Pour le CSA, la qualité de service de l'OTT peut encore progresser

Par Alexandre Bouniol, France Télévisions, MédiaLab

Le constat est sans appel : la consommation de contenus audiovisuels en Over The Top (OTT), c'est-à-dire directement depuis un navigateur ou une application, est rentré dans nos usages. « Au quatrième trimestre 2017, 46% des internautes de 15 ans et plus déclarent avoir regardé durant les 30 derniers jours la télévision sur un autre écran que le téléviseur ». Quel est l’état de l’OTT en France ? La qualité de visionnage est-elle satisfaisante au vue de l’utilisation qui en est faîte ? C’est à partir de ces interrogations que le CSA a décidé de mener cette étude sur le sujet. État des lieux de la distribution, accessibilité des contenus, qualité des services proposés, voici les principaux enseignements à retenir.

Distinguer l’OTT des autres méthodes de diffusion de la télévision

L'OTT concerne « un contenu, un service ou une application qui est accessible par les utilisateurs finaux sur l’internet ouvert ». C’est la méthode d’accès dont il est question. Elle s’effectue ici via « l’internet ouvert », c’est-à-dire sur « la bande passante du réseau internet fixe » sans intervention du fournisseur d’accès ou de l’opérateur. Contrairement à l’IPTV (la télévision par internet), qui est un « service géré » par les FAI qui ont le droit « d’appliquer des différences de gestion de trafic » dans le respect du principe de la neutralité du net. L’IPTV, à l’instar de la TNT, du câble ou du satellite, arrive directement sur le téléviseur ce qui n’est pas nécessairement le cas de l’OTT.

La différence majeure de l’OTT des autres méthodes de diffusion est liée au contrôle de la distribution du service. L’OTT est diffusé « selon le modèle dit du « best effort », c’est à dire que les opérateurs ont simplement une obligation de moyens de garantir la meilleur qualité possible en fonction de l’encombrement du réseau ». Il est fréquent que la qualité de diffusion ne soit pas optimale (ce qui est très rare pour les autres méthodes de diffusion). On parle d’adaptive streaming qui permet d’ajuster la qualité d’une vidéo selon les variations du débit. YouTube utilise cette fonctionnalité par exemple.

Les enjeux de l’OTT pour les acteurs de l’audiovisuel

« Les éditeurs ont depuis quelques années repensé leur modèle de distribution en combinant les services gérées et OTT, afin de s’adapter aux nouvelles pratiques des consommateurs ». L’autodistribution est l’un des principaux enjeux pour les éditeurs dans la mesure où ils sont maîtres des contenus qu’ils diffusent, des données qu’ils collectent (via les cookies) et des recettes qu’ils perçoivent, s’ils monétisent leur plateforme. L’autre avantage de l’OTT est de pouvoir élargir leur audience, principalement auprès des jeunes qui passent de moins en moins de temps devant un téléviseur.

Pour les ayants droits (des contenus), tout l’enjeu est « de trouver un équilibre entre autodistribution et distribution par les acteurs traditionnels » dans la mesure où leur profondeur de catalogue et leur portée sont limitées hormis les fédérations sportives.

Pour les fournisseurs d’accès à internet, deux enjeux principaux. En tant que distributeurs, ils ne sont plus des acteurs incontournables pour les éditeurs, comme ils ne sont plus maîtres de la diffusion en tant que tel. Ils doivent trouver de nouveaux leviers pour « retenir leurs abonnés et en capter de nouveaux », comme le fait d’investir dans les contenus par exemple. En tant qu’opérateurs de réseaux, ils doivent faire face à la vidéo qui va prendre une place croissante dans le trafic du net. Une des pistes envisagée, déjà employée dans l’IPTV, pourrait être « la monétisation du transport » pour participer au financement des infrastructures afin d’être en mesure de répondre aux critères d’exigences du règlement européen sur la gestion du trafic sur internet.

Une pluralité de services en OTT

On distingue deux principaux types de services en OTT :

    • Les services gratuits via « des sites internet ou applications des chaînes gratuites » mais aussi via des organes tiers (comme Molotov) ou des plateformes numériques (YouTube par exemple).
    • Les services payants via des applications et sites internet développés par des chaines payantes (Canal + par exemple) ou des services SVOD par les FAI ou les pureplayers.


Dans les deux cas, la diffusion peut être en direct ou au contraire délinéarisée pour la télévision de rattrapage. Ces services s’inscrivent dans le cadre de la « télévision connectée », c’est-à-dire la possibilité de regarder la télévision sur un autre écran que le téléviseur, via une méthode de diffusion différente (application ou site internet).

