[News Xchange] Waleed Aly prône plus de diversité dans les rédactions

Par Laure Delmoly, France Télévisions, MediaLab

Un Australien sur quatre est issu de l’immigration et parle une autre langue que l’anglais chez lui. Pourtant, si vous regardez la télévision australienne, vous aurez tendance à croire que l’Australien est un “hipster blond” originaire de Sydney ou des alentours. Pour la vedette de télé australienne Waleed Aly  “il est grand temps d’avoir plus de diversité dans nos rédactions”. 

Diversité culturelle, mais surtout diversité des formations et des domaines d’expertise des journalistes. 

Interview de Méta-média lors de la conférence News Xchange 2019 à Paris.

Plus de diversité culturelle devant et derrière la caméra

Tout comme en politique, le métier de journaliste comprend une fonction de représentativité. Il faut donc un concentré de diversité dans les rédactions pour que celles-ci soient à l'image de l'Australie. Pour le journaliste d'origine égyptienne, le manque de diversité culturelle dans les médias reste encore un sujet. En 2016, lors de la cérémonie de remise de prix de la télévision australienne, Waleed Aly dédie son logie à "Dimitri, Mustafa et tous ceux qui ont des noms imprononçables comme Waleed" et provoque une vive polémique dans son pays.

Et Waleed Aly d'ajouter : "Lorsqu'on regarde la télévision australienne, il y a très peu de diversité à l'écran. En radio, on entend quelques accents. Dans la presse écrite, on peut trouver des noms difficilement prononçables. Moins le média est visuel, plus l'idée de diversité semble confortable."

Au lendemain des attentats de Christchurch, Waleed reçoit la Première ministre néo-zélandaise Jacinda Ardern dans son émission TV "The Project" et salue la réaction d'un pays comme la Nouvelle-Zélande à une telle attaque. La PM Jacinda Ardern avait décidé de porter un Hijab noir au lendemain des attentats en solidarité avec la communauté musulmane.

 

Des cursus divers et variés dans les rédactions

Pour Waleed, avocat de formation, le problème réside surtout dans le manque de diversité des cursus. “Aujourd’hui, les rédactions sont constituées de professionnels qui sont allés dans les mêmes écoles pour étudier les même choses. Ils sont en quelques sorte des clones les uns des autres.”

Si la professionnalisation du métier de journaliste permet une plus grande technicité audiovisuelle et numérique, elle va de pair avec une uniformisation. “Le regard sur la société de professionnels formés en finance, en droit et dans les métiers manuels est non seulement intéressant mais nécessaire”.

A cela s’ajoute les effets pervers d’un métier de plus en technique. Waleed dénonce le règne de l'“écriture minute” qui ne permet pas de voir émerger les sujets à temps.

“Si il n’y a pas de réelle querelle du type “il a dit, elle a répondu” - nous n’avons pas de matériau de reportage assez fort et nous ne traitons pas le sujet. Cela impacte fortement notre façon de faire du journalisme.” 

Comment remédier à cela ? La réponse est claire "Une plus grande prise de risque dans les processus de recrutement."

La diversité, un acte de légitimation de la profession

“Aujourd’hui, les gens sélectionnent ce qu’ils regardent et ce qu’ils lisent en fonction de leur identité” commente Waleed Aly

S’informer dans ces conditions n’est plus un acte d’engagement civique mais une expression d’individualisme. Pour l’éditorialiste et universitaire, le maintien d'une sphère publique inclusive est nécessaire pour permettre l'engagement civique.

"Si la sphère publique est exclusive. Si certaines personnes n'y sont plus représentées. Elles n'ont plus d'existence civique."

Assurer la diversité dans la profession constitue donc acte important de légitimation dans une période de défiance générale envers les médias.

Plaidoyer de Waleed Aly pour la diversité dans les médias (2017)

 

"Lorsque j'ai voulu évoquer la prison indonésienne de Kerobokan en tant que journaliste TV, voici la réaction que j'ai obtenu : si tu prononces le nom à l'indonésienne, les gens ne vont pas comprendre. Cette réponse n'était pas déraisonnable mais elle significative. On me demande de mal prononcer un nom pour me conformer à une façon de faire." 

Et Waleed d'ajouter, "Si il y avait davantage de journalistes d'origine indonésienne dans les rédactions news des médias australiens, cet épisode n'aurait jamais eu lieu"

Crédit photo : Ten Network Australia