Au ciné, avec sa tablette !

Par Barbara Chazelle, Directions Stratégie et Prospective, France Télévisions

Depuis quelques jours, une quinzaine de salles de cinéma américaines ont reprogrammé un grand classique Disney, La Petite Sirène sur leurs écrans en autorisant l’utilisation d’ipad dans leur salle. Disney a trouvé le moyen de moderniser un film sorti en 1989 et d’attirer une nouvelle génération de spectateurs au cinéma en proposant une expérience live sur un 2e écran via une application gratuite, à télécharger avant la séance.

Pour Dave Hollis, vice-président exécutif de Disney en charge de la distribution cinématographique, «c’est un évènement spécial. Nous invitons les gens à casser les règles. Nous voulons insuffler une autre forme de vie dans l’expérience cinéma traditionnelle. »

Des jeux... et le film mis sur pause !

Le dispositif interactif permet de jouer en compétition avec le reste du public afin de gagner des prix, en répondant à des quizz, en trouvant des trésors cachés… Pour permettre à l’assistance de participer, le film est mis sur pause parfois près d’une minute. Le public est aussi invité à chanter avec les personnages du film ; les paroles des chansons ont été ajoutées en overlay sur la pellicule pour parfaire l’expérience karaoké.

Disney n’en ai pas à son coup d’essai dans le domaine du 2e écran. A l’occasion de la sortie de l’Edition Diamant en bluray de Bambi en 2011, le studio avait développé une application pour ordinateur et iPad, synchronisée avec le film, qui offrait des contenus inédits et des jeux. Disney emboîtait ainsi le pas à Universal et son application compagnon du film Fast & Furious pour la sortie bluray en 2009.

Les uns ont adoré, les autres sont inquiets

Première surprise lorsque l’on est allé sur YouTube pour visionner la bande annonce de l’opération avant même son lancement dans les cinémas, la vidéo comptait près de 8 fois plus de « dislike » que de « like » et les commentaires étaient désactivés.

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Pourtant, les premières réactions des spectateurs qui émergent sur les blogs sont plutôt enthousiastes.

Les parents sont conquis par l’expérience qui semble être une réussite de sortie familiale. Une mère de famille est quant à elle ravie d’avoir pu remplacer des lunettes 3D par un iPad.
Cela n’est pas étonnant au vue des bons résultats qu’avait obtenu Disney l’année dernière en expérimentant ce type de dispositif lors de 5 séances gratuites du film L’étrange Noël de Monsieur Jack, de Tim Burton. A l’époque, Dave Hollis avait communiqué sur le fait que 97% de ce public avait été séduit par l’expérience.

Alors comment expliquer les réactions négatives de certains internautes ?

Pour certains, l’utilisation d’écrans dans une salle de cinéma est inapproprié et perturbe l’expérience de la salle noire. Si on ajoute à cela de l’interactivité, on ne peut plus se concentrer sur le film. Hollis répond à cette critique : Disney est très prudent sur le choix des films éligibles à un dispositif interactif et se défend de vouloir imposer des écrans dans les cinémas, mais explique que « dans le cas de L’étrange Noël de Monsieur Jack ou La Petite Sirène, ces films avaient déjà une base de fans très solides ». 

Le deuxième écran serait donc idéal pour les films du back catalogue à qui l’on veut redonner une seconde jeunesse en convoquant la nouvelle génération de spectateurs à venir découvrir ces classiques, nouvelle génération à qui on ne peut de toute façon plus "dé-greffé" leur mobile de la main.

Mauvaise et inquiétante stratégie répondent les spécialistes de l’enfance dont les études montrent que l’exposition (excessive) des enfants aux écrans réduit leur capacité à se concentrer et limite leur imagination. Pour Yalda Uhls, directrice régional de Common Sense Média, qui étudie les effets des médias et nouvelles technologies sur le jeune public, « il est très important d’engager les enfants dans une narration et cela est très difficile à faire aujourd’hui avec toutes les distractions et stimulations qui les entourent. Apporter quelque chose de distrayant dans les cinémas n’aidera pas en définitive les studios à atteindre le but de créer de la valeur ou de gagner un public qui se rendra au cinéma dans le futur. »

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Quid des prochaines expériences ?

Les prochaines expérimentations pourraient, comme pour La Petite Sirène, concerner des films dont la notoriété n'est plus à faire. Pour cela, il ne serait pas surprenant que Disney aille puiser dans son catalogue de Marvels ou dans la saga Star Wars dont les fans attendent toujours des contenus inédits.

Dave Hollis a aussi émis la possibilité de renouveler l'expérience autour d'un film inédit : après quelques semaines de diffusion, le film pourrait être proposé en version 2e écran. Cela permettrait tout simplement de ... prolonger la durée d'un film dans les salles.