Médias d'info US : des audiences en berne, des revenus numériques tirés par le mobile... qui bénéficient surtout à Facebook et Google

Par Barbara Chazelle, France Télévisions, MediaLab

On le sait, les temps sont durs pour les médias d'information qui essaient tant bien que mal de garder leur audience et de trouver des solutions pour renflouer les caisses. L'état des lieux annuel du Pew Research Center pour les médias d'information aux Etats-Unis n'est pas très réjouissant.

Le public, submergé par le flux incessant d'infos préfère prendre de la distance : les audiences sont donc en déclin pour presque tous les médias. Et ça se ressent sur les revenus publicitaires... En hausse sur le numérique et tiré par le mobile, ces revenus bénéficient néanmoins peu aux médias d'info et partent pour moitié dans les poches de Facebook et Google.

L’audience en chute libre pour les médias d’info aux Etats-Unis, à l’exception de la radio

Les chiffres d’audience sont en berne : jusqu’à -12% pour les infos du soir sur le câble et -15% pour les bulletins matinaux des TV locales. Les chaines hertziennes s’en sortent un peu mieux, à -7% le soir.

La radio se porte bien aux Etats-Unis, mais plus intéressant encore, l’audience des podcasts ne cesse de croître sur la décennie. 44% des Américains de plus de 12 ans affirment en avoir déjà écouté, dont 17% la semaine précédant le sondage (tous sujets confondus).

Le taux de circulation de presse écrite quotidienne, qui connaissait déjà un déclin constant depuis quelques années, plonge de 11% cette année.

Aux Etats-Unis, plus de 9 adultes sur 10 consomment de l’information en ligne. Dans ce rapport, le Pew Research Center s’est intéressé aux médias numériques natifs qui comptaient au moins 10 millions de visiteurs uniques par mois, soit 35 entités. Eux aussi ont vu leur audience légèrement baisser de 5% en 2017 (soit 22M vs 23M en 2016). Le temps moyen de visite était de 2,4 minutes.

Difficile de comparer avec la circulation numérique des médias traditionnels car trois titres majeurs (NYT, WSJ, WashPo) n’ont pas encore donné leurs chiffres à l’Alliance for Audited Media. Mais si l’on en croit les informations disponibles sur le site du Dow Jones, The New York Times et le Wall Street Journal enregistrent des scores remarquables (respectivement +42% et +26%). En prenant ces données indépendantes en compte, le Pew Reseach Center estime que la circulation numérique de la presse nationale pourrait avoir progressé de 10%.

Application mobile : entre iOS et Android, les éditeurs ont fait leur choix

Si 57% des 35 médias numériques natifs étudiés proposent une application mobile, seuls 31% d’entre eux sont à la fois sur iOS et Android en 2018 (vs 42% en 2017).

Plus de médias ont fait cette année le choix d’iOS (23% en 2018 vs 17% en 2017)

Trop d’infos tue l’info

Le rapport précise qu’après une année électorale il est normal de voir l’audience de l’info baisser sur le câble et la TV locale. Mais le fait que ce déclin concerne aussi les chaînes hertziennes et la presse montrerait que cette explication n'est pas suffisante.

Un autre sondage du Pew Research Center paru en juin nous apprend que près de 7 Américains sur 10 affirment être fatigués de la quantité d’informations qu’ils reçoivent chaque jour et être dépassés. Trop c’est trop !

Revenus des médias traditionnels : seules les TV nationales s’en sortent

Si les revenus du câble continuent de croître (+10%) et ceux des chaînes nationales hertziennes sont stables, les chaînes locales d’information ont perdu 13% de leurs revenus par rapport à 2016. Et même en comparant avec 2013 ou 2015 où il n’y a pas eu d’élection, les revenus de 2017 restent décevants.

Les revenus de la radio sont plutôt stables (-2%). La presse écrite en revanche perd 10% de revenus publicitaires.

Le mobile pèse désormais pour 2/3 des revenus numériques

Faute de données sur les revenus publicitaires du secteur de l'information numérique, le Pew Research Center donne les grandes tendances.

Les revenus générés par les publicités numériques continuent de croître pour atteindre 90 milliards de dollars, ce qui représente désormais 44% de tous les revenus publicitaires (+37% vs 2016).

Le mobile tire toujours la tendance vers le haut : en 2017, les revenus publicitaires sur le mobile comptent pour deux tiers des revenus issus du numérique, pour atteindre 61 milliards de dollars.

Les bannières continuent d'être les plus lucratives (18 milliards) mais la croissance se trouve dans les publicités « enrichies », c’est-à-dire qui comprennent une interaction avec des éléments audio ou vidéo (+48%) ou les publicités vidéos (+36%).

Facebook et Google récupèrent la moitié des revenus publicitaires numériques

Mais les dépenses publicitaires en ligne bénéficient peu aux médias d’info numériques. Facebook et Google en récupèrent la moitié (52%) en 2017 selon eMarketer.

Sur le mobile, Facebook capte seul la moitié des revenus de la publicité display. Les autres entreprises ne contrôlent pas plus de 10% du marché.

Faut-il craindre des restrictions de personnels dans les rédactions ?

C'est une conséquence envisagée par le centre de recherches qui soulignait déjà cette tendance dans une récente étude. L'emploi dans les rédactions aux Etats-Unis a chuté de près d'un quart en moins de dix ans, notamment dans la presse écrite (-45% entre 2008 et 2017).

 

Crédit photo de Une : Jingda Chen via Unsplash