Et si le micro-trottoir avait une histoire…

Rarement pratique journalistique n’a été si férocement fustigée. Un impressionnant listing de noms d’oiseau a très vite tourné au mieux autour d’une « nullité professionnelle » ou pire d’une « évidente désinformation sous forme d’un faux sondage ». Le « micro-trottoir » est, depuis bien longtemps, un sujet de polémique récurrent selon l’expression consacrée. Polémique interne aux rédactions, mais aussi externe, en écho avec de nombreuses voix intellectuelles ou simplement citoyennes. Toutes hurlant à l’unisson leur dégoût de voir ainsi singée la prise de parole populaire.

Par Hervé Brusini, Président du Prix Albert Londres, ancien rédacteur-en-chef de France Télévisions

Et pourtant, on a beau chercher, en dehors de la masse de papiers écrits au vitriol, il semble bien que le  «Micro-trottoir » n’ait jamais fait l’objet du moindre essai, de la moindre recherche publiée ( Mais on a certainement insuffisamment fouillé).

« Étonnant, non ? » comme aurait pu le dire un ancien présentateur très sportif du 20 heures. De fait, c’est peut-être dans ce tollé qu’il faut chercher la cause du désintérêt : considérée comme le degré zéro du journalisme, on ne voit pas pourquoi il faudrait s’arrêter au moins un instant sur cette pratique honteuse. Et il en va ainsi de bien d’autres gestes de la profession, voire du journalisme lui-même… Mais ceci est une autre histoire.

Histoire ? Précisément le micro-trottoir en a une. Dans un premier temps, il relève du monde de la radio. D’où son nom de « Micro » trottoir. Le journal Parlé date de novembre 1925, mais le radio reporter commente en direct les épreuves sportives depuis deux ans déjà. Pourtant, il faudra attendre encore 10 ans pour que la pratique du micro-trottoir se généralise. « La vie par le son », « la vie en direct » sont les mots d’ordre du média radio. Le micro-trottoir fait entendre les Français au coin de la rue. Puis la télévision entre dans les foyers par le biais de la petite lucarne. 1949, premier JT. Mais là encore il faudra attendre 10 ans pour ajouter l’image au son du micro-trottoir. La pratique se développera avec le perfectionnement, des techniques en extérieur de prise de vue et du son, de l’art de l’interview, de celui du montage, et par certains aspects, du récit, du fait de raconter une histoire à plusieurs voix, et bien sûr de la statistique… Ce degré zéro semble donc en réalité fort riche…

Les débuts du micro-trottoir à la télé : un reportage à voix multiples

Monsieur, c’est pour la télé…

Cela a des allures de « chorale du peuple ».

C’est la séquence du « ce que pensent les Français…et les Françaises ». Nous sommes à la fin des années 50. Les équipes de télé peuvent sortir du triangle Cognacq-Jay, Champs Élysées, Palais Bourbon grâce aux caméra film 16mm réversible. Le développement de l’image est ultra rapide. Et surtout, désormais, le son est synchrone, alors vive le marché, le bistro, le carrefour citadin ou la cheminée paysanne… Tous ces lieux qui deviendront ainsi les points consacrés de l’expression populaire sur tous les sujets possibles et imaginables. Le micro-trottoir est né, ou plutôt le télé- trottoir, dira-t-on. Mais l’appellation micro-trottoir perdurera, car ces séquences s’inscrivent bien dans la continuité d’un genre inventé par la radio. L’image y a pourtant, en ces années-là, un rôle décisif. On y reviendra…

Mais, ce genre, a-t-il forcément à voir avec la statistique ?

Pas vraiment. Certes, il aspire à recueillir comme il l’affirme, le/les discours du public. Le sentiment des vrais gens comme on dira plus tard. En un mot, l’opinion. Mais en cette fin des années 50, les gouvernants commencent tout juste à disposer des outils statistiques d’aide à la décision. En 1963, la célèbre séquence du ministre Peyrefitte venant inaugurer le nouveau JT avec Léon Zitrone, révèle par la voix du politique (certes invité, mais en vérité dirigeant tout puissant), l’existence de sondages qui vont dorénavant permettre de savoir quel présentateur est aimé ou pas, quel ministre est apprécié, et quelles réactions ont les Français face à tel ou tel choix politique du pouvoir en place. Mais, encore une fois, nous n’en sommes qu’au début. Le recueil du sentiment des Français par la télé, n’a donc pas à l’époque la valeur toujours éminemment discutable que l’on voudrait in petto attribuer au télé-trottoir. En fait, à l’époque, l’approche, la compréhension, la réalisation de ces séquences ne se posent absolument pas en ces termes. Ce sont avant tout, des reportages. Des « enquêtes » est-il écrit dans les notes d’archive. Elles mobilisent réalisateur, opérateur, rédacteur, sondier, éclairo…

Des figures d’antenne s’y frottent, comme Léon Zitrone, ou Jacques Olivier Chattard, Jacques Poux… La liste est longue.

Et des émissions réputées de grands reportages ont recours à ces « enquêtes » de micro-trottoir comme elles le font pour le reste du sommaire de leurs émissions. Cinq colonnes à la Une, a mobilisé Michel Péricard (futur député UNR) ou même Pierre Dumayet ( futur dirigeant de la télé de service public) dans cet exercice. Là encore, ils furent nombreux à « se rendre coupables d’une pratique indigne ». Le magazine « Les femmes aussi » a également largement pratiqué le genre. Et même Anne-Marie Carrière, chansonnière jadis bien connue et journaliste, a interrogé les Françaises sur la chirurgie esthétique dans « Au-delà de l’écran », l’émission consacrée aux coulisses de la télé.

En matière politique, sous l’emprise très appuyée du général De Gaulle, le micro-trottoir politique est « tout naturellement » univoque. Que pensez-vous du discours du général De Gaulle, demande celui que l’on surnommait gros Léon aux Français ? Que du bien, répondent en chœur, les interprètes populaires, les-malgré-nous de la manipulation démocratique du moment. De fait, cette pierre noire dans le jardin de l’audiovisuel public n’a pas aidé à envisager le « microtrotte » (sic en termes de métier) comme une référence du journalisme.

Mais revenons à cette période fondatrice de notre pratique, appelée à devenir fameuse et si décriée. On l’a constaté, elle peut aborder TOUS les sujets, avec une facilité déconcertante. Il suffit de tendre le micro. Et « cela » parle. Contrairement à l’interview classique qui cherche à faire sortir – de l’ombre ou pas – une vérité, le microtrottoir ne vise qu’à saisir une pensée à haute voix, tout à trac. Son charme, c’est donc cette spontanéité ultra diversifiée, dont la différence physique et vestimentaire est le premier signal.

D’où le fait d’être conçu à l’époque comme un vrai moment de télé, une enquête, un reportage. Le journaliste véritable starter de la parole populaire est d’ailleurs le plus souvent « IN », dans le cadre. A l’instar de Roger Louis, le grand reporter des terrains de guerre de Cinq colonnes. Cette conception du micro-trottoir explique peut-être l’effet réel produit par la reprise de ces séquences pour évoquer aujourd’hui le sentiment des Français sur telle ou telle question qui se posait déjà à l’époque. Certes le noir et blanc produit cet effet de sépia du passé, mais il se dégage de ces paroles un témoignage assez fort pour évoquer des pages de l’histoire du pays, de notre société

Cette force du microtrottoir de jadis devenu archive, est donc dûe à la conception qu’en avaient les fabricants de l’époque. Le chiffre statistique n’est pas le support de ces séquences, il en est la traduction, l’aboutissement. A telle enseigne que lorsqu’il s’agit d’évoquer une statistique qui est d’abord posée en début de reportage, la télé de l’époque inventait de faux personnages pour incarner justement la statistique. Les sujets consacrés au « Français moyen » ou au comportement délirant des ménages qui stockaient le sucre à l’époque de la crise de Suez, ont vu la télé française inventer Monsieur La panique joué par un acteur, ou des employés de Cognacq-Jay mimant les gestes des ménages. Le spectacle est le plus important. On donne d’abord à voir. Il y a des gens qui parlent, et jamais de chiffres écrits sur l’écran. A l’exclusion bien sûr des soirées électorales. Le reportage est devant, le chiffre est derrière.

