Par Alice Pairo, France Télévisions
(version modifiée avec ajout des bons liens vers L'Obs. Avec toutes nos excuses !)
Le mobile est aujourd’hui le premier écran. On le tient dans la main, tout droit. Résultat : les pages sont présentées de façon verticale. Et ce sens est moins anodin qu’il n’y parait ! Car le contenu quel qu’il soit, conçu à l'origine pour des écrans horizontaux (ordinateur, télévision) a du y être adapté. Les médias comme les publicitaires ne semblent plus vraiment avoir le choix : ils se conforment à ce format, qui, peu à peu, s’est imposé, ou en tirent pleinement parti en créant des concepts axés sur le vertical. Même François Hollande devrait s'y mettre via Snapchat.
Mais s’il s’agit pour beaucoup d’une révolution, d’autres acteurs plus récalcitrants nous autorisent à interroger cette verticalité comme format du futur.
Le virage vertical
Si l'influence du smartphone dans le design des sites web est évidente, ces sites sont pour la plupart si bien réalisés, de plus en plus en responsive design, que l'on en oublie l’adaptation qui a opéré. Mais il est encore un contenu qui pose problème, et cela se voit: la vidéo. Si bien que chaque fois que l’on aborde la question de la verticalité aujourd’hui, c’est la vidéo qui s’impose au centre des discussions. Et pour cause, comme nous l’écrivions il y a peu sur Méta-Media : « plus de 50% des vidéos en ligne seront mobiles d'ici fin 2015 ». La problématique : un écran de smartphone vertical et une tradition vidéo horizontale. Même s'il est incontestable que la vidéo verticale s'impose peu à peu...
Cette domination s’est concrétisée cette année, par la bascule vers le vertical opérée par une série d’acteurs majeurs. Les applications Meerkat et Periscope, conçues pour filmer et regarder des vidéos en direct ont d’emblée adopté le vertical (même si Periscope autorise aujourd’hui l’horizontal). Ce format a aussi été démocratisé par l’application préférée des plus jeunes, Snapchat, conçue pour la vidéo verticale. Un choix que le fondateur Evan Spiegel explique dans L'Obs :
« une vidéo vue à l’horizontale, sur un mobile, n’occupe qu’une toute petite partie de l’écran, à moins que l’on retourne son téléphone […] Nous, ce qu’on voulait en priorité, c’était occuper tout l’écran, on est donc passé à la vidéo verticale ».
De grands médias comme « MTV », « National Geographic » ou « CNN » ont eux aussi pris le virage du vertical, en produisant des vidéos sur « Snapchat Discover ». Et d’autres médias ont suivi le mouvement. Cet été par exemple, plusieurs sites d’information ont réalisé des vidéos filmées et diffusées verticalement, à l’image de « Business Insider », du « Daily Mail » ou encore du « New York Times ». Le quotidien allemand « Bild » est allé jusqu’à créer un JT quotidien au format vertical tout comme la chaîne suisse Léman Bleu.
Le monde de la publicité s'y essaie également, à l'image d'Audi qui a réalisé la première publicité vidéo verticale à l’occasion des « 24h du Mans ». Le vertical semble également inspirer le monde de l’art. Un groupe coréen de hip-hop « Epik High » a tourné le premier clip de musique en vertical. Des argentins ont eux réalisé la première fiction jamais accomplie dans ce format (disponible sur Vervid, le YouTube de la vidéo verticale). Si certains créent des cinémas verticaux, d'autres vont jusqu’à créer un événement pour le consacrer : le Vertical Film Festival. Le vertical en passe de devenir un genre cinématographique à part entière?
Qu'avancent les adeptes du format?
Parmi les arguments avancés par ces promoteurs d’une bascule vers le vertical, certains estiment qu’en plein écran (tenu à la verticale!) les images sont plus puissantes, que le sentiment d'immersion est plus important. Mais pour le fondateur de Vervid cela serait plus simple que cela, plus intuitif et tiendrait simplement à l’ergonomie de notre smartphone.
