls les adolescents privilégiés sont familiers.

Une autre corde à l’arc des talents sociaux, et peut-être celle qui vaut la peine de suivre l’évolution du phénomène Youtube, en dépit des cris suraigus des ados de 12 ans qui trépignent dans leur déguisement de licorne.

licone