Retournement de situation : Le micro-trottoir vient illustrer le chiffre

Le premier choc pétrolier des années 70 y est pour beaucoup. La complexité de la question posée par l’embargo de l’OPEP et la brutale augmentation du prix du baril, a mobilisé à l’époque une variété d’angles et de supports nouveaux pour traiter cette crise. La pédagogie des aspects économique et géopolitique ont mis en branle, cartes et autres données chiffrées dans tous les médias et à la télévision tout particulièrement. Le choc pétrolier fut aussi un choc éditorial. Le chiffre précisément vint occuper le devant de la scène, l’infographie allait se constituer peu à peu comme un secteur indispensable à la pédagogie de l’actualité, ou même simplement en tant qu’affichage de la source de nombre d’informations au menu du JT.

Mais, quel est le rapport entre cette exigence nouvelle du journalisme et le micro-trottoir ?

Cela tient en un mot : l’illustration du chiffre par la vox populi. L’interview réalisée au coin de la rue est devenue peu ou prou, un sondage. La question de la représentativité s’est posée alors avec acuité, les critiques ont déferlé, redoublé sur ce maudit micro-trottoir qui voudrait se prétendre sociologiquement crédible. (Il y eut même plus tard, un épisode aujourd’hui oublié d’un questionnement sur un sujet différent chaque soir au 20h de France2. C’était à l’époque d’un web naissant. Les polémiques n’ont alors pas manqué, et il fallut préciser les choses. L’expérience prit rapidement fin)

Et la télévision de se défendre, avec la mention nécessaire du présentateur ou de la présentatrice, « ces paroles ne prétendent pas avoir valeur de sondage… ». Bref, elle tient à manifester de son honnêteté…

Le micro-trottoir prend alors des allures de nœud gordien, un piège en soi où les rédactions se sentent obligées de faire entendre le pour, le contre, le sans avis… Inextricable culpabilité du non totalement représentatif, qui aboutit souvent à une forme de neutralisation de l’expression du quidam.

On le voit bien, dans cet édifice éditorial, le chiffre est aux avant-postes, le micro-trottoir venant en quelque sorte attester le sondage. L’infographie placée avant ou après la séquence, comme on dit « cloute » ou justifie, la véracité de la pensée populaire émise par quelques-uns de ses représentants. D’ailleurs, il arrive même que l’on classe les avis recueillis en référence même à l’enquête « sondagière » qui a provoqué l’interview au coin de la rue. Un expert arrivant alors en fin de sujet pour lui donner toute la force de « connaissance scientifique » nécessaire au sujet traité. Si ce n’est lui, ce sera souvent un ultime chiffre donné par le journaliste. C’est aujourd’hui devenu un quasi tic d’écriture en chute de sujet.

Baisser ou pas le chauffage ?

Quand le chiffre cloute le micro-trottoir

Ce jeu de miroir entre le « réel » statistique et le « réel » de la rue peut apparaître bien tentant, parfois au sein d’une même édition pour donner un sentiment accru de proximité, de recueil ouvert de la parole du quidam.

Porter ou pas le masque ?

Quand le chiffre vient clouter le micro-trottoir

Quand le chiffre démarre le micro-trottoir

Faire ou non des enfants ?

Allumer ou pas les lumières de Noël ?

C’est ainsi que pêle-mêle, le fait de baisser ou non le chauffage, celui de porter ou non le masque, celui de faire ou non des enfants, celui de décorer ou non par la lumière en période de fêtes, malgré la sobriété énergétique, que tout cela peut déclencher autant de micro-trottoirs dans un même journal. Et cela somme toute de façon assez banale, en tout cas banalisée. Sans soulever de tempête particulière, ce qui montre assez le côté passe-partout du procédé…

Étonnante mutation donc d’une pratique passée du statut de reportage chorale, souvent surprenant par la simplicité sincère des locuteurs, par le montage en récit de ces tranches de pensée, au statut tout autre, d’illustration d’une statistique, sorte de comptabilité sociale, politique car tirée de paroles de citoyens dûment répertoriées.

Le risque couru étant peut-être ici d’apparaître moins journaliste que sociologue, ou sachant. En tout cas en surplomb, alors même que le but recherché est de donner la parole au quidam, la fameuse proximité auprès des « vrais gens »…

Liens vagabonds : A la recherche de l’intelligence perdue

Qui trouvera la bonne réponse ? – La construction du télescope spatial James Webb a coûté 10 milliards de dollars, mais Google a essuyé des pertes de plus de 160 milliards de dollars après que le nouveau chatbot du moteur de recherche ait répondu incorrectement à une question le concernant. Google et Microsoft ont tous deux annoncé cette semaine des moteurs de recherche améliorés par l’IA, faisant entrer la course à l’intelligence artificielle dans une nouvelle phase. Lundi, Google (92% du marché de recherche) a présenté Bard (avec son erreur coûteuse), et mardi c’était au tour de Microsoft de lancer l’intégration de ChatGPT à son moteur de recherche Bing (3% du marché) et son navigateur Edge. Pourtant, Google LaMDA (Language Model for Dialogue Applications) a accès tout l’Internet, quand ChatGPT s’arrête en 2021.

Mais le plus inquiétant n’est pas seulement leur compréhension limitée du monde et quelques erreurs de débutant, mais l’impact de cette recherche conversationelle sur le SEO et les sites web des éditeurs. Ces derniers, qui ont déjà souffert dans la bataille contre les résultats sponsorisés sur fond de droits voisins tout en restant très dépendants du trafic apporté par les moteurs de recherche, craignent que les utilisateurs se contentent désormais des résultats apportés par le chatbot bavard sans jamais visiter leur site web. Les sites des médias risquent de devenir de simples sources d’information pour de nouvelles interfaces qui « génèrent » des réponses et des résumés, même si Google affirme que Bard aura pour unique but de « distiller des infos complexes en petits formats, faciles à digérer » et que l’utilisateur aura ensuite le choix “d’explorer” différents résultats (s’il veut en savoir plus). Et aussi :« Bloom, l’intelligence artificielle made in France n’a rien à envier à ChatGPT« .


Comment va le métavers ?Microsoft supprime encore des emplois chez HoloLens, Surface et Xbox, ainsi que dans son studio de réalité mixte et dans l’“Industrial Metaverse Core Team”. L’entreprise de Bill Gates avait déjà annoncé qu’elle fermait sa plateforme de réalité sociale virtuelle AltspaceVR. Les suppressions d’emplois dans HoloLens soulèvent notamment des questions sur les futures versions des lunettes connectées. Meta, de son côté, ferme Echo VR, son jeu VR. Le métavers étant vaguement défini, techniquement complexe, et avec peu de preuves d’une demande des utilisateurs est devenu une cible de choix pour la réduction des coûts face aux réalités économiques. Apple, l’acteur le plus expérimenté et le plus constant en matière de matériel informatique parmi les grandes entreprises technologiques, hésite d’ailleurs toujours à relever le défi de produire des lunettes de réalité augmentée. Le responsable de la VR chez Google préfère créer une entreprise d’IA avec l’ancien co-PDG de Salesforce. En même temps, Meta, qui s’était rebaptisé en l’honneur de la conviction absolue de son PDG Mark Zuckerberg dans le métavers et qui a précédemment licencié le personnel de sa division déficitaire Reality Labs, veut quand même remplumer son métavers en l’ouvrant aux adolescents.

