Par Clara Schmelck, journaliste médias à Intégrales Mag, billet invité
En 2015, le livestream est en train de devenir mainstream. Quelques jours après le lancement de Meerkat, Twitter a répliqué en lançant Periscope. A l’occasion du second tour des élections départementales en France, l’application a commencé à rebattre les cartes de la communication politique.
Meerkat et Periscope sont deux applications de diffusion vidéo en direct via Twitter. Des commentaires des "voyeurs" apparaissent à l'image durant le flux livestream. Rivalité oblige, Twitter vient de restreindre l'accès de Meerkat à son API, moyennant quoi il n’est plus possible dans Meerkat d'aller chercher ses contacts Twitter pour les suivre directement. Certains annoncent déjà sa mort. Et avec elle, celle des journalistes technos qui avaient claironné son lancement.
Mais dans leur genre, Meerkat et Persicope développent des usages différents.
Meerkat, qui ne donne pas la possibilité de sauvegarder les flux vidéo, se rapproche de l’esprit de Snapchat, et joue sur l’effet d’instantanéité. Il faut être là au bon moment. L’application est propice aux événements exceptionnels, comme un mini-concert privé de Madonna sur le rooftop d’un building new yorkais ou une éclipse solaire depuis le mont Fuji.
Un outil pour convaincre
Periscope, contrairement à Meerkat, offre un "replay" des livestreams pendant 24h. Une séquence Periscope peut ainsi se présenter comme un excellent outil de communication pour un politique, voire pour un dirigeant d’entreprise, lorsque il veut présenter un projet à court terme et convaincre sur le champ.
Un beau clin d'oeil au moment ultime décrit par le philosophe Régis Debray et qu'il nomme, dans l’Etat Séducteur, la vidéosphère, une démocratie où le pouvoir se manifeste et se maintient dans le rapport de l’individu et de l’écran.
«Les candidats vont periscoper leur campagne. Les parlementaires vont periscoper leurs insta-déclarations en direct du Capitole. », prévient le Washington Post, qui anticipe le scrutin de 2016 aux Etats-Unis. Un élu va ainsi pouvoir profiter de son bassin de followers sur Twitter pour développer sur Periscope une audience ciblée et attentive.
Du point de vue des citoyens, il peut être intéressant, pour se forger une opinion, d’écouter la déclaration d’une personne politique dans sa totalité, quand les chaînes de télévision ne livrent parfois qu’une partie du message.
La fin des conférences de presse ?
Periscope est-il de ce fait entrain de mettre en péril les traditionnelles conférences de presse ? Le contact avec les journalistes relève d’un réel exercice de rhétorique et de patience pour les politiques ou les dirigeants de grands groupes. Faire l’économie du filtre de la presse leur permettrait d’évacuer bien des embarras, surtout quand ils sont dans la dernière ligne droite de leur campagne, qu’ils veulent rapidement faire passer une mesure ou éteindre sans attendre un conflit social.
Les conseillers en communication, qui gèrent l’image des décideurs, sont-ils du même coup menacés ? Vraisemblablement non, car les spin doctors vont bien sûr s’approprier ce nouvel outil pour en développer les possibilités.
Les journalistes, quant à eux, ne manqueront pas de commenter les prestations "Periscope" des politiques. Et, les politiques qui auraient cru en amont échapper aux conférences de presse pourraient bien être amenés en aval à répondre de leurs propos devant des journalistes.
Dimanche soir, lorsque le président de l’UMP, Nicolas Sarkozy, a diffusé son allocution via la nouvelle application de streaming, son équipe a oublié que les commentaires étaient aussi publiés en direct. Slate a recueilli les perles des apostrophes les plus embarrassantes, invitant les autres médias d’information à interviewer de manière très ciblée l’ancien chef de l’Etat.
par @ClaraSchmelck