Face au COVID-19, les médias locaux se réinventent

Par Diana Liu, MediaLab, France Télévisions

La crise du Covid-19 met en lumière l’importance des médias locaux pour accompagner les lecteurs – mise à disposition d’attestations papier, informations sur les possibilités de livraison de course. Ils constituent un relai d’info pratiques et d'initiatives de solidarité. Si le coronavirus est une opportunité pour les médias locaux de se réinventer, il menace également leur survie économique.

5 initiatives de médias locaux en France et à l’étranger 

1Priorité aux infos pratiques et utiles

Les médias locaux ont la capacité de fournir des info locales essentielles en temps de crise. Aux États-Unis, informe ses lecteurs sur les fermetures d’école, les courses en ligne et la préparation en amont des hôpitaux. Résultat : une hausse significative du trafic Internet et du nombre d’abonnés.

En France, les journaux L’Union-L’Ardenais, La Voix du Nord, La Montagne, Sud-Ouest et Ouest-France ont mis à disposition des exemplaires de l’attestation de déplacement. Le journal de Saint-Nazaire a publié sur son site web un guide qui fournit « les info quotidiennes utiles » aux résidents.

Les médias urbains, eux, changent de nom. « My Little Paris » devient « My Little at Home » et « TimeOut » se transforme en « TimeIn » avec pour nouvel objectif de proposer des activités culturelles virtuelles et des idées pour bien vivre chez soi.

Pour faciliter l’accès à ces informations, beaucoup de médias locaux mettent leurs contenus en accès libre. Certains vont encore plus loin : Ouest-France offre des abonnements numériques gratuits de deux mois, et Parie Normandie offre aux nouveaux abonnés « 15 jours solidaires » de consultation gratuite.

2Collaboration entre les journalistes de différents médias

Dans cette situation de pandémie caractérisée par un flot constant de d’informations nouvelles, les rédactions facilitent le travail collaboratif.

Resolve Philadelphia, une association collaborative qui soutient des journalistes locaux, a publié un guide sur la couverture du coronavirus. L’association a également ouvert un canal Slack pour ses partenaires médias afin de coordonner des reportages, partager des données et traduire des articles d’autres médias participants à l’initiative.

The Bureau Local, un réseau britannique de journalisme d'investigation, a également mis en place des canaux dédiés au partage de données et à la rédaction d’articles.

First Draft, réseau international de reportage et de recherche collaborative, met à disposition des bases de données regroupant des intox débunkées et les sources expertes sur le Covid-19. Le réseau organise également des webinaires dédiés à la couverture du virus.

Au Royaume-Uni, plus de 60 titres de presse locale se sont unis pour publier le même message de solidarité : « Lorsque vous êtes seul, nous sommes là avec vous »

3Mise en place de réseaux virtuels de solidarité

Pour faciliter l’entraide, les médias locaux ont lancé des opérations de solidarité via leurs applications numériques et les réseaux sociaux.

Nice Matin a mis en ligne « CoronAIDES », une application de mise en relation permettant de proposer ou de demander de l’aide à ses voisins. Le Télégramme fait de même avec son initiative « Solidarité Coronavirus Bretagne ». Ouest-France s’associe avec la plateforme d’entraide Allovoisins.

Les quotidiens français se servent également des groupes Facebook pour construire un réseau virtuel de solidarité et d’échange des services. Ouest-France propose aux lecteurs de rejoindre des groupes d’ « Entraide Coronavirus ». Les Dernières Nouvelles d’Alsace a créé un groupe spécifique à la région qui relaye d’autres groupes de solidarité.

4Podcasts et newsletters pour accompagner les confinés

Les médias locaux exploitent la relation intime permise par l’audio pour garder le lien avec leur lectorat. Ouest-France a lancé « Comme à la maison », un podcast qui donne la parole à des célébrités pendant le confinement. Sud Ouest a créé « Ici Sud Ouest », un podcast qui compile les meilleures notes vocales laissées par les lecteurs sur Facebook, Instagram, WhatsApp ou envoyées par email. Et Radio Zona Rossa en Italie diffuse des conseils santé sur ses ondes.

Les rédactions locales lancent des newsletters éphémères sur le virus. Dallas Morning News envoie un « Coronavirus Update », Le Journal d’Ici a conçu une newsletter spéciale confinement pleines de conseils d’activités et de bien-être à la maison et 20 minutes compile dans sa newsletter des initiatives de solidarité dans la newsletter « Restez positifs chez vous ».

5Programmes d’éducation pour les enfants à la maison

Avec la fermeture des écoles, la presse locale a renforcé ses offres jeunesse. Nice-Matin offre un accès libre de 60 jours à Kids Matin, l’édition numérique destinée aux enfants de 7 à 12 ans. Ouest-France met à disposition de tous sa plateforme d’éducation « L’actu en classe », avec une chaîne YouTube et une version numérique du journal Dimoitou pour les enfants à partir de 6 ans. Aux Etats-Unis, Le Los Angeles Times a créé une rubrique à destination des enfants avec des jeux en ligne, des projets d’art et des réponses aux questions des petits sur le coronavirus.

6Un défi pour les médias locaux malgré tout

Alors que la crise du coronavirus met en avant le rôle essentiel de la presse locale, celle-ci vient bouleverser un écosystème déjà fragilisé. Tout en offrant un accès gratuit aux informations sur le Covid-19, les rédactions voient leurs recettes publicitaires chuter en raison de la fermeture des commerces locaux et du retrait des annonceurs en ligne.

Dans un article de BuzzFeed News, le président du Seattle Times parle d’une chute drastique de l’investissement publicitaire concomitante à une explosion du trafic Internet et une croissance des abonnements. Ces nouveaux revenus ne parviennent pas à compenser l'effondrement de l’investissement publicitaire local.

Par ailleurs, les rédactions peinent à convertir le trafic Internet en recettes publicitaires puisque de nombreux annonceurs ont bloqué les mots clefs liés au virus.

Le coronavirus fait déjà des dégâts dans la presse locale : des hebdomadaires alternatifs (alternative weeklies) aux États-Unis et au Canada annoncent des licenciements, et des médias locaux en Australie, au Royaume-Uni et aux États-Unis ferment leurs portes ou suspendent leurs publications. Facebook fournit une aide de 25 millions $ au medias locaux nord-américains et de 75 millions $ aux médias internationaux. Mais les médias locaux se préparent à une période de difficulté durable.

 

En France, la presse régionale s’inquiète de la réduction des tournées de La Poste à trois jours par semaine, une décision qui rend l’accès à l’information plus difficile pour un lectorat âgé habitué à s’informer sur papier. Les médias répondent à la baisse des ventes print en proposant des abonnements numériques spéciaux, dont les chiffres sont actuellement en hausse. Même en période d’incertitude, les médias locaux redoublent d’efforts pour informer — et innover.

Crédit photo : Branden Harvey - Unsplash