Cette semaine en France

3 CHIFFRES

$160 milliards, c’est la valeur que l’action de Google a perdu après une erreur de Bard 

1 million de nouveaux abonnés pour le New York Times en 2022

5 millionsC’est le nouveau record de Twitch atteint en janvier 2023. La plateforme a enregistré 5,07 millions de chaînes actives sur tout le mois

 

LE GRAPHIQUE DE LA SEMAINE

Infographic: What's at Stake in the Fresh Battle for Search Dominance | Statista

Statista

NOS MEILLEURES LECTURES / DIGNES DE VOTRE TEMPS / LONG READ

 

DISRUPTION, DISLOCATION, MONDIALISATION

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JOURNALISME

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GAMING

AUDIO, PODCAST, BORNES

MÉTAVERS, IMMERSION, 360, VR, AR

Web3, BLOCKCHAIN, CRYPTO, NFT

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MONÉTISATION, MODÈLE ÉCONOMIQUE, PUBLICITÉ

OUTILS

 + la nôtre bien sûr 😉

ES avec Kati Bremme, Myriam Hammad & Victor Lepoutre 

 

IA mania : « l’inquiétante étrangeté » s’empare des médias

La promesse des intelligences artificielles, apparues en 2022, avec, à leur apogée, l’ouverture de ChatGPT au grand public, est venue bousculer de nombreux secteurs à l’instar de l’art et des médias, qui ont vu le spectre de leur remplacement planer sur les épaules. Mais qu’en est-il vraiment ?

Par Myriam Hammad, MediaLab de l’Information

L’année 2022 a été marquée par l’apparition de plusieurs intelligences artificielles proposant de nouvelles fonctionnalités, certaines ayant particulièrement inquiétées l’ensemble des créateurs de contenus. Pourtant, les IA étaient déjà utilisées au sein des médias : The Juicer de la BBC  permet de taguer les contenus et de les catégoriser, ou bien encore, le Knowledge Map du Washington Post transmet rapidement des informations additionnelles sur un sujet aux lecteurs. Mais qu’est-ce qui a changé et provoqué aussi bien la curiosité, l’enthousiasme, que le rejet ?

Les IA ne nous proposent plus seulement des réponses correctes, mais bien créatives

La nature de l’informatique n’a pas changé, mais nous demandons à présent aux machines des réponses créatives dont le succès est jugé par l’utilité et l’esthétique du produit final. Une révolution est en cours depuis 2017 : l’architecture des intelligences artificielles a été modifiée. Elles sont, et ont été entraînées pendant des mois à traiter tout le contenu qui peut se trouver sur Internet. Elles sont ainsi, en apprenant par des méthodes de deep learning, devenues capables de générer du texte ou des images, dans des styles, des variations, des tons d’une très grande variété, créant par là même le début de la plus grande galerie qui n’ait jamais existé. 

Alexeï Grinbaum, président du Comité opérationnel pilote d’éthique du numérique du CEA. CEA-Saclay/LARSIM rappelle ainsi, à propos de ChatGPT, que « générer de la parole censée n’est pas évident ». La machine analyse la commande qui lui est faite de manière formelle, elle n’a pas la capacité de comprendre, mais la capacité de saisir le liant entre les mots, notamment dans les requêtes qui lui sont adressées. Et c’est ce qui semble fascinant pour les êtres humains. Par ailleurs, celles qui se sont développées ces dernières semaines sont à un niveau qui n’avait pas encore été partagé auprès  du grand public.

Lensa AI qui permet d’ajouter des filtres sur des autoportraits, ces « Magic Avatars » qui fleurissent sur Instagram et TikTok, Dall-E, Midjourney et Stablediffusion, entre autres, génèrent des images numériques, souvent de nature surréaliste, produites à partir de langage naturel : les « prompts » des utilisateurs. Du côté de la génération de texte, ChatGPT a foisonné de retours d’expériences d’internautes, d’articles relayant ses possibilités et ses limites, et attisé une certaine inquiétude parmi les journalistes.

Pourtant, le succès de ces IA est là, comme rappelé par Sam Altman, co-fondateur avec Elon Musk d’OpenAI, l’entreprise qui regroupe parmi les plus célèbres du moment : Dall-E, ChatGPT et Whisper, un outil de reconnaissance vocale automatique.

ChatGPT a été utilisé à de nombreuses reprises pour différents usages : trouver des solutions de codes, rédiger des essais, des articles, des campagnes marketing, des nouvelles ou simplement converser avec l’être humain. Internet regorge aujourd’hui d’exemples d’utilisateurs qui se sont prêtés à l’exercice. Les résultats, plutôt satisfaisants, en ont poussé certains à tester cette IA, à travers le test de Turing, dont l’efficacité demeure controversée au sein de la communauté scientifique. Décrit par Alain Turing en 1950 dans sa publication « Computing Machinery & Intelligence », il correspond à la vérification de la faculté d’une machine à imiter la conversation humaine. Mais ChatGPT n’a pas été conçu pour reproduire la sémantique humaine, du moins pas dans ce qui relève de l’ordre du sensible.

Le rapport de l’Homme et la machine est une question complexe, interrogée par les scientifiques et les philosophes depuis René Descartes, François Rabelais ou Léonard de Vinci : celle de la place de l’automate par rapport à l’Homme, celle de l’exceptionnalité de ce dernier, ou non. Mais plus récemment, le roboticien Masahiro Mori dans La Vallée de l’étrange (1970) explique que plus l’androïd est semblable à un humain, plus il provoque inquiétude et sentiment de malaise. Ici, les IA de création n’ont pas d’apparence physique humaine, mais elles viennent imiter d’une manière qui ne s’était pas encore vue, des talents et capacités, suscitant scepticisme, colère et craintes au sein de certains secteurs d’activité.

Des usages des IA qui sèment la polémique

Lors de l’édition 2022 de la Colorado State Fair aux États-Unis, Jason Allen s’est retrouvé précurseur d’un important débat sur la place des IA au sein de nos sociétés : il remporte la première place dans la catégorie « art numérique » pour son œuvre Théâtre d’opéra spatial, réalisée avec Midjourney. L’affaire crée la polémique, avec un tweet partagé à plusieurs reprises d’un artiste digital, Genel Jumalon. Quelques jours plus tard, il expliquera : « Si l’audience ne prête pas attention à l’art, mais seulement au produit, nous serons tous remplacés. Je ne parle pas que des arts virtuels, mais de tout type d’art. Nous devons nous valoriser dans une mesure plus grande, que celle d’être capable de produire un objet. »

Là où certains perçoivent de nouvelles manières de créer, voire d’apporter une nouvelle génération d’artistes, dans un sens moins conventionnel, — considérant alors le prompt engineering, comme une forme d’art en soi —, d’autres y voient la fin de l’art, et plus généralement, de tout métier nécessitant un haut niveau de maîtrise. ChatGPT est aussi venu questionner les journalistes, mais si l’IA permet de rédiger rapidement, et relativement efficacement, elle ne peut pas (encore) vérifier les informations et produire un contenu approfondi. Il lui a par exemple été demandé, de savoir ce que pouvaient faire les médias pour le climat ? Voici sa réponse :

Dans un autre domaine, celui de la propriété intellectuelle, se sont fait entendre des points de vue créateurs. Pour Stablediffusion, ce sont près de 2,3 millions d’images qui ont été collectées pour faire s’entraîner la machine, sans que le consentement des auteurs à l’origine de ces images ne soit demandé. Dans une tribune publiée dans le Guardian, Kim Leutwyler, une artiste australienne s’est insurgée de la ressemblance quasi identique d’œuvres de certains artistes, avec la réplique proposée par Lense Ai. Aujourd’hui les œuvres et les textes générés par ces intelligences artificielles ne sont pas considérés comme des « oeuvres » et échappent aux règles de droit d’auteur. Les enjeux économiques de ces créations restent ainsi à définir. Au sein de l’Union européenne, un règlement est attendu pour 2023 afin de poser les contours d’utilisation de ces intelligences artificielles pour les rendre « humaines, éthiques, durables et inclusives ».