« Ce n’est pas Snapchat qui a inventé le format vertical. Ce n’est même pas nous, Vervid. C’est le smartphone. C’est l’ergonomie. C’est le fait qu’on tienne son téléphone de cette manière 94% du temps ! On capture ses vidéos comme ses photos : verticalement », déclare-t-il sur son blog.
Pour Amélie Boucher, auteure d’Ergonomie Web et cité dans l'Obs, « ce n’est même plus une question » :
« On feuillette le papier en tournant les pages de gauche à droite, mais on consulte Internet verticalement. Vous imaginez feuilleter votre fil Facebook, Instagram, LinkedIn, Pinterest? Le pouce humain est articulé de telle manière qu’il est beaucoup plus facile de le faire aller de haut en bas plutôt qu’horizontalement, de l’intérieur vers l’extérieur ».
Et les tenants de l'horizontal?
Chez les défenseurs de l’horizontal dont certains étaient présents au Player ce 12 novembre, à la table ronde du Social Media Club , l’argument qui revient le plus souvent est celui qui consiste à critiquer l’esthétique des vidéos lorsqu’elles sortent des mobiles et investissent d’autres écrans. Beaucoup se plaignent de l’esthétique des vidéos encadrées par deux bandes noires épaisses sur YouTube ou encore des vidéos amateurs diffusées par les journaux télévisés, ce qui est de plus en plus courant aujourd’hui. Les chaînes TV optent d'ailleurs plus volontiers pour des bandes avec un effet floutté, comme pour agrandir l'image.
En plus de l’adéquation avec le support, se pose la question de celle concernant le sujet. Pour Donovan Grandin (Head of UX, Digitas LBi France) intervenant au Social Media Club : « il existe de nombreux projets créatifs pour lesquels le vertical ne fonctionne pas ». C’est le cas d’une carte du monde par exemple… Selon lui, ce n’est pas un hasard si on parle de format « portrait » ou « paysage », il y a des limites à la verticalité et elles concernent l’adéquation avec le sujet.
Même John Whaley de Vervid, pourtant partisan du vertical admet que l’horizontal est parfois un meilleur choix. Ainsi, il confie à l’ « Obs »:
« Nous, les humains sommes verticaux. Plus hauts que larges. Pour les paysages, il vaut mieux privilégier le format horizontal. Mais pour photographier, filmer des gens, la verticalité prend tout son sens ».
Les défenseurs de la vidéo verticale avancent un autre argument : la nausée. S’il peut paraître exagéré et prêter à sourire, il serait bien réel : une vidéo peu stable qui serait regardée à la verticale pourrait donner au spectateur la nausée - au moins le tournis.
Le journaliste et consultant Philippe Couve explique ce principe :
"Nos yeux sont placés de part et d’autre de notre nez, pas l’un en dessous de l’autre. Notre vision naturelle est en 16/10e. Le format 16/9e, rapidement imposée par Hollywood, correspond bien à notre morphologie".
Certains prennant le sujet très à coeur vont jusqu’à créer des oeuvres originales pour exprimer avec humour leur amour du format horizontal. A l’image de la vidéo « Vertical Video Syndrome » qui compte pour l'heure près de 7 millions de vues sur YouTube. Il faut tout de même préciser que toute vidéo peut occuper l’écran dans son entièreté, à la simple condition d’incliner son écran de 90°! C’est à partir de là qu’a été pensée la vidéo « Turn your phone 90 degrees » (plus d’un million de vues), en voici un extrait:
« If you please just turn your phone 90 degrees
there’s so much more for you to see when you film horizontally
can’t you see it’s not as hard as it may seem
if you don’t… i’ll break your knee »
Et pour ceux qui n’auraient tout simplement pas ce réflexe, l’application « Horizon » (« Capture horizontally. Always ») applique le format paysage de façon automatique à vos prises de vues, quel que soit le sens dans lequel vous tenez votre téléphone.