Box TV : l’avenir est aux applis et aux jeux, selon Apple

Par Jérome Derozard, consultant pour France TV Editions Numériques et entrepreneurvlcsnap-00055 

Apple organisait hier sa grande « keynote » de rentrée, rendez-vous annuel de présentation de la nouvelle génération d’iPhone. Outre les nouvelles versions de ses deux smartphones, le « petit » iPhone 6S et le « grand » 6S Plus, Apple a profité de l’évènement pour présenter deux nouveaux produits majeurs.

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Le nouvel iPad Pro tout d’abord, offrant un écran de presque 13 pouces (33 centimètres) contre moins de 10 pouces pour le modèle standard, et une résolution maximale de 2732×2048 pixels (que l’on pourrait surnommer « 3K »). Ce nouvel appareil vise principalement les professionnels et se présente comme un concurrent direct de la Surface Pro de Microsoft, y compris au niveau des accessoires proposés (clavier / protège écran et stylet) et des applications disponibles – dont Office, preuve que Microsoft a bien changé. On notera cependant la présence de 4 haut-parleurs sur ce nouvel iPad Pro, lui permettant une utilisation plus orientée média comme TV d’appoint.

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Mais la principale annonce de cette keynote était bien sûr la nouvelle version de l’Apple TV, dont la dernière itération datait de plus de 3 ans. Cette mise à jour était très attendue, faisant suite aux déclarations de Steve Jobs sur la TV peu avant sa mort (« I finally cracked it »), aux multiples rumeurs de lancement d’un téléviseur Apple (projet abandonné en 2014) et aux fuites récentes sur le lancement d’un service TV « over the top » par Apple (projet repoussé à 2016).

Finalement c’est surtout l’essoufflement du modèle actuel qui pousse Apple à mettre à jour sa box, celle-ci-ci étant nettement distancée aux Etats-Unis par Roku, Google avec Chromecast et Android TV, ainsi qu’Amazon avec le stick Fire TV et Fire TV.

Tim Cook a commencé par présenter la vision d’Apple sur le sujet (qui est partagé par beaucoup d’autres comme Amazon, Roku, Google et Netflix) : la TV n’a pas changé depuis des décennies, son avenir ce sont les applications.

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Et le PDG d’Apple de lister les prérequis d’une box TV moderne :

Tim Cook a ensuite dévoilé la nouvelle Apple TV, reprenant le format de l’ancien modèle mais avec un processeur plus puissant (le même que les iPhone et iPad lancés en 2014), des protocoles de communication plus performants, notamment le bluetooth qui permet « d’appairer » d’autres accessoires comme les manettes de jeu.

La principale nouveauté matérielle est la nouvelle télécommande fournie avec l’Apple TV

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Fini l’infrarouge et les touches directionnelles, place au Bluetooth et à la navigation vocale et tactile. La nouvelle télécommande intègre en effet un microphone, une surface tactile (comme sur les télécommandes des nouvelles TV Sony) ainsi qu’un accéléromètre et un gyroscope permettant d’utiliser la télécommande comme manette de jeu. A noter que cette nouvelle télécommande ne sera disponible que dans certains pays (Australie, Canada, France, Allemagne, Espagne, Royaume-Uni et Etats-Unis), les autres devant se contenter de l’ancienne télécommande infrarouge.

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Côté logiciel, Apple TV intégre un nouvel OS nommé « TVOS », déclinaison d’iOS dédiée à la TV, comme WatchOS est la déclinaison d’iOS pour l’Apple Watch. Visuellement le nouvel OS reste proche de l’ancienne interface de l’Apple TV :

Ancienne interface « Apple TV »:

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Nouvelle interface « TVOS »:

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TVOS bénéficie cependant de toutes les possibilités d’iOS en version 9 et des capacités de la nouvelle télécommande, et en tout premier lieu de Siri, l’assistant intelligent présent sur l’iPhone depuis 2011. Celui-ci permet de simplifier la recherche de contenus sur Apple TV, tout comme l’application de recherche Google sur Android TV. Cependant là où Google se focalise sur la recherche de contenus dans l’interface Android ou au sein d’une application, Sirir permet également à l’utilisateur de contrôler directement les applications (avancer dans une vidéo, lancer une playlist) ou d’afficher des informations pendant la lecture d’une vidéo.

Par exemple afficher la météo pendant la lecture d’un film :

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Ou le résultat d’un match :

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Siri permet aussi d’afficher des informations contextuelles à la vidéo en cours de lecture, par exemple la liste des acteurs d’un film :

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A terme ces informations pourraient devenir encore plus contextuelle à l’application ou au contenu visionné, pour afficher des informations sur un produit actuellement visible à l’écran, identifier un acteur ou une musique, trouver des contenus similaires dans d’autres applications, afficher des publicités contextuelles … Autant de nouvelles possibilités pour Apple de monétiser les contenus distribués.

Le principal apport du TVOS est le nouveau SDK (kit de développement logiciel)

Il est proposé aux développeurs dès à présent, associé à une boutique d’applications qui permettra aux utilisateurs de télécharger les apps directement sur leurs TVs.