Porteuses de nouveaux usages, de nouvelles pratiques, et de nouvelles polémiques, les IA apparues ces dernières semaines invitent chacun à s’interroger sur l’usage et l’utilité qu’il pourrait en faire dans son quotidien : assistant personnel, aide à la rédaction, pourvoyeur d’informations, conversation ou outil d’illustration. Mais elles ne pourront exister et continuer à se développer que si l’Humain choisit de les faire entrer dans son univers.

Liens vagabonds : Les Gafam déçoivent encore

A RETENIR CETTE SEMAINE :

Les géants de la tech déçoivent – La série de mauvaises nouvelles dans le secteur technologique se poursuit. Fin 2022, les cinq géants de la tech (Google, Apple, Amazon, Facebook, Microsoft) avaient déjà collectivement perdu plus de 1.500 milliards de dollars de capitalisation boursière en moins d’un mois. Jeudi, après la clôture de la bourse, Apple, Amazon et Alphabet ont présenté des résultats financiers pour la plupart décevants. Les ventes d’Apple chutent de 5 % dans la plus forte baisse trimestrielle du chiffre d’affaires depuis 2016, notamment en Chine. La holding Alphabet autour du groupe Internet Google a déçu sur un large front. Le commerçant en ligne Amazon a certes dépassé les attentes en termes de chiffre d’affaires avec plus de 149 milliards de dollars, mais la croissance de sa division cloud computing a continué de s’affaiblir. Après des années d’expansion et des milliards de dollars de bénéfices, les grandes entreprises technologiques réduisent leurs dépenses excessives, notamment par des licenciements massifs, pour entrer dans une période d’austerité.

Les résultats de Meta sont un peu moins médiocres que prévu, et les investisseurs sont rassurés par le tournant réaliste de la firme : avec « moins de science-fiction et plus de concret« . L’IA pourrait bien être la clé du redressement de la société mère de Facebook. Le cours de Meta a rebondi de 19% dans les minutes qui ont suivi la publication de ses résultats trimestriels mercredi soir. Google a annoncé jeudi une baisse de ses revenus publicitaires lors du quatrième trimestre. La publicité sur YouTube a notamment chuté de 8 % en un an (à 8 milliards de dollars). Ses revenus issus du Search ont baissé de 2 %. Le Search résistait jusqu’ici plutôt bien aux crises publicitaires même s’il était déjà menacé par TikTok, le nouveau moteur de recherche de la GenZ. Une raison de plus pour Google de concurrencer la recherche intelligente de ChatGPT

 

La course au moteur de recherche intelligent – Dans la course mondiale à l’IA, Google ambitionne d’être le chef de file. En décembre 2022, quelques semaines seulement après la sortie de ChatGPT, Google avait montré ses inquiétudes en interne. Dans le cadre d’une réponse « code rouge » au ChatGPT d’OpenAI, le projet Atlas du géant de la technologie a développé un chatbot appelé Apprentice Bard qu’il teste dans un format de questions-réponses avec ses employés. Contrairement à ChatGPT, Apprentice Bard prendrait en compte les évènements qui se sont déroulés en 2022. Apprentice Bard est basé sur le modèle LaMDA de Google, dont un ancien ingénieur de la société pensait « qu’il était sensible« , ce qui avait causé son licenciement immédiat en juillet dernier. Microsoft, pour son moteur de recherche Bing, a dernièrement investi encore 10 milliards dans OpenAI. D’après le créateur de Gmail, ChatGPT a le potentiel pour détruire Google en une ou deux années au maximum ».

L’IA grand public est arrivéeMicrosoft fait passer Teams en version Premium, avec ChatGPT d’OpenAI. Teams Premium comprend une fonction de résumé intelligent alimentée par l’IA, certaines fonctions existantes de Teams et une meilleure protection des réunions. En même temps, Brad Smith, le président de Microsoft appelle au dialogue sur l’IA, les dernières technologies d’IA nécessitant des garde-fous qui ne peuvent être établis par les seules entreprises technologiques. Aujourd’hui encore, peu de lois régissent la manière dont les entreprises ou les gouvernements peuvent utiliser les technologies de l’IA, bien que les législateurs européens aient entamé l’AI Act. Et même quand elles existent, elles sont difficiles à appliquer à grande échelle, comme nous montre l’exemple de la RGPD.

Cette semaine en France

3 CHIFFRES

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Liens vagabonds : Le NYT arrive sur TikTok, sérieusement

A RETENIR CETTE SEMAINE : 

Le NYT arrive sur TikTok – Avec seulement trois ans de retard par rapport à ses principaux concurrents, le New York Times a finalement rejoint TikTok cette semaine. Lorsque le New York Times a lancé son TikTok le 24 janvier, il a commencé par des « hard news » dans un ton loin des comptes des autres médias « sérieux » qui s’essaient dans l’info-divertissement, en présentant Brandon Tsay, le jeune homme de 26 ans qui a désarmé un tireur dans une salle de danse à Alhambra, en Californie. Tout le contraire du Washington Post, qui avait ouvert son compte en mai 2019 avec le sketch de 15 secondes devenu viral mettant en scène le sénateur Cory Booker et Dave Jorgenson, reporter vidéo senior du Post. Le Times a peut-être quelques années de retard sur les autres éditeurs (même s’il avait des verticales sur TikTok avec NYT Cooking, Wirecutter et le podcast Hard Fork), mais l‘attente pour ouvrir ce compte ne transcrit certainement pas un manque d’innovation. 

Il a été l’un des premiers éditeurs à offrir une expérience numérique immersive à ses lecteurs avec sa couverture révolutionnaire de la tragédie de l’avalanche de Snow Fall à Tunnel Creek en 2012, et en 2021, il avait lancé la campagne The Truth Takes a Journalist. En exploitant les vidéos courtes, le journal avait déjà adopté la nouvelle norme en faisant tomber les barrières entre les créateurs (ou dans ce cas, les journalistes) et le public. Selon le NYT, “le contenu publié sur ce compte reflétera la substance et le style du reportage du Times et le dynamisme de notre narration multimédia.” En pleine crise réglementaire aux US, les éditeurs de presse continuent donc de se ruer sur TikTok pour trouver de nouveaux publics ; avec  +700 exemples d’éditeurs dans le monde sur la plateforme rassemblés dans ce document 


Finalement pour le NYT, TikTok ne serait plus une opportunité gâchée ? Mais TikTok n’était-il pas censé être drôlePourquoi Vice, la BBC, le WaPo et d’autres considèrent les nouvelles équipes TikTok comme la prochaine vague de talents de l’édition.

