Zuckerberg et WhatsApp à Barcelone : choc de cultures !

Quand Mark Zuckerberg prend la parole lundi soir, l’héritier du trône d’Espagne, le prince Felipe, et sa femme, sont assis depuis un quart d'heure au premier rang comme nombre de grands patrons de telcos mondiaux, venus voir de près celui qui lâche 19 milliards de dollars pour une PME de 55 personnes aux maigres revenus.

Ils ne seront pas déçus : le jeune fondateur de Facebook a averti, au Congrès mondial des mobiles, que son plan est bien « de connecter la planète » !

A Barcelone, ce sont donc toujours deux cultures qui s’affrontent : des challengers sans frontières qui amassent des centaines de millions d’utilisateurs en quelques années, face à des acteurs historiques, souvent nationaux, qui luttent pour ne pas être désintermédiés par des garnements dont le culot les subjugue.

Or tous courent après la nouvelle frontière : les deux à trois milliards d’êtres humains qui ne sont pas encore connectés. Tous savent que la croissance du trafic et des données va être explosive d’ici 2020. Et tous luttent pour trouver comment monétiser cette poussée.

Mais chacun à sa manière.

Toujours un peu provocante chez les galopins :

"Dans votre film de présentation, vous dites que nous aurons un milliard de personnes connectées en plus à la fin de la décennie. J'espère bien qu'on ira beaucoup plus vite que ça !", a assuré Zuckerberg. Pour cela, il est venu demander l'aide de trois à cinq grands opérateurs de télécommunications pour que ces populations des pays émergents puissent bénéficier de service Internet de base (cartes météo, prix agricoles, ...) via des forfaits de données très bon marché, voire GRATUITS, qui incluront aussi.... Facebook !

Jan Koum, pdg de WhatsApp

Jan Koum, pdg de WhatsApp

C'est d'ailleurs l'une des motivation du rachat de WhatsApp, très répandu dans les pays émergents. Désormais milliardaire, Jan Koum, son patron d'origine ukrainienne, est lui venu annoncer, au nez à et à la barbe des telcos à Barcelone, que les courts textes ne suffisaient pas à ses 465 millions d’utilisateurs (380 millions s’en servent chaque jour). Il lancera donc au 2ème trimestre un service de téléphonie vocal par Internet !! Avec la même recette qui a fait le succès de sa messagerie : « zéro marketing et zéro publicité » !

Kakao, concurrent direct de WhatsApp et leader sud-coréen de la messagerie mobile, qui a amassé 130 millions d’utilisateurs en 4 ans en 14 langues, entend se transformer en plateforme de communication sociale, a prévenu son co-président Sirgoo Lee. Elle multiplie donc les diversifications autour des jeux, de la pub, des contenus photos, de l’e-commerce et même des virements d’argent.

Et Firefox est venu a annoncer un smartphone à 25 $.

Parfois menaçante chez les telcos :

La riposte des telcos -- qui voient passer les trains de plus en plus vite (voix, données, vidéo, paiements mobiles) -- est simple.

Impuissants face aux géants du web, ils se retournent vers les pouvoirs publics et les régulateurs. Avec en substance quelques messages et avertissements, lancés par plusieurs de leurs représentants à Barcelone :

  • Attention, nous sommes l'avenir de la croissance et des emplois (déjà près 3% du PIB mondial et 10 millions d’emplois)
  • Mais les investissements nécessaires sont faramineux (de 2 à 300 millions $ par an) et il n’y a que nous qui payons !
  • Ne comptez pas sur nous pour répéter nos erreurs de la 3G avec des forfaits illimités pour remplir les tuyaux !
  • Ne nous empêchez pas de porter atteinte au principe de neutralité du Net : nous devons faire payer plus cher pour des qualités supérieures de service. Si c'est pour continuer sur le mode gratuit, il n'y aura pas d'investissements.
  • Soit vous régulez les sociétés Internet, soit vous nous enlevez des contraintes.

"Nous avons besoin d'un bon environnement de régulation", résume le mexicain Daniel Hajj, président d'American Movil. 

En marge du Congrès les ministres du numérique et des télécommunications européens devaient se retrouver cette semaine à Barcelone. Avec donc un agenda chargé et le temps qui presse !  

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Mais que « c’est dur de lutter contre des start-up qui acquirent 500 millions de clients en quelques années ! », se lamente le russe Jo Lunder, patron de l’opérateur VimpelCom. "Les telcos sont déstabilisés par le deal WhatsApp", avoue le pdg norvégien de Telenor, Jon Frederik Baksaas, nouveau président mondial du GSMA."19 milliards c'est l'équivalent de tous les investissements au fil des années de Qualcomm".

« Nous cherchons tous un modèle gagnant/gagnant, mais nous ne l’avons pas encore trouvé », a regretté le patron d’Etisalat, l’opérateur de Dubai. "Il faudrait passer d'un état d'esprit de concurrence destructrice de valeur à une collaboration qui additionne la valeur". 

« Mobile Connect", la nouvelle arme des telcos pour protéger notre vie privée

Une autre carte a aussi été abattue lundi à Barcelone : celle du rempart contre les fuites sur les données personnelles et les atteintes à la vie privée qu’entendent bien désormais jouer les opérateurs.

C’est le pdg d’Orange, Stéphane Richard, qui a présenté cette innovation « simple, gratuite et universelle » : pour mettre un terme aux multiples identifiants et mots de passe qui traînent sur le web et sont susceptibles d’être interceptés, « Mobile Connect » permet de s’identifier sur Internet par un code offline à 4 chiffres via sa carte SIM. Comme un code unique de carte bancaire.

Des partenariats se nouent aussi

Tout en essayant tous de rendre leur connectivité plus intelligente, et de se diversifier (surtout santé et moyens de paiement), certains n’hésitent pas à nouer des partenariats avec les sociétés Internet.

Ils entendent donc "devenir les services préférés à la fois des usagers et des sociétés Internet", explique Chua Sock Kuung, la patronne du géant SingTel à Singapour.

Quitte donc à faire payer deux fois ! 

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