La première cible d’Apple pour ce nouvel SDK sont les éditeurs d’applications déjà présents sur TV connectée, comme Netflix, Hulu ou HBO. Par rapport au SDK disponible sur l’ancienne Apple TV (et uniquement accessible sur invitation), TVOS d’offrir une plus grande liberté dans la conception d’interfaces utilisateurs, qui assure aux éditeurs une meilleure cohérence de leur application Apple TV par rapport aux versions disponibles sur d’autres plateformes.

Apple démontrait ainsi la nouvelle version de l’application Netflix :

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qui ressemble en tout point à l’interface disponible sur d’autres plateformes de TV connectées comme Android TV :

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De même pour séduire les développeurs habitués aux autres plateformes de TV connectées s’appuyant souvent sur le langage « Javascript » issu du monde du web, Apple offre un kit de développement adapté ne nécessitant pas de maitrisé les langages de programmation Apple (Swift, Objective C).

La deuxième cible d’Apple sont les développeurs d’applications iOS ciblant habituellement les mobiles ou tablettes, afin de les pousser à porter leurs applications sur le grand écran. Pour cela Apple propose un site recensant toutes les « bonnes pratiques» pour le développement d’applications sur TV, finalement assez proches de celles proposées par Google pour Android TV, ainsi que des éléments d’interfaces prédéfinis qui peuvent être utilisés pour adapter rapidement une application mobile. Plusieurs exemples de « portage » du mobile ont été démontrées au cours de la keynote, telle que Gilt une application de shopping vestimentaire :

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Ou Airbnb pour la réservation de chambres entre particuliers :

Ou encore l’application MLB (éditée par la ligue de baseball américaine) permettant de visionner un match de tout en consultant les statistiques des joueurs ou les résultats des autres matches. Un peu comme si la Ligue 1 éditait elle-même une application sur TV connectée …

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Comme sur Android TV les applications TVOS peuvent interagir avec l’interface de la nouvelle Apple TV, par exemple pour pousser des recommandations de contenu sur l’accueil de l’Apple TV, qui apparaissent automatiquement quand l’utilisateur met le focus sur l’icône d’une application. Apple permettra également à –certains – développeurs de s’intégrer avec Siri afin que leurs contenus remontent lors d’une recherche de l’utilisateur. Le choix des applications qui pourront s’intégrer à Siri restera à la discrétion d’Apple – apparemment Youtube n’en ferait pas partie…

Mais les cibles principales d’Apple pour cette nouvelle box sont les développeurs de jeux sur mobile.

Le SDK offert par TVOS leur permet de retrouver de nombreuses interfaces de programmation ou APIs orientées jeu disponibles sur iPhone ou iPad, en attendant l’arrivée d’outils de développement comme Unity 3D qui simplifieront le portage de jeu sur Apple TV.

De nombreuses démonstrations de jeux ont été présentées lors de la keynote, montrant le potentiel de la plateforme en la matière. L’utilisation de la télécommande comme contrôleur de jeu avec son gyroscope et son accéléromètre rappelle notamment les possibilités offertes par la console Wii de Nintendo il y a quelques années, une console qui avait su séduire un public plus large que celui des « gamers ». C’est sans doute la stratégie que va suivre Apple pour promouvoir sa nouvelle box : cibler les « joueurs occasionnels », ceux qui ont pris goût aux jeux très simples disponibles sur iPhone. Cette stratégie offre également des opportunités aux médias de proposer des applications ludiques et interactives en complément de leurs contenus vidéos.

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La sortie de cette nouvelle box est prévue pour fin octobre, les développeurs sont donc invités à commencer au plus vite à porter ou développer leurs applications. Le prix pour la France n’est pas encore connu, mais si l’on se base sur le « taux de conversion » courant sur l’Apple Store on peut s’attendre sur un prix de 159€ pour le modèle 32 Go et 209€ pour le modèle 64 Go.

Cette nouvelle box permettra-t-elle à Apple de combler son retard sur Roku, Amazon, Google ou les fabricants de TV connectées ?

Le nouveau SDK, la télécommande tactile et vocal le matériel plus puissant permettant de propulser des applications et jeux plus aboutis réduisent l’écart avec ses concurrents. Cependant l’absence de certaines fonctions comme le support de la 4K Apple TV, alors que le nouvel iPhone 6S peut filmer dans cette résolution et que plusieurs box (dont la freebox mini) et TV peuvent lire des contenus 4K, limitent l’avantage compétitif d’Apple.

L’absence d’évolution du protocole AirPlay, qui permet d’utiliser l’Apple TV comme écran d’affichage d’un iPhone, iPad ou Mac, alors que le protocole concurrent Google Cast (présent sur Chromecast et Android TV) plus avancé et disponible sur iOS est également préjudiciable.

Mais la plus grande faiblesse de cette nouvelle TV est sans conteste le support natif de chaînes TV « live », sans avoir à installer d’application spécifique. Les rumeurs indiquent depuis plusieurs mois qu’Apple négocie avec les « networks » américains le droit de rediffuser leurs flux sur cette Apple TV. En attendant la nouvelle Apple TV n’offre aucun accès direct à des chaînes TV en direct ou à un guide des programmes unifié, là où Android TV par exemple propose une application « Chaînes en direct » et un kit de développement associé qui permettant aux utilisateurs de visionner les chaînes OTT, TNT et IPTV auxquels ils ont accès dans une interface unifiée. Il est donc très probable que l’interface et les fonctionnalités d’Apple TV soit amenée à évoluer si les négociations commerciales d’Apple aboutissent de manière à positionner l’Apple TV en box unique du salon.