TikTok attaque –  Le réseau social chinois en a assez d’être “diabolisé” et a décidé de changer de tactique dans ses négociations en cours avec les États-Unis, en choisissant de rendre publics ses efforts pour devenir plus transparent et protéger les données des utilisateurs. L’entreprise chinoise a récemment invité des journalistes dans son « Centre de transparence et de responsabilité » et a rendu publics les détails de sa proposition de « projet Texas« , qui décrit comment l’entreprise dépenserait 1,5 milliard de dollars pour donner la priorité à la sécurité des données. Comment TikTok pourrait devenir une entreprise américaine avant qu’une commission de la Chambre des représentants des États-Unis ne votera le mois prochain sur une éventuelle interdiction nationale de la populaire application de vidéos courtes ? Lors d’un appel vidéo avec le PDG de TikTok, Shou Zi Chew, le commissaire européen Thierry Breton, de son côté, avait déjà déclaré la semaine dernière qu’il n’était « pas acceptable » que « les utilisateurs n’aient besoin que de quelques secondes pour accéder à des contenus préjudiciables« .

Win-Win pour Meta et l’IA –  Meta versera 10 millions de dollars à Buzzfeed pour développer du contenu pour Facebook et Instagram. Ce partenariat mutuellement bénéfique devrait permettre d’attirer davantage de personnes sur les plates-formes sociales de Meta tout en contribuant à augmenter le temps que les gens passent sur les sites web de Buzzfeed. C’est aussi la dernière étape d’une relation de plusieurs années entre l’éditeur numérique et le géant des médias sociaux. Après l’année la plus difficile de son histoire de Meta, la société mère de Facebook commence à rebondir grâce à l’IA. Les utilisateurs regardent ses vidéos de format court, le ciblage publicitaire s’améliore et la société de médias sociaux est en bonne voie pour se remettre de l’impact des modifications de la confidentialité imposées par Apple. D’après les entretiens et les documents partagés avec le WSJ, les investissements importants dans les outils d’intelligence artificielle ont permis à l’entreprise d’améliorer les systèmes de ciblage publicitaire afin de faire de meilleures prédictions à partir de moins de données.

Bien que Mark Zuckerberg ait déclaré l’année dernière que l’entreprise serait « metaverse-first, not Facebook-first », la plupart des efforts portent sur l’optimisation de ses plateformes de médias sociaux traditionnelles, en particulier Facebook.  Des sources détaillent la pression exercée au sein de Meta et de Google pour accélérer le développement de l’IA dans le contexte de la vague d’attention suscitée par ChatGPT, en balayant potentiellement les problèmes de sécurité. BuzzFeed, de son côté, prévoit de s’appuyer sur OpenAI pour améliorer ses quiz et personnaliser son contenu, tandis que les humains offrent des idées, une « monnaie culturelle » et des « incitations inspirées ». Pour finir, Springer Nature, le plus grand éditeur universitaire du monde, ne permet pas aux LLM comme ChatGPT d’être crédités en tant qu’auteurs, mais autorise l’IA à aider à la rédaction d’articles, si elle est clairement affichée. Malgré l’accident CNET, les rédactions doivent décidément faire face à l’IA. Ce que CNET a appris de son utilisation de l’IA : veiller à ce que les signatures et les déclarations soient visibles et que les contrôles de plagiat soient effectués correctement 

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Baromètre Kantar-La Croix : La confiance des Français dans les médias remonte

Après une année 2022, où l’intérêt dans l’information était tombé au plus bas chez les 18-24 ans, plus de trois quarts des Français déclarent cette année suivre « avec un grand intérêt » l’actualité, selon le baromètre annuel de La Croix, réalisé avec Kantar Public et onepoint. Une proportion qui bondit de 14 points pour atteindre un niveau semblable à 2015, malgré une défiance vis-à-vis des médias qui reste endémique.

Par Myriam Hammad, MediaLab de l’Information
L’édition 2023, qui a a interrogé un plus grand échantillon représentatif de la population française, en ligne ou par téléphone, comporte pluseiurs bonnes nouvelles : à côté du regain d’intérêt dans l’information sur fond de guerre en Ukraine, de crise énergétique et de disruptions mondiales, et même si les Français multiplient les sources d’information, avec en moyenne quatre canaux consultés quotidiennement, la télévision « garde une place centrale » dans leur consommation d’actualité. Les JT sont privilégiés par les Français pour s’informer au quotidien, quel que soit l’âge (35 % sur l’ensemble du panel).

La fatigue informationnelle toujours d’actualité 

Mais 51% des sondés ressentent souvent de la lassitude par rapport à l’actualité face à seulement 5 % qui disent ne jamais se lasser de l’actualité. La raison pour ce manque d’intérêt se trouve principalement dans une absence de diversité des sujets (pour 45%), une angoisse ou une impuissance (pour 35%) ou bien encore un manque de confiance dans les médias (22%). Un constat également à mettre en parallèle avec un contexte anxiogène (guerre en Ukraine, crise énergétique…) et une « infobésité » avec l’actualité qui est largement devenue multicanale, pour arriver jusque sur TikTok. Un sondé sur cinq (21 %) s’intéresse moins qu’avant à l’actualité, et même un sur trois (33 %) chez les moins de 35 ans. 

Une confiance dans les médias en hausse, et en particulier pour l’information provenant d’internet

Radio, journaux, télévision et internet sont en progression (avec une évolution de 9 points pour internet). Parmi les sondés qui s’informent via les JT, 73 % leur font confiance. Cette proportion est aussi de 73 % pour la radio , 66 % pour les quotidiens nationaux, mais seulement 46 % pour les émissions d’actualité et de divertissement à la télé et 40 % pour les influenceurs, qui viennent d’intégrer l’enquête. Les réseaux sociaux arrivent avant la presse comme média privilégié au quotidien pour s’informer. 

 

A la question “A propos des nouvelles que vous lisez sur Internet, est-ce que vous vous dites plutôt que les choses se sont passées vraiment“, 55% des répondants considèrent qu’il y a de nombreuses différences ou que les choses ne se sont vraisemblablement pas passées comme racontées. 

Clivage générationnel sur la perception de l’information sur les réseaux sociaux

Après 35 ans, six sondés sur 10 pensent que la diffusion sur les réseaux d’informations par « des personnes qui ne sont pas des médias ou des journalistes » est une mauvaise chose. Une proportion qui s’inverse chez les plus jeunes : la moitié des moins de 35 ans juge au contraire que c’est une bonne chose. Pour les 18-24 ans, ainsi que les 35-49 ans, les réseaux sociaux arrivent parmi les trois médias privilégiés au quotidien. 

Là où les plus jeunes voient un moyen d’avoir plus de diversité, ce sentiment peut être contré dans les générations plus anciennes par la perception d’être confronté à de fausses informations sur ces réseaux.

Médias publics, médias privés : le paradoxe français

48% considèrent que le service audiovisuel public est majoritairement une “bonne chose”, mais la suppression de la redevance télé est pour 62% un fait positif, s’agissant d’une taxe de moins à payer.

Traitement médiatique des grands évènements 2022

La Coupe du monde de football, la mort de la reine Elisabeth II et la pénurie de carburant dans les stations-services sont les 3 évènements dont les médias ont trop parlé en 2022 selon les Français. Le débat sur la fin de vie, les abus sexuels au sein de l’Eglise catholique et le mouvement de protestation en Iran sont les 3 évènements dont on n’a pas assez parlé.

Les chaines d’information en continu, autre paradoxe

Pour 70% des sondés, les chaines d’info en continu permettent d’être rapidement informé de l’actualié. Mais il est intéressant de constater que parmi ceux qui les regardent tous les jours, ils sont 76% à considérer qu’elles ne se concentrent que sur un seul sujet d’actualité, 66% à trop donner la parole à des personnes pas assez expertes du sujet.

