Les stories, format encore sous-exploité par les médias ?

Par Alexandre Bouniol et Barbara Chazelle, France Télévisions, MediaLab

Les stories ont envahi notre quotidien. En moyenne, ce sont 500 millions de personnes qui consomment quotidiennement des stories sur Instagram. Fort de cet engouement mondial, la plupart des médias s’en sont emparés, avec plus ou moins de force et de conviction. Lors des  rencontres francophones de la vidéo mobile la semaine dernière à Paris, l’heure était au bilan et au partage. Les Stories n’ont pas fini de faire parler d’elles…

Du « quick and dirty » de complément…

Pour les médias qui les ont adoptées, les stories ont désormais une place à part entière dans la production éditoriale. C’est ce que souligne David Botbol, directeur adjoint de la rédaction des sports de France Télévisions : « C’est une activité très intégrée dans ce que l’on fait tous les jours ».

Mais dans la plupart des cas, il s’agit plutôt d’une production de complément à l’activité « classique » des journalistes. Au Figaro, les journalistes publient une story chaque matin via leur application pour résumer l’ensemble des cinq informations à retenir en début de journée. Les créations graphiques sont simples et incitent au « swipe up » qui permet d’accéder à l’article dont il est question. Chez Libération, les Stories Instagram sont aussi principalement utilisées pour générer du trafic sur le site du journal via des images et du texte pour inciter les gens au swipe.

… à un format à part entière

Certains médias vont plus loin et mettent les moyens pour que le produit final soit le plus qualitatif possible, sur la forme et sur le fond via des reportages exclusifs.

On pourra citer le succès Stay Tuned, produit et diffusé par la NBC sur Snapchat Discover depuis juillet 2017. Fort de ses 35 millions de vues uniques par jour, le format s’est exporté depuis l’été dernier sur Instagram. 30 journalistes travaillent sur l’émission. The Guardian produit une émission hebdomadaire sur les fake news. Les Instagrammers choisissent le thème qu’ils souhaitent voir traiter et la journaliste y répond sous forme de story en utilisant diverses fonctionnalités du réseau social. Konbini News avec Hugo Clément produit des reportages exclusivement sous cette forme, de même, plus récemment, que L’instant module sur franceinfo

Un potentiel encore sous-exploité ?

Si l’on en croit Facebook, il faut s’attendre à ce que « les stories surpassent les fils d’actu comme premier moyen de partager des choses avec leurs amis ».

Leur potentiel est donc énorme et il reste encore beaucoup de choses à explorer et à améliorer.

Dans une logique de spontanéité, les stories sont souvent réalisées rapidement, avec peu de moyens, au smartphone, pouvant donner un résultat que Julien Pain, rédacteur en chef à franceinfo, qualifie de « quick and dirty ». En augmentant la qualité de l’image (notamment via des smartphones 4K) et en intégrant pleinement les codes de narration d’un écran vertical, il est possible d’obtenir une réalisation singulière, originale et très qualitative.

Si les formats « spontanés » produits rapidement sont appelés à durer, les productions plus abouties ont tout autant leur place. Ainsi, David Botbol, de france•tv sport, confie que la production de stories « coulisses », en parallèle de grands événements sportifs, sont soutenus par des motion designers.

Si faire une story semble facile au premier abord, il y a néanmoins un coup à prendre, sans parler du ton à avoir qui doit coller à une cible souvent plus jeune. Pour éviter les « erreurs de débutants » (comme le fait de se regarder filmer plutôt que de regarder l’objectif !), les rédactions commencent à institutionnaliser les formations. L’AFP fait figure d’exemple : l’agence a formé l’ensemble de ses journalistes répartis dans les 151 pays couverts par l’agence de presse. Cela leur a notamment permis de transmettre des images rapidement lors d’un tremblement de terre à Mexico en février 2018.

Enfin, dans le contexte de défiance envers les médias que l’on connaît, les stories peuvent permettre de renforcer la proximité avec le public. Bien qu’elles semblent être un outil très intéressant pour expliquer et mettre en lumière le processus de fabrication de l’information, cette utilisation est encore sous-exploitée.

 

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