La confiance de plus en plus liée à la proximité; inégalité entre public averti et reste de la population

Par Barbara Chazelle, France Télévisions, Prospective et MediaLab

Les institutions traditionnelles traversent une crise de confiance croissante depuis deux décennies : gouvernements, institutions religieuses, puissances économiques et financières, médias… Nuls ne semblent trouver grâce aux yeux des citoyens, plus pessimistes que jamais mais désireux de changements.

Le Baromètre sur la Confiance 2019 d’Edelman, réalisé en ligne auprès de plus de 33.000 sondés dans 27 pays, révèle qu’à l’échelle mondiale, les populations ont désormais confiance dans leurs relations de proximité, les employeurs en tête de liste pour faire ce qui convient en temps de crise. Deuxième enseignement majeur : une inégalité de confiance historique entre le “public informé” et “la population de masse”.

Niveau record d'inégalité de confiance entre le public averti et le reste de la population

Les quatre institutions principales que sont le Gouvernement, les entreprises, les médias et les ONG ont gagné quelques points de confiance, mais rien de significatif selon Edelman. Le gouvernement et les médias restent les institutions les moins fiables selon les sondés ; moins de 50% de la population générale leur accorde sa confiance.

Le rapport Edelman met en lumière une divergence de confiance profonde entre le “public informé” et la “population de masse”, beaucoup plus sceptique. La confiance du public informé atteint un niveau record (65%), tandis que la masse de la population continue de se méfier des institutions (49%).

Ainsi, sur 18 marchés, il existe désormais un écart de confiance à deux chiffres (16 points en moyenne) entre le public informé et le reste de la population : jusqu’à 24 points d’écart en Grande-Bretagne, 18 points en Allemagne et en France (44% de la population générale fait confiance aux institutions vs 59% du public informé). Alors que le problème de l’inégalité de confiance était plutôt celui des pays développés, il tend à toucher certains pays en développement (17 points d’écart en Inde ; 12 points en Chine).

Le rapport parle de “fossé idéologique profond” (...) qui “fournit un terrain favorable au nationalisme, au protectionnisme et aux mouvements d'insurgés à la base”.

La confiance est également inégale en fonction du sexe, les femmes faisant moins confiance aux institutions que les hommes, avec en moyenne dans le monde un écart de confiance de 5 points, jusqu’à 12 points en Allemagne et 11 points aux États-Unis. L’écart le plus important concerne le secteur des affaires auquel les hommes font confiance à 60% alors que les femmes sont neutres à 53%.

Le rapport interroge : “Les femmes ne voient pas les femmes en charge des affaires ou aussi valorisées que les hommes. Est-ce que cela mine leur foi ?” Le débat est ouvert !

Un fort sentiment d’injustice au niveau mondial

Selon Edelman, seul un sondé sur cinq estime que le système fonctionne pour eux, près de la moitié de la population de masse estime que le système leur fait défaut. Plus de 7 personnes sur 10 ressentent un sentiment d’injustice fort dans le monde.

Les pays développés sont particulièrement pessimistes, à l’instar de la France où à peine un tiers de la population pense que leur situation sera meilleure dans 5 ans.

La crainte de perdre son emploi est importante. En cause, le manque de compétences et de formation (59%), mais aussi la montée en puissance de l’automatisation et l’innovation (55%). Le regard porté sur l’évolution du travail est là aussi synonyme de fracture sociale : pour 54% des sondés, le rythme d'innovation est trop rapide et 21% le disent trop lent.

Un désir urgent de changement, qui passe par un engagement accru avec l'actualité

Malgré la divergence de confiance entre populations, toutes partagent un désir urgent de changement qui s’accompagne d’une tendance croissante vers l'engagement et l'action : le mouvement #MeToo, les Gilets Jaunes, des mutineries au sein de grandes entreprises technologiques pour divergences de points de vue en 2018 sont autant de preuves citées par le Baromètre.

La volonté de reprendre en main la prise son destin a suscité un regain d'intérêt pour l’actualité ainsi qu’une hausse importante de l’engagement avec les informations de 22 points. Cette tendance est tout à fait surprenante au vu des résultats du Baromètre 2018 qui montraient que l'intérêt pour l'information était au plus bas : alors que près de la moitié des sondés avaient déclaré consommer des informations moins d'une fois par semaine l’année dernière, ils ne sont plus que 28% dans ce cas en 2019. 40% des personnes interrogées consomment non seulement des nouvelles une fois par semaine ou plus, mais ils les amplifient aussi systématiquement (+14 points vs 2018).

Dans ce contexte, les médias traditionnels tirent leur épingle du jeu en tant que source d'informations, à égalité avec les moteurs de recherche, avec un taux de confiance historique à 64%. Les médias sociaux quant à eux ne sont plus des sources crédibles pour plus de la moitié de la population, notamment dans les pays développés. L’écart de confiance entre médias traditionnels et médias sociaux atteint 26 points en Europe et 31 en Amérique du Nord.

Comme l’an dernier, les fake news restent un sujet de préoccupation  : 73% des répondants craignent que les fausses informations soient utilisées comme une arme.

« Mon employeur » devient l’institution la plus fiable et le partenaire privilégié du changement

Dans ce contexte de volonté de changement, 75% des personnes font confiance à « mon employeur », soit 27 points de plus que les pouvoirs publics à 48% ou les médias à 47%.

58% des employés dans le monde affirment qu'ils comptent sur leur employeur pour être une source d'information fiable sur les problèmes de société controversés et s’attendent à ce qu’il prenne des mesures concernant les problèmes de société (67%). Plus des trois quarts (76%) des répondants estiment qu'il est extrêmement important que « mon PDG » prenne l’initiative du changement, avant même une quelconque direction du gouvernement.

En France, 70% des sondés estiment qu’une entreprise peut avoir une action bénéfique pour la société et augmenter ses profits.

« La dernière décennie a été marquée par une perte de confiance dans les personnalités et institutions traditionnelle. Plus récemment, les gens ont perdu confiance dans les plateformes sociales qui favorisaient la confiance entre pairs. Nous assistons maintenant à une réorganisation de la confiance envers des sources plus locales, avec “Mon employeur” comme entité la plus fiable, car les relations les plus proches de nous nous semblent plus contrôlables. (...) C’est l’émergence du nouveau contrat entre employé et employeur que nous appelons la confiance au travail » a déclaré Richard Edelman, président-directeur général d'Edelman.

 

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