 

Une méfiance persiste : 54% des répondants considèrent qu’il faut se méfier de la façon dont sont traités les grands sujets d’actualité dans les médias et 59% considèrent que les journalistes ne sont pas indépendants des pressions politiques et du pouvoir. C’es chiffres sont parmi les niveaux de croyance en l’indépendance les plus faibles depuis la création du baromètre en 1993. Parmi les réponses pour lutter contre la désinformation, deux points sont particulièrement intéressants : le besoin d’une vérification des informations circulant sur les réseaux sociaux, et la nécessité de comprendre comment les journalistes travaillent.

Illustration : Laura Ohanessian, Unsplash 

Liens vagabonds : ChatGPT, petits mensonges entre amis

A RETENIR CETTE SEMAINE : 

ChatGPT, fabulateur ? – Grosse surprise : Le robot d’écriture d’OpenAI ne sait pas de quoi il parle. Outre l’enchaînement de phrases fluides dignes d’un être humain en plus de langues qu’il ne s’en doute lui-même, l’une des compétences de ChatGPT semble être de se tromper. Dans le but de générer des paragraphes, le programme d’IA fabrique des informations et mélange les faits comme personne. Le site CNET en a payé les frais. A l’instar d’Associated Press, pionnier de l’utilisation de l’IA pour la rédaction d’articles avec Wordsmith en 2014, CNET avait expérimenté l’écriture de plusieurs dizaines d’articles (environ 75) avec ChatGPT entre novembre et le 13 janvier. Le tout sans grande transparence, la signature sur tous ces articles se limitant simplement à « CNET Money ». Après des révélations d’erreurs dans le texte, le site a finalement modifié la signature en « Cette histoire a été assistée par un moteur d’IA et revue, vérifiée au niveau des faits et éditée par notre équipe éditoriale. » Buzzfeed s’est amusé de cette mésaventure en publiant sa propre version de contenu généré par IA. En l’absence de régulation, ChatGPT est même déjà cité comme co-auteur dans des travaux de recherche scientifique. Pendant ce temps, Microsoft lance le service Azure OpenAI avec ChatGPT, et Google se prépare à concurrencer ChatGPT avec son propre chatbot intelligent [selon un article d’un journaliste de CNET]. 

CNN, l’infomédie ? –  Face aux audiences de CNN en primetime qui chutent, la chaîne envisage d’ajouter un comédien à sa programmation. Une nouvelle émission de « divertissement d’actualité » de deux heures s’adressera à des téléspectateurs qui opteraient normalement pour des programmes proposés par Netflix, ESPN et HGTV, plutôt qu’aux accros de l’information câblée traditionnels qui passent d’un CNN à un MSNBC. La chaîne d’information, propriété de Warner Bros. Discovery, est loin derrière ses concurrents Fox News et MSNBC dans la course à l’audimat aux heures de grande écoute, malgré les changements radicaux opérés par Chris Licht, le nouveau patron de CNN, depuis son arrivée à la tête de la chaîne au printemps dernier. Il vient de licencier des centaines de personnes le mois dernier, et avait aussi mis fin à la très courte aventure de CNN+, le service de streaming par abonnement / chaîne d’information en ligne arrêté seulement un mois après son lancement. 

 

Adieu Stadia – La plateforme de jeux cloud de Google n’est plus. Le géant de la tech avait annoncé en septembre qu’il mettait fin à Stadia après avoir échoué à séduire suffisamment d’utilisateurs, et mercredi a marqué le dernier jour de la plateforme. Google a cependant reçu des félicitations pour la façon dont il a géré la fermeture. Stadia avait été lancé en 2019 en espérant s’attaquer à un secteur longtemps dominé par Microsoft, Sony et Nintendo. Mais alors que Netflix, Amazon et Disney ont réussi à nous faire adopter en masse le streaming pour les films et la télévision, les espoirs de Google de voir les joueurs faire de même n’ont jamais semblé près de se concrétiser. Pourtant, le cloud gaming a de l’avenir, avec des alternatives chez Amazon Luna, Nvidia GeForce Now, Xbox Cloud Gaming, PlayStation Plus et autres Shadow. Le dématérialisé gagne en poids dans le secteur vidéoludique et la guerre du streaming entre Netflix, Paramount+ et d’autres s’attaque aux jeux vidéo, même si les développeurs de jeux pensent que le métavers est bidon

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BeReal, Hive, Gas, de nouveaux réseaux sociaux pour informer différemment ? 

Moins d’algorithmes, plus de transparence – les nouveaux réseaux, s’ils sont encore parfois à l’état embryonnaire, pourraient représenter de nouvelles opportunités dans la communication des marques et des médias à destination des jeunes générations en quête d’authenticité.   

Par Victor Lepoutre, Direction de l’Innovation 

La génération Z ne va plus délibérément vers les médias pour s’informer. C’est ce que rappelait Amanda Edelman, COO du Gen Z Lab & Associate Director chez Edelman lors de son intervention à Médias en Seine en novembre dernier. “Au lieu de vérifier activement les sites d’information, la génération Z reçoit une grande partie des actualités sur les réseaux sociaux”. Le parcours des jeunes consommateurs d’actualité a donc changé. Les jeunes reçoivent l’information de manière passive entre deux reels ou autres contenus visionnés sur Instagram ou TikTok. De même, rappelle l’experte, “on constate que ce qui compte le plus c’est le messager et non le message. La génération Z fait confiance aux experts, à leurs amis et à leur famille, à des gens comme eux, et c’est de là qu’ils trouvent le contenu qui leur plaît« . La manière dont les jeunes consomment l’actualité dépend donc en grande partie des personnes qu’ils suivent plutôt que du type de contenu en lui-même. 

Un besoin de transparence et d’authenticité 

Selon l’enquête d’Edelman The Power of Gen Z, les membres de cette génération seraient 48% à penser que les médias traditionnels ne sont pas dignes de confiance. Une statistique qui révèle un “besoin de transparence et de responsabilité » selon Amanda Edelman. “Les personnes qu’ils suivent sur les réseaux sociaux – influenceurs, amis et famille – sont beaucoup plus transparentes dans leur contenu que les institutions monolithiques, comme les médias, qui, en raison de leur taille et de leurs modèles opérationnels, sont intrinsèquement moins transparentes” rappelle-t-elle. 

BeReal, une plateforme authentique mais encore trop fragile 

Ce besoin de “transparence et de responsabilité” est également éprouvé par les marques et ces dernières et leurs conseillers regardent largement en direction de nouveaux réseaux sociaux pour optimiser leur image auprès des jeunes générations. BeReal, le réseau social lancé en 2020 par deux Français, incite chaque jour ses utilisateurs à prendre deux photos depuis l’avant et l’arrière de leur téléphone. Une opportunité pour les marques? “Au delà de l’authenticité, BeReal à une belle capacité créative, qui est reprise par un nombre croissant d’utilisateurs sur la plateforme” affirme Jean Baptiste Quesnay, cofondateur et CEO de Trends, une agence de relations presse.

Capture d’écran BeReal

De son côté, Jonathan Noble, CEO de Swello, un gestionnaire de réseaux sociaux, voit BeReal comme “une excellente opportunité pour les membres d’une entreprise de devenir de vrais influenceurs”. En octobre 2022, le réseau social français atteignait les 50 millions de téléchargements dans le monde, de quoi réjouir les social media managers. Un chiffre atténué par un bémol : selon les statistiques de Sensor Tower seulement 9% de ses utilisateurs se connectent de manière quotidienne.Il faut voir si le réseau social parviendra à engager ses utilisateurs. Le concept peut ne pas plaire à tout le monde” précise Jonathan Noble. 