Compte tenu de son prix abordable et de l’importante base installée d’iPhone et iPad on peut néanmoins s’attendre à ce que la nouvelle box séduise les fans de la marque lors des fêtes de fin d’année. Rendez vous en 2016 pour la V2, que l’on espèrera plus ambitieuse.

 

IFA Berlin : les barbares ont envahi le salon

A l’IFA à Berlin, dans les allées encombrées de la plus grande foire européenne de l’électronique grand public, les images diffusées cette semaine sur les magnifiques écrans en Ultra Haute-Définition ne sont plus celles des diffuseurs classiques — les chaînes de télés –, mais celles de Netflix, Amazon Prime, YouTube, Wuaki.tv, des studios d’Hollywood ou celles des grands fabricants de téléviseurs eux-mêmes.

Un changement de paradigme visible autant sur les dalles 4K, que sur les magasins d’applications, nouveaux écrans d’accueil sur lesquels s’allument désormais les smart TV, reliées à Internet ou même dans leurs systèmes d’exploitation.

Une image résume bien le bouleversement: celle de la télécommande universelle des téléviseurs du chinois Hisense, 4ème constructeur mondial.

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Les deux boutons Netflix et YouTube permettent non seulement l’accès direct comme des numéros de chaînes, mais permettent aussi d’allumer la télé sur leurs propres services! Les barbares ont pris le contrôle de notre télécommande ! Celles de Sony ont aussi un bouton Netflix.

Très puissante en Allemagne, l’offre de SVoD, Amazon Prime n’est pas en reste avec a son propre stand à l’IFA :

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Trois raisons essentielles à ce contournement de l’écosystème traditionnel  

– l’arrivée brutale d’une profusion de nouveaux contenus de qualité en streaming tout écran favorise une nouvelle expérience TV à la carte délinéarisée

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l’absence de contenus 4K venant des groupes de TV classiques laisse la place aux productions en U-HD des acteurs du web et des studios (via des partenariats, notamment avec Amazon et Netflix) mais aussi du public via les caméras type GoPro. D’autant que les lecteurs blu-ray (Samsung), smart phones (Sony), tablettes (Nexus, Hisense), laptops (Toshiba), ordinateurs (Apple), caméras (Sony), appareils photos, passent dans le même temps à la 4K, tandis que les fabricants de TV accueillent quasi tous désormais la fonction HDR (high dynamic range) pour de meilleurs contrastes et couleurs. Et les ventes de télés 4K (quasi standard dans le haut de gamme) progressent plus vite que celles de HD !

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des nouveaux téléviseurs embarquant des systèmes d’exploitation puissants (de plus en plus souvent Android) et/ou permettant d’accueillir des dispositifs de streaming faciles à utiliser. Les télévisions connectées ont aujourd’hui 20 fois la puissance informatique de traitement d’il y a 2 ou 3 ans. Elles commencent donc seulement à devenir smart !

La box qui supprime les pubs TV arrive en France

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Vous avez aimé les adblockers sur les sites web ? Vous allez adorer la box qui supprime les pubs à la télé !

La firme allemande TCU a trouvé un partenaire français (une box) pour commercialiser sa solution dès l’an prochain en France, nous a assuré sa directrice générale, Petra Bauersachs. TCU, qui a gagné son long procès face à RTL/Bertelsmann, permet — dès que les pubs arrivent– de passer automatiquement à d’autres programmes pré-sélectionnés par avance, à ceux qui sont recommandés par les réseaux sociaux, d’enlever le son des pubs, etc… Elle enregistre aussi les programmes sans les réclames.

Jeux vidéo en force, réalité virtuelle en prime

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Les fabricants mettent aussi le paquet pour rattraper l’engouement des jeunes pour les jeux vidéos.

Samsung propose un offre de jeux en streaming par abonnement sans console (Game Fly Streaming), Acer multiplie les laptops, desktops, tablettes, tous surpuissants et au look agressif, et même un smart phone dédié aux jeux vidéo avec 4 giga de RAM et 4 speakers. Même tendance chez Asus.

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Sony marie jeux vidéos et réalité virtuelle, via son casque 360° Morpheus pour un lancement via la Playstation en 2016.

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A noter aussi de nombreux mini projecteurs vidéo mobiles (Sony Space UX, ZTE, Acer, …).

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Projecteur compact Sony

Beaucoup de montres connectées aussi

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Bel accueil média pour la montre Gear S2 de Samsung (ci dessus), plus sobre que l’Apple Watch, et connectable à tout terminal Android (embarquant CNN par défaut).

Mais aussi de nombreux autres modèles un peu partout sur le salon, notamment Motorola (Moto 360).

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En fait, tout est connecté

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Ce qui frappe le plus à l’IFA, dans un monde de plus en plus « mobile & cloud first », c’est l’essor de l’interconnexion des objets, de la smart maison, de la voiture connecté (Samsung/BMW), de l’ensemble de l’électroménager et de plus en plus de l’écosystème santé (Philips).

