Podcasts, un marché qui ne connaît pas la crise

Par Lisa Rodrigues, MediaLab de l'Information à France Télévisions

Le podcast est un des rares formats média ne connaissant pas la crise. Selon Médiamétrie, depuis février 2020, les Français écoutent ou téléchargent plus de 90 millions de podcasts chaque mois - avec des pics à 100 millions lors du deuxième confinement. 

Les rencontres de l’innovation éditoriale 2021 ne pouvaient pas passer à côté de ce succès. Sur les deux semaines de conférences consacrées au partage d’expérience autour de 5 thématiques: créativité, vidéo mobile, podcast, communication digitale et nouvelles compétences, deux jours ont été entièrement consacrés à cet objet audio particulier - dont la dénomination est régulièrement attribuée au journaliste de la BBC Ben Hammersley. Petit récapitulatif de ces deux jours. 

Mais d’abord, c’est quoi un podcast ?

La question peut paraître bizarre, mais elle mérite de s'y arrêter deux minutes. Au-delà d’un format audio diffusé essentiellement par voie numérique - via des plateformes, applications ou sites web -, c’est aussi un objet d’écoute à la demande ayant une écriture et une narration propres. Les participants aux différentes conférences sur le sujet sont, d’ailleurs, tous d’accord sur un point : le travail éditorial - conséquent - donne le ton du podcast et participe à son identité. Si tout le monde peut se lancer dans ce format, y compris les marques, il faut, pour autant, trouver la bonne histoire, mais aussi, et surtout, trouver la bonne manière de la raconter. La recette miracle du bon podcast n’existe pas.

Pour définir un podcast, il n’est pas seulement question de l’écriture. On retiendra ici l’intervention du réalisateur Théo Boulenger sur l’identité sonore d’un podcast, soit ce qui est donné à entendre, de la trame musicale à la mise en scène de la voix du podcasteur. Par exemple, Le Short de la RTS (Radio Télévision Suisse) avec Davy Bailly-Basin présenté lors de ces rencontres, est enregistré dans la rue, avec les bruits de la vie quotidienne en fond, ponctué d’extraits de musique, films ou tout autre matière audio. Son mode de diffusion, un envoi matinal quotidien par WhatsApp aux abonnés, est tout aussi digne d’intérêt et aide à identifier ce podcast.

Savoir se démarquer sans trahir la nature du podcast

Lors d’une table ronde, il a été souligné que faire un podcast, c’est 50% radio et 50% web”. Et en effet, pour exister sur un marché de plus en plus dense et dynamique, il faut se faire connaître pour espérer sortir du lot. Pour ce faire, plusieurs outils sont à la disposition du podcasteur. Une présence sur les réseaux sociaux est, bien entendu, un must pour teaser les prochains épisodes, par exemple. Pour les nouveaux arrivants, des messages publicitaires peuvent être diffusés dans d’autres programmes du studio ou média producteur. Et on peut également compter sur le bouche-à-oreille parmi les auditeurs de podcast, formant de plus en plus de véritables communautés.

Mais la volonté de se démarquer ne doit pas faire oublier la proximité permise par le podcast - ou le fait de “[parler] à l’oreille de l’auditeur”, comme l’a paraphrasé le journaliste Xavier de La Porte. Elle permet une intimité et une certaine liberté que l'on retrouve moins souvent dans la radio broadcast ou autres formats média. Il convient ainsi de préserver cette particularité, notamment si une forme de régulation publique doit s'immiscer dans ce secteur encore en phase de développement.

Un marché recherchant un modèle économique

Même si le podcast connaît du succès, le chiffre d’affaires du secteur reste, en pratique, très limité. Une des questions centrales des Rencontres éditoriales portait sur le modèle économique du podcast. Problème : le marché du podcast en France est une véritable “forêt vierge - selon les mots de François Hurard, Inspecteur général des Affaires culturelles - avec de multiples acteurs et sans réel contrôle de son activité. Difficile donc de mettre en place un système économique global au secteur, et surtout fonctionnel.

 

Les podcasteurs sont, en effet, encore peu nombreux à pouvoir vivre de leurs productions. Des pistes sont toutefois explorées. Même si l’accès aux podcasts reste globalement gratuit, pour le moment, en France, certains auteurs monétisent déjà leurs audiences grâce à des partenariats avec des marques. Outre la traditionnelle publicité intégrée automatiquement par l’hébergeur - souvent moins appréciée des auditeurs et podcasteurs -, les sponsorings écrits et intégrés en début de programme représentent une solution alternative.

Enfin, des indépendants, notamment, réfléchissent à la mise en place d’abonnements, en plus du maintien d’une offre gratuite, pour dégager des revenus. Les auditeurs abonnés auraient, ainsi, accès à du contenu premium ou à des coulisses.

 

Illustration :  Juja Han on Unsplash