Autre point à ne pas négliger, le modèle économique de l’application. Entièrement gratuite et ne proposant pas de publicité, ni d’achat intégrés, elle survit pour l’instant grâce à des fonds levés auprès d’investisseurs en capital risque. D’après le Financial Times, l’application serait en train d’étudier des solutions d’abonnements et d’options payantes pour éviter de bombarder ses utilisateurs avec de la publicité. Pour le moment, l’appli ne convainc pas encore les professionnels de la publicité.

Hive Social, un réseau positif à mi-chemin entre Twitter et Instagram 

Lancé en 2019, Hive Social propose aux utilisateurs de poster des images et des vidéos, mais aussi des GIFs et créer des sondages qu’ils peuvent envoyer à leurs amis. Il est possible de personnaliser son profil avec de la musique, des couleurs et même son signe astrologique, le tout sans subir la loi d’un algorithme: le feed de Hive fonctionne de manière entièrement chronologique. Pour l’une de ses créatrices, Raluca Pop, Hive Social est “bien plus intuitive” que les réseaux traditionnels, mais selon elle, l’équipe a surtout pris soin de créer une culture différente sur l’appli: “nous avons précisé à plusieurs reprise que Donald Trump et Andrew Tate n’avaient pas leur place sur l’application” expliquait Raluca Pop au site web Mashable en novembre 2022.

Capture d’écran Hive Social sur l’AppStore 

Les utilisateurs, eux, y voient un condensé des avantages d’Instagram et de Twitter. Hive permet de concilier le mode conversationnel et le suivi des tendances comme sur Twitter, avec le mode galerie d’Instagram” constate Jean-Baptiste Quesnay. Pour le CEO de Trends, les marques et les médias qui y seront présents le plus tôt possible pourront potentiellement en tirer un fort avantage compétitif. “Avec Hive, il est possible de cultiver la conversation et les réactions au sujet d’un lancement produit par exemple, mais dans un esprit plus bon enfant que Twitter qui attire des utilisateurs ayant parfois un esprit plus extrémiste” rappelle l’expert, en reconnaissant que la haine parfois présente sur Twitter pourrait bien se déverser sur Hive Social.  Enfin, même si l’application jouit d’une bonne croissance, son nombre d’utilisateurs demeure plutôt restreint (2 millions d’utilisateurs en novembre 2022 selon Yahoo).

Succès des applications ‘feel good’ auprès des lycéens 

Autre acteur prônant l’assainissement des réseaux sociaux, Gas a été lancé en août 2022. Ses 7,4 millions de téléchargements et les 7 millions de dollars dépensés par les consommateurs sur la plateforme ont attiré l’attention du réseau social Discord, qui vient d’en faire l’acquisition le 18 janvier dernier. L’application, qui restera dissociée de Discord, a pour objectif d’inciter les jeunes à dire du bien des uns et des autres. Pour l’instant présente dans quelques États américains, elle invite les utilisateurs à s’inscrire via le compte de leur école. Ils peuvent ensuite ajouter des amis et répondent à des sondages sur leurs camarades de classe. Les questions posées dans les sondages sont cependant destinées à renforcer la confiance des utilisateurs, plutôt qu’à la décimer. “Qui est le meilleur DJ du lycée? Qui est la personne que vous admirez le plus? Qui devrait-être le délégué de classe?” Le message reçu est signé par un “garçon de seconde” ou “une fille de première”, une option payante permet au destinataire de découvrir qui se cache derrière cet anonymat. 

Capture d’écran Slay sur l’AppStore 

 “On a une nouvelle génération qui va sur les réseaux pour du positif et pour s’amuser avec ses potes. Les réseaux sociaux seront d’autant plus une extension de notre vie” explique Jean-Baptiste Quesnay. “Le principe du sondage est également intéressant: rapide, il permet  de mieux atteindre une communauté qui à tendance à scroller” rappelle l’expert. En Allemagne, Slay, le “réseau social positif pour les adolescents” a rapidement été validé par ces derniers. L’application a atteint la première place de l’App Store allemand, seulement quatre jours après son lancement et prétend rassembler 250 000 utilisateurs dans les pays où elle est présente (Allemagne, Suisse, Autriche et Royaume-Uni). “Notre application est similaire à Gas, et leur acquisition est une preuve que notre modèle est bon” expliquait Fabian Kamberi, le CEO de Slay. Il affirme cependant que ces systèmes de questions/réponses peuvent elles aussi être source de cyberharcèlement et qu’elles nécessitent une gamification appropriée et surtout une modération rigoureuse. 

Le succès de ces nouvelles plateformes authentiques et positives transcrit la volonté des jeunes de revenir à une interaction plus saine sur les réseaux sociaux. Libérées du scroll et des algorithmes, elles permettront aux marques et aux médias qui les utilisent à bon escient de créer un nouveau contact avec les communauté de jeunes utilisateurs qui leur dédieront plus d’attention. Mais face à la fragilité de modération des réseaux « feel good » et au modèle économique peu développé, les marques ont pour le moment encore du mal à trouver leur place et les formats d’information s’y font toujours attendre.  

 

ChatGPT : le Holy Sh!t Moment

« J’attends le jour où, gagnant un Emmy Awards, ChatGPT se mettra à remercier sa mère et son père ! », a ricané Niclas Molinder, parolier et producteur de musique suédois.

Mais en se retrouvant pour la première fois depuis trois ans, les délégués de DLD — la meilleure conférence européenne sur l’innovation — n’ont pas tous ironisé cette semaine à Munich.

Apparues au grand jour ces dernières semaines, ChatGPt, mais aussi You.com, DALL-E 2, Midjourney, Stable Diffusion, les toutes dernières interfaces conversationnelles étaient bien au centre des discussions. Pas moins de 10 panels leurs étaient consacrés.

La « wow attitude », le « Holly Sh!t Moment » restent bien de mise, mais s’accompagnent de nombreuses interrogations sur les capacités réelles de ces bots :

« ChatGPT ne va pas remplacer un développeur, mais un développeur qui saura l’utiliser dépassera tous les autres de loin », a expliqué Quirin Görz, patron des robots Kuka. Toutes les entreprises, comme avec Internet depuis 20 ans, devront s’y mettre. Microsoft va-t-il l’intégrer dans sa suite logicielle ? 

 « Ils vont faire aux professionnels de l’information ce que les robots ont fait à l’industrie », prédit Scott Gallaway, professeur à l’université de New York.

Non pas remplacer les gens, mais les « augmenter » avec ces nouveaux outils créatifs, les rendre plus productifs, et permettre des discussions avec nos machines, impensables il y a quelques années. Créatifs, mais toujours pas intelligents.

Attention, avait dit McLuhan il y a plus de 40 ans : « L’augmentation conduit à l’amputation ». « Quelles capacités allons-nous encore perdre avec cette technologie ? », s’interroge déjà JP Rangaswanidu du Web Science Trust. Notre sens critique ?

Dores et déjà, les experts s’attendent à voir l’«IA générative ou créative » redéfinir ce que l’ordinateur peut faire. Et déjà avec une seule requête remplacer plusieurs applis. Bientôt probablement écrire un livre. Des modèles de production automatique audio et vidéo sont déjà dans les tuyaux. Tout média numérique sera touché.

Selon un expert, 90 % du contenu en ligne sera « généré par l’IA d’ici 2025« .