Samsung déploie en ce moment son écosystème SmartThings aux Etats-Unis et progressivement en Europe, LG déploie dans le même temps son capteur intelligent SmartThinQ, et Vestel son offre Smart City. Panasonic s’associe à l’assureur Allianz pour mieux protéger les logements.

Les systèmes bluetooth dopent aussi les ventes (barres de sons, haut parleurs, amplificateurs audio/video).

Mais l’interopérabilité des systèmes reste un objectif éloigné. 

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Next

Après les écrans incurvés, puis transparents, se profilent déjà les écrans flexibles, pliables, permis notamment par les technologies OLED. 

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A suivre !

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Liens vagabonds (Apple dans les programmes, entente des géants du web dans la vidéo, …)

A RETENIR CETTE SEMAINE :

(New York, par Marc Schwartz)
(New York, par Marc Schwartz)

“MUST READ”

A VOIR

Courtesy of: Visual Capitalist

SURVEILLANCE vs. CONFIANCE

NOUVEAUX USAGES, COMPORTEMENTS

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DISRUPTION, REVOLUTION, DISLOCATION

ROBOTS, INTELLIGENCE ARTIFICIELLE, AUTOMATISATION, BIG DATA, MACHINE LEARNING

NOUVEAUTES

REALITE VIRTUELLE / REALITE AUGMENTEE

SMART TV / STREAMERS / VIDEO / MULTI-ECRANS :

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NETFLIX

#SOCIALTV :

4K / U-HD

PUB

JOURNALISME 2.0

EDUCATION

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OUTILS

(Avec Barbara Chazelle) 

Retour sur l’été : ce qu’il ne fallait pas rater

L’ESSENTIEL

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ANNONCES ET LANCEMENTS

       En France:

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loonproject

Usages et tendances

facebook

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A lire aussi :

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Sans oublier le TOP 5 des billets Méta-Media de l’été

(Avec Barbara Chazelle, France Télévisions, Directions Stratégie et Prospective)

Un geek de 95 ans : « notre inadaptation au monde moderne est patente »

Décidément, les jeunes ne sont pas les seuls à entrevoir le monde qui vient, « à entendre venir le contemporain », comme dit l’académicien-philosophe Michel Serres, 86 ans.

Au tour de l’ancien haut-fonctionnaire Jean Serisé, 95 ans, de nous montrer que, même issu de la 1ère promo de l’ENA (1946) et ayant travaillé de longues années aux côtés de Pierre Mendès France et de Valéry Giscard d’Estaing, on peut éviter d’être un fossile analogique.

« Né en Béarn, d’une famille de paysans, implantés là-bas depuis mille ans ou peut être beaucoup plus », Serisé fustige, dans « La France n’est plus seule au monde », essai publié au printemps, l’incapacité des classes dirigeantes, des institutions et des médias français à embrasser les défis d’aujourd’hui, notamment ceux nés de la révolution numérique et d’Internet.

Celui qui fut un des fondateurs de la macro-économie française, les exhorte à « l’apprentissage de la réalité ».

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Extraits :

« Notre inadaptation au monde moderne – car en fin de compte c’est de cela qu’il s’agit– est patente. Elle est, nous l’avons vu, quasiment génétique. Il faudra plusieurs générations pour nous remettre à niveau, car l’éducation est d’une inertie fantastique ». (…) Le plus étonnant est que nous sommes plus ou moins conscients de ce qui nous arrive et que, cependant, nous ne fassions rien pour réagir. »

« Nos institutions – c’est une constante – sont en retard sur la technique. » 

 

« Le smart phone fait un moment oublier aux hommes la médiocrité de leur condition »

 « C’est un immense progrès, salué par des milliards de consommateurs. 

Les anciens habitués à l’écriture (une technique qui semblait éternelle) contemplent, incrédules, ces processions urbaines parlant dans le vide. Ils comprennent qu’ils n’ont plus tout à fait leur place dans le monde d’aujourd’hui ». 

Démocratie directe : réseaux sociaux, « nouvelle manière de vivre en collectivité »    

« Les réseaux sociaux sont le dernier avatar de la mutation démocratique engendrée par la technique. (…) C’est une autre façon de vivre ensemble entièrement nouvelle, qui ignore les hiérarchies, les classes sociales, les tabous, et qui sonne g-finalement plus juste et plus authentique que ce qui est dit ou écrit dans les médias. »

Comme « le téléphone a transformé les ambassadeurs en êtres inutiles et mélancoliques », « les techniques d’informations ont totalement modifié le fonctionnement de la démocratie ».

« Le numérique et ses applications foisonnantes ont fait surgir les réseaux sociaux, nouvelle manière de vivre en collectivité, parallèles aux institutions mais infiniment plus réactifs, très impressionnants par ce qu’ils laissent pressentir : une autre démocratie.

Il faudra quelque temps pour remettre en concordance le temps des internautes et celui des décideurs et adapter les institutions aux techniques modernes d’information. Pour l’instant, il est clair qu’on ne sait pas ».  

« Le plus révolutionnaire est à venir » 

« La révolution numérique en cours est une mine de productivité (…) le seul vrai facteur révolutionnaire. »

(…) 

« Le progrès technique est révolutionnaire. Nul ne peut le contester.

