Forcés d'innover ensemble, les médias suisses privilégient la proximité sur la techno 

Un sacré avertissement ! Les médias suisses n'en finissent pas d'être secoués par la votation nationale qui, l'an dernier, a bien failli jeter aux oubliettes leur audiovisuel public, finalement sauvé par son public. Ils ont donc décidé -- au moins pour leurs acteurs francophones--  de travailler ensemble pour voir comment innover.

Pour "réenchanter les médias", firmes publiques et privées, journaux comme télévisions ou radios nationales ou régionales se sont donc retrouvés cette semaine à Lausanne pour leur 1er Forum* des médias romandsL'occasion donc de partager des "best practices", de dépasser les clivages historiques et de découvrir des initiatives venant de certains d'entre eux ou de start-ups.

L'occasion aussi de parler du fond.

"L'innovation porte moins aujourd'hui sur la technologie ou les formats que sur les questions de liens" avec le public, a bien résumé Gaël Hürlimann, rédacteur en chef du numérique pour le quotidien Le Temps, de plus en plus lu en France. C'est vrai, a reconnu Serge Gumy, rédacteur en chef du quotidien régional La Liberté, ces dernières années, "nous avons perdu en humanité. Nous n'avons pas été assez à la rencontre des gens". "Nous nous sommes beaucoup perdus dans la tuyauterie, notre métier c'est journaliste, pas plombier", a renchéri Ariane Dayer, rédactrice en chef au groupe Tamedia.

Tous ont donc souligné cette première nécessité d'être en "conversation permanente" avec leur audience.

Mais ils sont aussi restés ouverts aux initiatives de modernité offertes par les nouvelles technologies, en privilégiant notamment des alliances pour travailler ensemble sur le renforcement du lien social. "Les sujets sont trop vastes pour avancer tout seul!".

Ainsi la SSR, l'audiovisuel public suisse, s'est associé au groupe de presse privé Ringier, mais aussi à l'Ecole polytechnique fédérale de Lausanne (EPFL) et le Triangle Azur, réseau qui réunit les Universités de Genève, de Lausanne et de Neuchâtel, pour lancer l’Initiative pour l’innovation dans les médias (IMI) dotée d'un fonds de soutien annuel d'environ 600 K €. Leurs premiers projets tournent autour de la lutte contre la désinformation. 

D'autres initiatives ont été présentées :

AINews, développée par La Liberté, la start-up Djebots et les écoles d'ingénieurs et de gestion de Fribourg pour insérer des messages personnalisés au sein des fils d'infos. "Le journalisme du futur est une conversation entre le lecteur et son journal". Radio Chablais utilise elle Whatsapp pour faire participer ses auditeurs à l'antenne.

 

Le robot-journaliste Tobi du groupe de presse Tamedia qui génère automatiquement des articles, notamment à l'occasion d'élections ou de rencontres sportives non couvertes par des journalistes. Ses contenus ont parfois mieux "scoré" que des compte-rendus traditionnels, dit-on chez Tamedia, "des journalistes ont été choqués de si bons scores de satisfaction".

La RTS, branche francophone de la SSR, a mis en production une intelligence artificielle pour indexer les vidéos d'archives en utilisant des technos de recherche visuelle, reconnaissance faciale et identification de locuteurs.

Des start-ups suisses bousculent le jeu

Kapaw est un média d'actu pour les jeunes suisses qui met l'accent sur une conso mobile, sur les réseaux sociaux et en vidéo.

Heidi.News créé par l'ancien éditeur numérique du Monde, Serge Michel, va mettre l'accent sur deux formats : les flux et les explorations. Employant 14 personnes dont 8 journalistes, il a déjà levé 1 million de FS avant une nouvelle levée prochaine. Avec 2 recettes : "on attend qu'un produit marche avant d'en lancer un autre; et on s'intéresse beaucoup aux communautés".

Finity qui produit des contenus pour des grandes firmes en utilisant l'IA ou encore SmartWall qu propose des paywalls dynamiques pour la presse.

Le président de Tamedia, Pietro Supino, a enfin évoqué la possibilité pour les médias romands de se doter à terme d'une plateforme de login commune. La branche est "contrainte d'innover", a souligné Daniel Pillard, directeur de Ringier Axel Springer pour la Suisse romande.

ES

 


*Disclosure: j'ai eu le privilège d'être invité à Lausanne pour partager certaines de nos analyses lors d'une des keynotes de cette journée.