On le devine : ces bots vont donc désintermédier encore bien davantage notre information. Changer l’éducation. Et entraîner rapidement une course aux armements entre ceux qui voudront influencer nos décisions et ceux qui défendront comme ils le pourront une certaine éthique de l’IA.  

Est-on donc dans un épisode de Black Mirror ?

« Mis entre de mauvaises mains, ChatGPT sera-t-il capable de provoquer des dégâts ? » s’est inquiété la ministre du numérique de Bavière, Judith Gerlach.

Si on ne peut plus croire ni nos yeux, ni nos oreilles, il nous faudra être encore plus éduqués, davantage formés pour mieux résister. Il suffit d’imaginer des milliards de contenus artificiels, très temporaires, peut-être vus une seule fois, créés via ces requêtes individuelles. Et quand ChatGPT compose une chanson, qui a les droits ?

« Avec l’IA nous vivons la 3ème révolution des plateformes, après l’Internet rapide et le cloud », estime Ludwig Ensthaler de la société de capital risque 468 Capital. Mais nombreux sont ceux qui estiment que comme pour les deux autres, « l’Europe est en train de rater le train ». (Tina Kluwer, de l’incubateur berlinois K.I.E.Z)

Dores-et-déja, les illustrateurs sont inquiets. L’IA créative fait souvent mieux, plus vite. Les juristes aussi.

Mais si comme toujours, cette nouvelle technologie est probablement surestimée à court terme mais sous-estimée à long terme, une certitude fut très partagée cette semaine à Munich : « 2023 sera bien l’année de l’intelligence artificielle ».

 

ES

 

Liens vagabonds : Après DALL-E, voici VALL-E, ou comment l’IA crée une nouvelle réalité

A RETENIR CETTE SEMAINE : 

VALL-E et la réalité parallèle – L’essor des IA créatives comme DALL-E, ChatGPT, divers algorithmes deepfake et d’innombrables autres semble avoir atteint un point d’inflexion au cours des derniers mois, commençant à sortir des laboratoires pour entrer dans le monde réel. Le dernier en date : VALL-E, un nouveau modèle de langage pour synthèse vocale (Text-To-Speech) dévoilé par Microsoft, qui a été entraîné sur 60 000 heures de parole en anglais et peut simuler la voix d’une personne à partir de seulement trois secondes d’échantillon audio. En 2017, l’algorithme Lyrebird de 2017 de l’Université de Montréal avait encore besoin d’une minute complète de discours à analyser. VALL-E de Microsoft semble être le logiciel d’escroquerie le plus dangereux qui soit, s’il devait devenir accessible au grand public, comme c’est déjà le cas pour ChatGPT. Un rapport des analystes de risques géopolitiques du groupe Eurasia alerte sur les risques désinformation par les nouvelles IA. En termes d’émotion, les résultats sont cependant (pour l’instant) moins impressionnants. L’utilisation d’échantillons de discours marqués comme étant en colère, somnolents, amusés ou dégoûtés semble faire dérailler les choses, et la synthèse produit un son étrangement déformé. Un peu comme les nouveaux livres audio racontés par l’IA d’Apple qui sont censés avoir un « son naturel », mais dont les critiques disent qu’ils ne sont « pas ce que les clients veulent écouter ». Pendant ce temps, OpenAI a ouvert une liste d’attente pour sa version professionnelle et payante de ChatGPT. Et voici un regard sur l’impact de l’ère émergente de l’IA, menée par DALL-E, Midjourney, Stable Diffusion et ChatGPT, sur Apple, Amazon, Meta, Google et Microsoft.

Microsoft et ChatGPT – Microsoft reste le Goliath des logiciels de productivité, même s’il a déjà été perturbé par Google, puis par une vague de startups de croissance axées sur les produits. L’IA est la prochaine vague de perturbation, mais cette fois, Microsoft est bien positionné : Satya Nadella a déjà investi 1 milliard de dollars dans OpenAI en 2019, et maintenant Microsoft serait en pourparlers pour investir 10 milliards de dollars supplémentaires (et pour gagner 75 % des bénéfices d’OpenAI jusqu’à ce qu’il récupère son investissement). Microsoft pourrait bien essayer d’acheter OpenAI tôt ou tard, bien que cela puisse paraître difficile avec la bataille antitrust en cours pour acquérir Activision Blizzard. La semaine dernière, The Information avait rapporté que Microsoft explore l’intégration de ChatGPT dans Word, PowerPoint, Excel, etc, une information confirmée cette semaine. Le résultat sera, on l’espère, plus réussi que Clippy, l’assistant virtuel que Microsoft a lancé en 1997. L’activité la plus importante de Google, la recherche, où il détient ~90% de part de marché, est déjà menacée par Microsoft qui intègre ChatGPT dans Bing (ce dernier génère quand même 9 milliards de dollars de revenus annuels, soit à peu près autant que Snap et Twitter réunis). Google, dont on dit qu’il dispose d’un modèle linguistique encore meilleur que celui d’OpenAI, va certainement agir de manière agressive pour protéger à la fois la recherche et l’espace de travail. 2023 sera définitivement l’année des disruptions par l’IA. Ce que l’on sait déjà sur la façon dont ChatGPT est utilisé au travail. 

Réseaux sociaux et santé mentale – Après les alertes de France Haugen en 2021, les réseaux sociaux sont (enfin) poursuivis en justice pour « atteintes à la santé mentale » des jeunes. Aux Etats-Unis, une plainte vise Facebook et Instagram, mais aussi Snapchat, Youtube, ainsi que le chinois TikTok et sa maison mère ByteDance, ou encore Google et sa maison mère Alphabet. Depuis longtemps, les experts mettent en garde contre un lien entre l’utilisation intensive des médias sociaux et les problèmes de santé mentale chez les enfants. Les spécialistes des sciences sociales qui étudient les effets de la technologie sur les enfants affirment que les aspects négatifs l’emportent largement sur les aspects positifs. « Il existe un lien substantiel avec la dépression, et ce lien tend à être plus fort chez les filles« , a expliqué à Axios Jean Twenge, professeur de psychologie à l’université d’État de San Diego et spécialiste du sujet dont le livre « iGen » décrit comment la technologie a façonné la génération Z. Dans une décision historique rendue en octobre, une autorité britannique avait déjà jugé Instagram coupable du suicide de Molly Russell, 14 ans, après qu’elle ait été exposée à des contenus d’automutilation sur la plateforme. Jean Twenge et Jonathan Haidt, un psychologue social de l’université de New York, tiennent à jour un document Google de 256 pages regroupant tous les articles publiés sur les médias sociaux et la santé mentale. Les experts ont proposé des solutions que les entreprises technologiques disent essayer de mettre en œuvre – comme une vérification plus stricte de l’âge – ainsi que des solutions plus radicales, comme la désactivation de l’accès des enfants aux plateformes sociales la nuit. Au Canada, c’est le jeu vidéo Fortnite d’Epic Games qui est accusé de créer une dépendance chez ses jeunes adeptes.

Cette semaine en France

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Déjà près de 1,4 millions de clients pour Netflix avec publicité en France  [NPA]

Génération TocToc : Seul un jeune sur trois (33%) estime aujourd’hui que « la science apporte à l’homme plus de bien que de mal » alors qu’ils étaient plus d’un sur deux à le penser il y a cinquante ans (55% en 1972)

Alors que 50 % des demandes d’emploi sur LinkedIn souhaitent travailler à distance, seulement 15 % des offres d’emploi proposent le télétravail

LE GRAPHIQUE DE LA SEMAINE

Comment les Français s’informent dans un environnement médiatique fragmenté ?

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