Mais la question intéressante n’est plus là.

La vraie question est : existe-t-il, en pratique, un autre facteur révolutionnaire ?

La réponse raisonnable et dépassionnée est : non.

 (…)

« L’homme politique véritable est celui qui prend conscience très tôt des évolutions en profondeur, qui devine les convections souterraines, qui pressent les séismes et les évite en proposant à temps les réformes qui réduisent les tensions sociales. Le véritable politique n’est pas un devin. C’est un visionnaire du présent (alors que les politiciens ordinaires avancent l’œil fixé sur le rétroviseur).

La politique n’est pas la victoire des idées les plus généreuses sur l’injuste réalité. C’est autre chose. C’est la perception par des esprits concrets, puis la traduction en règles sociales des mutations inattendues de la société technicienne ». 

La conclusion est rude.

Le révolutionnaire n’est pas celui qu’on croit.

C’est l’inventeur du feu, c’est le premier semeur, c’est celui qui découvre l’imprimerie. De manière plus générale, c’est celui qui produit un peu plus avec un peu moins de peine. »

(…) « Le monde évolue en profondeur parce que d’obscurs et anonymes acteurs, plutôt astucieux, plutôt malins, réussissent à faire leur petit boulot un peu mieux en moins de temps ».

« On a trouvé bien avant de comprendre ».

« Une évolutions intéressante est qu’aujourd’hui théoriciens et expérimentateurs travaillent en équipe. L’un guide l’autre et réciproquement. Cela n’a l’air de rien mais c’est une vraie révolution dans l’art d’acquérir des connaissances.

C’est pourquoi, en peu de temps, nos façons de vivre, nos institutions, nos morales d’aujourd’hui apparaîtront à nos descendants aussi dépassées que le sont pour nous celles de nos grands parents. Le plus révolutionnaire est à venir parce qu’il reste beaucoup à inventer. »

La mémoire artificielle « dominera bientôt la planète »

« Le temps de l’information n’est pas celui de l’homme, infiniment trop lent. C’est pourquoi celui-ci est éjecté des processus de décision. Ce sont des machines qui gèrent les circuits de sécurité, des ordinateurs qui achètent ou vendent en Bourse, et qui décideront bientôt de l’emploi des armes atomiques ».

« Par l’écriture, l’imprimerie, les archives, Internet, l’homme ajoute à sa mémoire naturelle des mémoires artificielles d’une taille illimitée.

Nous passons le tiers de notre vie (et peut être davantage) à apprendre, c’est-à-dire à transférer dans nos propres circuits neuronaux les informations détenues par d’autres cerveaux. Travail ingrat et qui devient inutile ou dérisoire puisque simultanément se développe une gigantesque mémoire artificielle, une mémoire qui s’accroît chaque seconde, monstrueuse et inhumaine. Ce cerveau là (ou ceux qui le gèrent) dominera bientôt la planète. »  

 

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Citations favorites de l’été

 

Croisées ces derniers mois, quelques belles citations, à méditer au coeur de l’été, pour mieux embrasser le monde qui vient : 

La Haye, juillet 2015
La Haye, juillet 2015

“L’avenir n’est pas ce qui va arriver, mais ce que nous allons faire“.

– Henri Bergson

 

« There are “only two ways to make money in business: One is to bundle; the other is unbundle.”

Jim Barksdale, HBR

 

“The classical description of disruption in business, and especially technology, is that a new product (method, business model etc) appears that’s not as good as the existing way of doing things, but that’s much cheaper. The existing industry thinks it’s a joke, and certainly not a threat. But over time, it gets better while staying cheaper, and then, sooner or later, it’s not a joke at all”.

– Benedict Evans, février 2015

 

“How did you go bankrupt?”
Two ways. Gradually, then suddenly.”
—-Ernest Hemingway, The Sun Also Rises

 

« You have to let more of the world in. Or eventually the world will invent what you have with a different name ».

– Dave Winer (décembre 2014)

 

“When experts are wrong, it’s often because they’re experts on an earlier version of the world”.

– Paul Graham – décembre 2014

 

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TV :

 

« La télévision et la radio n’ont plus le monopole. C’est un fait. L’accès à la culture et à l’information se fait désormais massivement par Internet (…) Internet, c’est une multitude de communautés, vivantes, variées, dynamiques. Bref tout le contraire d’un canal de distribution linéaire».

– Alexandre Brachet, Télérama, producteur fondateur d’Upian, avril 2015

 

“The simple act of gathering around a TV set to share the experience of watching a program together feels increasingly quaint”

– New York Times (février 2015)

 

« While younger audiences have always watched less television than older audiences, our audience research suggests that the connected generation are watching increasingly less television, and that they may be taking these habits with them as they age. »

– Ofcom, UK, décembre 2014

 

Internet TV is replacing linear TV. 

Apps are replacing channels,
and screens are proliferating. 

Netflix, février 2015

 

“There’s nothing different about what we’re doing than what anyone else is doing on any media anywhere. TV networks are worried that you’ll figure out TV is over and there’s nothing special about it.”

– Jerry Seinfeld, avril 2015

 

‘Traditional TV viewing for teens and tweens is dead. Not dying. Dead.’

