Paris, capitale de l'eSport ? Pas si facile ...

Par Lola Kostadinoff, France Télévisions, Media Lab

L'eSport est en plein boom, en France et partout dans le monde. Le phénomène ne cesse d’attirer spectateurs, pratiquants, éditeurs et bien évidemment marques, qui voient de nouvelles opportunités. A l’heure où les interfaces tactiles et les objets connectés métamorphosent le paysage de la pratique, les acteurs du secteur ont essayé d’imaginer le futur de la discipline lors de la dernière rencontre Dojo eSport à Paris.

Diffusion : une concurence accrue

Après l’arrivée de Twitter et Coca-Cola, Facebook vient de devenir partenaire de la ligue ESL (Electronic Sport League) en misant sur la diffusion d'événements.

En 2015 déjà, l’ESWC, tournoi international d’eSport, remplissait Bercy. D’ici 2022, l’eSport pourrait récolter quelques 3 milliards d’euros de chiffre d’affaires, d’après une étude de Superdata Research

Mais si la marchandisation des droits de diffusion semble avoir un avenir florissant, la concurrence est rude, notamment avec le lancement d’ES1 mi-janvier 2018, première chaîne française dédiée à l’eSport.

Cependant, “la télévision reste un sujet délicat” explique Pierre Chatelin, Président de la société d’événementiel Gaming Generation. La difficulté réside dans la transition de l’audience des plateformes web vers des médias plus traditionnels que les consommateurs d’eSport désertent. Quelques pistes pour les diffuseurs dans la vidéo ci-dessous.

Le secteur doit organiser la formation et la professionnalisation des joueurs

Petit à petit, l’image d’une communauté geek, de niche, difficile d’accès et composée uniquement d’hommes, se transforme en un véritable phénomène de société large et ouvert porté par les jeunes et la technologie, avec des valeurs fortes telles que le partage et le respect. L'envie de fédérer et d’encadrer d’avantage les joueurs en communautés locales tels que des clubs de sports traditionnels semble faire l’unanimité dans les acteurs du secteur.

D’après Olivier Morin, il est primordial de rassembler les différents acteurs (joueurs, spectateurs, éditeur etc…) afin “d’ouvrir l’accès à l’eSport à une base beaucoup plus large”. Le talk designer spécialisé dans l’eSport, souligne également l’importance de créer des lieux physiques de formation, de pratique et de rencontres autour de cette communauté. C’est par exemple le cas du Hub e-sport, salle de jeux vidéo à Valence, qui prône la cohésion sociale et la mixité. L’Asus Rog School, dirigée par Hadrien Nuci, alias Thud, célèbre commentateur Esport, ex-cogérant d’O’Gaming et précurseur du domaine en France, ouvre également la voie en étant le premier centre français de formation qui professionnalise les jeunes joueurs de League Of Legends dans la compétition de haut niveau.

 “Il y a des équipes professionnelles qui financent les joueurs, [...] mais il n’y a pas suffisamment de passerelles pour lancer une carrière" explique Thud, dans l’espoir d’accompagner un maximum de jeunes.

L'eSport doit encore convaincre les pouvoirs publics 

L'eSport commence à susciter l’intérêt de nouveaux acteurs majeurs “tant sur le plan économique que social”, comme les pouvoirs publics en France, explique Jean-François Martins, adjoint chargé des Sports et du Tourisme de la ville de Paris. Dans l’avenir, il souhaiterait faire de Paris l’une des capitales eSport, en accueillant davantage d’événements et d'infrastructures. “L'eSport, qui est numérique, produit un besoin de rencontre physique” déclare-t-il. Une éventuelle intégration de la discipline aux Jeux Olympiques 2024 est d’ailleurs évoquée.

Olivier Morin, présentateur du Canal eSports Club sur Canal Plus et organisateur de l'événement Dojo eSport, explique que la dimension politique de l’eSport sera décisive sur sa croissance. Aujourd’hui, elle est encore très immature en France : c’est le milieu économique qui structure la pratique et non l’inverse, ce qui ralentit son développement.

A suivre : la montée en puissance du mobile et de l’IA

Les interfaces tactiles des mobiles et tablettes, combinés à la multiplication des modèles de jeux free-to-play, ont révolutionné la pratique des jeux vidéos et ont entraîné une vague de pratiquants de tous âges partout dans le monde. Même si le secteur est d’avantage concerné par les millennials, Hadrien Nuci explique que cet engouement autour du mobile est dû à “une rupture générationnelle dans la consommation des médias”L’arrivée de Clash Royale (jeu mobile free-to-play) dans le monde du eSport, illustre bien cette tendance et offre de nouvelles perspectives d’évolution.

“Clash Royale est en train d’imposer un nouveau genre qui sera évidemment suivi “ affirme Matthieu Dallon, entrepreneur eSport depuis 2000 et aujourd’hui chez Webedia.

Le partenariat de Blizzard et Google DeepMind sur Starkraft II annonce aussi un futur prometteur dans la rencontre de l’eSport et de l’intelligence artificielle, aussi bien sur le gameplay que sur le coaching et l’entrainement.

Un secteur à suivre de près. Rappelons que le jeu vidéo est aujourd’hui la première industrie culturelle et que la discipline est au cœur des innovations technologiques. Tout cela laisse imaginer un bel avenir pour l’eSport, tant sur le plan social et qu’économique.