Les médias, c'est comme le foot : à la fin, c’est toujours le web qui gagne* #MIPTV

Parce que c'est plus pratique, plus rapide et moins cher.

La semaine où Yahoo et Microsoft se lancent, à leur tour, à l’assaut de la télévision, le MIP TV de Cannes a reconnu cette année l’extraordinaire envol mondial des nouveaux usages vidéos et déroulé le tapis rouge aux nouvelles grandes plateformes de diffusion.

Et comme il y a dix ans, lorsque les patrons de presse, incrédules et méprisants, découvraient les blogs, les professionnels des programmes TV ont observé cette semaine, étonnés, YouTube devenir quasiment l’invité d’honneur de ce vaste marché mondial, Twitter, Amazon Studios y donner les grandes « keynotes », tandis que s’y projetaient durant deux jours sur l’écran géant du Grand Auditorium du Palais des Festivals les tout premiers « screenings » internationaux de productions web (« MIP Digital Front »).

La grande rencontre de la TV et du web, 50 ans après la création du MIP

mip fresh content

Créé il y a quatre ans, le MIP Cube, la partie numérique du salon, était alors sous une tente à l’écart.Aujourd’hui, alors que le marché se fragmente autour des terminaux et des plateformes, que les frontières s'estompent entre TV et vidéo, il est désormais au cœur de cet énorme congrès international, au centre des discussions et, petit à petit, des transactions, jusqu’ici cantonnées à la VoD.

Les grands agrégateurs de chaînes YouTube, les fameux MCN (réseaux multi-chaînes) commencent même à rouler des mécaniques !

« Les journaux et la musique n’ont pas pris le web au sérieux. Ne faites pas pareil ! », a conseillé sur scène jeudi le patron pour l'international de Maker Studios, racheté il y a quelques jours pour plus de 500 millions $ par Disney.

« Nos audiences sont désormais mondiales ! (…) Les chaînes du câble peuvent bien avoir 45 millions de téléspectateurs, ce n’est rien à côté de ce que nous pouvons faire ! », avertit René Rechtman en égrainant les milliards de vidéos vues, les centaines de millions d’internautes, les dizaines de milliers de créateurs.

« En ligne, nous ne serons pas CNN, ESPN ou MTV, nous serons 10 fois CNN, ESPN ou MTV », assure le Canadien Shane Smith, co-fondateur de Vice Media, où Murdoch a investi.

Comme pour les autres médias, Rechtman décrit « l’impact massif de la démocratisation de la créativité sur toute la chaîne de valeur», « la disparition des barrières à l’entrée » et « la prise de contrôle du public qui devient non seulement diffuseur, mais aussi créateur et producteur ».

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Le nouveau rôle du public : de l’audience aux fans

Pour ces acteurs de la vidéo en ligne, la grande différence avec la télévision c’est le nouveau rôle du public qui passe du statut d’audience (passive) à celui de fans (actifs). C’est son succès massif auprès des jeunes générations, leur accès direct aux créateurs. C'est aussi l'absence de prime time, de frontières.

Et c’est enfin son coût, même s’ils continuent quasiment tous de courir après la rentabilité.

« On fait tout ça pour moins de 10% du coût de la TV et ça marche ! », dit Maker Studios.

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Voici les nouveaux magnats des médias de divertissement 

new media moguls

Mais aussi DailymotionVine, Instagram, Facebook, SnapChat, Vimeo, ou les plateformes qui les propulsent Magine, Brigthcove, Tvigle (leader russe); Pluto.tv (lancée cette semaine) etc, le tout dans un marché mondial de la vidéo en ligne évalué désormais à 20 milliards de dollars.

Les nouveaux producteurs comme Amazon Studios, après trois ans de travail, s'appuient par ailleurs, de plus en plus, sur les données pour transformer les pilotes soumis aux commentaires des internautes et parfois proposés par eux. Une dizaine de séries originales sont en cours de production chez Amazon qui, brûlant la politesse à Netflix, a même indiqué avoir commencé à tourner cette semaine à Paris, The Cosmopolitans, une série sur des expatriés américains, avec notamment l'actrice française Chloé Savigny.

Grâce à de spectaculaires visualisation de données, Twitter, présent pour la 1ère fois au MIP, a cherché à montrer qu'il était autant un réseau social qu'un "réseau de broadcast" qui amplifie la puissance de la télévision, grâce à sa double dimension publique et en direct. La prochaine étape étant l'intégration de Twitter dans les futures formes narratives des scénaristes et des producteurs. Son bureau parisien compte déjà plus de 20 personnes.

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A noter aussi parmi les tendances TV/vidéo digitales :

  • l’attrait croissant (et financièrement indispensable) de ces jeunes créateurs de vidéos pour intégrer de plus en plus les marques dans les contenus.

  • la différence de formes narratives entre plateformes: les histoires ne se racontent pas de la même façon sur YouTube, Vine ou Instagram. A fortiori pas non plus pareil sur la TV et le smart phone, qui n'est pas un téléviseur rétréci !
  • l’arrivée cette année d’une section très importante dédiée aux programmes pour la jeunesse. Amazon Studios a ainsi confirmé le lancement prochain de programmes pour enfants avant même la maternelle.

  • l’essor de la 4K ou Ultra-HD, via là aussi les nouvelles plateformes mais aussi via des acteurs historiques comme la BBC.
  • l'inquiétude croissante sur la protection des données personnelles : Maurice Lévy, pdg de Publicis, a plaidé pour que les consommateurs en gardent le contrôle total et a demandé aux géants du web de les partager, tandis que le président du CSA, Olivier Schrameck souhaitait que le sujet soit traité avec force au niveau européen.

Mais pour l’instant le  gros du marché des programmes se fait bien sûr toujours sur la télévision, tandis que Netflix, l’épouvantail de l’année en France, n’était même pas à Cannes !... Officiellement !

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* « Le football est un sport qui se joue à onze contre onze, mais à la fin c'est toujours l'Allemagne qui gagne » (Gary Lineker – 1990)

Disclosure : j’ai fait lundi à Cannes une présentation sur les rôles des éditeurs et des algorithmes dans le cadre du Digital Minds Summit consacré aux données et participé au jury de sélection de la meilleure start-up.