– Brian Robbins, CEO of multi-channel network (MCN) AwesomenessTV – avril 2015

 

NEW MEDIA

 

« Internet, ce n’est pas la dernière manière de faire la même chose, c’est la première manière de faire autrement »

– Apocryphe

 

« Having a powerful computer in our pocket that is connected to billions of computers in other pockets in real time is the reality of our time. »

– Fred Wilson, Union Square Ventures (février 2015)

 

« Can you suggest a new media genre I have forgotten on this list? Something created in the last 20 years? A genre is a form that relies on a known stance of the audience. What am I missing?

New Media Genre

The 18 minute PowerPoint presentation

LOL cats/doge

100+ hour serial dramas

1-page blog post

Fan-Fic novels

Remixed movie trailers

Screensavers

Gif

Listicles

Game playthroughs

Tweet storm

Lyric music videos

Ringtones

Binge-watched TV or movie series

Emoticons

Image memes

Temporarily extended commercials

Vine

40-Hour Video Game

Redubs/ Bad Lipsyncs

3 Minute video clips

140-Character tweets

Live video streaming from mobile

Supercuts

Timelapses

Machinima »

       – Kevin Kelly, avr

 

« Leurs téléphones [ceux de la Génération Z] ne sont pas des téléphones : ce sont des hubs média qui permettent aussi d’appeler ».

               – Brian Robbins, CEO de AwesomenessTV, avril 2015

 

« But it turns out we don’t want our rallying points to be phony events created for the sole purpose of bringing us together so the usual suspects can get richer ».

– Bob Lefetz, février 2015

 

« The communications pathway that defines the 21st century is broadband »

– FCC Chairman Tom Wheeler – (Cnet – janv)

  

REALITE VIRTUELLE :

« The leap from film to VR is even bigger than the leap from radio to film was. »

– DJ Roller, cinéaste, IndieWire – mars 2015

JOURNALISME :

« The idea that in the future, news will be played rather than read is quiet hard for some pepople to think about » 

– Janet Jones, professor in Journalism and Dean of Arts and Creative Industries at London South Bank university.

 

 

 

 

 

VidCon 2015 – YouTube n’est pas le futur; YouTube, c’est maintenant

Par Gabrielle Madé, Chef, Analyse et développement numérique chez Attraction Images, Montréal (billet invité)

La 6e édition de VidCon vient de fermer ses portes à Anaheim, en Californie : on en sort énergisé, impressionné, mais surtout étonné par la maturité des propos entendus. Retour sur la plus grande conférence sur la vidéo en ligne au monde.

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VidCon est reconnu pour être un immense rassemblement où les fans viennent à la rencontre de leurs YouTubers préférés. Encore cette année, on a pu témoigner de longues lignées de jeunes filles attendant de rencontrer les créateurs qu’elles aiment pour faire signer leur casquette ou la coque de leur iPhone.

Mais VidCon est aussi une conférence sur l’industrie de la vidéo en ligne ainsi que sur celle du divertissement au sens large. Un des grands constats qui émerge cette année : YouTube n’est pas la plateforme du futur ; YouTube, est déjà établi comme plateforme de création à part entière, et ce depuis un moment déjà.

YouTube existe depuis une décennie, un star système y évolue et de nombreuses vidéos de grande qualité sont désormais mises en ligne tous les jours. On sent qu’on arrive à un point où une première génération de créateurs s’est établie, et une seconde est en train de faire sa place. Ce qui n’est pas tellement étonnant, quand on y pense; sur Internet, une période de 10 ans est largement suffisant pour constituer une génération en soi. YouTube arrive ainsi à une certaine étape de maturité.

La première génération de YouTubers, c’est-à-dire ceux qui créent régulièrement pour la plateforme depuis 4, 6, 8 ans, compte parmi ses rangs les superstars qu’on connait désormais : Taylor Oakley, Michelle Phan, PewDiePie, Grace Helbig, Bethany Mota (photo ici bas) et plusieurs autres. Ces créateurs se sont forgés un nom et une communauté alors que les «règles» de YouTube restaient encore à inventer et que des habitudes d’utilisation des utilisateurs étaient en train de se forger. Cette première génération a établi la plupart des fondements de la culture YouTube.

La «guru beauté» Bethany Mota rencontre ses admiratrices
La «guru beauté» Bethany Mota rencontre ses admiratrices

La seconde génération de YouTubers a grandi (littéralement) en regardant le contenu produit par la première, a été inspiré par ses créateurs-vedette et a appris de leur parcours. Les membres de cette 2e génération sont pleinement conscients du fait qu’ils ne sont pas seulement des créateurs, mais également des petites entreprises en soi. À 19 ou 20 ans, ils sont informés et articulés; ils énoncent leurs objectifs et leurs stratégies et parlent ouvertement de leurs partenariats avec certaines marques ainsi que des produits qu’ils vendent en ligne. Puisqu’ils sont sensibles à l’aspect «business» de YouTube, nombre d’entre eux réussissent à vivre de leur art avec des communautés de 200 000, 300 000 abonnés.

Bref, YouTube a 10 ans, et on sent clairement qu’une page est en train de se tourner. La 2e génération de créateurs prend sa place, les marques comprennent de mieux en mieux comment collaborer avec les YouTubers, et les fans sont plus nombreux et plus à l’écoute que jamais.