De nouveaux services vidéo émergent pour « proposer une consommation sédentaire, nomade et mobile à des utilisateurs de plus en plus connectés » tels que Netflix et YouTube Premium.

La frontière entre IPTV et OTT est plus fine que l’on ne pense, Netflix faisant « l’objet de contrats de distribution avec les FAI » et qui semble bénéficier d’une « gestion du trafic spécialisée ». Mais cela reste une exception ; les autres contenus de télévision de rattrapage « ne semblent pas bénéficier d’un traitement particulier ».

Comment améliorer la qualité des services en OTT ?

L’un des principaux enjeux de l’OTT par rapport à l’IPTV est qualitatif, comme il ne bénéficie pas de traitement de faveur (à part Netflix) par rapport aux autres méthodes de diffusion. Le rapport distingue quatre dimensions :

      • L’expérience visuelle (netteté de l’image)
      • L’expérience auditive (pureté et décalage du son par rapport à l’image)
      • Le temps d’accès aux contenus
      • Le flux de lecture

Le temps d’accès au contenu est l’aspect le plus sensible des quatre, notamment dans le cas de retransmission de contenu en direct.

Pour consommer des contenus en OTT, il est nécessaire d’avoir une certaine qualité de débit. Le niveau de débit est connu pour les contenus en IPTV (entre 4Mbits/s et 8 Mbits/s), mais ce n’est pas le cas de l’OTT. L’équipement et le nombre d’objets connectés peuvent également influer sur le débit. Le CSA fait cependant la distinction entre les contenus en direct et les contenus en différé :

En France, la répartition du très haut débit est très inégale. « La montée en débit a d’abord été effective là où les réseaux à haut débit offraient déjà une qualité de service élevée pour l’OTT ». D’autant plus que ceux pouvant y prétendre, très peu s’y raccordent. Le très haut débit n’est cependant pas nécessaire pour consommer du contenu OTT dans la mesure où « 70% de la population française dispose d’un débit suffisant pour accéder en OTT à des contenus en direct et environ 90% d’un débit suffisant pour accéder en OTT à des contenus non linéaires ».

L’amélioration de la qualité de service passe aussi par la gestion du trafic internet. Outre le peering largement utilisé, la solution de stockage (des données) à proximité de l’utilisateur pour fluidiser la diffusion semble prometteuse. On parle de Content Delivery Network. Cela permet de stocker à l’avance sur des serveurs locaux un grand nombre de  contenus permettant aux fournisseurs de garantir une meilleure qualité de diffusion, étant moins soumis aux aléas de congestion du réseau. Cependant ces installations sont très coûteuses que seuls Netflix et Google ont pu jusqu’à présent financer et proposer aux FAI et cette méthode n’est pas transposable pour les contenus en direct.

Après la gestion du réseau, son optimisation. L’optimisation consisterait à réduire le volume de la donnée pour faciliter son transport. Les derniers progrès effectués dans la compression des fichiers vidéo permettent de réduire jusqu’à 50% d’un fichier vidéo. Mais ces gains de compression sont « nuancés voir neutralisés par l’augmentation de la taille initiale des fichiers à compresser, du fait de l’amélioration de leur qualité d’image ». De la même manière, l’optimisation est plus facile à mettre en place sur les contenus délinéarisés que les contenus en direct. Instaurer une compression optimale  « en direct » peut mettre en péril la diffusion.

De nouveaux équipements pour améliorer le service

Comme évoqué plus haut, le téléviseur n’est plus le seul écran pour consommer des contenus. « Parmi les écrans alternatifs, l’ordinateur est le support le plus utilisé pour regarder des vidéos […] devant le téléphone mobile et la tablette ». Le rapport souligne que la qualité de l’équipement moyen actuel des français est « satisfaisante pour regarder des contenus en OTT ». Il fait même le pari que « les technologies les plus qualitatives aujourd’hui pourront être démocratisées au plus grand nombre demain ». Notamment le téléviseur connecté ou la smart TV, déjà implantée à hauteur de 30% dans les foyers français de métropole mais sous-exploitée dans son usage, l’IPTV étant encore la méthode de diffusion la plus utilisée par ces écrans. Le téléviseur connecté apparaît comme « un relais de croissance pour les services distribués en OTT ».

 

Pour aller plus loin :

 

Photode Une : rawpixel.com via Pexels