L'instinct plus fort que l'algorithme. Même chez Netflix. Plus pour longtemps

Netflix, qui a annoncé mardi des résultats records, a beau employer plus de 2.000 ingénieurs moulinant des milliards de données, le choix des œuvres proposées revient toujours en dernier ressort à l’intime conviction de l’éditeur. Pour combien de temps encore? 

Des algos et des hommes, ou « l’intuition informée »

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« Certes, le choix se fait au départ à partir des données, des talents et des genres. Puis intervient le jugement. Il s’agit donc d’une intuition informée. La décision finale revient toujours à notre instinct, à notre intime conviction », a assuré cette semaine à Münich, Reed Hastings, le pdg de Netflix, connu pour recourir massivement aux algorithmes pour satisfaire ses utilisateurs.

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YouTube reconnaît, lui, que l’algorithme a désormais pris le dessus. « Plus vaste que Netflix (…), nous sommes comme une grosse plateforme de TV par câble impossible à organiser humainement», décrit Robert Kyncl, directeur commercial, lors de la conférence annuelle Digital Life Design (DLD).

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« L’apprentissage automatique (« machine learning ») et les bonnes métadonnées, nous permettent d’assortir le bon contenu au bon utilisateur. Ajoutez à cela, le tri fait par l’audience, plus une nouvelle couche d’algorithmes ». La série française Marseille est ainsi en post-production.

« D’ici quelques années, prédit Hastings qui travaille depuis 30 ans sur l’intelligence artificielle, vous ne saurez pas qui vous parle de l’homme ou de la machine (…) Nous sommes engagés dans une course entre humains biologiques, faits à base de carbone et machines, faites à base de silicium ».

Humains de plus en plus aidés par l’intelligence artificielle

Une course, ou plutôt « une coopération qui se généralise en ce moment partout dans les médias, le cinéma et les industries des loisirs », note Jim Breyer, informaticien, VC, directeur de Legendary Entertainment et administrateur de la 21st Century Fox et du MOMA.

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« Pour le film Interstellar, nous avons mesuré attentivement les données venant de Facebook et Twitter après le 1er trailer, puis le second et le troisième, pour encore modifier des choses. »  

« Avec les bons experts en données, nous sommes en mesure de faire des paris différents, de trier le signal du bruit, de tirer parti de l’apprentissage automatique des machines ».

« Pour le film Godzilla, l’analyse des données nous a permis d’économiser 55 millions de dollars sur le budget marketing ».

Les données ajoutent de la valeur à ... un peu tout.

Là aussi, Google met le paquet

 « L’intelligence artificielle est la grande révolution de notre époque », renchérit Philipp Schindler, N°2 de Google, directeur des revenus. « Nous y investissons beaucoup. Notamment dans les réseaux neuronaux dit profonds ».

Les applications sont nombreuses : reconnaissance faciale et gestuelle sur les photos, traductions linguistiques, reconnaissance vocale, assistant personnel, gestion du spam, etc.

L’IA va tout changer

Optimiste à long terme, Jim Breyer, le VC informaticien culturel, s’avoue inquiet aujourd’hui par le manque de compétences techniques d’un trop grand nombre de personnes travaillant dans le secteur large des médias.

« L’informatique est devenu indispensable. C’est comme l’anglais il y a 50 ans !  ».

L’autre problème est l’hégémonie américaine. « Aucune entreprise allemande n’est en mesure de rivaliser avec les sociétés américaines sur les data », déplore le secrétaire d’Etat allemand à l’Economie, Jens Spahn.

« En tout état de cause, la progression de l’intelligence artificielle va transformer tous les aspects de nos organisations », prévient le professeur Jürgen Schidhuber, directeur du laboratoire suisse IDSIA. « D’ici 50 ans, la puissance des ordinateurs aura été multipliée par 100. Dès que nous aurons atteint le niveau d’intelligence d’un animal, l’écart avec l’homme ne sera pas loin. Et ça ne s’arrêtera pas. Notre civilisation va changer, notre philosophie aussi ».

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« La TV connaîtra le sort du téléphone fixe : c’est générationnel »

Côté TV, Netflix comme YouTube sont convaincus, en tous cas, du basculement vers le tout Internet, comme de la fin de la TV de rendez-vous, remplacée progressivement par l’avènement de la consommation fluide de vidéo à la demande.

« Aujourd’hui, explique Reed Hastings, la télé est à la demande, tout écran, et personnalisée. Et l’expérience est sans cesse actualisée et améliorée. C’est l’Internet TV.  Et tout comme le téléphone mobile a remplacé la ligne fixe, l’Internet TV est en train progressivement de remplacer la TV linéaire. C’est générationnel. » 

Fort désormais de plus de 75 millions de clients, Netflix en a engrangé 17 millions nouveaux en 2015, dont un record de 5,6 millions au dernier trimestre.

« La BBC ou la ZDF en Allemagne vont devenir des networks sur Internet »

« Dites-moi qui va être disposé à attendre les infos à 18 ou 20h ? Nous sommes dans un monde à la demande ». 

« Aucun diplômé sortant de l’université n'achètera désormais de box, souligne l’entrepreneur Jon Steinberg (ex président de BuzzFeed et DailyMail US), Ce n’est pas une question d’argent, mais d’expérience ». 

Le binge watching appliqué aux documentaires

Hastings en a profité pour confirmer l’extension aux documentaires du traitement réservé par Netflix aux grandes séries. Une série-documentaires en 10 parties « Making a murderer » est ainsi diffusée depuis fin décembre.

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Vers une licence mondiale

Et forcé à contre coeur, dit-il, par Hollywood pour ménager les fenêtres d’exploitations géographiques, de faire le ménage dans l’utilisation de proxys (VPN) qui permettent le saute-frontières, Hastings se dit persuadé que l’industrie se dirige « vers des licences mondiales ». C’est en tout cas ce vers quoi Netflix tend. « Et cela montre aussi que le public est prêt à payer ».

Nouveaux bouquets OTT

Face au dégroupage des anciennes offres, jugées dépassées, de nouveaux bouquets OTT à la demande se mettent en place dans l’industrie de la TV US impliquant des acteurs comme Apple, Roku, AT&T, et bientôt sûrement Google, estime Steinberg.

« Après Facebook et Snapchat, nouveaux géants de la vidéo, Spotify pourrait même devenir un distributeur d’images animées ».

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