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À VidCon, on entend fréquemment:

– Un créateur qui en salue un autre en s’exclamant: «Hey ! Justement, j’allais faire un Periscope !»

– Une jeune fan à une créatrice : «J’aimerais une photo avec toi ; peux-tu tenir mon selfie stick?»

– Des créateurs qui paraphrasent le rapper Jay-Z lors des panels : «I’m not a businessman ; I’m a business, man !»

À VidCon, on voit fréquemment:

– Beaucoup, beaucoup d’adolescents qui se filment en marchant.

– Des Viners (créateurs sur Vine) qui se déplacent en Cyboard, sorte de croisement entre un hoverboard et un Segway.

– Bon nombre de licornes qui dansent (ce costume est associé à la YouTuber Lilly Singh).

À VidCon, on se dit :

– En arrivant sur le site pour la première fois : «Wow ! Je dois certainement faire monter la moyenne d’âge !» (NDLR : l’auteure de cet article a 28 ans)

– En se promenant d’un panel à l’autre: «Et moi qui pensais connaître tous les YouTubers à succès… Ouf ! On est loin du compte !»

– … et on se dit surtout qu’il y quelque chose de fondamentalement beau dans la très grande communauté que forment les créateurs et leurs fans. Quelque chose de très vrai aussi, parce qu’aucun des créateurs n’a eu à attendre qu’un producteur, manager, diffuseur ne les choisisse; ils en sont là grâce à des milliers d’individus qui les ont choisis, sur leur mobile et leur ordinateur, dans leur chambre, au bureau, dans l’autobus. Difficile d’imaginer une relation plus authentique entre vedettes et fans.

Un YouTuber rencontre une de ses abonnées
Un YouTuber rencontre une de ses abonnées

 

L’Allemand Bild lance un JT « vertical » en ligne

par Stéphane Moccozet, responsable d’édition et pilote web  à France 3 Auvergne

A l’heure où les versions mobiles représentent près de 50% de la fréquentation mensuelle de nos sites régionaux, quand elles ne les dépassent pas, il est intéressant de se pencher sur l’expérience tentée récemment par l’Allemand Bild.

Le quotidien propose depuis peu un journal quotidien de 3 à 7 minutes, diffusé à 10 heures sur son site internet et sur son application mobile, avec une particularité : il est présenté en version verticale.

Bild

Un JT vertical, quel intérêt ?

Il est adapté au support mobile, tout simplement. En effet, s’il ne nous viendrait pas à l’idée d’installer l’écran 16/9ème de notre salon dans le sens de la hauteur, il s’avère que le smartphone est essentiellement, et logiquement, utilisé en mode vertical. Il suffit d’ailleurs de voir sur internet le nombre de vidéos tournées de cette manière. Si elles peuvent choquer les gens de télévision que nous sommes, la pratique est néanmoins courante et admise sur la toile.

Quand on consulte, depuis notre téléphone, un site info, Twitter, Facebook, on le fait en mode vertical. Quand on lance une vidéo horizontale, deux options s’offrent alors à nous : ne rien faire et regarder une image de la taille d’un timbre poste, ou bien faire pivoter l’écran pour récupérer une image plein cadre (à condition de ne pas avoir verrouillé la rotation auquel cas il faudra faire glisser le menu pour la réactiver, au risque de perdre du temps, de fermer la fenêtre avant de finalement passer à autre chose – expérience personnelle-).

Avec la vidéo verticale, on clique et on lit. Cette pratique casse les codes de la télévision mais pourra-t-on faire l’économie d’une réflexion pour l’adapter à notre offre alors que la part du mobile progresse chaque jour dans la consultation des sites web ?

A lire également :

BILD STARTET HEUTE MIT NEWS-SHOW (Bild)

Bild s’inspire de Snapchat Discover  (L’Observatoire des médias)

Liens vagabonds (BBC web only, Facebook plus humain, …)

A RETENIR CETTE SEMAINE :

“MUST READ”

SURVEILLANCE vs. CONFIANCE

NOUVEAUX USAGES, COMPORTEMENTS

DISRUPTION, REVOLUTION, DISLOCATION

MONDIALISATION

MOBILITES / WEARABLES :

ROBOTS, INTELLIGENCE ARTIFICIELLE, AUTOMATISATION, BIG DATA, MACHINE LEARNING

REALITE VIRTUELLE / REALITE AUGMENTEE

SMART TV / STREAMERS / VIDEO / MULTI-ECRANS :

YOUTUBE, FACEBOOK, ….

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4K / U-HD

JEUX VIDEOS :

STORYTELLING :

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JOURNALISME 2.0

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EDUCATION

OUTILS

 

Le management trop souvent en mode auto-destruction

Par Philippe Deloeuvre, directeur de la stratégie

La plupart des outils de management et des principes d’organisation, pensés et recommandés depuis des décennies, se retournent en ce moment contre nous. Lorsque c’est le prestigieux Boston Consulting Group (BCG) — par la voix d’Yves Morieux[1] — qui le dit, çà mérite de tendre l’oreille.

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Tout le monde est d’accord, les changements qu’induit la révolution numérique, et le rythme rapide auquel ils se produisent, sont tels qu’il y a urgence à repenser les principes d’organisation qui prévalent dans nos entreprises, ont estimé les experts, qui ont planché il y a quelques jours à Paris, lors de la 8ème conférence annuelle de l’USI.

Car la plupart des grandes firmes continuent de travailler globalement comme par le passé, constate Aaron Dignan, en lançant la conférence. Il faut admettre que nous sommes entrés dans un monde plus complexe et plus incertain qu’il ne l’a jamais été. « Il est impossible de prévoir ce qui vient. », prévient le CEO d’Undercurrent, cabinet de conseil en organisation et stratégie à New York.

En cela, le mathématicien français Cédric Villani qui se demande ce qui fait naître les idées, ne le dément pas, citant Poincaré à loisir avec facétie sur l’évolution des sciences : « Je crois que l’on obtiendra des résultats étonnants. C’est justement pour cela que je ne puis rien vous en dire. Car, si je les prévoyais, que resterait-il d’étonnant ?»

Dignan enchaîne : aux Etats Unis, 68% des salariés des entreprises se déclarent non investis. Au rythme où vont les choses, 50% des plus grosses entreprises changeront tous les 5 ans. Ce serait un « crime » de ne pas adapter nos organisations à ce nouveau contexte.

« Personne n’a de théorie », poursuit il.

Alors, où trouver l’inspiration ? Dans l’observation des fourmis, par exemple ! La reine ne fait que procréer, c’est la directrice des Ressources Humaines. Lorsque le soleil est trop présent, les fourmis ne travaillent pas et si l’une est défaillante, une autre la remplace instantanément. Recrutement, polyvalence, adaptabilité, tels sont les concepts à méditer…

6 évolutions fondamentales

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Mais parce qu’une keynote reste une keynote, Dignan nous propose de repartir avec 6 évolutions fondamentales, et parfois disruptives, à garder en tête au moment de penser l’organisation de demain :

  1. Arrêter de se focaliser sur le profit, mais se recentrer sur le but, ce qui donne du sens. Ce que l’on fait a-t-il du sens pour les gens ?
  2. Plus communément admis : bannir les silos et privilégier les réseaux. Est ce qu’en agissant, on profite des leviers et on fait grandir les réseaux de gens et de technologie ?
  3. Ne pas passer trop de temps à planifier mais être attentif à « l’émergence ». Faire des plans n’a plus de sens au regard du rythme des changements en cours. Etre attentif à ce qui émerge, c’est se fier aux données, renoncer à avoir trop de conviction : « one day of data is better than one year of planning ». Pour cela, il faut tester et apprendre. L’empirisme encore et toujours, Hume contre Descartes.
  4. Dans le même esprit, plus question de trop s’intéresser à l’efficience. Il s’agit de valoriser l’adaptabilité. Est ce qu’on ne cherche pas trop à organiser et contrôler les choses pour protéger nos acquis, nos statuts ?
  5. Fi du contrôle a posteriori qui ne produit que de la frustration, vive « l’empowerment ». Qu’est ce que l’autorité et à quoi cela sert il ?
  6. Enfin, l’ère du secret a fait long feu. Il s’agit maintenant d’agir dans la transparence.

On comprend qu’il y a du pain sur la planche de la plupart des grandes entreprises. A défaut d’un exemple applicable immédiatement, Aaron Dignan rapporte comme un point de fuite et de réflexion que l’entreprise Valve, studio US de développement de jeux vidéo n’inscrit sur le descriptif de poste de ses nouvelles recrues que deux choses :

  1. find other great people like you
  2. go find something to do

« Passion + Purpose = Win »

Au chapitre de « l’empowerment », Mark Randall, Chief Strategist, VP of creativity chez Adobe , vient présenter sa « boîte rouge », un processus créé pour stimuler l’innovation produit. Tous les collaborateurs (sans exception, sans choix a priori) reçoivent une boîte rouge qui contient 1.000 dollars, un crédit chez Starbucks pour consommer café et céréales et des instructions pour imaginer une évolution des produits de la maison.

Pas de contrôle des dépenses, pas même de justificatif de frais, pas de friction et… un énorme taux d’échec revendiqué. Au final, 92% des collaborateurs passeront la première étape des instructions qui en comptent six, celle de la motivation et 6% parviendront à la dernière. Et après ? Une boîte bleue. 23 d’entre elles furent distribuées et donnèrent lieu à des projets qui changèrent les produits d’Abode. Et Randall de conclure : « Passion + Purpose = Win »

Moins disruptif, mais aligné sur les mêmes concepts, Gilles Babinet, entrepreneur et Digital Champion de la France à Bruxelles, y va de ses 4 fondements pour entamer la transformation digitale des entreprises :

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Tous « responsive » !

A des degrés divers, tous les intervenants sont d’accord : l’entreprise de demain, comme le design aujourd’hui, sera « responsive », c’est à dire qu’elle mettra en place ce qu’il faut pour évoluer en temps réel. La désormais fameuse méthode agile appliquée à la théorie des organisations. Pour cela, il faut accepter un peu de flou et de redondance. Tout un programme.

[1] Yves Morieux est Senior Partner et Managing Director au Boston Consulting Group